LE PRESBYTERS DL' IIAIEAU.
Samcdi 30 Octobre 1875
10 année
Lc Journal parail le Mercredi et le Samedi. Les insertions content 13 centimes la ligne. Les réclames et annonces judiciaires se paient 30 centimes la ligne. O i traite d forfait pour les insertions par année.
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C II E M I jV S 19 FE IS.
1 OCTOBRE.
DE LA PEINE DE MORT ET DU DROIT
DE GRACE.
Ayanl vu accorder des commutations de
peine a des assassins tels que Leurquin,
Dessous-le-Moustier, Laurent el Meunier, le
people en est arrivé a la persuasion que dé-
sormais on peut enlever la vie a sessenblables
sans meltre la sienne en péril. Le pouvoir
laisse la sociélé sans défense. II n'y a qu'une
seuleel unique pensee qui soit suflisamment
terrifianle pour arrèler ceux qui nourrissenl
des desseins criminels, on la supprime on
met de cóté la redoiitable perspective de la
peine de mort l'ceil du malfaiteur n'entre-
voit plus le glaive inexorable de la justice
plus rien ne l'effraie il s'élance sur la proie
qu'il a choisieet que la société nedéfend plus
conlre lui
Tout récemment, M. Delecourt, procureur-
général prés la cour d'appel de Bruxeiles,
ineltait en lumiére ces vérilés dans un dis
cours éloquent. Peu de jours après, la fra
tricide de Dampremy se chargeait de lui
répondre. L'assassin a beau jeu conlre le mi
nistère public. II le nargue: que pottvez vous
faire conlre moi Je ne crains que la peine
de mort el je vous mets au défï de me l'infli-
ger. Si je n'avais pas eu la certitude que ma
vie serail sauve, je n'aurais pas commis ce
crime, mais je sais que vous èles désarmé.
Une si I ua t ion semblablc inspire des pen-
sées acclabl.anles et la responsabilité qti'clle
comporte doil ètre un bien lourd fardeau.
II est a remarquer que celle responsabililé est
beaueoup plus grande qu'on ne se l'imagine.
Commuer, comme on le fait, la peine de tons
les eondamnés a mort en tine detention per-
péluelle, c'esl, dit-on, faire du droit de grace
uno application legitime et régtiliére.
Nous nous Irouvons iei en face d'une de
ces erretirs grossiéres el monslruèuses, qui,
sous le régime libéral, ont pris souvent nais-
sance dans les cerveaux minislériels. Con-
teslées dés l'origine, elles se sont ensuite
accrédilées peu a peu, puis elles onl fini par
passer pour des vérilés incontestables. On a
de cetle manière dénaturé bien des fois la
pensée du législateur constituant,
II résulledes discussions du Congrès qu'il
est de fessencedu droit de grace d'èlre exercé
avec discernement. On a voulu que cette
prérogative, réservée a la couronne servit a
trois fins. D'abord a redresser les erreurs
judiciaires. On lecomprend, c'esl en cela que
réside la principale raison d'ètre du droit de
grace. II doit ensuite servir a corriger les ri-
gueurs judiciaires. Un crime peut avoir élé
entouré de cerlaines circonslances plus ou
moins jnstificalives. Le juge n'en a pas tenu
compte, enclin qu'il est a repousser lout sen
timent de commisération. II est bon que le
roi puisse alors user de clémence. Enfin, il
est un dernier cas oü le droit de grace peul
encore être légitimement exercé. Le juge se
Irouve parfois on présence d'un lexle impé-
ratif, qui ne tient aucun comple des circon
slances el en vertil duqiiel il doit punir très-
sévérementcerlains accuses,dignescependant
de beaueoup d'indulgence. Ce cas ne se con-
fond point avec les précédenls. II n'y a pas
d'erreurcommise par le juge et, d'auire part,
l'excés de sévérité provierit non pas de sa
volonté, mais des tormes formcls de la loi.
On peut dire que, duns ce cas, il y a néces-
silé judiciaire. Si alors le droit de grace
n'exislaii pas pour lempérer ce que la loi a
de Irop rigoureux el de Irop absoln, elle
renfermerait beaueoup de dispositions dra-
coniennes.
En dehors de ces Irois cas dont on a donné
de nombreux exemples dans les discours
prononcés au Congrés, ie droit de grace ne
peut s'exercer que d'une maniérc irréguliére
et inconslilulionnelle.
Le législateur constituant a tracé les prin
cipes qu'il voulait qu'on suivit en cette n a-
tiére. II exige d'une manière absolue que
l'on agisse avec discernement. C'esl aller a
l'encontre de ses intentions formelles que
d'user du droit de grace syslématiquement.
Le poavoir législatif lui mème n'aurait pas le
droit de déroger a ces régies constitution-
nelles.
Les chambres pourraient abolir la peine
de mort, mais elles ne pourraient pas décré-
ler d'une facon générale que le droit de grace
s'exeicera a l'égard de tons les eondamnés a
mort. il faudrait pour en arrivcr la une ré-
vision de la constitution.
Ce qui est interdit au pouvoir législatif, un
minislre s'arroge Ie droit de le faire
II sort done entièrement de la légalité. II
est moralemenl responsable de eet acte aiusi
que de toutes ses conséquences. Or il y a
tout lieu de croire que la conduite tenue par
le minislre est une cause de criininalilé. |I
semble certain que bien des hommes qui
gémissent atijourd'hui dans les prisons n'au-
raient pas commis leur crime s'ils avaient eu
la certitude que la mort de va i t en étre le
chalimenl II s'en faut de pen que ce ne soit
le cas prévti a l'art. G6 4 du code pénal,
en vertu duquel on consiüèrc comme co au
teurs d'un.crime ceux qui, por dons, pro
messes, menaces, ulnts d autorité ou de pou
voir, machinations ou artifices coi/paöles
auront directcment provoqué d ce crime ou
a cc dclit. Pourquc l'on soit considérócomme
co-auteurs, le code pénal exige que l'on ait
directcment poussé quelqu'un a commeltre
un crime délerminé.
Le ministre de la justice ne se tronve point
dans ce cas. Sa manière d'agir relativement
au droit de grace, est une incilation générale
au crime, ce qui, dans tin certain sens, pré
sente cependant infiniment plus de gravité.
Disonstoutefois pour le disculper aulant qu'il
est possible et pour établir toutes les diffe
rences, qu'en agissanl comme il le fait, il se
rend coupable simplementd'une faute, landis
qu'il y a dol de la part de celui qui pousse
direclement quelqu'un a commeltre un crime
déterminé.
Nous cspérons que ces graves et (erribles
considéralions ayanl pour point d'appui la
thésedéveloppéepar M. leprocuretir-général,
décideront M. le minislre do la justice a rom-
pre enfin avec les traditions libérales. 11 est
temps de donner satisfaction a la conscience
publiquect de prendre des mesures propres
a rélablir la sécurité. R.
LES ELECTIONS COMMUNALES DU
26 OCTOBRE 187B.
Les espérances du libéralisme sont cruel-
lemenl décues.
II avail escomplé les éleclions commnnales
de 187o el il se fl utait de leur attribuer la
portee, sinon d'un congé immédiat, signifié
au ministère, tout au moins i'imporlance et
la solennité d un avis de prorltain déguer-
pissement.
Déja la presse libérale sn 1 nait. de ses voeux
la contreparlie du soulagctnenl universel
de 1870 et elle complail bien recucillir les
benefices de eet acte de contrition du pays
intelligent.
Or, nous n'en sommes pas la et, grace a
Dien, grace au bon sens de nos populations,
nous sommes mème trés loin d'en ètre la.
Dans nos deux Fiandres, le parti catholique
a presque partoul énergiquement afiirmé,
consoli'dé, élendti sa prépondérance.
Les calholiques l'emporlenl a Audenarde,
a Termoiide, a Lokeren, a Deynze ils se
maintiennenl et ils se fortifienl a Alost, a St-
Nicolas, a Renaix, a Eecloo, a Ninove, a Sot-
tegem, et, dans la plupart des communes
rurales, oti le libéralisme avait osé affronter
la lutte,ils luiinfligenld'htimiliantesdéfailes.
Nos amis triomphent égileinent a Bruges,
a Courtrai, a Menio, a Mouscroo, etc. La vie-
toire de Bruges surtoul est significative, car
elle réduit a l'élat d'infime minorité le doc-
trinarisme du cbef-lieu de la Flandre occi
dentale.
Nulle part. dans les deux Fiandres, les
calholiques n'ont perdu de terrain et ils ont,
en revanche, conquis sur leurs adversaires
des positions très-imporianles.
A Anvers, le suceès n'a pas couronné les
efforts courageux qui lendaient a afiranchir
la noble cité de PEscaul du jong de la gtieu-
serie. 11 y aurait beaueoup a dire sur cetle
lulle gig'antesque et dans laquelle les vérita-
bles Anversois out eu a combattre lout a la
fois le fanatisme violent des gueux cl les in
fluences corruplricesd'unepropagande pseu-
do-germanique. Les jonrnaux d'Anvers nous
raconleront les détails ei les épisodes de cette
émouvante balaille mais dés atijourd'hui,
nous tenons a payer le tribui de noire sym-
palhique admiration a ceux qui out tenu,
danscette ftirieuse mélée, leglorieux drapeau
de nos traditions religieuses cl nationales.
Nous ne sommes pas les courtisans sysléma-
t ijiies du suceès el nous aimons a bonorer
COMTESSE 1)E BASSANVILLE.
(Reproduction interdite.)
Poperinglie-Ypres, 3-13,7-00,9-30,10-35,2-13,3-08,9-20. Ypres-Poperinghe, 6-4' 1,9-07,12-OS,3-S7.fi S0,8-45,9-50. Po
peringhe-llazebrouck, 7 03, 12-25, 4-17, 7-13. llazebrouck Poperinghe-Ypres, 8-35, 9 50, 4-10, 8-23.
Ypres-/<oit(ers, 7-50, 12-25, 0-45. Roulers- Ypres, 9-25, 1-50, 7-50.
Houlers-ZJntyei, 8-45, 11-34, 1-13,5,13,7-36,(9-55. Lichterv.)Lichterv.-Thourout, 4-25 m. vors OslenJe. Bruges-Rott-
7 23, 8-23, 12-50, 5-00, 0-42. Lichterv.-Courtrai, 5-23 m. 9 01, 1,30, 5,37 7,21.
Ypres-Courtwi 5-34, 9-49, 11-13, 2-33, 5-23, Courtrai-8-08, 11-02, 2-50, 3-40, 8 49.
Ypres-Thourout, 7-18, 12 00, 6 20, (le Samedi a 5-50 du matin jusqu'a Langhemarck)Tiiourout-Ypres, 9 00, 1-23, 7 43,
(le Samedi a ti-20 du matin de Langhemarck i Ypres).
Comines-Warnèton-Le Touquet-Ilouplines-Arwènn'èees, 0 00, 10,13, 12-00, 6-23,Armenlières-IIouplines Le Touquet-War-
nêton-Comines 7-23, 10,30, 4-10, 8 -40, Comines- Warnèton 8 43, in 9-30 s. Warnêton-Commes 5-30, 9-30,
Courtrai Bruges, 8-05, 11-00, 12-33,4-40, 6-53. 9-00 s. (Lichterv.)Bruges-CWWrai, 8-23, 12-50, 3-00, 6-42.
Bruges, Blankenberghe, fleyst, (Station) 7-23, 11 08, 2-50, 7-35, (bassin) 7-31, 11-14, 2-36, 7 41. fleyst, Blankenb,Bruges,
5-43, 8,23, 11-23,5-30.
Ingelmunsier Deynze-Gand, 5-00, 9-41, 2-15. Ingelmnnster-Ö#yuz«, 6-10 2" cl., 7-13. Gand-Deyuie-Ingelmunsier, 6-38,
11-20, 4-41. Deynze Ingelmunsier, 1-00. 2' ei. 8 20.
lngelmunster-.lnsep/iem, 6-05, 12-55, 6-13. Anseghetn-Ingelmunsier, 7-42, 2-20, 7-45.
Lichtervelde-Dixmjde-Furnes et üunkerke, 6 30, 9-08, 1-33, 8 00. ZfifuAerAe-Furnes-Dixmude et Liclilervelde, 6-33, 11 10,
3-40, 5-00.
Dijmude-jV»euporL9-30,2-20,8-43. Nieup-Z)tT?n, (bains) 10-43, 4-10. (villc) 7-30,12 00,4-20.
Tliourout-Ostenrfe, 4-50, 9-15, 1-50, 8-03. Ostende-Thourout, 7-33, 10-10, 12 25, 0-13.
Selzaeie-jEec/oo, 9-03, 1-23, 8-23. Eecloo-Se/jraete, 5-35, 10-13,4-22.
Gand-Terneuzen, (staliun) 8-17, 12 23. 7,3') (parte d'Anvers) 8-30, 12-40. 7-43. [Wnenznn (rand, 6 00, 10-30, 440.-
Selzaete-Lokeren, 9 04, 1-30, 8 30. (le Merer. 3 10 in.) Lokeren-Setotete, 6 00, 10-23, 4 45. (le Mardi, 9,30.)
COR R. XI I
COURTRAI, BRUXELLES.
Courtrai dep. 6,37 10,33 12,33
Bruxeiles arr. 9,20 1,35 2,23
BRUXEI.t.BS, COURTRAI.
COURTRAI, TOURNA!Lil. I.E.
Lille dép.
Tournai
Courtrai arr.
LILLE, TOURNA!COURTRAI.
3,13 8,22 I 1,03 2,22 3,20
5,42 8,56 11,29 2,40 5,39
6,34 9.47 12,20 3,38 6,33
COURTRAI, GAND.
GAND, COURTRAI.
BRUiSS, GANDBRUXELLE3.
BRUXELLES, GANG, BRUGES.
Bruges d. 6,49oxp.I2.34, 2,32, 3 43,ex. 6,43.
Gand a. 7,34, 1,49 4-07, 4,28, 7,58.
Bruxeiles 8,30, 4-00, 6,02, 9-31.
Bruxolles dép.
Gand arr. 6,00
Bruges - 7,13
3,12
4,26
3,1 I
exp.
4,39 cxp. 5,28.
6,37 7,33.
7,22 8,33.
PAR L.V
s
puis je quelque rhose a vos maux lui demanda-
t-ii avec iniéiêl parlez alors, parlez avec con-
fiance.
Monsieur le cnré. lui dit elle, ce n'est point
ati prêtre que je m'adiesse. Dans le lumulte de
mes pensees el de mes sentiments, il me serail
impossible de faire lire tin autre dans mon cceiir
je ne puis y lire moi même. Mais j'ai besoin d'é-
pancher mes souffi ances. Je vous raconterai done,
si vous daignez m'écouter, ma vie. Ce n'est pas line
confession, c'esl un récil, et je suis fachée que
etilte respectable il.une qui m a monlré lant de
boules que j'ai mal iccoiniues, ne soit pas iei pour
l'entendre. Vous me direz, après m'avoir écoulée,
si je puis encore espérer la miséricorde de Dien,
el, qui sail peut êlre un jour, quand mon espril
sera plus Iranquille, quand celle fièvre et celle
agitation qui m'empéchenl de me re'cueillir seront
calmées. j'aurai autre chose a vous demander.
Mais atijourd'hui, non Je ne puis que vous dire
mes maihetirs ct mes soiitTranees, en réclamant
d'avance voire indulgence ponr l'incohérence de
ce réeil dans lequel toutes les plaies de mon cceur
toiiI saigner.
Parlez, madame, dit le curé, tin panvre prê-
Ire a pui de puissance sur la terre, mais il sail
pleurer avec ceux qui plenrent et prier üieu de
les consoler, et il a des consolations touirs-puis-
sanlcs pour ceux qui croienl.
ii Je suis nee dans ce village, d'une familie
honorable et aisée son nom, je ne vous le dirai
Suite. Voir Ie numéro précédent.
Le lendemuin, an premier ravon do jour, Ma
rion et l'étrangère furent stir pird, Cetle dernière
remereia de nouveau la générense femme de son
charitable devotieineni. puis elle lui demanda de
la condnire anprès de bon curé pour lui porter
aussi l'expression desa profunde graliltide,
Et n'avez-vous rien autre y lui dire, il notre
curé?... demanda dame Maiiou.
Ilélasma vie a élé si Iriste et le passé me
rnppelle de lelies douleurs, que j'hésite li ramener
mes souvenirs en arrière.
Eh bien, raison de plus pour vous soulager
en fonfianl vos peines a un hommc qui pourn
vous consoler el vous seeourir. peut êlre?
Me seeourir!.. s'écria l'étrangère en rou-
gissant, croyez-vous done que je demande la
charilé...
La, la, ne vous emporiez pas comme un
cheval qui casse sa corde, fit la vieiile Marion,
incapable de retenir un moment de mauvaise liu-
meur mais, la bonté reprenant le dessus, elle
ajoula doucement
N'est-ce done pas seeourir que de diminuer
ladoulfiir? Faule avouée est, dil-on, a moil ié
pardonnée. El si on a le bonheiir dc n'avoir ii con-
fier que des souffrances, fardeau parlagé esl de
moilié moins lourd.
L'étrangère avait compris sur-le-champ le tort
qu elle avait eu en se monlrant blessée d'une offre
générense aussi chereba-t-elle a le réparer par de
donees paroles, car elle sentait qu'elle avail Irouvé
des amis dans ce pays, oü l isolement lui üt dé-
chiré lame bien plus encore que dans ces villes
immrnses oü rhacnn vil pour soi car iei elle avait
élé si Irndremrnt aitnée, si enlourée, que la solitude
lui eüi paru aussi cruelle que la mort.
Elles devisaient encore quand l'abbé Henri ren-
Ira. En la voyant, la vieiile Marion l'acciieillit par
un joyeux sourire, puis elle le laissa seul avec
l'élratigère si généreusement accueillie.
L'étrangère se leva comme avec terreur pour se
retirer.
Vous f,lisje done peur, mon enfant? lui
demanda avec bonté l'homme de Dien, dont le
visage élatt éclaiié par un rayon de cette divine
charilé dont le soleil est au iel.
Hélas lout m'eflrayefil cetle-ci en se-
conanf Irislemenl la têle sans répondre directcment
a la question qui lui élait posée el ce qui m'effraye
plus encore c'esl moi même... ajoula l-elle, comme
en se parlant inlérieurement, car en m'envoyanl
le malheur Dieu n été juste envers moi..,
Dieu est toujours juste envers Ions, mon
enfant, interrompit doucement le prêtre mais
pas, car je ne veux pas meltre line Incite sur la
reputation honorable qu'elle a laissée dans le
passé.
Moi, je m'appelle I.aure j'étais la dernière de
cinq enfants, et mallieuieusement aimée el gêtee
dc lous. Ma gentillesse, mon esprit, ma jolie figu
re. car j'avais lout cela alors m'avaienl rendtie le
tyran du logis, el la leridresse qu'on me prodiguail
avait, hélas dégénéré en faiblesse.
Ma mère snrtout él ail folic de son enfanl
rhéri rien n'était Irop beau pour lui elle me
parail eomme une idole. Les soins incessanls. ees
eomplimenis sans fin firrnt, dés mon plus jeune
age, germer dans mon cccur deux vices qui de-
vaienl faire ie malheur de ma vieenlière: l'égoïsme
et la coqiieliei'ie.
Tant que je fus enfanl, el même quand je
devins jeune (illc, ces défauls lerribles élaient ca
ches sous lant de gaieté, d'inxouciance de mon
cóté, et de faibtcsse du rölé de mes parents, que
personne ne s'eu apereul dans ma familie on me
regardail comme une perfection, et, comme il
arrive a toutes les idoles, j'avais fini par me croire
des droits aux hommages qu'en me rendait.
J'avais dix-huit ans une grande fêle ent lieu
dans iin pays voisin de celui-ci on faisait te bap-
téme de la cioche offerle ii sa nouvelle église. Celle
cloche avail élé donnée par une dame dont le cha
lean dépendail de Lhaiily. el rialurellement elle en
devait être la marraine. Quant au parrain. il ne
l'était que par procuration, car le chatelain, se
trouvant absent, avait prié le fits d'un de se» amis
de !e remplaeer.
ii Quand nous arrivames a Chailly, tout le pays
élait en proie it une vive agitalion, car la marraine
de la cloche, venant de se h oiiver subitement in-
disposée, ne pouvait se rendre a la cérémonie, et
l'on craigrrait naturellement que la fêle ne füt
remise.
ii Eli bien. tant mieux disaient les atiber-
gisies qui espéraient une double recelle, <;a fera
deux jours de fêle au lieu d'un. Voyez done le
grand dommage
ii II n'y a done qu'une dame dans le pays
qui soil digue d'etre marraine, faisail observer a
son lour, en se pinsant les levies, la directrice de
la poste, demoiselle d un Age mür, prétentieuse et
médisante.
ii Qu'on nomme une remplaganle! répétaient
une foule de voix aver nn ensemble parfait.
ii Le maire et le cure vinrent se joindre a la foule
qui encomhrait la place de Téglise. En les voyant,
de vifs hourras les accueiliirent, car on pensait
que la difficullé allait enfin être levée.
a Le maire élait tin gros homme, vaniteux et
amhitieux, esprit borné qui ne voyail pas pins loin
que son nrz, disaient Irs beaux esprits de I'endroit,
or eet honnêle magistral étail cantard; aussi, loin
d'adminislrer sa commune, eomme il en avait la
prétenlion, il ne faisait que 1'amuscr, et le premier
adjoint se chargeait du resle.
ii Le etii eutra dans l'église, sans doute pour
éviter d'assister aux debats qui allaient s'ouvrir, et
dont il prévoyait le ridiculequaot au maire, il