FL. VANDEVOORDE
La défense du Franc
Le Maitre - Fourreur
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collection de Pékans, des RENARDS ARGENTÉS
et BLEUS naturels depuis le prix inoui de 950 Fr.
Profitez en tant qu'il y a du choix 1
Certains cercles beiges se sont laissés dans ces
derniers temps entraïner par des bruits tendan-
cieux concernant la solidité de notre franc
beige. Quelques uns même ont été vraiment pris
de panique a la perspective d'une inflation pos
sible.
Ces craintes n'ont pas de fondement. Le franc
beige est aussi solide que le franc francais, et
une inflation ne constituerait d'autre part aucun
remède a la crise actuelle, qui est une crise qui
frappe lé monde entier.
Nous ne pouvons mieux faire que de repro
duce le discours prohoncé Dimanche dernier
par M. du Bus de Warnaffe, ministre des trans
ports, au Cercle Catholique de Tournai. Pour
le moment, le ministère Theunis est, il est vrai,
démissionnaire, mais les principes énoncés par
M. du Bus de Warnaffe n'en restent pas moins
inattaquables.
Voici done ce discours que nous extrayons de
-«La Libre Belgique du 18 courant.
Le Discours du Ministre des Transports
Après s'être gaussé des utopistes qui rêvent,
a l'aide d'un Plan, de conduire les hommes vers
le royaume d'Utopie, le Ministre combat le dé
faitisme d'une autre partie de notre peuple. Dé
faitisme mortel, dit-il, qui compromet, avec ceux
qui s'y abandonnent, ceux qui restent résolus a
lutter quand même, paree qu'il paralyse leur
action et aggrave ainsi le mal dont on se lamente.
Mais il y a surtout beaucoup de malheureux,
ceux qui, privés de leur travail, manquent du
nécessaire. Pour la grande majorité des Beiges,
la question du jour est celle de la subsistance.
Et le Ministre va exposer les données de eet
important problème
Le Problème de la Subsistance
La vie économique est une série d'échanges. L'homme
se procure son pain contre l'argent, rémunération d'un
travail qui transforme la matière en article semi-fini
ou fini pour compte du vendeur de ce produit. Dans
nn pays transformateur et exportateur comme le nötre,
le vendeur du produit le fagonne pour le livrer a
l'acheteur étranger qui l'écoulera parmi les consomma-
teurs de chez lui.
Si le consommateur étranger achète moins ou n'a-
chète plus paree qu'il restreint ou supprime ses dépen
ses non indispensablessi le grossiste étranger ne
commande plus paree que son Gouvernement protégé
l'industrie nationale et proscrit ou contingente les
produits du dehors, le producteur beige perd des com-
mandes et du même coup doit ralentir la marche de
sou usinefaute de, matière a transformer, les ouvriers
n'ont plus de travailfaute de travail ils ne touchent
pas de salaire et sans argent ils n'ont plus de pain.
Mais, en outre, leur sort individuel a des répercus-
sions sur le marché intérieur, car les chómeurs ne
sont plus que des consommateurs trés réduits, qui
diminuent d'autant les capacités d'écoulement de la
manufacture indigène sur place. Ce resserrement du
marché intérieur, s'ajoutant a celui des marchés étran-
gers, étrangle la production nationale et provoque du
chömage supplémentaire. Si bien qu'en cercles con-
centriques le mal s'aggrave pour frapper un jour
toute l'économie et tous les ménages du pays.
C'est a ce dernier stade que nous en sommes. Non
seulement nous ne pouvons plus laisser empirer la
situation, mais il est plus qu'urgent de desserrer l'étau
qui nous étouffe. C'est le problème dont les données
sont identiques pour le travailleur individuel et pour
l'économie générale, en vertu d'une loi de solidarité
dont la vérité est aveuglante.
D importe done de rechercher comment on
pourra ranimer l'activité économique. Pas de
reprise artificielle, dit le Ministre. II faut faire
oeuvre sage et réfléchie, et pour cela se rendre
compte des difficultés qui surgissent au seuil
d'une telle entreprise. II faut être réalistes.
Et le Ministre cite les divers obstaclescon
currence du dehors barrières douanières et con-
tingentements les changes la carence de cer
tains débiteurs.
II y a aussi des obstacles intérieurs la charge
des indemnités de chómage (475 millions au
budget ordinaire) la thésaurisation, qui aboutit
a la véritable déflationle taux des intéréts de
la rente.
Que peut faire le Gouvernement et qu'a-t-il
fait devant ces différents obstacles
Les Traités Commerciaux
Dans le premier ordre de choses, la solution est la
conclusion de traités commerciaux favorables, assu-
rant a nos produits des débouchés faciles dans un
pays étranger.
Mais la conclusion d'un tel traité exige les conditions
de réalisation de tout accord et dont la première et la
principale est l'agrément des deux contractants, en
('occurrence de deux nations. Ces nations elles-mêmes,
si elles représentent une entité économique sur le
plan international, constituent chacune ün agglomérat
d'économies variées et aux intéréts souvent contradic-
toires sur le plan national.
Un traité commercial représente done, au total, la
somme des concessions réciproques de deux nations,
après conciliation des intéréts divergents au sein de
chacune d'elles. On imagine dès lors la complexité du
problème et les difficultés de sa solution.
Prenons un exemplenous désirons des déchouchés
plus larges pour nos produits manufacturés dans un
pays agricolece pays n'ouvrira pas ses frontières a
nos produits sans une contrepartie car en matière com-
merciale on donne pour recevoir, et l'opération se
solde en échanges.
En l'espèce, le pays oil nous désirons importer de-
mandera que nous lui consentions des facilités d'en-
trée pour son bétail, son beurre ou son blé, facilités
que nous pouvons théoriquement lui offrir en abais-
sant nos droits et en élargissant nos contingentements.
Mais quel sera l'effet d'une importation massive de
produits agricoles Ce sera, devant l'abondance de
l'offre, la chute des prix de ces produits, et des pro
duits analogues fournis par notre agriculture. C'est-
a-dire que le cultivateur, chez nous, verra se dépré-
cier le fruit de son travail et sera peut-être contraint
de produire a perte, pour son propre dommage, pour
celui du propriétaire auquel il doit le fermage, et
pour celui du commergant dont il est le cliënt.
Aussi advient-il une réaction normaledevant des
propositions trop libérales en faveur des produits
étrangers, l'agriculture nationale s'insurge. La dis
cussion s'ouvre avec l'industrie et le Gouvernement doit
arbitrer. Mais dans la mesure même oü le pays étran
ger se voit diminuer les possibilités d'écoulement de
son bétail, de son beurre ou de son blé chez nous, il
restreint l'entrée de nos produits industriels chez lui.
Tout traité de commerce est un compromis délicat.
Le plus caractéristique de ceux que le Gouvernement
ait conclus est celui qui a été signé avec les Etats-
Unis. Car en dehors de ses modalités particulières il
marque un revirement de la politique commerciale
américaine dans un sens plus libéralil permet de
voir une première brèche dans le système protection-
niste qui est une des grandes causes de la paralysie
de nos affaires.
Succès réel et de bon augure pour l'avenir.
La Concurrence du dehors
Aucun pays ne peut se passer de l'étrangeraucun
pays non plus ne peut prétendre au monopole de four-
nisseur des pays du monde oü les conditions douanières
permettent encore de s'introduire assez librement.
Sur les marchés extérieurs nous sommes en concur
rence avec le reste de l'univers industriel. C'est plus
qu'une concurrencec'est une lutte oü le triomphe
n'est pas conditionné par le nombre ou la force, mais
par la qualité et le prix.
Peut arriver a écouler ses produits dans ces pays,
quiconque les y peut livrer aux prix les plus bas. II y
a plusieurs manières de livrer a bas prix a l'étranger
en faisant du dumping; en obtenant des primes a
l'exportation moyens-aEtifieiels. Ou bien, plus simple-
ment mais plus difficiïement, en produisant a bon
marché. Pour tout pays exportateur le problème de
la production a bon marché, c'est-a-dire le problème
du prix de revient, est en grande partie un problème
d'ordre et d'organisatiön intérieurs.
Quels sont les éléments du prix de revient Le coüt
des matières premières, les frais de transport, les
charges fixes (impóts et intéréts) et les salaires. Ce
sont ces deux derniers éléments dont l'industrie doit
pouvoir assouplir les charges, dans le cadre de l'éco
nomie générale du pays. Mais eet assouplissement n'est
possible que si la politique économique du pays permet
un abaissement du coüt de la vie. Ce dernier problème
est lié a celui du prix 'dei revient;
i ayi
La Deflation
Quelle est, a éet égard,' Taction du Gouverne
ment
On a dit et Tonirépètè 4U? le Gouvernement
a entrepris une politique de déflation. Ce n'est
pas rigoureusement ex'óèt, declare le Ministre
(Y
Au contraire, it y a mis du crédit a la disposition
de ceux qui en méritent. Ce qui est vrai, c'est que le
Gouvernement, dans la sphière de son domaine et de
son action, a poursuivi une politique d'ajustement des
dépenses de l'Etat, aux possibilités budgétaires, ou en
d'autres termes, aux capacités contributives des ci-
toyens.
Les particuliers, depuis longtemps, ónt été obligés
de réduire leurs dépensesl'Etat a été le dernier a le
faire. A eet égard, le Gouvernement actuel n'a fait
que poursuivre la politique des Gouvernements pré-
cédents, la seule sage car en dehors d'elle il n'est que
déséquilibre budgétaire et ruine du crédit.
La voie du réajustemént est une voie pénible elle
exige une sévère discipline et suppose une diminution
importante des budgets des pouvoirs publics, des entre-
prises industrielies et commerciales et des particuliers.
D'autre part, elle postule une baisse du coüt de la
vie qui maintienne aux francs, diminués en nombre,
un même volume de pouvoir d'achat ou une equiva
lence de marchandises. C'est cette équation surtout
qui importe.
Ce fut le souci, et c'est le devoir du Gouvernement
d'assurer dans toute la mesure possible en un domaine
si délicat, un rapport suffisant entre le taux des remu
nerations et la satisfaction des besoins normaux de
l'existence.
M. du Bus de Warnaffe confirme alors ce que
certains de ses collègues du gouvernement ont
déja dit ailleurs, qu'il ne serait plus procédé a
aucune réduction de rémunérations a charge de
l'Etat.
La Dévaluation
Parlant ensuite de la dévaluation, l'orateur
entre dans force détails
La dévaluation, dit-il, c'est la dépréciation délibérée
de ce qui reste du franc a 14 centimes. On entend dire
si l'on dévaluait le franc actuel de 20, 25 ou 40 p. c.,
ce serait la redemption. Le franc a 11,2, a 10,5 ou a
8.4 centimes, ce seraient les prix de revient abaissés
de 20, 25 ou 40 pour centce serait une facilité de
concurrence énorme pour nos fabricants a l'étranger
ce serait la reprise de nos activités industrielies et
commercialesce serait la resorption du chómage.
Ce serait avant tout une chose certaine et trés
brutale, a supposer une dévaluation de 25 p. c., ce
serait la perte du quart des intéréts et du quart du
capital des épargnants beiges.
Que représente l'épargne beige
33.950 millions de dette intérieure et de dotations
9.990 millions de dettes provinciales et communale»;
8.510 millions a la caisse d'épargne et de retraite
20.000 millions de dépots en banque.
Soit au total 72.450 millions dont la dévaluation de
25 p. c. représenterait du jour au lendemain, une perte
de capital de 18 milliards au préjudice de l'épargne,
c'est-a-dire en grande partie du produit accumulé du
travail.
Une dévaluation de 25 p. c., c'est la livre a 125, le
franc frangais a- 175 francs, et le Belga a 50 centimes.
C'est la réédition volontaire, et comme réédition
et comme volontaire, beaucoup plus grave, de l'ex-
périence forcée de 1926, et dans des conditions écono-
miques générales infiniment moins favorables.
C'est aussi la hausse du coüt de la vie. Que sést-il
passé en 1926 La courbe de l'index des prix de détail
intérieurs entre mars et décembre est éloquente a eet
égard.
Le pain a haussé de 59 p. c.,les pommes de terre
d'autantle beurre de 36 p. c.le sucre de 71 p. c.
la margarine de 57 p. c.la bière de 58 p. c.la farine
de 70 p. c.le charbon tout venant de 93 p. c. L'index
général a passé de 521 a 741, soit une hausse de 220
points ou 42 p. c.
A la simple constatation des conséquences de lat
dévaluation en 1926, il ne fait aucun doute que le coüt
de la vie hausserait. La vie renchérissant, la question,
se pose tous les Beiges sont-ils assurés d'une augmen
tation de ressources proportionnelle a l'aggravation
de leurs charges vitales Que fera le porteur de
rentes, le créancier hypothécaire avec son nombre
inchangé de francs h 11,2 centimes pour acheter son
pain fait de blé en hausse, son linge fait de coton en
hausse, son veston fait de laine en hausse II achètera
moins, on produira moins, et c'est ainsi que serait
résolu le problème du chómage
Au point de vue industriel, les prix de revient
seraient-ils réduits de 25 p. c. comme on le laisse entre-
voir Nullement, paree que d'une part les matières
premières achetées en devises étrangères subiraient
une hausse proportionnelle a la dépréciation du nou
veau francles salaires s'ajusteraient a l'index en
proportion de la hausse du coüt de la vie, ce qui
revient a dire que deux des charges les plus impor-
tantes de l'industrie seraient vite amenées leur
niveau relatif antérieur ce qui, entre autres consé
quences, réduirait d'autant la marge escomptée pour
battre sur les marchés internationaux la concurrence
du dehors.
Mais s'imagine-t-on que même si cette marge restait
substantielle l'étranger ne se défendrait pas par le
moyen facile dont il dispose par l'élévation de ses
tarifs et la rigueur de ses contingentements L'accord,
récent conclu avec les Etats-Unis prévoit une clause
de résiliation basée sur un décalage des changes a
quoi servirait, dès lors, de l'avoir péniblement obtenu
si c'est pour en perdre aussitót le.bénéfice
Au point de vue de l'Etat et de son budget, il y
aurait certes" allègement du service' de la dette- inté
rieure mais eet allègement serait compensé par Ie
poids plus lourd de la charge de la détte extérieure.
Bénéficenéant. Par ailleurs, le barème mobile des
traitements et salaires ne tarderait pas a jouer, et
les dépenses de personnel de l'Etat gonfleraient du
même coup, ainsi que les pensions d'invalidité. Et'
l'équilibre budgétaire deviendrait un mythe.
II ressort de l'expérience polonaise la conclusion,
que le chemin de la déflation est susceptible de con
duire au relèvementce chemin, comme on l'a dit, est
le plus honnête et le plus sür», a condition d'être'
suivi sans défaillance. C'est au pays a savoir s'il a le
courage d'y cheminer jusqu'au bout, poqr éviter une
solution plus dure et ne pas être condamné a une
perte de sa substance. Dans la bataille pour le franc
le Gouvernement, en première ligne, est décidé a lutter
jusqu'a la dernière cartouche il demande seulement
que l'arrière, lui aussi, tienne.
L'orateur examine ensuite quel serait le sort
de notre franc, si nous nous rattachions a la livre;
Nous rattacher a la livre, c'est lier le sort du franc
a une monnaie dont nous ne sommes pas les maitres,
et dont les destinées dépendent de la lutte qui la met
aux prises avec le dollar. Les Etats-Unis voudraient
le dollar a la parité 5 par rapport a la livre l'Angle-
terre, au contraire, le voudrait a la parité 4.50. Cec
dix pour cent d'écart constituent l'enjeu du conflit
dont nous sommes peut-être spectateurs, mais dont
nous pourrions être doublement victimes si nous met-
tions le doigt entre l'arbre et l'écorce.
Après avoir souligné une fois de plus le carac-
tère utopique du plan du travail, le Ministre fait
appel a la patience et au courage du peuple
beige.
Les faits, conclut-il, sont plus forts que les
hommes et nous ne les plierons pas a nos con
ceptions c'est notre mentalité qui doit se sou-
mettre a leur évidencec'est notre vie elle-
même qui doit se conformer a leurs exigences.
Les Beiges doivent avoir la sagesse de se restrein-
dre a la mesure de leurs moyens diminués. A ce
prix-la seul ils peuvent entretenir l'espérance
de temps meilleurs.