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LA LIOMNE DE LA
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Mercredi 25 Février 18
9me année. N° 851.
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Lc Journal parait le Mercredi et le Samedi.Les insertions content 15 centimes la ligne.Les réclames, dans le corps du journal, se paient 30 centimes la ligne.Un numéro du journal, pris au Bureau, 15 centimes.
Les numéros supplémentaires commandés pour articles, Réclames ou Annonces, content 20 fr. les 100 exémplaires.
C II E M 11\ S WE FE 15.
LES LIBÉRAUX ET L'ENSEIGNEMENT.
La discussion récente du budget de I'in-
térieura mis de nouveau dans leur vrai jour
les déplorables tendances du libéralisme
beige en matiéred'enseignement. Une guerre
systématique et achnrnée a été faite au cabi
net conservaleur. Depuis les chefs du parti
qui ergotaient a qui rnieux sur finspeclion
ecclésiastique des écoles, jusqu'aux orateurs
tout a fait suballernes qui éiaienl chargés de
recueillir par lout le pays el d'amener devant
Ja Chambre les motudres incidents suscepli-
bles d'etre explodes, tons obéissaieot au dé-
sir de faire échec a la religion dans l'éduca-
tion de la jeunesse, el d'arriver lót ou tard
a la réalisaiion du réve tantcaressé, l'avéne-
nient de l'école purement laique.
Est-il besoin de faire ressortir tout ce qu'il
y a de coupablc imprudence dans une pa-
reille attitude?
La saine raison suffirait a nous faire com-
prendre que, si vous n'élevez pas vers Dieu
le coeur des générations naissantes, que si
vous n'imposez pas a l'enfant ce frein reli-
gieux qui seul plus tard empéchera l'homme
de se livrer a la fougue de ses passions, vous
préparez a 1'avenir des phalanges capables
de lous les désordres et d'autant plus dange-
reuses qu'elles auront leur instruction pour
seguiderdans la pratique du mal.
Ce que la raison nous dit les penseurs l'ont
proclamé. Ce sont, en Belgique, les hommes
d'Etat les plus marquants parmi ceux qui
nous ont dolés de notre belle loi de 1842;
puis, c'esl Guizot qui déelare que, pour quo
t instruction populuire soil vraiiwnt. bonne
el socialemenl utileil fuut quelle soil pro-
fondement religieustc'est lord John Russell
qui veut que la religion soit combiner, avec
toute la matière de Cinstruction; ce sont des
écrivains éminents repo.ussant a I'envi celle
école sans prêtre et sans enseignement reli-
gieux, qui serail une violation des droits de
la conscienceau sentiment de sir Robert
Peel, la réalisaiion (Tune itlée folie el duti-
gereusesuivant ('expression de M. Cousin,
une puissance pour te mal el non pour le
biencomrne l'appelle M. Eugéne Rendu;
e'est Portalis qui affirme sans détour, en
présence d'une experience désastreuge, qu'il
fuut prendre la religion pour base de Edu
cation. II y a qiTelques jours a peine que M.
Disraeli, parlant a ses élecleurs des résullats
du récent scruiiri, insistait avec force sur la
nécessité absolue de l'inslruciton religieuse.
En pareille matières'écriait-il, itn'y apas
de compromis possible. II riexists pas de
mogen lerme. C'est la un fait bon a recueillir
pour ceux qui invoquent volonliers I'exem-
ple de l'Angleierre.
Et ce que demandent les hommes d'Etat
et les philospphes, les événements l'ensei-
gnent, quand on a eu le malheur de l'ou-
blier. Le monde se souviendra longlemps
des désastres accumulés par les athées et les
lettrés de la Commune.
Eh bien, ni la voix de la raison, ni le lé-
moignage unanime des bons esprits, ni les
lecons de l'histoire ne parviennent a imposer
silence a ces instincts de domination au pro-
fit desquels le faux libéralisme espére assou-
plir les masses en les privartl de leurs
croyanees. On n'a pas encore onvertement
avotié le but, si ce nest peui-être dans les
rangs des avancés, plus lirutaux mais plus
francs que les doctrinaires; on ns dit pas
encore que c'esl l'école libre-penseuse qu'il
faut pour le peuple; ma is les grands mots se
niulliplient et cela est toujours mauvais si-
gne: il y a, par exemple, la liberie de con
science, les droits de la raison humaine,
l'école neutre, renseignement laïque, l'indé-
[lendatice du pouvoir civil, la science et sur-
tout Ie progrés. En attendant le moment
propice, les habiles s'appliquent avec ardeur
a renforcer Paction de l'Elat au détriment de
celle de la liberlé, a faire la pari aussi petite
que possible a la religion dans I'ceuvre de
lenseigneineiit, a disputer au prètre non-
seulemeut sa légilime influence mais encore
sa position légale dans l'école, en un mot a
miner sourdement et avec persistanee celle
salulaire loi de 1842, que nos bbéraux vo-
latenl jadis tons ensemble et qui leur eat
devenue si odteuse depuis lors.
Si ces grands amis des Inmiéres et de la
civilisation voulaient sincéremenl la large
diffusion de Pinstruction populaire, ils béni-
raientet seconderaienl l'initiative du dévoue-
ment chrélien qui a couvert le pays de tanl
destitutions vouées a la bonne et saine
éducation et qui, préoccupédu pauvre avant
tout, prodigue la gratuité sous mille formes
diverses. Or ce dévouemenl n'oblienl de leur
part que le mépris el la liame, la persécution
souvent pour ceux qu'il inspire, el la ferme
résolution de ruiner ses ceuvres, s'il est pos
sible, par la concurrence la moins avouuble,
celle qui est dirigée conlre quelques-uns el
payée des deniers de lous.
Dans la défense de ce grave intérct de
l'enseignement la vigilance ne fut jamais plus
nécessaire qu'anjourd'hui. Le libéralisme
n'attend que le pouvoir pour jeler bas le
masque; le pouvoir entre ses mains c'est
Pécole sécularisée, et l'école c'est l'avenir.
Ne l'oublions pas: l'ennemi menace un bien
précieux entre lous; il n'y a pas deux voies
a suivre: il faut envisager la situation en face
et, chacun a son poste, accepter résolüment
le devoir de la little.
LES ELECTIONS DE 1874.
Le 9 Juin prochain aura lieu le renouvel-
lement par moilië de nos Chambres législa-
tives. Quatre provinces sont appelées a
parliciper a ces élections, a savoir:
La Flandre oriëntale,
Le Hainant,
La province de Liége,
Le Limbourg.
30 sénaleurs sont sujets a réélection, sur
62 membres que eompte celte assemblée.
Des 30 membres dont le mandat expire,
16 apparliennenl a l'opinion conservatrice,
14aux diverses nuances du libéralisme.
La Flandre oriëntale et le Limbourg sont
représentés au Sénat par des deputations
exclusivement catholiques. La province de
Liége, au contraire, n'a que des sénateurs
doctrinaires. Quant au Hainaut, il fournit
sept membres a la gauche et quatre a la
droite: ces derniers sont les sénaleurs de
Charleroi et de Tbuin.
61 représentants sont soumis a rééleclion
sur 124 membres que compte l'assemblée.
De ces 61 représentants, 30 apparliennenl
a la inajoritè calholique et 29 a ('opposition.
II en est 2 qui sont entrés a la Chambre
comrne indépendants.
La Flandre Oriëntale et le Limbourg s'ho-
riorent de n'envoyer a la Chambre des repré
sentants, comme au Sénat que des mandatai-
res catholiques.
Le Hainaut fournit actuellement a l'oppo-
sition 18 voix, mais un desesarrondissements,
celui de Charleroi, a déja secoué en partie le
jong doctrinaire: c'est l'arrondissemenl de
Charleroi, représenté a la Chambre par trois
catholiques, un indépendant (M. Balisaux) et
un doctrinaire.
Dans la province de Liége, il y a uu indé
pendant a Htty (M. de Lhoneux) et deux
catholiques a Verviers. Les 11 aulres députés
de la province sont libéraux ou plutót fri-
risles.
On voit que dans la série de provinces ap
pelées a renouveler leur députation, les man-
dats parletnenlaires des deux partis se font
équilibre ou a peu prés. 11 h'en est pas de
mème de l'autre série, celle qui volera en
1876, et qui comprend les provinces d'An
vers, de Brabant, de la Flandre occidentale,
de Narnur el de Luxembourg. Cette seconde
série fournit a la droite beaucoup plus de
voix qu'a la gauche; car, on le sait, la majo-
rité en faveur des catholiques est actuelle
ment de:
14 voix au Sénat;
22 voix a la Chambre des représentants.
Maintenant que nous avons décrit, pour
ainsi parler, l'échiquier électoral, on lira
avec plus d'inlérêt les détails suivants qu'un
correspondant bien informé adresse a la
Gazelle de Liége
Au fond, les doctrinaires ont une peur
terrible des élections du 9 Juin et ils sont des
premiers a convenir dons leurs conciliabules
familliers que loin d'avoir regagné du ter
rain depuis les trots grands désastresessuyés
par eux dans les cornices généraux, ils en ont
perdu encore et conlinueronl a en perdre,
même darts l'imporlanle province oü ils se
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Poperinghe-Fpres, 8-1»,7-28,9-30,10-08,2-15,5-05,9-20 Y p res - Poperinghe6-50,9-07,12-05, 3-57,6 80,8-45,9 80. Po-
peringhe-IIazebrouck, 7 13, 12-25, 4-17, 7-13. Hazebrouck Poperinghe-Ypies, 8-35, 10- 00, 4-10, 8-25.
Ypres-Routers, 7-50, 12-25, 6-45. Routers-Ypres, 9-25, 1-50, 7-50.
Roulers-Z?r«je*, 8-45,11-34,1-13, (L. 5 56), 7-36, (9-55. Lishterv.) Lichterv.-Thourout, 4-25 m. Bruges-Routers, 8-28,
12-50, 8-13,6-42. Lichtervelde-CWrtrat, 8-25 m. Zedelghem Thourout, 12-00.
Ypres-Courtrai, 5-34.9-49,11-18,2-35,5-25. Courtrai-Ypres, 8-08,11 -02,2-56,5-40,8-49.
Ypres-Thourout, 7-13, 12 06, 6 20, (le Samedi a 5-50 du matin jusqu'a Langliemarck). Thourout-1 pres, 9-00, 1-18, 7 48,
(le Samedi a 6-20 du matin de Langliemarck a Ypres).
Oomines-Warnêion Le To'uquei-Houplines-rlrwentöres, 6 00, 11-50, 3-35, (les Merer. 8-40 m. 6-30 s.) Armentières-Houpli-
ties Le To u <pi e t - \V a r nè t n - C[o min es 7-40, 2-00, 4-45. (le Merer. 10-35 tn. 8 00 s.) Comities- Warnêton 8-40, m 9-30s. (le
Lutidi 6 30 s.) Warnêlon-C'ommes 5-30, 11-10, (le Lundi 6-50 s.)
Cotfrtrai-Brwjtés, 8-08, 11-00, 12-35, (L. 5-15), 6-55. (9-00 s. (Lichterv.)— Bruges-CW/m, 8-28, 12-50, 5-13, 6-42.
Bruges, Blankenherghe, Heyst, (station) 7-30, 11 04, 2-50, 7-35. Heyst, Blankenherghe, Biuges, 5-45, 8.30 11-30, 5-30,
Blankenherghe, Bruges, 6-10 8 85. 12-06.
lngelmunstèr Deynzé Gand5-15, 9-412-15. Ingelmunster-Dej/Mtse, 4-50 2' cl., 7-15. Gand-Deynze-Ingelmunster6-58,
11-20, 4-39. Deynze Ingelmunster, 9-10 2C cl, 8-20 s.
Ingelmunster-Anseghem, 6-05, 12-10, 6-15. Anseghem-Ingel/munster7-42, 2-20, 7-45.
Lichtervelde-Dixtr,ade Furnes el Dunkerke, 6-30, 9-10, 1-35, 7-54. ÜMftferfo-Furnes-Pixmude el Lichtervelde, 6-55, 11-15,
3-45, 5-10.
Dixmude-M'e»zpo»<, 9-58. 2 20, 8-40. Nieuport-/Kz;m?«fe, 7-40. 10-45, 12-00, 4-28.
Thouroiit-Ostendc4-60, 9-15, 1-80, 8-08. Oslende-Thourout, 7-55, 10-10, 12 25, 6-15.
Selzaete Eeeloo. 9-05, 1-25, 8-25. Eecloo-Selzaete, 8-35, 10 15, 4-22.
Gand-Terneuzen, (station) 8-17, 12-15. 7,25 (porie d'Anvers) 8-30, 12-40. 7-45.
Selzaele-LoAerera, 9 04, 1-30, 8 30. (Ie Merer. 5-10 m.) Lokeren-Setoetó, 6 00,
OOB.B.B:
BRUXELLES.
1POWDANC
Courtrai dép.
Bruxelles arr.
6,40
9,20
10,55
1,35
12,33
2,28
3,48
6,06
6,38.
9,16.
COURTRAI, TOURNAILILLE.
Courtrai dép. 7.00 10,56 2,54
Tournai arr. 7.81 11,47 3,48
Lille 8.35 11,55 4,00
5,34 8,47.
COURTRAI, GAND.
Courtrai dép.
Gand arr.
6,42
8,01
12,31
1,52
6,29
6,32
3,47
8,03
9,41.
9,58.
6,40.
7,56.
BRUGES, GAND, BRUXEULES.
Bruges dép. 6,49 exp. 12,39 3'34 exp. 6,43
Gand arr. 7.34 1,84 4,19 7,58
Bruxelles 8,50 4,05 5,26 9,31
Bruxelles dép.
Courtrai arr.
Lille dép.
Tournai arr.
Courtrai
Gand dép.
Courtrai arr.
Bruxelles dép.
Gand arr.
Bruges
Terneuzen-Gand, 6-00, 10-30, 4 40.
10-25, 4-45. (Ie Mardi, 9,30.)
TP. S
BRUXELLES, COURTRAI.
5,22 8,28 12,21 5,35 6,47.
8,00 10,43 2,41 7,83 8,44.
LILLE, TOURNAI, COURTRAI.
5,20 8,25 11,05 2,82 8,20.
5 45 8,50 11,34 2,47 5,39.
6.37 9.47 12/26 3,42 0,36.
GAND, COURTRAI.
5.38 9,39 1,28 4,24 7,2t.
6,57 10,52 2,49 5,81 8,42.
BRUXELLES, GAND, BRUGES.
8,14
„,00 9,41
7,15 10,34
8,14 11,53 3,12
6 00 9,41 1.23 4,26 exp. 6,37.
!4 2,38 5,11 7,22.
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J'élais un jotir chez <1cs amis avec lesqnels mes
relations, depuis longues années, sunt des plus
cordiales.
Venez après demain passer la soiree avec
nous, me dit la mailresse de la maison, je vous
proinets un spectacle intéressant.
Qnoi done?
Un phéuomène.
-Quelle e-pèce de phénomène?
Un phénomène. Madame X..., mon amie
intime. nous amènera sa Lionne de la Mitidja.
Une lionne apprivoisée!
Tout ce qu'il v a de plus apprivoisé, une
brebis, un agneau pour la douceur.
Hum! douceur a laquelle je ne me lie guère,
pas plus qu'a celle de voire gentil Minel, qui a des
regards si bénins, vous séduit par ses genlillesses
et ses mines caressantes, et au moment qu'on y
pense le moins laisse passer la griffe. Quand on
me parle d aimables bêles du genre de celles que
vous me vantez, tout d'abord me revient a l'espril
l'aventure tragique de l'Anglais.
Quelle aventure?
Celle du gentleman, qui, lui aussi, avail fait
sa société d'uri lionceau d'Afrique. L'animal folA-
trait en toute liberie dans son salon, et la unit
couchait sur le tapis de sa chambre tout comrne
s'tl n'cüt été qu'un king's Charles. Or, un matin
on enlendil duns cutle chambre un bruit singulier
cutnme celui d mie bottle roulant sur le parquet
ébranlé en niême tainps par les bonds de l'animal.
Les domestiques, moins conti,mts tjite leur inaitre,
entr ouvrirent la porie avec precaution et ils vi-
rent le lionceau qui, les babines toiiles sanglantes.
jouait avec la tète de l'Anglais dout Ie corps gisail
par trongons sur le lil.
Oh! l'atTreuse histoire! Mais e'est une calom-
nie. et je ne crois pas le brave lion capable d'une
telle noircetir. Quoi qu'il en soit. vous n'avez iei
rien it cratndte de pa rei Iel ma lionne je vous en
l eponds. est la plus genlille el la plus inoffensive
créature qu'on puisse voir.
Elle n'a lué ni mangé personne encore, je le
veux bien; mais e'est tine fantaisie qui peul lui
ventr d un instant a l'autre, et je n'aunerais pas
que l'expérience se fit a mes dépens.
Pültron!
Non, prudent.
Vous vous tiendrez a distance, encore qu'il
ny ait pas le moindre danger. Ma lionne ne
montre ni griffes, ni dents, et on ne l'a vu qu'nne
fois irritéeet terrible, mais c'élaitdaris le cas de
legitime défense. Je ne puis vous dlssimuler
même, ajouta la dame avec un malicieux sourire,
que, dans cette cireonslanee, elle a lué quelques
hommes, a la vcrité des Bédonins.
N'importe. Voila qui n'esl pas fait pour
rassurer, mais dti tout.
Vous ne viendrez pas alors?
Ju viendrai paree que ju suis fils d'Èvu, mais
je viendrai, prenez y garde, armé de toutus pie
ces, avec casque et cuirasse, et ayant dans ma
poche tout un arsenal.
Libre it vutis. Justement nous sommes en
carnaval, le travestissemeni ne semblera pas
extravagant. J'aurai quelque plaisir a vous voir
costume en Don Quichotle. Je vous promets en
récompense dn thé el des sandvvichs.
Est ce que voire lionne pn nd du thé?
-- Assnrément, et avec une grace tuute pari-
sienne.
Oh! alors cela me decide complétemene. Et
vous pouvez, après-demain. compter sur moi.
Une lionne qtti prend du thé! On peut bien s'ex-
poser a êlre un peu croqué pour voir de prés celle
curiosilé.
Le snrlendemuin, eneffet, exact au rendez-vous,
dès huil heures je sonnais chez mes amis, bien
entendu dans mon costume ordinaire, en frac et
paletot, mais, s'il faut l'avouer, dissimulant dans
la poche de mon liabit deux pistolets mignons
cha rgés el amorcés.
Prudence est mère de stireté,
pensais-je avec le Bonhomme. En entrant dans le
salon, je parcourus la pièce d un rapide coup
d'oeil, mais nulle partje n'apercus la béte en ques
tion. Elle n'était poiut encore arrivée, sans doute.
Dans le salon rien d'alarmant, et au contraire.
Prés de la cheminée, mon ami causait avec un
monsieur it moi inconnu, mais qua sa moustache
grisonnante, a sa redingote noire fermée exacte-
ment et orhée du rnban ronge, je jttgeai devoir
êlre un militaire. A quelques pas, aulour d'un
gnéridon, la dame de la maison, son amie et une
autre personne, demoiselle on dame, étaient assi
ses examinant des broderies.
Après I'échange ordinaire des polilesses, mon
ami cl son interlocutoir s'élanl remis a causer
d'affaires, je m'assis prés du cercle féminin, et
alors j'examinai plus atlenliveineiit l'étrangère.
La présentation officielle m'avait apprjs qu'elle
s'appelait mademoiselle Marie, et qu'elle ctait fille
de monsieur avec lequel s'cntrelenait mon ami.
Elle me parut toute jeune encore, presqn'une
enfant, peui-être a cause de sa tiinidité pleine de
grace el de sa figure candide. Je le lui donnais
dix-huil ans a peine. Sa taille mince et un peu
aii-dessous de la moyenne, ses mains blanches et
mignonnes. ses traits délicats mais des plus agréa-
bles, annongaient une organisation frêle. Ses yettx
intelligents et doux reflétaienl toute la pureté
d'une ame angélique; le sourire qui semblait se
plaire sur ses lèvres vermeilles avait l'ingcnuité de
la première enfance. Nulle pretention, nulle co-
quellerie, point de mignardise ni d'afféterie, et
un cosiuiue dont j'adniirai l'élégante simplicité.
C'était en un mol un lyjie charmant de jeune fille,
modeste, réservée, naïve, et aussi soigneuse de
cachet' ses mérites, que d'autres sont empresses a
les étaler. Elle prit sur la table une broderie pour
/examiner de plus prés, mais tout "a coup poussa
un cri en montrant son doigl oü la pointe d'une
aiguille avait fait une blessure presque impercep
tible.
Vraiment, dit avec un sourire un peu mo-
queur la dame qui l'aceompagnait. votre eri m'a
fait craindre quelque malheur. Vousêtes douilieltc
aujourd'hui, mignonne.
La jeune fille rougit et, d'un air d'aimable re-
proche, montra son mouchoir oü se voyaient, a
deux oit trois places, de petites laches roses de la
lai'geur d'une lenlille.
Cependant la soirée s'avancait et la lionne n'ap-
paraissail point; plusieiirs fois j'interrogeai du
regard la maitresse de la maison, qui n'avait pas
Fair de comprendre, ou me répondail avec un
certain sourire narqnois qui me fit penser que
j'étais mystifié.
On servit le thé et mademoiselle Marie ne se fit
pas prier pour en prendre plusieiirs tasses, sucrées
it la parisienne, et croquet', en nous montrant ses
blanches dents, de vraies perles, croquet-quel
ques petits-fours et madeleines. Mais j'eusse pré-
fét'é voir a sa place la lionne promise, je l'avoue
au risque de passer pour plus curieux que galant.
Onze heures sont èrenl. Le militaire et sa fille se
Ievèrent et tous deux sortirent, bien entendu
après que les dames se fnreut etnhrassées avec
mille gracieux compliments et la promesse dc se
revoir.
A CONTINUER.