Samedi 5 Septemb. 1874. ^^~/QU£
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LES TROIS INVALIDES.
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Lc Journal parait le Mercredi et le Samedi.
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CHEMI1VS DE FElt.
IV
7.36
OTE-TOI DE LA QUE JE M Y METTE.
II y a quelque lemps un auteur disait et
nous répélons avec lui:
On a beaucoup reproché anx clèricaux
d'avoir été longtemps, trop longtemps, les
principaux propriéiaires du sol national; on
leur applique le fameux: Ole-loi de la que
je iriy tnelle! Syslème vieux comrne le
monde, mais que les modernes libéraux ont
perfectionné en balancoire politique. Sur
cette balancoire, certaine bourgeoisie s'est
assise commodément a l'un des deux boots
en laissant encore l'exlrémilé de l'autre a la
noblesse. En France, en Belgique, en Italië,
un peu partoul, le elergé s'esl vu enlever le
sol qu'il avait défriché, ou que de pieux fon-
dateurs lui avaienl donné pour maintenir la
splendeur du culie et Tindépendance du mi
nistère sacerdotal.
Les anciens clèricaux avaienl batï des bos-
pices et des colléges; la révolulion el le
libéralisme en ont conservé un certain nom-
brc, c'esl très-bien; c'ent été mieux deles
conserver tous; la jeunesse el la pauvrelé
seraient plus au large. Les anciens clèricaux
avaienl bati des convents, asiles de la scien
ce, de la verlu, de la prière, de Tinnocence,
du repentir, du travail, de la culture intellec-
tuclle et malérielle; la révolulion et le libé
ralisme en ont fait des casernes et des pri
sons. On y prie moins, mais y esl-on plus
libre? On y blaspheme qnelquefois, mais y
csl-on plus vertueux? On y tra va i He un peu
moins, mais y est-on plus prospère?
La réponse a ces questions est claire; elle
est tont entiére contre le libéralisme, et
néanmoins celui-ci continue a répélercecri
révolutionnaire: Ole-loi de ld que je triy
mede.
Regardons aulour de nous:
Ces fréres, ces petils-frères de nos écoles
catholiques, se consacrent a l'instruction du
peuplesans aucun espoir de ce que le monde
appelle avenirsans recueillir personnellé-
ment la reconnaissance due a leur dévoue-
ment aussi grand que modeste, due aussi a
leurs suceés aussi brillanls que soutenus. El
notre libéralisme leur dit: Otez-vous de la
quefy metle les miens!
Ces vieux curés dc ville et de campagne,
et ces jeunes vicaires abaissent les grandes
lecons de la religion et de la morale au ni
veau des paysans, des ouvriers, des petils
enfants, tont en éclairant et soutenant les
intelligences plus «ultivées; ces hommes, en
outre, on est sur de les trou ver jour et nuit
prèts a voler auprès d'un malade, d'un pes-
tiféré, pour le fortifier contre les angoisses
de la maladie et les transes de la mort, et
après la mort, on les trouve au foyer de la
familie, sur les bords de la tombe, pour
prier, consoler et bénir. Et notre libéralisme
de crier a ce curé, a ce prèlre: Ole-loi de ld
que je niy metle.
Et ce n'est pas assez.
Comme nous le conslations, il ya huit
jours, le libéralisme qui avait eu d'abord
quelque velléité de laisser au moins le curé
maitre dans son Eglise, en est venu a lui
répéter aussi son fameux: Ole-loi de la que
je niy tnelle
C'est ainsi que nous voyons des libéraux,
qui ne daignenl pas fléebir le genou devant
le Dieu que les clirétiens adurent dans nos
temples, qui lout au plus, pour ne pas faire
trop crier au scandale, font une legére in
clination devant U St-Sacrement, qui enfin
ne praliquent pas la religion, nous vovons
de ces libéraux voulant pa rail re dans nos
églisesa litred'antorité, et foulantaux pieds j
les droits les mieux élablis pour arriver a
leur but impie.
L'auteur de I'enseignement dupeuple, M.
Quinet, deinande que le prètre qui passe sa
vie a répandre des consolations, soil murê
dans son ég Use!
II semblo que cela ne suffit plus a notre
libéralisme, puisqu'il nous répéte sans cesse
le fameux: Ole-loi de ld que je niy metle.
Espérons que désormais les catholiques
auront assez d'énergie pour maintenir et
revendiquer leurs droits. Pour le faire, ils
n'otU pas besom de sortir de la légalité.
L'tinion de toutes les volontés pour refuser
lout concours quelconque, moral ou mate
riel, aux misérables profanations de nos
cimeliéres, et aux malheureux excomtnuniés
qui veulenl outrager la religion, mème nos
sancltiaires, est un moyen puissant, qui,
joint aux protestations calmes, dignes et sou
tenues, viendra faoilement a bout de l'audace
sacrilége déployée par nos libéraux el francs-
macons.
Espérons aussi que les catholiques ne se
laisseront plus effrayer par les criailleries
dégoiitanles de nos infames libéraux, qui
croienl pouvoir provoquer le curé jusque
dans sou église et se disent provoqués au
désordre paree que des processions el des
pèlerinuges peuoetil libremenl avoir lieu
duns nos rues!
Espérons enfin qu'a ce cri libéral: ole-loi
de la, que je m'y rnetle, les catholiques ici
comme parlout sauront répondre comme le
corps electoral de Furnes Ostende vienl de le
faire, en ren versa nl le libéralisme persécu-
teur des siéges qu'il oecupe encore.
Voici les pnroles pronocées aux funérailles
de M. le cotnte de Tbeux par Mgr Descamps,
archcvêque de Malines, dans l'église primai
re de Hasselt:
La mort du comte de Theux de Meylandt
vient de couronner dignement sa noble vie.
A la douloureuse nouvelle de cette mort,
des voix sans nombrese soul élevées dans le
pays enlier, et toutes ces voix n'cn ont fait
qu'une, vox mulliludinis, pour célébrer une
aussi grande mémoire! Cost que la patrie
perd en lui un fils qui fauna comme on aime
une mére; la Belgique indépendante, un
illustre représentant; le Rot, un serviteurdé-
voué, un veritable homme d'Elal; la religion,
un chrélien courageusement fidéle.
Depuis que le people beige, lonjours
reconnaissable comme petqile, méme sous
des régimes étrangers, vit enfin de sa pio-
pre vie, plusieurs noms bisloriques demou-
rent ineffacablement éerits sur les aotes de
regeneration. De tous ces noins, Messieurs,
nul n'arrivera plus pur a la poslérilc que ce
lui du comte du Tbeux.
Membre du Congres national oti sa pa
role, dedaigneuse de l'éclat, imposait le si
lence par sa forte raison, el faisait tiemauder
par la loule des tribunes le noin de ce depu
te si religieusemenl écouté, le comte de
I Tbeux prit une part active el souvent pré-
pondérante aux mémorablcs dcbals de cette
grande époque de notre hisloire.
II ne ccssa plus, depuis lors, de siéger
dans les Chambres Icgtslaitvcs, et le premier
de nos souverains, Leopold 1", qui savait si
bien discerner les hommes, le choisit dés
forigine de son régno, et dans la suile a
plusieurs reprises, purmi les conscillers de la
Couronne.
Une chose toutefois distingue tout a fait
Ie comte de Theux: depute ou minislre, il
tut chei partoul. II ne faut pas s'en élonner:
a un rare talent, il unissait deux choses plus
rares encore: la sagesse et Ie caractère.
Si je voulais essayer d'en donner ici des
preuves, messieurs, je devrais refaire notre
hisloire nationale depuis prés unedemi-siécle,
el ce n'esl pas ce que vous altendez aujour-
d'hui de inoi. D'autres accompliront cette la-
chc pleinement et a loisir; la tnienne aux
pieds de ces autcls est d'e.xprimer la recon
naissance de tous, et surtout de l'Eglise en
Belgique, envers le comte de Theux, et de
relever en lui ce qui fut particuliérement
grand aux yeux de la foi: l'unilé de sa vie.
En m'exprimant ainsi, Messieursje
n'enlends pas faire allusion a l'unilé desa vie
politique proprement dite, dont je viens
d'abandonner l'éloge a des voix plus com-
pétenles que la mienue; non, je parle d'une
unité plus profonde, de funité de sa vie pri-
vée et de sa vie publique, de funité de sa vie
constamment ehrélienne en toutes choses.
II élait chrélien el savait pourquoi: Tou-
jours a rendre raison de sa foi, comme lo
prince des apótres le vout de chacun de nous,
le comlc de Theux aimaita résumer, avec le
grand bon sens qui lui était propre, les
fondements inébranlables de Is certitude reli-
gieuse, et il jouissait vivemenl de cctle certi
tude, comme nous l'avons remarqué nous-
mème bien des fois.
C'est paree qu'il voyait dans l'Eglise lo
plan; c'est paree qu'il y trouvail la vérité di
vine, et par conséquent aussi la vérité sociale,
la lumiére qui éclaire les ames et qui civi
lise le monde, qu'il ne négligeait rien de cö
qui était en son pouvoir pour garanltr a
I Eglise la pleitte liberie de son action sanc-
tiliantc et civiltsalrice.
Dés le débul de sa vie publique, il at-
taclia son nom a un grand acte, oublié peul-
être de ceux qui ne voionl que la surface des
choses; il mauilint, avec le royal appui da
chef de notre dynastie, la liberté d'un apos-
lólat qu'on voulait entraver, celui des mis
sions ou des retraites publiques, ces sources
de réparation, de reconciliation, d'ineffables
consolations, jenediraipaspour des milliers,
mais pour des millions d'amcs.
Dans toute sa longue carrière, il eut a
coeur de lulter pour une autre liberté néces
saire, celle de l'enseignement chrélien si
énergiquement voulue par les fondateurs
de notre nationalité. Instruit par I'llistoire, et
surtout par 1'hisloire de notre lemps, il sa
vait ce que deviennent les générations éle
vées en dehors du christianisme. II ne sépa-
rait done pas l'avenir dc la liberté de l'avenir
de la foi, et il n'avait d'espoir qu'en celle-ci
pour préserver celle-la des excés qui Ia pcr-
dent.
La liberté des oeuvres chrétiennes n'avait
pas en lui un défenseur moins decide que la
iiberté d'enseignement. II ne comprenait pas
que la legislation et l'administration fussent
avares ou soupconueuses a l'égard des plus
courageux travailleurs, des plus généreux
bienfaiteurs de la sociélé, de ceux qui matii-
fesiement, se consacrent a une vie de sacrifi-
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.9-30,10-58,2-15,8-00,9-20. Ypres-PoperintjUe, 6-80,9-07,12-03,3-37,fi 80,8-48,9-80.
Poperinghe- Ypres, 8-18,7-2:
peringhe-llazebrouck, 7 13, 12-28, 4 17, 7-13. llazebrouck Poperinghe-Ypres, 8-38, 10-00,-4-10, 8-28
A pies-haulers, 7-80, 12-28, 6-48. Hou Iers- Ypres, 9-28, 1-80, 7-80.
Koulers-ZJruges, 8-48,11-34,1-13, (L. 9 86), 7-36, (9-88. Liclnerv.) Lichterv.-TlwuroiU, 4-28 m. Bruges-Routers, 8-28,
12 80, 8-13, 6-42. Lichtervelde-Courtrai, 8-28 m. 9 01, 1,30, 8 48 7,21 Zedelghem-77toaroat, 8-40. 1,08, 8,26, 0,88.
Ypres-Courtrai, 8-34,9-49,11-18,2 38,8-28. Courtrai-Y-pres, 8-08,11-02,2-86,8-40,8 49.
A ynes-Thourout, 7-13, 12 06, 6 20, (Ie Samedi a 8-80 du malin jusqu'a Langhemarck). Thou rout- Ypres, 9-00, 1-18, 7-48,
(le Samedi a 0-20 du matin de Langliemarck a Ypres).
Coinines-Warnêton -Le Touquet-llouplines-^mewtières, 6-00, 10,18,12-00, 6-40,-— Armentières-llouplines Le Touquel-War-
nèum-Comines 7-28, 10,80, 4-10, 8 -40. Comines-Warnêton 8 40, m 9-3os. W arnêtoii-Cozwiwes 8-30, 9-80,
Courtrai' Bruges, 8-08, 11-00, 12-38, (L. 5-18;, 6-88. (9-00 s. (Lichterv.)— Bruges-CWrtrot, 8-25. 12-50, 8-13, 6-42.
Bruges, Blankenherghe, Beyst, (Elal) 6-80,7-30,9 45,11 04,1,20,2 25,2-80,5 20(exp.) (S.8-80)7-35 (exp.)8 45. (bassin) 7-00,
7 36,9-51,11-10,2-31,2-86,5-26(exp.)(S.8-50)7-41(exp.)8 31.— Iteysl, Blankcnberghe, Binges, 5-45,(L. 7 20) 8,30,11-25,1 28,
2 49,(exp.)4-10,8-30,(D. 6- 15)7-24. Blankenberg, Bruges, 6-10,(L. 7-42)8-55,11 35,1-45,3 05(exp.)4-30,6 00(D. 0 35) 7,00
7 48, 9-00.
Jngelmunster-Deynze-GV«t(/, 8-15, 9-41, 2-15. Ingelmunster-Deyzise, 4 50 2' cl., 7-18. Gand-Dcynze-/»je/»wnster, 6-58,
11-20, 4-46. Deynze-Ingelmunsler, 7,31 9-10 2C cl, 11,54 5,19, 8-20 s.
1 nge mu nster-Anseghera6-05, 12-10, 6-15. Ansegbein-Ingelmunsler, 7-42, 2-20, 7-45.
Lichterve de-Dixirjude-Furnes el Dankerke6-30, 9-08, 1-33, 7-38. /)tt?j/ier4"e-Furiies-Dixmude et Lichtervelde, 6-45, 11-15,
3 45,5-05.
Dixmude-JVÏetzy)o»<,9-55,10,35,2-20,5,10 8-40.(10,10 D) Nieup-Z)m»,(ville)7-40,12-00,4-24,5,56,9,30,(bains)7,30,11,50,4,15,
5,50, 9,20.
Thourout-Osleradc, 4-80, 9-15, 12,05, 1-30, 8-08. 10,15Ostende-Thouroul, 7-85, 10-10, 12 25, 4,48. 6-15. 9,15.
Selzaeie-A'cc/ou, 9-05, 1-25, 8-25. Eecloo-Selzaele, 5-36, 10 15, 4-22.
Gand-Terneazen, (sintion) 8-17, 12-15, 7,28. (porie d'Anvers) 8-30, 12-40. 7-45. Terneuzen-Gand, 6-00, 10-30, 4 40.
Selzaele-LoAereu, 9 04, 1-30, 8-30. (Ie Merer. 5-10 m.) Lokeren Selzaete, 6 00, 10-25, 4 45. (le Mardi, 9,30.)
O O IA 11 r: H I' O W D A N C I-: H
COURTRAI, BRUXELLES. BRUXELLES, COURTRAI.
Courtrai dep.
Bruxelles arr.
6,37
9,20
10,53
1,35
12.33
2,25
3,47
6,14
6,33.
8,58
Bruxelles dép.
Courtrai arr.
3,22
8,00
8,28
10,46
12,21
2,44
8.35
6,47.
8,44.
COURTRAI, T0URNA1, L1I.LE.
Courlrai dép. 6.37 10,86 2,84 8,34 8,47.
Tournai arr. 7,28 11,47 3,48 0,29 9,41.
Lillo 7,37 12,05 4,00 6,32 9,55.
COURTRAI, GAND.
Courtrai dep. 0,42 12,31
Gand arr. 8,01 1,51
BRUGES, GAND, BRUXELLES.
3,44
5,04
6,40.
7,56.
LILLE, TOURNAI, COURTRAI.
Lille dép. 5,20 8,23 11,05 2,18 3,20.
Tournai arr. 5,42 8,80 11,34 2,40 5,39.
Courtrai 6,34 9.47 12,26 3,38 6,33.
GAND, COURTnAl.
Gand dep. 5,15 9,38 1,28 4,24 7,21.
Courtrai arr. 6,34 10,51 2,49 5,31 8,42.
Bruges dép. 6,49 exp. 12,34 3,52 exp. 6,43
Gand arr. 7,34 1,49 4,42 7,58
Bruxelles 8,50 4,00 5,50 9,31
8,19 exp.
10,26.
Bruxelles dép.
Gand arr. 6,00
Bruges 7,20
BRUXELLES, GAND, BRUGES
8,14
9,41
10,34
11,53
1 23
2,38
3,12
4,26 exp.
5,11
3,55.
6,37 7,22.
7,22 8,38.
Suite. Voir le N° précédent.
CHAPITRE XIX.
I JN DE l'hISTOIRE DES TROIS INVALIDES, COMMENT
JLS SE SÉPARÉRENT, ET DE LEUKS TOUCHANTS
A D1EUX.
Vers la fin du mois de Novemhre, nous retrou-
vous a Thomery le vétéran et le blessé d'lnker-
niann, mais non pas cette fois sous les ombrages
el a prendre le frais. Des ombrages il n'cn reste
gtière, et les tilleuls sont ornés de fenilles a peu
prés comme le balai de la ménagère. Le frais, lui,
ne manque pas, au contaire, il y en a trop, C'est
done au coin d un bon feu, dans la maison du pé-
eheur que nous allons chercher le jeune soldat et
le vétéran, enlourés de la familie de celui-ci.
Eli bieu! dit le vétéran au jeune homme quj
venait d'enlrer, lu as fait la course a lonlainebleau?
Quelles nou velles? bonnes, j espère?
J'ai vu ces messieurs les médccins dont je
n'ai qu'a me louer; le chirugien en particulier,
s'est monlré admirable dc bienveillance. II parait
que mon pauvre père était venu lui faire visite, et
il avait fort attendri le docteur qu on ne dit pas
leudre cependaut. Cului-ci xn'a queslionné avcc
bonté, en me fonrnissant presque, si j'avais voulii
le tromper. line échappatoire. Voyons mon ami.
m'a-t-il dit, comment va cette santé? bien douce-
ment encore, si j'en juge a la mine. D'après les
rapports que j'ai rectis de vos blessures, on les re-
gardait la-bas comme des plus graves, ce que j'ai
pu constater par moi-même, et vous éliez porté a
peu piés comme un homme a remplacer. Ainsi
latez-vous bien, et pour peu que vous vous sen-
tiez de cette rude secousse et que le service vous
soit trop pénible, nous pouvons prolonger le con
gé, et plus tard mème vous le faire obtcnir tout a
fait.
Bravo! dit le vétéran, bravo! til nous reste
alors.
Je pars, dit le soldat. avec un triste sourire.
Comment cela, comment done?
Je pars. quoique j'eusse été henreux de res-
ter. Je n'avais pas quitté sans regret, nagiière,
l'emploi que l'instruction, dont j'élais reeonnais-
sanl a notre digne curé, m'avait permis d'occuper
a Fontainebleauprés de nies cbers parents. Vous
le savez, je fus soldat moins par gont que par
obéissance a la loi. Le métier ne me déplait pas
cependaut, et s'il a ses ennuis, il donne de müles
satisfactions. Mais tant de motifs me retenaient
ici; ma mère, d'nne santé délabrée, qui devait se
miller encore pat' Ie chagrin dc iiioti absence; mon
père, qui n'aurait pas tvioins a en souffrir, m'ai-
inant tendrement aussi, el d'ailleurs égé et pres-
que infirme. Mais le devoir parlait et, malgré les
murmures du coour, j'ai dü partir, comme main-
tenant il me faut repartir.
La première fois, je ne dis pas, interrompit la
sceur du vétéran; mais aujotird'hiii, monsieur
Gabriel, il nic semble que vous y mettez du scru
pule.
Ma bonne mère, je reconnais la votre amitié;
je vous en remercie; mais inoi, c'est la conscience
qui seule me doit guider. Or, il fallait d'abord
mentirau inédecio, puisqtie, miracle ou non pour
la science, je me vois parfaitement guéri. Je dors,
je bois. je mange, je cours comme jamais, j'ai bon
pied, bon ceil. Pouvais-je en conscience déclarer
le contraire au docteur? Uu meusonge, et pour
moi je n'eu sais pas faire.
Brave coeur! dit le vétéran.
Le niensonge d'ailleurs ici n'était point de
peu de conséquence; car enfin, supposez que par
une feinte. sans un loyal motif, j'olilienne mon
congé: uil autre, pour combleF le vide. devra par
tir, quitter peul-être aussi des parents 5gés et pau-
vres, auxquels il n'est pas moins nécessaire que je
le suis aux miens! uu autre force de prendre tna
place au posle du péril. v sera tué peul-être!
Lroyez-vous done que cette wort ne me eliar-
gerait pas la conscience?
C'est vrai, dit la femme du pêcheur et c'est a
quoi je ne pensais pas.
1 J ai done été sincere avec le docteur qui rn'a
dit alors avec l'air du regret: Après vos réponses,
mon ami, je ne puis vous auloriser davantage h
rester. J'en suis peiné pour vos parents, mais sous
peu de jours il faut rejoindre. Ainsi, dans une
huilaine. mes amis, je me mets en route.
Pauvre mère! dit la femme du pêcheur, com-
bien je la plains! Qu'elle doit être triste!
Que trop! répoudit le sotdat, en essuyant une
Jarme; el pourtant quand je lui ai eu tout raconté,
elle ni'a embrassé, et avec un air de satisfaction
douloureuse, elle a murmuré: Mon ami, tu as
bien fait. Mais ces chers parents, moi parti, que
deviendront-ils Leur position, en ce moment, est
vraiment facheuse. Vous le savez, leur petite aisan-
ce, ils la devaient surtout au.x vignes qu'ils tiennent
a loyer et que mon père cultive. Mais depuis plu
sieurs années, par suite de la maladie, plus de
récolles. et de la, a la maison, une gêne, des tm-
barras souvent graves qu'on a grand soin de me
cacher pour ne pas m'afïliger; mais j'ai des yeux,
et le coeur devine si bien ces choses-la.
Ici le vétéran se peucha vers sa sceur et son
beau-frère, et parut leur dire tout bas quelques
inols auxquels iis répondiieut par un signe de I
prompte adhésion. Alors, élevant la voix:
Ecoute mon garcon, tant s'en faut que je
sois un i'icliard; mais pourtant comme ici je ne
dépense guère, je fais bon an, mal an, quelques
éconotnies. Au bout d'une vingtaine d'années, il
en est résulte un total, 6 ou 700 francs it peu prés,
petit cadcati que je voulais laisser après moi a mes
bambins de neveux et nièces: hisloire de leur faire
ce plaisir quand je n'y serai plus. Mais giace du
ciel, enfants et parents sont au-dessus dc cette
bagatelle. Ainsi, inon gargon il ne faut pas laisser
ton brave père et ta digne mère dans l'embarras;
et eet argent, je le inels de bon cueur a ta dispo
sition.
Le jeune homme tout ému prit dans ses mains
la main du vétéran, et la serrant avec force, les
larmes anx yeux, il lui dit:
Mon ami, mon vieil ami, je ne vous remercie
pas. Je reconnais la voire coeur.
Pas de ces compliments! Entre amis faut-il tant
de fagons? Dis-moi que tu acceples et n'en parions
plus.
Accepter! mais sais-jc quand je pourrai vous
rendre.
Tu me rendras a ton retour, a moi ou aux
miens, si j'ai pris ma dernière feuille de route!
Bien entendu, je ne veux pas entre nous qu'il soit
questiou d'inlétêls. a continuer.