JOURNAL D'UNE SIEUR DTPRES Oetobre 1914 A Mai 1915 8 Het Y"persche - 2e Bijvoegsel - La Fiégion dlTpres N° 17 {Suite) Le soir 27 Oetobre vers 10 h. 1/2, quelques bombes furent ancées sur la ville. Le Pore Jean Carmélite, fut blessé dans ;0n lit- Chez Eug. Bonte, 3 enfants furent blessés dont l'ainée, ;rma, assez grièvement. II y eut de grands dégats chez Louise Devos, rue des boudeurs. Plusieurs combats furent livrés au et a l'E., a Boesinghe, Zonnebeke, Hollebeke, Polygene, qooghe. Le Mercredi 28, vers 2 h. nous entendïmes plusieurs 'ormidables coups de canon, dirigés contre deux, trois aéroplanes jui survolaient la ville laissant tomber des bombes, dont une iur la diamanterie et une autre dans la prairie de l'école Saint- [oseph. Le 29 au matin, d autres bombes furent jetées une tomba iur la Grand Place, dans la rue Sainte-Elisabeth toutes les /itres furent cassees. Valentine Dethoor qui demeurait non loin les Soeurs de Marie, rue de Lille, eut une jambe et un pied ■crasés et mourut après avoir requ les derniers Sacrements. Deux enfants furent tués, rue de Thourout. Depuis plusieurs jours, j'aidais a soigner les blessés fran cais (au nombre de 5 a 600) a l'école communale des filles, :ue de Lille, avec Sceur Livine et Soeur Elisabeth des Sceurs Noires, et plusieurs jeunes filles de la ville. Notre Sceur Philo- mène, Sceur Marie Berchmans, Soeur Germaine et deux Sceurs Noires étaient également employées au service des blessés a la caserne oü il y avait beaucoup de franqais et 80 allemands. Parmi nos blessés, il n'y avait que 3 allemands dont un Prussien fort méchant. II ne voulait ni boire, ni manger, pré- textant qu'on allait l'empoisonner il n'était satisfait que quand il était servi par les Soeurs et il acceptait volontiers ce que je lui donnais. Les deux autres étaient Bavarois et braves garqons. ,Les soldats franqais aussi aimaient les Sceurs. Dés que nous apparaissions dans la salie ce n'était de toutes parts que Chère Soeur 1 venez m'aider venez m'arranger Mais pourquoi, demandai-je parfois, ne vous êtes vous pas adressé a l'infirmier qui vient de sortir «Ah chère Soeur, répondaient-ils, ilssoiitsi rudes que nous préférons qu'ils ne nous touchent pas Voila done, me disais-je, ces hommes, qui, il y a quelques anuées, chassaient des écoles et des hópitaux les pauvres Soeurs de la France Je ne doute pas qu'on ne rappelle ces dernières après la guerre, maintenant que les Frar.qais ont vu a l'ceuvre les prêtres et les religieuses. Les jours suivants, on nous gratifia de quelques bombes lancées de temps en temps. Ce fut pis le 3 Novembre. 1 e elites marmites - volèrent en grand nombre en divers endroits e la ville. Une, vint frapper le mur nord du jardin de la cure de Saint Pierre, vers 10 h. ij? du matin. Dans les locaux de l'école des Soeurs de Marie (chez nous) il y avait une ambulance anglaise. Les soldats qui s'y trouvaient, crurent que l'obus était [tombé sur le couvent, les éclats de verre furent lancés jusque por leurs lits et tous étaient saisis de frayeur. J'allai voir ce qui était pa'ssé le couvent était intact mais un pan de mur de la ;ure s'était effondré, et dans toutes les maisons des environs, les vitres avaient disparu. Chez le Révérend Vicaire M. Leys in morceau de fer avait troué le mur de la cuisine. A. Devos, lomestique de l'höpital civil, y fut tué net. Piés de la poste, a rue de la Gare, chez les Soeur franqaisses et en bien d'autres ®droits, ces visiteurs importuns firent leur entrée. Déja a partir du 3o Oetobre, nous avions jugé prudent loger au rez-de-chaussée, maintenant nous passions les nuits 'ns la cave. Ceux qui n'avaient pas de cave, se léfugiaient ians les casemates. Depuis trois jours, l'ambulance nous avait quitté, nous 'JSsant dix huit morts. Quatorze, purent ètre enterrés au cime re cavil les autres dans le jardin du couvent, les obus ne Us permettant plus de les transporter plus loin. Vers le soir, u°us amena un soldat tué dans la rue nous 1 enterrames 's le jardin avec ses compagnons. Sur une pauvre croix de lls> se trouvent les noms de ceux qui y reposent. Dès le 4 Novembre plusieurs de nos Soeurs avaient iui °Peringhe. Le sacristain, les chantres, l'organiste, lé souüleur f°rgue qui jusque la étaient restés a leur poste, prirent le même Dientótil, ne restait qu'une ville morte et deserte, oü obus continuaient a semer la ruine et la destruction. Ce mème f' ^scar Seghers qui se trouvait a sa porte, Place Van den ;ereboom, eut la tête enlevée ses deux fils furent grièvement ^es J plusieurs soldats anglais furent tués dans la rue. Chez tak?' me ®asse, un cheval et une vache furent atteints dans (table etc. Peore (ne ers le soir, il se fit un peu de calme jusqu'au matin, six de nos Soeurs quittent la ville. Dans notre couvent f?Ste Plus que trois ou quatre soldats de la Croix-Rouge. e 5 Novembre, les obus sifllent presque sans intermit- tence depuis 9 heures et éclatent pour la plupart, du cöté ouest de la ville. Les blessés franqais avec leur service d'ambulauce, partent pour Poperinghe. La ville avec ses maisons fermées, s'évacue de plus en plus et parait si triste Les taubes qui nous envoient leurs bombes destructives augmentent encore la terreur et la dévastation une bombe tomba au cimetière St-Pierre a trois ou quatre mètres de l'église. Le bombardement continue durant une grande partie de la nuit et le sifflement des obus dans les ténèbres a quelque chose de plus lugubre encore. Le lendemain, nous pümes constater de nouveaux dégats, le choeur de l'église Saint-Martin était endommagé. Dans presque toutes les rues, des maisons s'étaient effondrées et il y avait plusieurs morts. Au cercle catholique quelques families s'étaient réfugiées dans les caves. Parmi elles la familie Notebaert fut la plus éprouvée. M. Joseph, sa femme, ses six enfants et la bonne étaient réunis dans la cave, quand vers trois heures du matin un obus y éclata. Deux enfants, les ainés, Albert et Gabrielle (20 et 22 ans) furent tués sur le coup Antoine, Anna et e petit Joseph furent grièvement blessés. M. Joseph eut la main enlevée, Madame, la petite Antoinette et la bonne, furent sauves. Le patron du Cercle requt également de graves blessures. Vers cinq heures du matin, M. le vicaire Verriest arrive réclamer notre assistance. Voyant la Révérende Mère perplexe, elle n'osait pas nous exposer au danger, car le bombardement continuait terrible, je devinai son embarras et m'offris a aller porter des soins a ces malheu- reux. Allez y, répondit-elle, si vous trouvez une soeur pour vous accompagner Je m'adressai a notre bonne et vertueuse Sceur Marie Berchmans qui après un instant d'hésitation, accepta. Nous partimes, a la grace de Dieu, non sans réciter en chemin un bon acte de contrition. Nous courümes comme deux affolées, de droite a gauche, nous retournant a chaque bruit et arrivames indemnes jusque dans la cave. Oh le triste spectacle. Depuis trois heures du matin, toute cette familie était la entre les morts et les décombres. Les autres personnes réfugiées avec eux dans la cave avaient pris la fuite. II fallait avant tout éloigner les blessés mais nous ne savions pas par oü commencer. J'allai voir dans la rue et y trouvai quatre soldats anglais. J'en pris un par le bras et le conduisis dans la cave les autres le suivirent. Ne connaissant pas la langue anglaise je ne pus leur parler, mais ce n'était pas nécessaire ils virent assez ce qu'il y avait a faire. Ils allèrent chercher deux brancards pour transporter les malades chez nous, oü ceux-ci requrent les premiers soins du bon docteur Dieryckx. 6 Novembre. Depuis 8 heures du matin, le bom bardement reprend de plus belle. C'est affreux Le jour dürant, c'est un sifflement et une explosion continuels. Vers 1 heure, un obus tombe dans le sentier devant la maison Dumont et Blomme, qui est fort endommagée. Notre couvent aussi a sa: part la grande porte de devant -s'efiondre et est pleine de petits trous. Toutes les vitres de la faqade sont brisées. Trois personnes sont blessées parmi lesquelles Ch. Beun a qui Mon sieur le Curé de Saint Pierre, qui se trouve partout oü l'on peut réclamer son secours, donne l'Extrême-Onction. II meurt quelques' instants apiès. Vers 2 heures, une grande marmite fait un trou profond dans le cimetière Saint-Pierre, en face de T'entrée du couvent des Soeurs Noires. Dans le voisinage, toutes les vitres volent en éclats. M. Dieryckx arrive auprès des blessés pour les opérer et M. le vicaire Leys donne les derniers sacrements a M. Joseph Notebaert et a sa fille Anna. Je vais raconter ici un petit incident qui intéressera sur- tout nos bonnes consoeurs, M. le docteur ayant besoin a'une soeur pour l'assister je m'offris. «Ne pourrais-je en avoir une plus faible, pour m'aider demanda t-il d'un air un peu méfiant. II n'y avait pas longtemps que j'avais moi-mème passé par ses mains pour subir une opération. Je courus chercher Soeur Marie Berchmans qui était dans les caves avec les autres Soeurs. L'opération allait commencer, mais les plaies ne furent pas plus tót mises a découvert que ma consceur s'évanouit. Couchez- vous plate a terre sous la table lui dit le docteur, car nous n'avons pas le temps de nous occuper de vous Voila main tenant, répondis je, la plus forte de toutes 1 Je crois, docteur,, qu'il faudra vous contenter de la plus faible Nous commen- qames done, la main de M. Notebaert était démise quand., vers 2 h 1/2, un obus tomba sur notre couvent et détruisit deux classes a 10 mètres de l'Ecole ménagcre oü nous étions. Les éclats de verre et les pierres arrivèrent jusqu'a nous et un grand trou fut fait dans le mur du cóté de la rue Wenninck. Le docteur venait de faire la dernière eritaille nous étions la tous les deux, pales de frayeur, comme dans un nuage de fumée et blancs- de poussière, lui tenant encore dans sa main le bistouri et moi la main démise dans la mienne. Quelques instants nous restames indécis. Les blessés criaier.t, et en un moment tout fut sens dessus - dessous. Ta, ta, ta dit M. le docteur Dieryckx, ce n'est rien Continuons notre besogne, car nous, n'avons pas de temps a perdre. {A siiivre). "wwmumimmmwmmmmhi iiii—hihmii ■xm&m&xmam

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Het Ypersche (1925-1929) | 1928 | | pagina 17