si
Mercredi 15 Décembre 1875.
10' année.
TRIBUNE RÉSERVÉE
Le Journal parail le Mercredi et le Sarnedi. Les insertions coiitent 15 centimes la ligne. Les réclames et annonces judiciaires se paieut 30 centimes la ligne. Ou traite d forfait pour les insertions par année.
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19.E V E 13. 1 OCTOBRE.
Les personnes qui prendront
un abonnement au Journal <T Ypres,
ponr 1876, et qui nous en feront
parvenir Ie montant, le recevront
gratis jusqu'a Ia nouvelle année, a
commencer du jour ou Ia demande
et le montant nous parviendront.
L'INCONSTITUTIONNALITÉ DE L'ARRËTÉ
PIERCOT.
Vinconslilulionnalilé de l'arrêté-Piercot
est flagrante et ne peut, de bonne foi, ètre
contestée par nos adversaires eux-mêmes.
L'arlicle 14 de la Constitution est formel; il
garanlit «l'exercice public »du culte, c'est-a-
dire les discussions du Congrés sont
claires les processions catholiques qucl-
conques, y compris par conséquent les pro
cessions jubilaires. Pas un doulesérieux n'est
possible sur le fond du débal.
Vaincus sur le terrain des fails par le
libéralisme, délaissés par le pouvoir, nous
voulons du moins maiutenir l'intégrilé de
notre droit et convaincre nos adversaires
que, pour commellre leurs usurpations, ils
ont dü violer la Constitution dans ses dispo
sitions les plus claires et les moins sujeltes a
l'équi voque.
D'aprés les libéraux, il est bien vrai que
Particle 14 de la Constitution garanlit l'ex-
ercice public du culte, mais eet article 14
doit se combiner avec une autre disposition,
Particle 19 §2, qui soumet les rassemble
menls en plein air aux lois de police.
Or, disent-ils, l'exercice public du culte
comporie des rassemblemcnls en plein air;
done il demeure soumis aux lois de police, et
LA
M. Piercot a le droit d'inlerdire loutes les
processions qu'il lui plait.
Pour faire justice de cetle argumentation,
il suffirait de remarquer qu'elle implique
enire deux articles de la Constitution une
vérilablc conlradiclion, que nos législateurs
constituants auraient commiA;, a moins de
huil jours de distance.
En effet. ne serail-il pas ridicule de décla-
rer libre l'exercice public du culte. pour
venir, quelques lignes plus bas, reslreindre
cette liberie dans des limiles si étroites,
qu'elle est livrée, pieds et poings liés, a la
discrélion de la police municipale?
A prioriil est permis de dire que le
Congrés étail incapable d'une aussi mauraise
plaisanterie. Sb 1 a voulti sérieusement la
liberie du culte public, il n'a pas assujetli
l'exercice de cetle liberté a l'arbitraire de la
police; s'il ne l'a pas voulue, il n'a pu sérieu
sement proclamer la liberté d'un culte dont
il aurait au contraire consacré la dépendance
et la servitude.
Aussi les commentateurs, mème libéraux,
de noire droit public, sont-ils d'accord pour
repudier la relation toute fantaisisle enire
l'arlicle 14 et l'arlicle 19 de la Constitution.
Citons M. Laurent.
Dans son traité: l'Eglise et l'Eltil3" par-
tie, p. 348, aprés avoir disculé l'arlicle 14
et larlicle 19 de la Constitution, il se résumé
en ces termos:
«II faul conclure qn'aucune mesure pré
venlive ne peut èlre prise contre l'exercice
public des cu lies. Quant a Tur ticle 19, qui
soumei les rassemblemcnls aux lois de la
policela discussion prouve qu'il est
élranger aux rassemblements religieux.
Est-ce clair?
Mais pour meltre noire Ihèse en pleine
lumicre, nous allons nous-mèmes recourir
aux discussions du Congrés et rappeler som-
mairement les débats auxquels donnèrent
lieu les articles dont aujourd'hui la porlée
est conlestée.
Le projel primilif de la Constitution por
ta;!: (article 11): L'exercice public d'aucun
cu lie ne peut èlre empèché qu'en vertu
d'une loi el seulement dans le cas ou il
trouble l'ordre cl !a tranquillilé publique.»
Le rapporteur, M. Ch. De Bronckere fit.
expressément remarquer que la seel ion
cenlrale, en se servant des mots exercice
publicavail enlendu l'eatcrcice extérieur
encore une fois, est-ce clair? bien
que, d'aprés la jurisprudence, l'exercice
du culte dans I'intérieur des temple fut
public.
Eh bien! l'arlicle 11 du projel dc Constitu
tion fut comballu et rejeté.
Pourquoi?
Les débats l'atteslenl: parce que législa-
leur constiluanl ne ooulut pas mème laisser
d une loi la faculté du reslreindre l'exercice
public du culte.
El le pouvoir quele Congres refusail a la
loi, on vient prétendre qu'il en aurait investi
le premier bourgmestre venu!...
Mais écouloris la majoritédu Congrés dé-
velopper les motifs de son opposition; il y a
ici des déclarations inslructives a rccuei 11 i r
Je ne veux pas, disait M. Van Meenen,
établir un primlége contre le culte calholi-
que.
II est d'aulant plus important, disait M.
Gerlache d'amender eet artic/e du projel
qu'il est évidemment dirigé contre le culte
de la majorité des Beiges.
M. de Sécus prorioncait, a son lour, ces
paroles pour ainsi dire prophétiques:
Nous sommes les maitres de notre liber-
té, dit-il, el si, par la suite, des entraves
y étaienl encore apporlées, nous ne pour-
rions les allribuer qu'a notre défaut de
prévoyance. Pour que cetle liberté du ca-
ibolique soil étabiie, il faul done que l'ex-
ercice public de sou culte ne puissc ètre
empèché, il ne peut ceries troubler ni l'or-
dreni la tranquillité, el si ce trouble arrï-
vaitce ne pourrait èlre que l'effet de la
malvcir/ance exercée d dessetn pour fin-
si suiter. St done pureits exces arrivaienl
ce serail contre leurs auteurs qu'il fau-
druil séoir.
II se pourrait que des autoritésimbues
de principes irréligieux prélendraient que
si l'exercice extérieur d'un culte a excité
des troublesle mogen de les prévenir est
d'inlerdire eet acte extérieur d'exercice
si du culte. Pureille opinion pourrait Irou-
ii oer des partisans; or, feruil ainsi relom-
i ber sur le culte lui-mème les excès de ses
a ennemis et en suscitunl pareils excèson
parviendrait d anéanlir le culte exté-
rieur.
N'e&lce pas l'arrêté-Piercot pré ven t i ve-
menl condamné et fléln?
M. I'abbè Vari Crombruggha n'est pas
moins explicite. II s'élonne qn'tine liberté
que les Beiges ont acquise au prix de leur
sang, se trouve déja comme menacée,
puisque la section cenlrale 1'asssujeitit a
une condition dont le simple énoncé affli-
n ge. Une loi pourrait empècher le culte
antique des Beiges! Si done un parli hosti-
le au catliolicisine vient a triompher, il lui
sera loisible d'empècher l'exercice de notre
culte? Si, comme on en voit des preuves
dans un pays voisin, des ennemis de l'or-
dre suscitenl quelque trouble par l'une de
ces scènes irnpies et scandaleuses qui ar-
rivent ailleurs el que Tón impute ensuile
ces troubles d ceux dont on veul enlraoer
a les liberies, ne paroiendruil-on pas a em-
pècher l'exercice de notre culte el d faire
x porter aux innocents la peine due cou-
publes? De cette rnanièreles libertés les
plus précieuses dépendraient de la volonlé
a et des passions des partis.
Faut-il transcrire encore la phrase qui
suil? Hélas!...
Quoique l'espril de sagesse qui distingue
x notre nation nous soil un sur garant que
ces suppositions ne se réaliseront jamais
x parini nous, la settle idee que leur culte
pourrait èlre enlravé, inspirerail indubi-
tablcmenl des craiutes aux Beiges.
Nous pourrions multiplier ces citations:
m i s a quoi- bou!... II suffira d'ajouterque
l'arlicle II du projet de Constitution fut rejeté.
Le Congrés, éearlanl une nouvelle proposi
tion de M. Devaux, adopta la rédaetion ac-
luelle de I'arlice 14 de la Constitution, après
cette déelaration catégorique de M. Legrelle:
Popennghe-Ypres, 3-13,7-00,9-30,10-58,2-18,5-08,9-20. Ypres-Poperinghe, 6-40,9-07,12-08,8-37,6 B0,8-43,9-20. Po-
peringhe-Hazebrouck, 7 03, 12-25, 4-17, 7-13. Hazebrouck Poperinghe-Ypres, 8-35, 9-50, 4 1U, 5-23.
Ypres-Roulevs7-50, 12-25, 0-45. Kouiers- Ypres, 0-25, l-ÖO, 7-30.
Rooiers-rages, 8-45, 11-34, 1-13, 5,18, 7-36, (9-83. Lichterv.) Lichterv.-Thourout, 4-23 tn. vers Osiende. Bruges-JJon-
7 23, 8-23, 12-30, 3-00, 6-42. Lichlerv.-Courtrai, 3-23 m. 9 01, 1,30, 3.37 7,21
Ypres-CWtnzi 3-34, 9-49, 1 1-13, 2-33, 3-23, Courliai- Ypres, 8-08, 11-02, 2-86, 3-40, 8 49.
Ypres-1 hourout, 7-18, 12 06, 6 20, (le Sarnedi a 3-30 du matin jusqo'a Langliemarck). Tliourout-Ypres, 9-00, 1-23, 7-43,
(Ie Sarnedi a 6-20 du matiu de Langliemarck Ypres).
Comines-Warnêton Le Pouquel-I hmpl iries-ArnienOères', 6-00, 10,13, 12-00, 6-23, Armenlières-Houplinss Le Touquol-War-
nêton-Comities 7 -23, 10,30, 4-10, 8-40. Comines- War néton 8 43, m 9-30 s. Warnêlon-CoaitMes 3-30, 9-30,
Courtrai Bruges, 8-03, 11-00, 12-33,4-40, 6-33. 9-00 s. (Lichterv.)—Briiges-CWrtrat, 8-28, 12-30, 3-00, 6-42.
Bruges, Blankenberghe, lleyst, (Station) 7-23, 11 08, 2-30, 7-33, (bassin) 7-31, 11-14, 2-36, 7 41. Ileyst, Blankenb,Biuges,
3-43, 8,23, 11-23, 8-30.
Ingelmunsier Deynze Gand, 8-00, 9-4I, 2-18. Ingelmunster-Dei//i2e, 6-10 2' cl., 7-13. Gand-Deynl&-Ingelmunsier6-88,
11-20, 4-41. Deynze Ingelmunsier, 1-00. 2' cl. 8 20.
Ingelmunsier-Anseghem, 6-08, 12-83, 6-13. Ansegliom-Ingelmunsier7-42, 2-20, 7-48.
Lichtervelde-Dixir/ade-Furnes et Dunkerke, 6 30, 9-08, 1-33, 8-00. Z)it/i4'crA'e-Furncs-Dixmude et Lichtervelde6-38, 11- 10,
3-40, 8-00.
Dixmude-JViewpor<,9-30,2-20,S-4S. Nieup-Dm», (bains) 10-43, 4-10. (villa) 7-30,12 00,4-20.
Thouroiit-Ostewdc, 4-80, 9-I8, 1-30, 8-03. Ostende-Thourout, 7-33, 10-10, 12 23, 0-13-.
Selzaele Eecloo, 9-08, 1-28, 8-28. Eecloo-Se/zaefe, 3-38, 10 18,4-22.
Gsnd-Terneuzen, (station) 8-17, 12-23, 7,30 (porie d'Anvers) 8-30, 12-40. 7 43. Terneuzen-Gand, 6-00, 10-30, 440.-
Selzaete-LoAaren, 9 04, 1-30, 8-30. (le Merer. 8-tO m.) Lokeren-SaZraetó, 6 00, 10-25, 4 43. (le Mardi, 9,30.)
c o r li as
IPOUTDANCES.
COURTAAI, BRUXELLES.
BRUXELLBS, COURTRAI.
Courtrai dep. 6,37 10,53
Bruxelles urr. 9,20 1,33
12,33 3,47 6,33.
2,23 6,14 8,34.
Bruxelles dép.
Courtrai urr.
3,22
8,02
8,28
10,46
12,21
2,44
3,33
7,56
6,47.
8,44.
COURTRAI, TOURNAILILLE.
Courtrai dép. 6,37 10,36 2,34 8,34 8,47.
Tournai arr. 7,28 11,47 3,48 6,39 9,41.
Lille 7,38 12,03 4,00 6,33 10,00.
Lille dép.
Tournai
Courtrai arr.
LILLE, TOURNAI, COURTRAI.
3,13 8,22 1 1,03 2,22 3,20
5,42 8,56 11,29 2,40 8,39
6,34 9.47 12,26 3,38 6,33
COURTRAI, GAND
GAND, COURTRAI.
Courtrai dép.
Gand arr.
6,42
8,01
12,31
1,51
3,44 6,40.
8,04 7,36.
Gand dép.
Courtrai arr.
5,13
6,34
9,38
10,31
1,28
2,49
4,24
5,31
7,21.
8,42.
BRUGES, GAND, BRUXELLES.
Bruges d. 6,49exp. 12,34, 2,82, 3 43,es. 6,43.
Gand a. 7,34, 1,49 4-07, 4,28, 7,38.
Bruxelles 8,80, 4-00, 6,02, 9-31.
Bruxelles dép.
Gand arr. 6,00
Bruges 7,13
8,14
9,41
10,34
BRUXELLES, GAND, BRUGES.
3,12 exp. 4,89 exp. 5,28.
4,26 6 37 7,33.
8,11 7,22
11,53
1.13 3,25
2,38 4,37
8,53.
a
(roman de moxurs)
par GUILL. LEBROCQUY.
Sinle. Voir le numéro précédent.
CIIAP1TRE II.
I.
LA BLONDE PÉPROiNILLE.
C'est dans le petit salon de Madame Detaille qne
nous retrouvons une paitie des personnagei du
cbapitre précédent. II est 2 lieures de l'après midi.
Chacun a eu bien le temps de diner, et de réflécliir
aux incidents de l'enlerrement du matin. Madame
Detaille a mis son flegmatique époux au courant
de ce qui se trame, concernant la Tribune reservée.
El le n'a pas réussi a lui arracber un avis, soil pour,
soit contre.
Madame Detaille s'est inslallée, dTtn air passable-
ment maussade, dans un immense fauteuil, placé a
cöté de la fenêlre qui donne sur un riant jardin ct
sur un vaste horizon. A quelques pas, s'épanouissent
des fleurs; de beaux fruits percent dans les bran
ches des fuseanx et des espaliers. Detail le est grand
amateur d'horlicullure. Naguère, il cuitivait lui-
Reproduction inlerdile.-Un volume in-12,
de 158 pages, en venle cltez G Lebrocquy, libraite,
Place de Louvain, 8, a Bruxelles, et cbez Vander-
ghinste Fossé, a Ypres. Prix 1 franc.
w
a
memo, el lout son plaisir était 15; mais, dcpuis que
la graisie est venue, el qu'il se Irouve ré. uit a la
situation des pachydermes, il a du renoncer a co
plaisir calme et ruslique. II éprouve trop de faliguo
a se baisser; il ne réussil plus qu'a grand peine a se
plier en deux. II s'est proeuré un domestique j irdi
nier en sous-ordre, et celui-ci s'acquitte parfuile-
menl de sa mission, sous la direction bien enlendue
de son mailre.
Mademoiselle Pétronille va et vient comme uue
sylpbide. A peine si el le effleure du boul d« pied
le sol. Son ceil vague semble chercber dans les ima
ges quelque chose de vaporeux comme el leEl le
prépare sur un vasle plateau les lasses a café, dis
pose sur la table des verres a vin et un lire bou
ebon. II y a quatro varres. on attend évideminenl
quelqu'un.
Detai 1 le a pris place a la (able, a cóté d'une bou-
teille de Bourgogne soigneusement casée duns un
panier plat; une seconde bouteille, dans le memo
équipage, uitend, au coin de la cheminée. Un jour-
riul, ILloile Beige, sije ne me irempe, le Ca
rillon n'ctait pas encore invenlé a cette époque,
est devanl lui. II fume une grosse pipe de tabac ré-
collé dans son jardin. bes joues se gonflent et se dé-
gonflenl allernalivement, avec la regulable tl'uno
machine, un sontilet de forgo dc petite dimen
sion, quoiII croit qu'il lit, mais il se Irempe
il digère. Ses ycux demi ouverts lui donnent un air
de béatitude concentrée. On dirait un gros malou,
après la pilance, qui se délecte sous un poêle bien
cbaud, avec des apparences de meditation el de pro-
fondeur factice. Detaille ne voit pas les lignes; il
relit vingt fois la memo phrase, sans comprendre.
II relirait cent fois la meme phrase, sans compren
dre. II relirait cent fois qu'il serail tout aussi avancé.
I'ersonnc ne souffle mot; n'élait un canari qui
cbanle a tue tote dan.' sa cage, on pourrait croire la
chambrc déserle, car Pétronille fait tellemenl peu de
bruit en marchanl, qu'on dirait un oiseau, ou quel
que chose de plus aéricn encore.
Eile a lair dc s'inipotienter, la blonde Pétronille;
sa petite têle de poupée, aux longues boneles pen-
danles, se tourne sans relaehe üu cótti de la pendu
le. Deux beures sont passées depuis cinq minutes.
II ne vient pas D'ordinuire il est si exact.
Pour calmer ses inquietudes, Pétronille prend un
petit volume jaune, un roman dc Paul de Koek, je
crois. Oui, c'est bien cela. Ede aime tanl les ro
mans, culte riaïve jeune lille Elle en a tanl lu et de
si épilés! Sou père lui a toujours dit que la lecture
forme l'imaginilion et ie coeur; et, comme il est
exempt de préjugés, ce bon Detaille, sa conviction
est qu'une jeune fille doit tout savoir, si elle vee'
un jour sc conduite sagetnenl dans le monde.
Aussi sa fille est elle pélrie de cboses iriconceva -
bles, d'imaginatiou' burlesques, de désirs étranges,
d'aspirations vers l'idéal, d'barmonies incompriscs,
d'amours comme on u'en voit pas, d'iüusions com
me on n'en voit pas, d'ilius o is comme on n'en voit
plus, de pretentions comme on n'en a jamais vu.
La sonnette s'ébranlo et un triple choc électrique
seeoue nos trois momies Madame cherche a se don-
ner une taille; Monsieur s'efforce de lire pour de
bon; Mademoiselle prépare tout cc qu'elle a de plus
sentimental en fait de regards. Elle a bien de3 re-
proches a faire: dix minutes en retard
M. Gaspard Deslourbes se présente, une petite
boite sous le bras gauche, nn élégant baton a la main
droite. II s introduit comme un hornme qui connait
les détours du sérail, marche droit a madame Vic-
toire et lui seeoue énergiquement la main; puis en
fait de mème avec Monsieur; puis enfin, s'arrclant
devant Mademoiselle, il s'inciine, avcc un mclanco-
lique sourite qui voulail dire: Pardonncz-moije ne
suis pas bien coupable.
Pétronille, saus pitié, répondil bien laconique-
menl a son sal ut et lui dit:
Vous saentiez ros amis, monsieur Guipaid.
Vous ari'ivez bien tard
Avant de répondre, M. Garpard se dirigea v rs
une petite table, y déposa saus facons sa boilo, sa
canne et sou cliapeuu, ot vinl prendre place a la
table, a cóté de M. Detaille. i'uif, se ravisant et se
redressanl tout a-coup
Mademoiselle, dit-il, je suis bien excusable.
St vous saviez quel guignonJe n'ai réellemcnt
pas dc. chance.
\'ous auriez été indisposé? risqua Madame
Detaille avcc sympathie.
Parions que vous avez regu une visite....
La triste cérémonie de ce matin.
Non, un papillen!.... excluma Gaspard avec
enlliousiasme et Iiors de lui. lmaginez-vous un
Flambé, un Grand-porle queues, dans ma chain-
Ine, au moment do suinr. Je me préciptle sur inon
liiel, je bit domie la cliasse. Je felle, l'anlll... un
carreau de vitte se btise, muil filet passé de l'aulre
cóté et ie flambé s'échappe dans les nuagts
Flambé!
Il faul réellement avoir du malheur! reprit
Pétronille. Vous ne vous ètcs pas blessé?
Nou, heureusenienl. Muis inon pantalon n'a
pas été aussi beuresx. Eu me pliant, cruc! voilu lo
genuu qui crèvo; et, vous comprenez, je nc pouvais
pas venir dans cetle état.
Réellement non; ces sorles de blessures-la, les
chatelaines du temps jadis ne les guén.-saiei.t pus
avec des simples. Si vous uvicz eu uno bonne
cnlorse, ou une blessure qui compte, c'eïti été plus
chcYoleresque. N'ous vous aurions soigné....
Detaille, qui n'uvuit pas encore ouvert la Louche,
sembla sortii d'une prolonde léthargie.
Buvons un verte de Bourgogne, dil-il.
Los dames prirenl place autour de la table. Pétro
nille saisit, pour la forme, un tricot Madame
Victoire excrcait ses gros doigts sur une piece
d'éioffe. blanche qu'elle essayait de coudre.
Detaille fumait loujours comme un dragon et la
conversation ailail tomber en quenouille, si Mada
me n'uvait ubordé le sujet pjlpilanl dont il avail éló
question ie matin.
Dites-moi, M. Deslourbes, fit-elle, avec une
vivaciló qui lui était pen commune, que pensez-
vuus des prétenlions cxorbilanles de ces Comptoit?
On dit qu'il veulenl s'emparer de la tribune
reservée. J'ui idee que, dés dimanche prochain,
nous y verrons Monsieur, Madame et Ludovica: ce
serait ridicule! Mais, d'un autre cóté, les de Vau-
bois paraissent peu disposés a accepter cette situa
tion. Ce matin, Madame de Vuubois disait que la
tubune revient de droit au bourgmestre: Madame
Dusubre était de son avis niais Mademoiselle
Zéuobie ne disait pas grand chose. Je suppose
qu'elle n'en peuse pas moins Je ne liens pas a avoir
les de Vaubois duns la tribune: nous y avons aulant
de droits qu'eux; mats entin, si cela peut empècher
les Comploir de i'uvoir, ce sera loujours autant do
gagtté. Mais j'espère bien quo les cboses ne se
passetont pas aiusi: n'esl-ce pas, Detaille?
Que voulcz vous que j'y fassc? répondit celui-
ci d'un ion bourru. A voire santé, M Gaspard! Et
il vida son verre d'un trail.
L'empècher, dit Madame; nous sommes autant
que les Comploir el que les de Vuubois; foicer la
Commune et la Fabrique a mettre la tribune en
adjudication. Nous serous la, pour surencbérir. Et
je vous assure qu'on ne me forcera pas la main a