Le Roi Albert et Ypres A Le Roi Albert est moit d'accident cette nui telle est la rumeur qui circulait a Ypres dès les premières heures dedimanche dernier. Et immédiatement, chacun a pu constater quelle place le délunt Roi occupait dans tous les coeuis quelle admiration les beiges avaient pout Lui. et combien c'était sur Lui que reposait l'espoir de tous les citoyens de voir se tésoudre pour le bien du pays les difficul- tés les plus graves de notre vie nationale. D'abord ce fut de la stupeur devant ce coup abominable du sort, puis de l'impatience de connaitre les moindres détails pour bien s'assurer sutout que c'était bien vrai, puis ce fdrent des conversations oü chacun expri mait li brement son admiration et ses regrets. On peut dire que pendant toute cette semaine, aucune conversation ne s'est engagée oü il ne fut question du Roi. Car Albert I n'était pas seulement un Roi, c'était un symbole vivant de timidité natu relle et d'intrépidffé, de modestie et de grandeur, de dignité Royale et de vertus domesiiques, de sport et de travail, de sacri fice pour le devoir et l'honneur. Ft c'est par la qu'Albert I est entré vivant dans la plus belle gloire qu'un conducteur de peuple ait jamais connu. II était connu, ad- miré, vénéré dans le monde entier aucune tache ne venait mettre la moindre réserve aux éloges qui montaient vers lui la médisance n'avait jamais en aucune faqon pu mordre sa réputation, et on peut dire, sans par la frois ser aucun prince ni aucun pays, que le roi Albert de Belgique était le personnage le plus populaire et le plus vénéré des temps moder- nes. II restera dans l'histoire du monde une des figures les plus marquantes, et la plus pure. Cet homme que nous avons tous connu si simple et si abordable, se considérait comme le père de ses sujets, n'agissait et ne vivait que pour son peuple, et n'a jamais cessé de travailler dans l'intérêt de la Belgique avec toutes les ressources que lui permettait d'y consacrer l'étendue par trop restreinte de son pouvoir constitutionnel. Ce serait répéter ce que tous nos lecteurs ont déja lu dans les journaux que de raconter les événements officiels de cette semaine dernière. Les investigations de la gendarmerie et du Parquet de Namur ont jeté une lumière com pléte sur les circonstances du décès du Roi Albert. Voici le rapport judiciaire sur ce pénible accident Sa Majesté se trouvait hier 17 février, a 3 h. 3o, a Boninne, accompagné de son valet de chambre, Théophile Van Uyck, ayant laissé Bon automobile, qu'il avait personne 11e- ment conduite, prés du bois de Marche les- Dames, en vue de faire l'exploration de cer tains rocheis des bords de la Meuse Sa Majesté partit seul vers le point d'escalade appelé Le Vieux Bon Dieu dominant la chapelle qui se trouve au bord de la ligne du chemin de fer de Liége a Namur. Le Roi avait fixé rendez vous a son valet de chambre vers 5 h. Van Oyck étant arrivé a l'endroit indiqué, attendit le Souverain pendant un certain temps et, ne le voyant pas venir, s'inquiéta et fit des recherches en multi pliant les appels. Ces recherches s'étant avé rées infructueuses et la nuit étant venue, Van Dyck se rendit vers 19 heures dans un café d'oü il téléphona a la gendarmerie de Namèche et avertit le Palais de Bruxelles. L'officier d'ordonnance du Roi, baron Jacques de Dixmude, le Dr Nolf et le comte Xavier de Giünne, président du Club alpin beige, se rendirent immédiatement sur les lieux en aute. Les recherches furent entreprises minu- tieusement et se poursuivirent, rendues trés difficiles par l'obscurité et l'abondance de broussailles. II fallait aussi tenir compte du fait que le Roi dans son projet devait procé der a l'escalade de plusieurs pointes success! venent. A 2 heures du matin, le commandant Jacques de Dixmude se prit le pied dans une corde qui trainait sur le sol et dont une extré mité attachée au corps de Sa Majesté, permit aux assistants de découvrir l'épouvantable réalité. Sa Majesté gisait sans vie, déja raidie dans la mort et portant au sommet du crane, une large et trés profonde blessure. Le corps de Sa Majesté fut immédiatement transporté jusqu'a la route et déposé dans une auto qui la ramena au Palais de Laeken. Le procureur du Roi de Namur a été prévenu a 3 h 40 du matin par le capitaine de gendarmerie de Namur et après avoir prévenu le juge d'instruction, les autorités judiciaires se sont rendues immédiatement sur les lieux. En s'aidant de lampes, elles ont pu retrou ver et jalonner la route suivie par le corps de Sa Majesté dans sa chute mortelle. Dès 8 heures du matin, aidées d'experts et assistées par le comte Xavier de Grünne, les autorités sont parvenues a préciser les circonstances du drame. Sa Majesté ayant fait l'ascension d'une pointe rocheuse est parvenue au sommet, oü demeurent, tiès visibles, les traces de son passage, s'est appuyée sur un gros bloc de pierre qui par son volume devait lui sembler absolument sur et bien fixé au rocher. Le bloc s'est détaché et a entrainé dans sa chute Sa Majesté qui est tombée. Le Roi a heurté au passage la paroi du rocher. C'est a cet endroit, oü l'on relevait ce matin des traces de sang, qui sa Majesté a requ le coup qui a déterminé la mort Rebondissant aussitót après le choc, le corps a dévalé la pente et s'est arrêté cin- quante mètres plus bas»semant sur son pas sage divers objets pince-nez, casquette, sac, courroies, qui ont été recueillis par la police judiciaire. Ces constatations jointes au rapport fait sur place par le comte da Grünne et l'expert du parquet permettent de reconstituer exac- tement les phases du tragique accident. Chacun sait que le Roi Albert était un spor- tif et un alpiniste accompli, ainsi d'ailleurs que tous les membres de la familie Royale. N'est-il pas vraiment frappant qu'après avoir accompli si souvent de longues et de fatigan- tes ascensions dans les régione les plus mon tagneuses de la Suisse, le Roi ait pu trouver la mort la plus imprévue dans la simple esca lade d'un monticule des bords de la Meuse C'était un homroe sans cesse occupé dès que ses devoirs de Roi lui laissaient un instant de répit, il se reposait de cette fatigue la par un exercice physique. Les escapades, sem- blables a celle qui fut sa dernière, étaient innombrables, et personne a la Cour ne s'en étonnait. C'était sa condition de vie, il lui fallait cela pour sa santé du grand air et de l'exercice physique. Voila bien a nouveau réal sée la vérité de ce que dit le fabuliste ..Aux grands périls tel a pu se soustraire Qui périt pour la moindre affaire Cette mort inattendue, sur venue dans l'exercice d'un sport en plein air qui exige la robustesse et la santé du corps jointe a l'éner- gie de la volonté, ajoutera encore une auréole mystérieuse a une destinée déja noble et glo- rieuse. Albert I est entré dans l'histoire, il entrera plus tard, c'est sur, dans la légende. Nous ne rappellerons pas ce que fut la vie politique de notre défunt Roi. Les pouvoirs restreints assignés a la Royauté par la consti tution beige, n'ont jamais permis a Léopold I, ni a Léopold II, ni au Roi Albert, de donner la pleine mesure de leur intelligence. Mais ce qu'on sait, c'est que tous les trois ont su en tirer tout le profit possible dans l'intérêt du pays. Ce qu'on sait, c'est que leur prestige et leur influence effective sur les^gouvernants responsables grandissaient de plus en plus. Rien que dans le cours de cette dernière an- née, le Roi Albert n'a-t il pas dénoué, a deux reprises différentes, par une simple objurga tion, deux crises politiquesen apparence inex tricables, et ainsi rendu le calme au pays qui semblait arrivé a la veille d'une catastrophe Albert I, son oncle et son grand'père, par- laient peu, et notre Constitution ne leur per mettait d'ailleurs pas dese produire beaucoup. Mais quand ils pouvaient le faire, ils le fai saient bien. Ypres et la Région dévastée ont toujours, depuis la guerre, beaucoup préoccupé le Roi qui fit toujours tout son possible pour nous aider. II nous semble que c'est un devoir pour nous de rendre un dernier hommage au Roi Albert en rappelant ici un événement histori- que qui eüt une influence décisive sur la destinée de notre arrondissement. C'était en 1919, 1920 et 1921. Tout était a refaire, mais en ce qui concer- nait la remise en état des terres, l'application du système Renkin donnait un formidable coup d'épaule au travail de nivellement. Malheureusement, une question restait angoissante, et, après un an de travail ingrat suivant les 5 ans d'f xil, nous nous demandions- tous, au front, si nous ne serions pas défioiti vement sacrifiés et trahis par le gouverne ment lui-même. II ne suffisait pas de ni veler les terres. il fallait de toute nécessité se con- struire vite des maisons. La vie dans les baraques du Fonds Albert était une chose provisoire, supportable seulem nt pour autant qu'on soit autorisé a reconstruire les villages ou les villes. Or, depuis plus d'un an, cette autorisation ne venait pas On se demandait si elle vien- drait jamais I Les autoiités communales, revenues en majeure partie habiter des huttes sur l'empldcement des ander s agglomé és, avaient décidé de reconstruire leurs villages- et leurs villes sur les emplacements d'avant guerre, avec les maisons et les rues de jadis. N'était ce pas naturel Mais, a Bruxelles, la cohorte des architec- tes urbanistes et rêveurs avait entrevu la possibilité de réaliser des plans de reconstruc tions, superbes d'après eux. Ainsi a Ypres, d'après les uns, la ville em ruines devait rester en ruines et la nouvelle ville devait être reconstruite en dehors l? D'après d'autres, il fallait donner aux villages un aspect tout-a fait différent, déplacer les rues et les Eglises, créer des plaines sportives, faire des agglomérations de chalets suisses ou norvégiens. A Ypres, il fallait reculer de 3o mètres le cöté Sud de la Grand'Place, laisser continuer a couler a ciel ouvert, avec ci et la des débris de voütes, les eaux de ve nues cristallines de l'Yperlée le long de laf Place Vandenpeereboom, et y faire nager de& cygnes et cette immense plaine vide serait convertie en verte prairie oü règnerait a jamais, tout autour des ruines de St-Martin et des Halles, un solennel et religieux silence P Ah, cette zóne du silence Cependant le conseil communal d'Ypres, comme tous les autres conseils communaux, avait décidé de reconstruire la ville sur le plan d'avant guerre sans y apporter d'autre chan gement que l'élargissement indispensable de certaines rues a leur débouché sur la Grand* Place. Et on était arrivé a un point mort Aucune autorisation de batir n'arrivait de Bruxelles. Les architectes de Bruxelles avaient l'oreille de M. Renkin, le ministre dirigeant d'alors. Ces gens la savaient tous, beaucoup mieux que nous, comment et oü nous devions recon struire nos demeures Un meeting monstre, oü avaient défilé dans les décombres d'Ypres les 25 000 habitants déja revenus sur le front, avait surexcité les- esprits et averti B.uxelles de la gravité de la. situation. Puis un fait était connu céja. La commune de Vlamertinghe devait aussi être chambardée^ a la Bruxelloise. Mais le bourgmestre d'alors,, M. le notaire Vandelanoitte, avait eu l'ini— tiative hardie d'aller en personne réclamer Bruxelles, et d'y déclarer bien haut que si les habitants de Vlamertinghe ne pouvaient pas rebatir leur village tel qu'il était jadis, il don- nerait sa démission, et quitterait le pays, sur qu'il était qu'aucun de ses administiés ne resterait ici et qu'ds repartiraient tous pour 1». France hospitalière d'011 ils étaient venus. Son langage ferme avait fait impression, et il était revenu de Bruxelles avec l'approbatio» du plan communal. Et tandis que partout ailleurs dans l'arrondissement aucune maison de village ne se reconstruisait, chacun pouvait voir surgir de terre les maisons des heureux Vlamertinghois. A Ypres, la diplomatie de M. Colaert n'avait eu aucun succès. II y avait alors en ville trois maisons, celle de M. Cyrille Van Nieuwenhuyse sur la Grand'Place, celle de M. Henri Vanlerberghe rue de Stuers, une autre rue Carton, et toutes trois étaient mena- cées de redémolition paree que baties sans approbation préalable du plan. Telle était la déplorable situation a Ypres- et dans l'arrondissement en mars 1920. C'est alors que la Fédération des Sinistrés,. dont les réunions mensuelles étaient toujours- suivies par plusieurs centaines de sinistrés, décida d'en finir et de recourir directement au Roi. Une audience fut sollicitée et accordée. Elle eüt lieu le samedi 20 mars 1920, a 11 h% au palais de Bruxelles. La délégation com- prenait dix concitoyens d'Ypres qui furent présentés a sa Majesté par le Sénateur M. Bruneel. M. Renkin, premier ministre, était;

HISTORISCHE KRANTEN

Het Ypersch nieuws (1929-1971) | 1934 | | pagina 4