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Aussi, quand les jours heureux ont lui de nouveau
pour nous et pour nos cites, nous nous, sommes- sou-
venus. Je garde, comme tous mes camarades, anciens
combattants du Touquet-Paris-Plage, le souvenir ému
de la visite que nous avons faite a Ypres ressuscitée
au cours d'un pèlerinage que nous faisions sur les
champs de bataille beiges. Vous nous avez fait l'hon-
neur de nous accueillir dans votre maison commune,
et M. le Bourgmestre d'Ypres nous adressa des paroles
empreintes de la plus grande cordialité. J'avais eu
moi-même l'honneur de le remercier au nom de mes
camarades, et aujourd'hui, par un concours imprévu
de circonstances, je vous accueille au nom de notre
cite, de toute notre population.
Oui, nous nous sommes souvenus de nos com
pagnons d'infortune. Notre station a repris son essor
interrompu brutalement en 1914. Nous nous efforgons,
chacun avec nos qualités, de la replacer au sommet.
Ambition téméraire peut-être mais bien légitime. Nous
poursuivons un plan d'urbanisme, créons des avenues,
des pares. Dénommer ces réalisations matérielies c'est
leur donner une ame, c'est leur donner la vie. Les
noms des avenues, des jardins, des pares, c'est l'his-
toire d'une ville. Comment aurions-nous pu oublier la
phase la plus douloureuse, la plus tragique de notre
histoire locale, et comment aurions-nous pu la mieux
rappeler qu'en donnant a notre plus vaste jardin le
nom de la Ville dont les habitants ont souffert prés
des nötres, ont espéré prés des nótres pendant 4 ans,
et ont brülé d'enthousiasme prés des nötres le jour de
l'armistice, qui vous rendait a votre pays et nous
garantissait le nötre. Comment aurions-nous pu ne pas
appeler Jardin d'Ypres un de nos jardins, ne fut-ce
que pour rappeler que dans le petit cimetière commu
nal, oü l'homme se recueille, écoute les voix des morts
pour inspirer ses actes, que dans ce petit cimetière oü
nous avons accompli ce matin un pieux pèlerinage,
bien des vötres dorment prés des nötres.
Oui, nos deux villes ont été trop intimement liées dans
leurs souvenirs, dans leur expérience, dans leurs souf-
frances. Ce nom que nous lirons sur la dalle, ce nom
qui résonnera a nos oreilles, ce nom qui se retrouvera
écrit sur nos registres administratifs, ne fera que fixer
une date inoubliable de notre histoire commune.
En inaugurant aujourd'hui le Jardin d'Yores, la
Ville du Touquet-Paris-Plage a voulu peroétuer les
heures tragiques pendant lesquelles Ypres et le Touquet-
Paris-Plage, la Belgique et la France partagèrent leurs
peines et leur gloife et défendirent ensemble dans le
méme camp leur honneur et leurs libertés.
Nous avons voulu aussi affirmer notre foi dans
l'avenir de notre union, de la solidarité de nos deux
villes et de nos deux nations, et exprimer le vceu que
sur le champ de bataille économique, bataille aussi
meurtrière peut-être que les autres, nous puisions
dans notre amitié les raisons de nous mieux compren-
dre, de nous mieux entr'aider pour nous mieux sauver
ensemble. Nous avons voulu ici affirmer par notre
geste l'espoir que notre entente nous prévaudra contre
les malheurs horribles que nous n'avons jamais voulus,
que nous avons subis et dont nous voulons éviter le
retour de tout notre cceur, de toutes nos forces morales
et matérielles.
En découvrant cette dalle et en déclarant que dé-
sormais ce jardin sera le Jardin d'Ypres j'adresse
le salut du Touquet-Paris-Plage a Leurs Majestés le
Roi et la Reine des Beiges, a la Ville d'Ypres, a la
Belgique.
La plaque, encore recouverte des couleurs na-
tionales beiges, est dévoilée et une vibrante
Brabangonnfe exécutée par l'Harmonie Muni
cipale du Touquet, accueille la fin de ce discours.
Dans la pierre, placée a l'entrée du jardin, et
qui doit immortaliser l'amitié que par suite des
circonstances, se sont vouée, l'une a l'autre, -deux
villes, on peut lire l'inscription suivante Jardin
d'Ypres - Souvenir d'une époque de vie commune
1914-1918
On entend ensuite M. C. Savaëte, président de
l'Union Franco-Beige du Boulonnais.
Monsieur le Maire,
Mesdames, Messieurs,
Au nom de l'Union Franco-Beige du Boulonnais
je remercie la Municipalité de Paris-Plage de sa déli
cate attention a notre égard
C'est avec empressement que nous avons accepté
d'assister a cette belle manifestation d'amitié Franco-
Beige.
Je suis particulièrement heureux de démontrer a
des compatriotes comment sont traités les Beiges dans
cette France aussi généreuse qu'hospitalière
TousIndustriels, commergants et ouvriers trou-
vons auprès des administrations civiles et des autorités
Frangaises la plus grande bienveillance pour aplanir
tous differends.
Mes chers compatriotes les Beiges de France vous
demandent, a votre retour dans notre patrie, de propa-
ger en toutes circonstances l'amitié Frangaise, si loyale
si franchesi profondément sincère et jamais démentie.
Soyons des messagers d'union, de concorde et de
paix et travaillons toujours a rendre plus vivaces et
plus solides les liens Franco-Beiges, et nous réaliserons
ainsi la maxime l'Union fait la force
M. le Bourgmestre Vanderghote prononce en-
suite le discours suivant
Monsieur le Maire,
Vous venez en termes éloquents de célébrer le sou
venir de la communauté de destinée de la France et
la Belgique, pendant les années 1914-1918. Intimement
associés a la même Fortune pour le trioniphe du même
idéal de Liberté et de Paix, nos pays ont en effet,
pendant ces années douloureuses, tressailli a l'écho
des mêmes revers et déceptions, pleuré les mêmes
victimes, célébré les mêmes succès, fêté la même vic-
toire. Ce souvenir a forgé entre le peuple frangais et
le peuple beige des liens d'amitié inaltérables.
A cette occasion vous avez eu, Monsieur le Maire,
pour la Belgique des paroles marquées au coin de la
générosité et de la sympathie. II est de mon devoir
de vous en exprimer, au nom de mes compatriotes,
toute ma reconnaissance.
Monsieur le Maire,
Messieurs les Adjoints et Conseillers Municipaux,
Pour perpétuer dans les annales de votre Cité le
souvenir de la vie commune que pendant la guerre
prés de mille réfugiés Yprois ont partagé avec vos
concitoyens, vous avez daigné donner a ce jardin
magnifique le nom de notre ville.
Est-il besoin, Messieurs, de vous dire les sentiments-
qui nous animent La présence a l'inauguration du
Square d'Ypresdu Collége Echevinal, la présence
des délégations de notre Conseil Communal, de nos
associations d'anciens combattants et de nos sociétés
locales, de notre phalange Ypriana de cette foule
d'Yprois enfin qui, en deux longues et enthousiastes
caravanes, sont venus joindre a notre hommage offi-
ciel le salut cordial de notre population, vous dira de
fagon plus éloquente et plus pertinemment que le
meilleur discours la joie, l'émotion et la fierté avec
lesquelles nous avons salué votre initiative et apprécié
l'hommage qu'elle impliquait.
Aussi suis-je heureux de pouvoir, a la tête de cette
importante délégation d'Ypres, présider a cette inou
bliable cérémonie.
Nous célébrons, en effet. une fête d'une rare
qualité, la fête de l'amitié entre nos deux villes. II y
a a peine quelques vingt ans elles s'ignoraient encore
normalement leurs destinées ne semblaient pas devoir
se rencontrer et néanmoins aujourd'hui elles se trou-
vent unies par les liens d'une fidéle amitié, dont l'inau
guration du «Square d'Ypres» est la consécration
solennelle.
Le nom d'Ypres, ce simple nom planté en terre
étrangère, au milieu de ce pare magnifique, au centre
de votre station a reputation mondiale, dégage pour
nous une signification lourde d'émotion. II évoque en
son sobre laconisme, en un raccourci saisissant, en une
puissante synthèse, cette merveilleuse page d'histoire
qui vit Frangais, Anglais et Beiges, sous nos remparts
a a -
w wg
Le maire de Paris-Plage et le bourgmestre
d'Ypres, entourant la pierre portant l'inscription
«Jardin d'Ypres».
Vauban, partager la même peine et la même gloire
et sur le souvenir de ce passé commun, batir, de leurs
mains lasses de se battre et lourdes de sang, le Temple
de 1'Amitié.
Si ces souvenirs de guerre permettent d'évoquer
l'apothéose cruelle qui, en 1914, couronna la tragique
épopée d'Ypres a travers les siècles de son histoire,
ils nous permettent en revanche de dresser en face
du tableau décevant de nos ruines matérielles et
morales, le souvenir réconfortant des sentiments de
solidarité, de générosité et d'affection avec lesquels,
en ces jours de détresse, la Municipaiité et la popula
tion du Touquet-Paris-Plage ont recueilli sur les che-
mins de l'exil et accueilli a leur foyer les réfugiés
Yprois.
Pendant de longs mois, grace a cette générosité,
grace a eet accueil affectueux, prés de mille de nos
réfugiés ont pü jouir ici d'une retraite paisible. Et si
les charmes mouvants de la mer et les splendeurs sans
cesse renouvelées de votre forêt ont pü chasser de leurs
ames et de leurs yeux les images d'épouvante et les
affres dont ils s'étaient remplis, nous n'oublions pas
que pendant ces mêmes mois, ces mêmes années, en
ces mêmes maisons, des mères d'Ypres ont, en de mor
telles veilles avec les mères frangaises, tremblé et prié
pour leur gars.
Nous n'oublions pas qu'a Touquet - Paris - Plage
beaucoup des nötres sont morts sans avoir revu leur
orgueilleux Beffroi et leur Cité dévastéequ'ils repo
sent cöte a cöte avec les vötres en cette terre amie
qu'ils y sont l'objet du même culte fidéle que les enfants
du pays.
Messieurs,
Votre Municipalité ne s'est d'ailleurs pas bornée
ce devoir d'humanité elle a recueilli la ville d'Ypres
comme une soeur recueille une sceur en détresse.
Grace a son bienveillant concours, la Ville d'Ypres,
qui avait installé en votre ville les services de son ad
ministration, a pü, dés Septembre 1915, rouvrir son
École Moyenne de l'État et dans l'église désaffectée
de Paris-Plage installer une école communale pour
filles et mettre a l'abri les trésors de sa bibliothèque
publique.
Enfin le 23 Février 1919, quand le long cauchemar
eüt pris fin, quand des confins de l'Alsace aux Cötes
de la Manche les drapeaux claquant au vent et les
cloches des Beffrois eurent chanté la délivrance, le
Conseil Municipal du Touquet-Paris-Plage poussa la
prévenance jusqu'a mettre sa salie des séances a la
disposition du Conseil Communal d'Ypres pour y tenir
sa première réunion et y poser valablement, comme en
terre Yproise, les premiers actes de sa souveraineté
reconauise.
Depuis lors de longues années se sont égrenées
au fil du temps.
Avec une ténacité inlassable les Yprois ont rebati
leur Beffroi et leurs vieilles demeures. La ville de
Touquet-Paris-Plage a réalisé un programme de déve-
loppement et d'urbanisation prodigieux, connu un
essor merveilleux.
Et il me plait, aujourd'hui, Messieurs, de pouvoir
constater que ni nos soucis respectifs, ni la tache
quotidienne n'ont pü triompher du souvenir vivace et
fécond de notre vie commune, de cette page de notre
histoire locale.
II vous a plu, Messieurs, d'en perpétuer le souve
nir. Cette initiative vous honore. Elle honore votre
ville. Elle prouve et l'éclat de cette fête et la pré
sence de tant de hautes personnalités et l'enthousiasme
cje cette foule confirment que chez vous en terre
frangaise, comme chez nous en terre flamande, le
souvenir de cette belle amitié de guerre a été conservé
-avec un .-seia jaioux.
Puisse cette belle amitié, née aux heures sombres
de notre histoire, résister victorieusement aux assauts
de l'oubli et aux errements de l'après guerre. Puisse-
t-elle unir a jamais Ypres, la ville des Flandres, }a
ville Martyre au visage souriant a travers ses larmes
et le Touquet-Paris-Plage, la ville de France, l'amië
fidéle des mauvais jours.
Finalement M. Clinckemailïe, Commissaire
d'Arrondissement prononce le discours suivant
Monsieur le Maire,
Mesdames, Messieurs,
Tant au nom des Amitiés Frangaises qu'en mon
nom personnel je m'associe de tout coeur aux pa
roles de sympathie et de reconnaissance prononcées
par le Bourgmestre d'Ypres.
Je me suis empressé de me joindre a la délégation
d'Ypres paree que j'estime que c'est un devoir pour tout
beige 'de saisir toutes les occasions pour venir frater-
niser avec nos amis frangais.
Les sentiments d'amitié et de sacrifice qui unissent
étroitement nos deux pays et qui ont été scellés dans
le sang pendant la grande guerre 1914-1918, nous de-
vons les entretenir et les consolider.
Car nous Beiges nous ne pouvons jamais oublier
ce que nous devons a la Frangesi nous avons le
bonheur d'être encore chez nous et de posséder une
Belgique libre et indépendante, nous lé devons pour
la plus grande part a la France, car dans les moments
les plus critiques, les plus difficiles et souvent déses-
pérés, ce sont les poilus frangais qui ont sauvé la
situation.
Souvenons nous souvent de tous ceux qui sont tom
bés pour nous. II faut que le sacrifice de tous ces brave's
qui ont versé si généreusement leur sang pour le Droit,
l'Honneur et notre Liberté ne soit pas vain. Mainte-
nant plus que jamais nous devons rester unis et nous
serrer les coudes. Nous voulons la paix et comme notre
devise nationale le dit si bien, c'est par l'union des
Alliés que nous obtiendrons la force qui doit nous
garantir cette paix.
Et n'oublions pas non plus l'accueil chaleureux
réservé par toute la population frangaise a nos milliers
de réfugiés, partout ils ont été regus a bras ouverts
et tous en ont conservé le meilleur souvenir.
Grace a la bienveillance et a la générosité du
Conseil Municipal du Touquet-Paris-Plage, l'adminis-
tration communale d'Ypres a pu continuer ses assises
des écoles ont été ouvertes, bref les Yprois étaient chez'
eux et pouvaient considérer votre ville si hospitalière
comme une seconde ville d'Ypres.
Et pour terminer il me plait a vous rappeler
aujourd'hui la grande part que la France toute entière
a prise a l'occasion de la mort tragique de notre Roi
bien aimé. Dans toutes les villes le drapeau a été mis
en berne presque dans toutes les églises des services
ont été célébrés a la mémoire de Notre Roi Chevalier
et c'est par milliers que les Frangais sont accourus a
Bruxelles pour rendre un dernier et suprème hommage
a notre grand Roi qui a fait l'admiration du monde
entier.
Je suis heureux et trés honoré de pouvoir exprimer
a toute la population frangaise toute ma gratitude et
ma plus vive reconnaissance.
La Marseillaise retentit, exécutée par l'Har-
monie Ypriana et la cérémonie de l'inauguration
du Jardin dYpres est terminée. Les assistants se'
dispersent, visiblement émus. Et comment ne le
seraient-ils pas, puisqu'on leur a dit qu'a Paris-
Plage, ils ne doivent pas se considérer comme
étrangers, mais comme des amis, bien plus même:
des frères
Un banquet intime a l'Hótel Hermitage, offert
par la municipalité de Paris-Plage, a clöturé les
festivités. Y étaient présentsla délégation de
notre conseil communal, ainsi que les personna
lités qui l'avaient accompagnée le conseil mum-
cipal de Paris-Plage, représenté par M. le Docr
teur Pouget, Maire, Messieurs Quetelart, Cham.-
pion et Bataille, adjoints, Pentier, Doussaint,..
Durand, Demain, Delie, Darche, Beauvois, Brl-
vady, Becquelin, Fourmanoir, Potez et Tessief,
conseillers municipaux, ainsi que M. Ie curé de
Paris-Plage.
A l'heure du St Marceaux, M. le Maire s'est
levé et s'est félicité de ce que ce repas ait eu un
caractère familial d'interville, il a fait appel aux
sentiments de fraternité des uns pour les autres.
Restons fidèles a nos souvenirs, disait-il entre
autres, on se retrouvera peut-être plus tard, ici
ou a Ypres. II a terminé en remerciant tous ceux
qui avaient collaboré a l'organisation de cette
belle fête, notamment la Direction de l'Hótel Her
mitage, et M. le Directeur Deridder qui avait
apporté des flots d'harmonie. II a levé son verre
pour boire a l'amitié éternelle de la ville
d'Ypres et de la Belgique Des applaudissements
frénétiques, et qui semblaient ne pouvoir se ter
miner accueillirent ces paroles chaleureuses.
M. le Bourgmestre Vanderghote s'est ensuite
levé et a renouvelé ses remerciments pour l'ac-
cueil cordial que lui-même et ses compatriotes
avaient regu a Paris-Plage. Peut-être, disait-il
notamment, aurons nous un jour l'insigne hon
neur et le grand plaisir de vous recevoir a Ypres,
pour y inaugurer le Jardin de Paris-Plage.
C'est avec un vif intérêt que, l'après-midi, nous
avons assisté a une belle fête sportive donnée a
la Piscine municipale oü se sont mesurés les
membres de notre Swimming Club avec ceux du
club Paris-Plageois. Attraction idéale pour ter
miner une si belle journée qui a vu se réunir
tous les amateurs de beau sport et surtout que
du haut du ciel en aéroplane M. le Docteur Pou
get est venu bombarder de drapelets tricolores
nos intrépides sportsmen.
Par la cérémonie du 30 Juin 1935 est venue