La Restauration Agricole
de la Flandre Occidentale
recrü
Conférence donnée par ML. BOEREBOOM,
Inspecteur GénéralauMinistèrede 1'Agriculture,
deuant la delegation de la Sociétédes Nations
a Ypres, le 6 Juillet IQ28.
{Suite)
Le travail fut immédiatement organisé pour
les intéressés qui feraient appel a l'interven-
tion de l'Etat, nous réservant la possibilité
d'appliquer les mesures de contrainte prévues
si la nécessité s'en faisait sentir. Mais telle
fut la bonne volonté des sfnistrés que la
restauration a été terminée sans qu'on ait eu
besoin de recourir aux dispositions de con
trainte prévues par la loi.
Deux modes de restauration furent inaugu-
rés, le travail par les particuliers et celui par
l'Etat.
Avec les sinistrés, qui en faisaient la
clemande, des contrats furent conclus et,
comme avances sur les dommages de guerre,
les frais de restauration étaient payés au iur
et a mesure des travaux.
Au début les sinistrés ne se risquèrent que
timidement a faire usage de ce mode de
restauration. Le cultrvateur est si méfiant et
puis, pour soutenir son moral, on avait été
obligé de lui faire de si belles promesses. A la
fin de la guerre, n'avait on pas dit que la
Belgique serait restaurée entièrement et
quelles déceptions n'avons nous pas eues
elepuis lors Si vous passez par le village de
Poelcapelle, vous pouvez y voir une construc
tion oü s'étale en grandes lettres l'inscrip-
tion Au pays des promesses
On peut espérer que le temps est proche
oü l'on pourra compléter cette inscription,
rédigée a une époque oü de grands espoirs
avaient été déqus et appeler l'endroit Au
pays des promesses réalisées Quoiqu'il en
soit, quand les agriculteurs eurent pu faire
l'expérience du mode de restauration instauré,
des contrats furent conclus en nombre
toujours croissant et plus de 3o.ooo hectares
de terres furent nivelés de la sorte pour un
coüt moyen de 1.700 frs. par hectare.
De plus, des contrats de parachèvement
pour la reconstruction des ouvrages acces
soires, accès, aqueducs, clotures, plantations,
drainages, etc... furent institués et la presque
totalité de ces travaux furent effectués au
moyen de ces avances.
A cóté de la restauration par les particuliers,
le département a exécuté directement les
travaux de nivellement a la demande des
propriétaires
Le front fut divisé en secteurs dont l'éten-
due varie de 5oo a 2000 hectares et le travail
entamé en divers endroits.
Dans chacun des secteurs, un entrepreneur
fut chargé d'exécuter tous les travaux sous
la direction d'un agent du service et sous la
surveillance des propriétaires intéressés.
Les frais effectués étaient entièrement rem-
boursés, et, comme bénéfice, l'entrepreneur
touchait une piime ftxe par hectare. C.e
système l'incitait a travailler rapidement et a
rédüire dans la mesure du possiüle les frais.
C'est une des raisons de l'extrême rapidité
avec laquelle fut poussée la restauration a
laquelle lurent employés a un certain moment
plus de 3o.ooo terrassiers.
Le coüt moyen par hectare s'est élevé a
4.600 frs. II est a remarquer que des travaux
importants d'utihté générale, route, cours
d'eau etc... furent exécutés en même temps.
D'autre part, les sinistrés confiaient a l'Etat
les travaux les plus importants, qu'ils auraient
été dans l'impossibihté de mener a bonne fin
par leurs propres moyéhs.
Un des grands aléas de l'entreprise était
constitué par le danger résultant d'innom-
brables explosifs, obus, grenades, fusées,
etc., qui gisaient sur le terrain ou étaient
enfouis dans le sol.
Pour donner une idéé de la quantité de
débris de mitraille rencontrés, il me suffira de
signaler qu'en nivelant un hectare de terrain
nos ouvriers recueillaient plus de 5 000 kg.
d'éclats d'obus, non compris les obus non
explosés ni les grosses mitrailles, et ces
5.000 k.ne représentaient qu'une faible partie
de ce qui reste enfoui dans le sol.
Pour l'assurance contre les explosions les
compagnies exigaient un taux trés élevé,
allant jusqu'a 8 du montant des salaires.
L'expérience nous avait appris que le dan
ger réel ne correspondait pas a charge
et il fut décidé que l'Etat prendrai
tous les risques provenant des exp
Nos pré visions se sont heureusement rmi
sées et les dépenses résultant des acc
dépassèrent pas 200.000 frs., alors q
aurions dü payer aux sociétes d assu
plus de 10 millions de francs.
Grace aux précautions prises nous n euI"®®
a déplorer qu'une dizaine d accidents gi
et encore doivent ils être attnbues, en or
principal, a l'imprudence des victimes.
On avait préconisé de faire, a 1 occasion
la restauration, le remembrement des propr
tés dont le morcellement pour notre pay» e
poussé a l'extrême et constitué une nuisanc
sérieuse pour l'exploitation. Les essais qu
ont été tentés n'ont pas donne de resu
satisfaisants a cause des grandes 1 ücu es
de réalisation.
Le Beige est épris de liberté, il l'a montre
d'ailleurs a la guerre, et adversaire de tou es
mesures de rigueur. Après des annees d exi
les sinistrés aspiraient vivement a reprendre
leur terre, qu'ils tenaient de leurs parents et
a laquelle ils »ont si attachés.
Des transformations trop radicales auraient
entrainé des résistances tenaces et peut-être
découragé ceux qui désiraient revenir au pays.
C'est pourquoi on dut renoncer a ces amé-
liorations. D'une manière générale les fermes
furent reconstituées dans leur état d'avant la
guerre, mais malgré tout nos campagnes n ont
pas retrouvé leur beauté particulière.
Auparavant, la Flandre était fiére de ses
villages, tapis au fond des bosquets d'arbres
séculaires, de ses magnifiques fermes du
Furnes- Ambacht et de ses villages paisibles,
que longent des canaux aux eaux dormantes.
Maintenant, le pays est dépouillé de sa
parure naturelle. Les arbres ont disparu
et les fchamps s'étendent a perte de vue et oü
seuls font tache les toits couleur de sang des
fermes reconstruites.
On n'y rencontre plus les tombes isolées de
nos héros inconnus, si fréquentes aux pre
miers jours de la reconstruction, mais les
immenses cimetières, entretenus avec un soin
jaloux, rappellent les sacrifices sanglants con-
sentis pour la défense du territoire.
En terminant l'aperqu au sujet des nivel-
lements des terres, je crois devoir signaler
une tentative intéressante d'un ingénieur
américain, M. Knox, qui construisit a ses
frais une machine pour le nivellement méca-
nique des terrains.
Des difhcultés sérieuses et imprévues em-
pêchèrent l'inventeur d'achever sa machine
en temps voulu, et la rapidité avec laquelle
furent poussés les travaux ne lui permit
pas de tirer quelque profit de son invention.
On doit admirer l'audace de cet inventeur qui
a perdu ainsi une partie de sa fortune, trois
années de sa vie et beaucoup d'illusions.
La mécanique ne joua pas dans la restau
ration le role qu'on avait prévu.
Les seuls engins employés furent les trac-
teurs qui servirent quelque peu au comble
ment des grands trous d'obus. Les appareils
ont montré leur grande maniabilité, mais ils
n'ont pas été d'une grande utilité pour les
travaux de nivellement.
Au cours des hostilités, l'industriel améri
cain Ford, dont le sens pratique commercial
et la générosité vous sont connus, offrit a la
Belgique, comme hommage d'admiration, une
batterie compléte de dix tracteurs Fordson
qui, dans son idéé, devaient aider a la restau
ration des régions dévastées par la guerre.
Sa Majesté le Roi mit les appareils a la
disposition du département de l'Agriculture.
Ce fut l'origine du service de Motoculture,
d'une si grande utilité pour la mise en culture
du front.
Les débuts de ce service, ne furent pas
toujours aussi aisés que d'aucuns pourraient
se l'imaginer. Tout était a créer recrutement
et logement du personnel, ravitaillement en
carburant et lubrifiant, ateliers de répara-
tion, etc...
Le logement de notre personnel était des
plus rudimentaires et ne ressemblait en rien a
notre installation définitive d'Ypres, que tous
les sinistrés connaissaient si bien, et oü de la
part du directeur dévoué M. De Boeckx ils
ont toujours requ un accueil si bienveillant et
une aide si précieuse.
L'organisation comprenait dix centres auto-
nomes et répartis sur l'ensemble du front
disposant de 120 tracteurs. Cette division
avait été instaurée pour rendre po,
surveillance, éviter les trop grands
ments des appareils et faciliter l'anD r
nement en carburants. ppffj
Le recrutement du personnel COnH
fut relativement aisé. Un ouvrier
intelligent peut devenir en peu
excellent conducteur et les meilief
trouvés parmi ceux qui connaisqa;0
travaux de la terre. Saie«
Le personnel mécanicien, dans notr
vince agricole, fut plus difficile 6
Leur róle était cependant des plus
paree que nous devions labourer d™sP°rti'
ktt:
extrêmement mauvais, parsemés d'öbst'
de toute nature, piquets, poutrelles
hls de fer. Aussi les avaries de nos
étaient trés importantes.
Pom en rendre la réparation plus
aP-Pari
les labours étaient organisés de manié,,
avoir toujours plusieurs machines travail
au même endroit. Les conducteurs p0Uva
ainsi s'aider mutuellement.
Dans de pareilles conditions de travai
rendement de nos appareils était forc
réduit et n'a pas dépassé un hectare par]i
de travail, la consommation en pétrole
vant a 5o litres environ.
Le premier labour après nivellement
fait gratuitement. Pour les second et troisih
labours ou hersages une redevance, respet
vement de 5o et 75 fr.était exigée.
A l'aide des tracteurs on organisa j
ment un service de battage, moyennant
boursement du coüt de revient du travail,
Le service de Motoculture, grace au
vouement de son personnel, qui df
travailler dans des conditions partial
ment pénibles, a été une aide trés puissat
pour les sinistrés et a contribué trés
ment a la remise en culture des ter.
restaurées.
En même temps que la reconstitute
sol le département de l'Agriculture a
la reconstitution du cheptel et de b
des fermes, qui, dans notre province, avaii
été entièrement détruits ou enlevésalasi
des opérations militaires.
En dehors des achats trés importants,
dans divers pays, cette reconstitution a
faite principalement au moyen du pro
des récupérations allemandes.
Des quantités trés considérables
chines, d'engrais, de vaches, chevaux, fl(
furent cédées aux sinistrés comme avan
sur leurs dommages de guerre.
D'une manière générale, les races d'animi
introduites n'ont répondu qu'imparfaite®
aux désidérata de nos cultivateurs et ontl
paru au fur et a mesure de la reconstituf
du cheptel indigène
La restauration a été grandement encoï
gée au début par la répartition de dons
nature importants envoyés a nos cultivate!
du front.
Sa Majesté la Reine des Belgesmit
disposition des sinistrés tout le produit de.
basse cour.
Le Royal Agricultural Society of Eng2 j
institua un Relief of Allies Committee,a - 1
termédiaire duquel des dons trés imP0^
en nature fürent envoyés auxsinistrésuu
Ces dons consistaient surtout en bovii
poicset moutor s qui, a la demande desjf
nisateurs, furent répartis par voie 1d®
au sort et donnés aux cultivateurs du r
D'autres dons furent envoyés par ks
culteurs de l'Ecosse, de la Nouvelle E
du Canada, de la Suisse, de la H°l®
contiibuèrent largement a la restaur
pays en encourageant les premiers si
qui s'installaient au pays dans des con
extrêmement pénibles.
A cóté de ces families qui ont rep^,-,
session de leurs
t
anciennes
quelques étrangers au pays sont
dre la place des indigènes, qui n'on Ps
courage ou peut être pas les 1_n0^
reconstituer leurs foyers. neBij
Les longues années de guerre
lesquelles la plupart des réfugiés on
dans l'inaction forcée, furent la P
cause de l'hésitation des anciens
entreprendre le gigantesque travalg((l
stitution. Ils furent remplacés, et 1 ceftj;L
sement ce fut surtout le cas pout j 1
grandes fermes, par des cultivate^
posaient souvent d'une nombreuse ,f
aussi d'un peu d'argent épargne P I
hostilités.
Pour ces premiers colons la res
«Antj rloirmno