Conseil Communal d'Ypres
Nos Martyrs
L.® csarrs^S® eS®ss comWes
Ce fut de lire dans notre vaillante Région
d'Ypres de samedi dernier un- article criti-
quant un projet éventuel de reconstruction
partielle de nos Halles et du Beffroi.
S'il en était sérieusement question - sans
contrat dit a l'américaine nous verrions
la grande majorité des Yprois applaudir avec
enthousiasme.
Une aile reconstruite pourrait être fort
utilement employée quant au relèvement du
Beffroi, ne mériterions-nous pas cette satis
faction fort légitime
Après bientót douze années de vie terrible
et anormale sur notre sol meurtri, pourrait-on,
nous reprocher de revivre quelque peu notre
bonne vie locale d'avant la guerre, et ne
serait-ce pas mérité que d'entendre unjoyeux
carillon plutöt que cette sinistre sirène qui
nous rappelle journellement nos malheurs
Cette dépense ne devrait aucunément priver
nos sinistrés de leur du... il suffirait de retar
der ailleurs quelques travaux somptuaires, la
oü rien ou presque rien ne fut détruit.
YPRIS.
Séance du 8 Mal 1926
La séance s'ouvre a 2 1/2 h. de relevée.
Sont présents MM. Colaert, bourgmestre,
présidentSobry, Van der Mersch, Declercq,
éche 'ins D'Huvettere, Bouquet, Lemahieu,
Delahaye, Van Nieuwenhove, Delhem, Uonck,
Glorie, Van Alleynnes, conseiilers; Versailles,
secrétaire.
I. Le procés verbal de la séance du 17
avril 1926 est approuvé sans observations
II. Vente de terrains conimunaux
1) Une demande d'acheter un petit terrain,
a 40 fr. le m. c.au Boulevard de la Station,
est adressée au Collége échevinal par M. S.
L'échevin des Finances émetun avis favorable.
Les pages snivavtes ont étépuiséesdans Voeuvre
puissante de ROLAND DORGELÈS, intitulée
LES CROIX DE BOIS.
J'ai mal. oh que j'ai mal...
Gilbert répétait ces mots a mi-voix, comme
s'il avait cru attendrir sa souffrance en se
plaignant. II était resté couché sur le cöté,
comme il était tombé, et quand, avec effort,
il soulevait sa tête lourde, un sanglot sans
larmes lui montait du coeur.
La douleur l'avait engourdi et il ne sentait
plus ses membres ni ,sa tête, il ne sentait plus
que sa blessure, la plaic profonde qui luifouil-
lait le ventre.
Pas un instant il n'avait perdu connaissance,
et cependant les heures avaient passé plus
vite que s'il avait vraiment veillé. Mainténant
que sa pensée se dégageait de cette anesthe
sie, il c0mmen9a.it a se sentir souffrir. La
première idéé qui lui vint le frappa rudement,
comme une blessure Est-ce que les bran
cardiers vont venir
L'angoisse le saisit, et il se redressa a demi,
pour regarder. Mais la douleur, brutalement,
le recoucha.
Est-ce que les brancardiers allaient venif
Oui, certainement, quand la nuit serait tout a
fait tombés. Et s'ils ne venaient pas Une
noire horreur obscurcit son cerveau, et il
resta un moment immobile, comme terrassé, ét
presque sans souffrance. Puis il rouvrit les
yeux.
Le crépuscule attristait encore ce bois tra-
gique dont tous les arbres étaient nus. comme
des montants de croix. A quelques pas un
soldat etait tombé, le corps en boule, et l'on
apercevait le blanc de sa chemise, sous sa
capote ouverte, comme s'il avait cherché sa
blessure avant de mourir. Un autre, plus loin,
M. D'Huvettere émet une objection de
principe, ce mode de vente de la main a la
main est contraire au règlement.
La vente est autorisée a l'unanimité.
2) Une autre demande concerne un terrain
de 1200 m. c. le long de la Chaussée de Fur-
nes (ancien magasin communal) pour y instal
ler une diamanterie.
M. D'Huvettere fait observer que mettre en
vente publique ce terrain avec l'obligation d'y
ériger une diamanterie dans les trois mois,
c'est imposer une obligation qui écartera toute
concurrence, et qui au fond n'impltque aucune
garantie pour l'avenir.
Malgré cette observation, la mise en adju
dication publique est admise a l'unanimité.
III. Halle aux viandes. Adjudication des
étaux.
Le Conseil approuvé les résultats de l'adju-
dication.
M. Lemahieu. - Zijn de beenhouwers van
den Zateraagmarkt verwittigd dat zij van nu
voorts niet meer zullen mogen komen
M. Colaert antwoordt dat het uitgeplakt is
geweest en dat zij nog zullen verwittigd zijn.
IV. Placement de paratonnerre sur l'Hótel
de Ville.
MSobry estime que c'est une dépense de
plus de 3ooo fr. et qu'il vaut mieux remettre
cela a l'an prochain paree que l'exercice 1926
est en déficit.
M. uonck. Ne sommes nous pas assurés?
M. Van der Mersch. II y a des choses
que l'assurance ne sait pas remplacer.
Divers conseiilers citent des cas cü le par.a-
tonnerre n'a pas garanti de la foudre, et esti-
ment qu'il n'y a aucune urgence, surtout en
La remise a l'an prochain est votée.
V. Ecoledc Musique. Comptes de rg25.
Approuvés.
VI. Ecole ménagère communale. Budget
de IQ26. A l'examen.
VII. Commission de 1'Assistance publique.
Elle demande l'autorisation d'acheter une
semblait faire la sieste, adossé a un tronc
rogné, la tête courbée sur l'épaule. Et ce pan
d'étoffe bleue, en était-ce encore un Oui,
encore...
La peur le reprit. Pourquoi serait-il seul vi-
vant dans cette forêt hantée Pour rester
couché la, ne fallait-il pas être muet comme
eux, froid comme eux C'était forcé, il fallait
mourir...
Mais ce seul mot - mourir le révolta au
lieu del'accabler. Eh bien, non... II ne voulait
pas mourir, il ne voulait pas 1 L'esprit tendu,
les pomgs crispés, il chercha a comprendre oü
il était. Nul mdice, rien... Des obus entre-
croisaient leurs rails pardessus le bois ou se
fracassai'ent tout prés, faisant sauter la terre
sous ie sommeil des morts. Etaient-ce des obus
allemands, ou des obus de chez nous II
entendait bien de brèves fusillades, a la lisière
du bois, mais sanspouvoir s'orienter. Avions-
nous avancé Les Boches avaient ils repris
la 'forêt Rien ne pouvait lui répondre. Son
angoisse vivait seule dans ce bois mutilé,
parmi ces dormeurs insensibles que l'époü-
vante avait quittés.
Avec Ie soir, pourtant, la canonnaae s'apai-
sait, il rodait un vent froid qui sentait la
pluie, et la terre visqueuse lui glaqait les
jambes. La peur se rapprochait, couleur de
nuk.
Soudain, il lui sembla entendre un craque-
ment de branches. Faisant un brusque effort,
it se redressa sur le coude et appela
Parici... Je suis blessé...
Rien ne répondit, rien ne bougea. Brisé par
son effort, il retomba sur le cóté, geignant.
Sa blessure exaspérée lui tenaillait la poi-
trine, les entrailles, les reins, tout le corps.
Dans ie vertige de son mal, il balbutiait
Je ne bougerai plus... Je jure de ne
plus 'nouger, mais faites-moi mains de mal...
Et pour apitoyer le Maitre obscur qui le
forqait a souffrir, il restait inerte, les yeux
partie de terre a Poelcapelle,'sise au milieu
des terrains d'une de ses fermes.
Autorisée a l'unanimité.
VIII. Commission de I' A ssistance publique.
L'Etat ne payant pas les dommages de
guerre, cette Commission doit recourir a un
emprunt pour savoir payer les entrepreneurs.
L'emprunt est approuvé.
IX. - Fabrique d'église de St- Martin. Compte
de IQ25. Approuvé (4 abstentions).
X. Communications
1) La ville a requ une lettre de l'Ambassade
britannique, de Bruxelles, remerciant la ville
qui a donné le nom du Maréchal French a la
chaussée allant de la Bascule a la Porte de
Menin.
2) Une lettre, sigrée de mandataires de
14 sociétés de la ville, demande au Conseil
communal de voter une proposition d'amnis-
tie pour tous les criminels de guerre, y com-
pris le docteur Borms.
MColaert. Nous ne pouvons pas voter,
il ne s'agit pas ici d'intérèis communaux (art.
60 de la loi communale). Certaines villes ont
admisle vote afin de mieux marquer une adhe
sion ou une opposition, mais la question préa-
lable avait d'abord été posée.
MGlorie est d'avis que la question préala-
ble doit être posée. Le Conseil ne peut pas
voter sur pareils sujets.
M. Van Alleynnes. Quel est l'avis du
Collége
M. Colaert.L'avis du Collége est d'oppo-
ser ia question p' éalable. De ma part, il n'y a
aucune haine contre aucune personne, et je
m'abstiendrais au vote s'il y avait lieu devoter
au fond.
M. Donck le regrette. Nous ne sommes pas
neutres, nous sommes hostiles a la libération
de Borms.
M. Van der Mersch. Dans les circonstan-
ces actuelles, nous n'en sortirons pas si on
nous appelle a délibérer sur un tas de ques
tions politique? ou autres.
M. Sobry. Als veertien maatschappijen
scellés, enfonpant ses doigts crochus dans la
terre froide.
La souffrance, lentement, se fitmoins cruelle
et une pensée s'éveilla dar.s sa tête bourdon-
nante.
Iinefaut plus rester sans bouger... Si je
m'évanouis, on ne me verra pas, on me lais-
sera mourir. II faut que je me redresse, il faut
que j'appelle.
Alors avec une volonté teriace, il décida.:
«Je vais m'adosser a un arbre et me panser...
Puis quand des soldats passeront, je crierai...
II le faut... C'est ma peau...
II n'avait pas encore osé toucher sa blessure,
cela lui faisait peur, et sa main s'écartait mé me
de son ventre, pour ne pas sentir, ne pas
savoir.
L'hémorragie doit être arrêtée, pensait il,
9a ne coule plus. Je vais faire mon pansement.
Les dents serrées sur les cris qui lui mon-
taient de la gorge, il se redressa péniblement,
se traina, puis se laissa tomber, le dos contre
un arbre. Sa blessure léveillée lui battait aux
reins, d'un pouls de fièvre. II s'accorda ün
instant de répit, les yeux fermés il lui sem
blait qu'il venait de se sauver un peu.
II prit son paquet de pansement dans sa
cartouchière et déchira l'envelöppe. Mainté
nant, il fallait atteindre sa blessure, la tou
cher. Ses mains plusieurs fois giissèrent vers
son ventre, mais elles hésitaient, n'osa-ient
pas. Enfin il se aompta, et, la bande prête,
résolument il toucha laplaie. C'était au-dessus
de l'aine gauche. Sa capote écait déchiree et,
sous ses doigts craintifs, il ne sentait rien
qu'une chose gluante. Lentement, pour ne
pas souffrir, il déboucla son ceinturon, ouvrit
sa capote et son pantalon, puis il essaya de
soulever sa chemise. Ce fut horrible, il 1U1
sembla qu'il allait s'arracher les entrailles
emporter sa chair... Torturé, il s'arrêta, sa
main posée sur sa chair nue. II sentit quelque
chose de tiède qui, doucement, lui coulait le
V »it6.