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LA CROIX D'OR.
Mercredi 20 Janvier 1875.
10me annêe. Nos 045.
AVIS.
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Le Journal parail le Mercredi et le Samedi.
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LA PAROLE DE PIE IX.
Voici un extrait du discours prononcé par
le Pape dans 1'audience de Mercredi 6 Jan
vier, en répouse a I'adresse de la jeunesse
catliolique d'ltalie:
Puisque voire amour de fils affectionnés,
guidant vos pas, votis a conduits ici pour
prendre une nouvelle force dans I'exercice
des bonnes ceuvres, je viens moi aussi
vous en conseiller une, ayant pour but de
diminuer un désordre immense qui s'est
accru depais les agitations révolutionnai-
res.
Je veux parler des mariages entre pa-
rents, qui depuis vingt a vingt-cinq ans
se sont non-seulement doublés' mais qua-
druplés. C'est pourquoi je votidrais que,
dans les occasions favorables, vous parliez
a I ami, au parent que votis verriez disposé
a ce genre de mariage, afin de Pen détour-
ner. A la vérité, Ie cas peut se présenter
quelquefois ou Pon doil accorder la dis
pense en raison de nombreuses causes ca-
noniques; muis cette frequence extraordi-
nairedoit être condamnée comme contraire
a la santé du corps, et c'est affaire aux
médecins d'en iraiter, mais surtout com
me contraire a la morale, et ici je puis
parler et enseigner moi-mème.
L'on dira, je le sais, qu'il est facile de
supprimer le désordre en refusanl la dis
pense; mais c'est la grande difficullé, car
les gouvernements oril pris la-dessus des
décisions qui endormenl les ames faibles.
Et ainsi, aveuglés par les emportemenls de
la passion ou tntrainés par l'avidilé de
l'argent, oil, ce qui est encore pire, paree
que la foi fait défant, il en est qui prcfé-
rent vivre en concubinage, même inces-
tueux, plutöt que de se disposer a recevoir
le sacrement. II s'ensuit que les conirac-
tants sont privés de cede grace que Dieu
leur offre pour vivre dans la paix et la
charité, comme du zèle nécessaire pour
élever les enfants dans sa sainle et divine
crainte.
Si les gouvernemenls avaient la patien
ce d'intervenir settlement après que PEgli-
se a exercéses droits, comme la justice le
réclame, ils pourraient alors mais non
avant, pratiquer les acles civils et airisi
1'on enléverait aux conlraclants tout motif
de souiller leur conscience, souillurequi
s'élend aussi a ceux qui onl coopéré.
Après cetle liberté du sacrement de ma
riage, Nous devons prier Dieu qu'll daigne
ënlever d'ati milieu de Nous les grands
obslacles qui empêchent de conférer le sa
crement de l'ordrc a tons les jeunes lévi-
tes, en raison de Pimprudente loi sur la
levée militaire qui assujetlit tout le monde
au service des armes, obligeant ainsi tous
les jeunes ecclésiasliques a échanger leur
cordon, qui signifie la pureté. contre une
ceinture de cuir qui doit soulenir l'épée.
Qui ne voit que par ce moyen Ton cher-
che a détruire peu a peu la discipline ec-
clésiastique, et Ton veut faire abandonner.
ei deserter la milice pacifique de Jésus-
Christ pour faire pródominer celle milice
qui expose I'ame et le corps a taut de
dangers. Done, demaudons bumblcmenl a
Dieu qu'll èloigtie cette menace de des-
truclion.
Et qu'on ne croie pas qu'en demandant
que ces deux sacrements solent fibres dans
leur administration et leurs effets, je cesse
de réclamer la liberté de I'enseignement.
Or,quand jedis réclamer la fiberléde I'ensei-
gtiemenl, j'enlends la réclamer non cómme
un principe, ce que je n'admels pas, mais
comme une veritable nécessité.
Telles sont, mes chers fils. les qnelques
paroles que j'avais le dessein de vous adres-
ser. Mainlenaiil allons tous nous proster-
ner devant la crèche du divin Sauveur, et,
avant lout, demandons-lui ces trois gra-
ces... Mori Dieu, auteur des sacrements,
donnez a l'Eglise la liberté du sacrement
de mariage; donnez a l'Eglise la liberté du
sacrement de Pordre; confirmez a l'Eglise
la mission que vous lui avez donnée dés le
commencement, quand vous avez dilaux
apólres: Eunles ducete ornnes genles.
EIRE JUSTE ENVERS LES CATHOLIQUES
EST UNE DUPERIE.
C'est une duperie que de se monlrcr
juste el equitable envers Cuilramonta-
nisme.
Cette belle maxime nous arrive en droite
ligne des bords du lac de Geneve ou elle a
scrvi d'exposé des motifs a la confiscation de
l'église de Notre-Dame au profit de la reli
gion batarde imporlée Ia-bas par des prèlres
concubinaires.
II n'y a rien de bien nouveau, nous le re-
connaissons, dans les procédés annexionnis-
tes de M. Carteret; mais il a le mérite de les
employer sans déguisement et de les avouer
saus vergogne.
Sans doute, l'église de Notre-Dame de
Genéve a élé bat ie par des catholiques ro-
mams et pour des catholiques romains; sans
doute, c'esl commettre une spoliation qne de
leur enlever celle église; mais les ultra-
moniains sont hors la loi el c'est duperie
que de se montrer injusle envers eux!
Voila ledernier mot du libéralisme; voila
le fond de cette polilique militante que beau-
coup de libéranx beiges proclament bonne
a under!
On voit si nous avons raison de prémunir
nos lecteurs contre le mensonge de la phra-
séologie libérale et combien les fails répon-
dent mal aux grands mots de tolerance et de
liberté dont nos ad versa ires se montrent si
prodigues.
Ce serait une dérision atijourd'hüi que de
parler encore de la libre lielvétie. Mieux
vaudrail dire: la libre Russie, la libreTur-
qme, la libre Chine! Les fils dégénérés de
Gui 1 laume Teil mérilenl d'erilcndre cette
parole célèbre dans les annales de la Conven
tion francaise: Vous voulez être fibres et
vous ne savez pas être justes!
Les catholiques qui, dans l'Enrope enliére,
ont conlribué a édifier l'Eglise de Notre Da
me dc Genéve, apprendront avec indigna-
lion comment leurs aumóues sont délournées
de leur religieuse destination.
Que cette altitude inoui'e nous serve au
moins de Iccon, qu'elle nous engage a re-
clottbier d'efforts contre Ie libéralisme et a ne
rien négliger pour préserver noire Belgiquc
de sa funeste domination!... Si, pour le
malheur de notre pays, Ie régime libéral
avail continué de peser sur nous, probable-
ment nous serions a l'heure présente déja
fort loin stir la penie que descend la Répu-
blique helvétiquö. It sufiit de lire les jour
naux libéraux et d'enregistrer leurs aveux
pour constater l'idenlilé parfaite du libéra
lisme beige el du libéralisme allemand en
Suisse. De part el d'autre aussi, Ton procla-
me la mème maxime: L'Etat doit èlre mai-
tre de lout et nous devons être maitres de
l'Etat.
Les formes contingentes et variables des
gouvernements n'y font rien: sous le cou
vert du césarisme, du parlementarisme ou
de la démocratie pure, lefond du système
demeure loujours el aboutit a mcttre la force
ou le notnbre au-dessus dc la justice.
C'est ainsi que les événements se cbargent
de verifier la sagesse des enseignernents des-
cendus de la chaire de l'ierre coneernanl les
erreurs modernes et de meltre a nu le des
potisme libéral. Grégoire XVI et Pie IX
avaienl prémuni les peoples contre les pro
messes fallacieuses du libéralisme, et voici
que, partout sous nos yeux, le libéralisme
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Popermghe-Ypres, 5-15,7-25,9-30,10-88,2-10,8-05,9-20. Ypres-Poperinqhe. 6-59.9-07,12-05,3-57,6 80,8-48,9-80. Po-
v Peilng'ie-«azebi'ouck, 7 13, 12-28, 4-17, 7-13. Hazebrouck Popcringhe Vpres, 8-38, It) 00, 4-10, 8-28.
ypvcs-Iioulers7-80, 12-28, 6-48. lioulers- Ypres, 9-28, 1-80, 7-80.
°iV>'a 8-48,11-34,1-13, (L. 8 86), 7-36, (9-88. Lichterv.) Lichterv.- Thouroul4-23 in. Bruges-Haulers, 8-28,
12-dO, >,-13, 6-42. Lichtervelde-Courtrai, 8-28 m. 9 01, 1,30, 8 45 7.21 Zedelghem Thouroul8-40. 1,08, 8,26, 6,88.
*pres-Courtrai, 5-34,9-49,11-18,2-38,8-28. - Courtrai-7pm, 8-08,11-02.2-86,8-4u,8 49.
P'%J^uroul, 7-13, 12 06, 6 -20, (le Samedi a 8-50 du maiin jusqua Lahgherriarck)Thouroul- Ypres, 9-00, 1-18, 7-48,
(le Samedi a 6-20 du matin de Langhemarck a Ypres)
Lomines-Warnêtoii-Le I'ouquet-Ilouplines-ArTOe?»l«er&j, 6-00, 10,18, 12-00, 6-40,Armenlières-Houplines Le Touquet-War-
nrAon-Comnes 7-28, 10,80, 4-10, 8-40. Comines -Wamêton 8-40, m 9-30 s. -— Warnèton-Comines 8-30, 9-80,
Gourtrai Bruges, 8-08, 11-00, 12-38, (L. 8-18), 6-88. (9-00 s. (Lichierv.)— Bruges-Courtrai, 8-28. 12-80, 8-13, 6-42.
n ^e, Ileyst, (Elat) 7-30,9-48,11-04,1,20,2 28,2-80,8 20(exp.) (S 8-80)7-38 (exp.)8-4S. (bassin)7-00,7-36,
\V^10'2"31 •2 tJ6>5-2e,(exP )(S.5-S6)7-41 (exp.)8 51Heyst, Blankenberghe, Biuges, 8-48,(L. 7-20) 8,30,11-28,1-28,2-48,
(exp.)4-io,5-30,(D. 6 18)7-28. Blankenberg, Bruges, 6-10,(L. 7-42)8-58,11-88,1-48,3 08(exp.)4 30,6 U0(D. 6 33) 7,007 48.
gelmunsterL)eynze-Gand8-15, 9-41, 2-13. lngelmunsler-Z)(;?/?j^e, 4-50 2" cl7-18. Gaud-Dey uze-lugelmumter6-88,
11-20, 4-46. Deynze Ingelmunsler, 7,31 9-10 2C cl, 11,84 5,19, 8-20 s.
nge munster-Anseghem, 0-05, 12-10, 6-18. Anseghcm-Ingelmunster7-42, 2-20, 7-45.
uicnierve'de-Uixmude-Furnes et Bunker ke, 6-30, 9-08, 1-33, 7-33. OimfeWce-Furnes-Dixmude el Lichtervelde, 6-45, 11-18,
0-45, 5-05.
nixmude-MeMpor<,9-S8,l0,3S,2-20,8,10 8-40.— Nieup-Zh)m,(ville)7-40,12-00,4-24,8,86,9,30,(bains)7,30,11,80,4,18,8,80.
i iomont-Ostende, 4-80, 9-15, 12,05, 1-80, 8-05. 10,15- Ostende-Thourout, 7-55, 10-10, 12 25, 4,43. 6-18. 9,15.
fcelzaete Eecloo, 9-08, 1-28, 8-28. - Eecloo-Selzaete, 5-35, 10-15, 4-22.
Gand-Terneuzen, (station) 8-17, 12 15, 7,25. (porte d'Anvers) S-30, 12-40. 7-48. Torneazen-Gawd, 0-00, 10-30, 4 40.
Selzaete-LoA:ére», 9 04, 1-30, 8-30. (le Merer. 8-10 in.) Lokeren-ÓVzaele, 6-00, 10-28, 4 45. (le Mardi, 9,30.)
CORBEaPOWDAWCBS.
COURTRAI, ÜRUXELLF.S.
Courtrai dép. 6,37 10,53 12,33 3,47 6,35.
Bruxelles arr. 9,20 1,38 2,25 0,14 8,58.
COURTRAI, TOURPiAI, LILLE.
Courtrai dép. 6,37 10,56 2,54 5,34 8,47.
Tournai arr. 7,28 11,47 3,48 0,29 9,41.
Lille 7,37 12,08 4,00 0,32 0,53.
COURTRAI, GAND.
Courtrai dep. 0,42 12,31
Gand arr. 8,01 1,81
BRUGES, GANDBRUXELLES.
3,44
5,04
6,40.
7,36.
BRUXELLES, COUItTRAl.
Bruxelles dép. 5,22 8,28 12,21 3,33 6,47.
Courtrai arr. 8,00 10,40 2,44 7,86 8,44.
LILLE, TOURNAI. CiOURTlUI.
Lille dép. 8,20 8,25 11,03 2,18 5,20.
Tournai arr. 5,42 8,86 11,34 '3,40 8,39.
.Courtrai 0,34 9.47 12,26 3,38 6,33.
GAND, COURTRAI.
Gand dép. 5,18 9,38 1,28 4,24 7,21.
Courtrai arr. 6,34 10,51 2,40 5,31 8,42.
BRUXELLES, GAND, BRUGES.
Bruges dép.
Gand arr.
Bruxelles
6.49 exp. 12,34
7,34 1,49
8.50 4,00
3,32 exp. 0,43 8,19 exp.
4,42 7,88
5,30 9,31 10,20.
Bruxelles dep. 8,14 11,83
Gand arr. 0,00 9,41 1.23
Bruges 7,20 10,34 2,38
3,12
'4,26 exp.
5,1 1
6,37
7,22
7,22.
8,38.
Suite. Voir Ie N° précédent.
Miniiit.
La mer est déchainée. Nous ne gouvernons
plus.. Le vent nous pousse, ainsi que les cou
lants, hors de la route: nous craignons qu'ils ne
nous jettent sur les brisants de Pile de Sable, dont
nous devons êlre pcu éloignés.
Nous sotnmes environnés de ténèbres et d'a-
bimes.
Deux heures du matin.
II y a deux timoniers a la barre; la mer embar-
que d iinmcnses nappes d'eau salée; le vent nous
aveugle et nous rend sourds.
La Maria bondit, ene, descend et remonte,
sélance, frémit sur elle-méme. Legrand htiuier
et la misaine tiennent encore.
Vendredi, 13 Septembre, huil heures.
Le vent souflle avec tine force inexpriinable; les
cordages se brisent; les vagues foiiettent les airs;
la ralaie défonce notre grand hunier; sa vergue
cassée tombe sur le pont et lue un homme, un
niallteuretix émigrant.
On est oblige de tenir quatre hommes pour
tenir la barre.
Lc navire craqtte; les vagues l'emportent dans
leuis lourbillons; il tourne sur lui-même el sa bal
a chaque coup de tangage, ne tenant plus de
route el courant au hasard.
Dix heures.
La misaine, settle voile qui nous restait encore,
v:ent d être crevée par le vent et emportéea la
nier eti lambeaux. L'équipage,-Georges el quel-
quesaulres déploiunt la plus grande énergie; mais
tous ces efforts n'aboutissent a t ien.
Nous perdons lont espoir.
Noiis étions, tont a I'lieure, dans la chambre
ou cabine du capitaine.
Après avoir eonsulté la geographic maritime,
voici littéralement cequell. Born vient de nous
dire:
- Nous courons sur l'Ile de Sable; il est pro
bable que nous serous brisés avant d'y arriver, et
quand même nous aborderions, nous serious per-
dus, nous serious réduits a mourir de faim, c'est
une lie désertel... Mrs amis, je crains fort que ce
navire ne soit noire tombe... Notre dernière
heure ne pent larder a sooner!
Cela s'est dit au milieu du bruit horrible des
vents et des flots déchainés.
La mort est j, et nos matelots plaisantent enco
re; c'est du courage.
Eire mangé, dit l'tin, est une perspective
pen souriante; autant vaut être noyé,
Et si eetle ile est peuplée de sauvages qui
nous proponent de nous manger vifs? deniande un
autre.
Voila une agiéable pensee!
Je u'.ii jamais vu de cainiibales, cela m'amu-
sera.
-C'est pen attrayant.
Ces gens (a sont capables de nous avaler sans
lions marher; c'est trisle!
Nous leur dounerons loujours du bitord a
rctordre va! ils nous mangeront jieut-être, mais
non pas vivants.
Une bonne charge, ce serait de manger ces
antropophages!
Dam! nous essaierons!
J'ai bien mangé de l'êléphanl de trier.
Et moi du lion.
Et moi du phoqne.
Et moi du piongron.
Et moi du pingouin,
Et moi do I'otirs.
J'ai mangé du singe.
A Montévideo, j'ai mangé du tigre avee un
gaouehou de mes amis.
Qu est-ce qu'un gaoucho, dcmarida Georges.
C'esl un chasseur de bêtes féroces el un
dompteur de chevaux sauvages.
J'ai mangé du chameau, reprit un des ma
le lots.
J'ai mangé du péguan.
D'uii je eonclus, dit un matelot, que tons
les matelots sont bons a manger.
Bons? Merci; excusez, camarade! toutes ces
bêtes-lii sont du res comine le rapporteur d'un
conseil de guerre.
Kites sont coriaces comme le coeur d un juge.
Et hiiileuses, done!
Et fétides!
Je leur préfère infiniment de la chandelle,
des liges de bolles, de I'herbe.
Ah! si nous trout ions la-bas de la chèvre,
du boue, du cliien, du chat, du cheval! quels fes-
lins!
S'il y a va it des vigncs dans celle ile désertel
Elle en est bien capable!
Ilélas! me dit Georges, je crains bien que
nous ne soyons obliges, comme one funic de nau-
fragés célèbres, de nous nourrir de racines, dans
cetle ile dëserle!
Je crains bien davantage de n'y pas arriver.
Bah! (il un matelot né a Paris, êlre noyé,
c'est noire affaire! pour ma part, cela m'esl déja
rrivé cinq ou six fois.
lont ccia sest dit en travaillant au salul de
tons.
Onze heures.
C.bacun dit adieu li ce qu'il aiine et se prépare
a bien mourir. Je viens de quitter le pont, c'est a-
dire le champ de halaille nn moment pour aller
saltier Juan et fhérèse... Quand je suis remonlé
quel spectacle! grand Dieu! A la clarlé dn soleil
qui, entre deux images noirs, éclaire nolre nau-
Irage, notre agonie, les emigrants sont eniassés la
pèle-inêle, hommes, femtnes, enfants, vieiilards,
tous pleurant, criant et pi iant.
Malheureux que nous sonimcs! Tout est perdu,
tout est fini pour nous; l'avenir va se fermer et nos
efforts sont impuissants.
Sur ces plages perdues, nos cadavres demain
peut-étre devtendront la proie des monstres ma
tins.
Et pourtant, nous sommes pleins de vie a cette
heure; nous sommes jeunes, remplis defougueet
dardeur; nos yeux laucenl des Hammes, nos poi-
trines se gonflent sous une peosée généreuse, nos
bras peuveut presser des eceurs chéris.
Mais as^ez; ii se conlernplur dans la vie, on perd
le courage lle.bien mourir.
Voiei le costume que jc portc en ce moment de
crise;
Une chemise de laine ronge,
Un chapeau de paille retenu a l'une des bouton-
nières de eetle chemise par un ruban de soie
noire, afin ijue le ventne I'emporte pas; tin pan-
talon de grosse loile grise, passablement gou-
drontié;
Des bolles de mer, semblables a celles que por
tent les eureurs d'égouts.
Georges, le beau Georges a nn costume sein-
blable, je crois même qu'il n'a pas de gilet du tout.
rr i m aw m--;-ttt - -na inni m rjw i n
Voila deux jours que nous n'avons mangé que
du biscuit rnóuillé. Cette nourriture m'est, il
est vrai, asscz indifférente; les privations physi-
qu 'S soul pen de chose pour ceux ijui onl uu cer-
veuu et un Ctt'iie
Quand je pense a ma pauvre mère, que je
ne re ver ra i peut-étre jamais; quand je pense a
tous ces compagnons qui mourront avec moi
sans doute; quand je pi nse a vous, Madame, b qui
j eens ces ligoes, absolument comme si j'élais sur
qu'elles vous parviendront jamais; quand je pense
a Dieu qui sen I probable ment les lira, ah! vrai-
ment, je me soucie peu de ces repas qui sont
vraisemblablement nos derniers....
Une heure de l'après-midi.
Les mats sont sur le point de lumber; les pavois
sont défoucés; Its baulians. Jes vergues el les
manoeuvres couvrent le pout de leurs debris:
Chaque lame qui etnbarque en enlraine une
parlie avec elle.
Deux beuj'es.
Les vngues bondissent a la hauteur des hunes
et retomheut lourdement sur le navire. Le
dernier coup de mer vient d'emporter notre canol!
Cinq heures,
Plusienrs voies d'eau se déclarenl: les poni|>es
ne fonctionnent plus!.. La cale commence a se
reinplirl... Je vois clairetnenl que nous allons
mourir...
Nous tie pouvons larder a couler.
Nous prions Dieu
Adieu, Madame; jc doute bien que ce journal
vous parvieune jamais
A CONÏ1NUER.