LES «LIBÊRÉS FQRQATS.»
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Samedi 21 Avril 1877.
12' année. N° 1,180. - v«-:
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I e Journal pa rail le Mercredi el le Samedi. Les insertions coütem lb centimes la ligne. Les réclames el annonces judiciaires so paient <30 cmtiimm la ligne. On traite d forfait puur les insertions par année.
Un numéro du journal, pris au Bureau, 10 cent mes. Les numéros su pplemen tal res comm.mdés pour articles, Réclames on Annonces, content 10 fr. les 100 exemplaires.
S£ E M I IX 39 F E IS. 1 Décembre.
Po-
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UN DRAME SOCIAL.
Le drame est en plusieurs acles et en prose
glaciale.
L'action commence de bonne heure, sur
les bancs de l'école.
Un pédagogue qui s'égare au point de
mettre son ambition a abaisserce qu'il avail
mission d'élever, se trouve aux prises avec
Uintelligence et le cceur de l'enfant. Les
voix d'une puissance occulle lui ont dit que
Uinstruction seule améliore I'homme, sauve
la société et la conduit versdesdestinées bril -
lantes, mais qo'elle doit élre bien seule, bien
étrangére a lout enseignement confessiounel,
bien dégagée de tout bandeau d'orthodoxie.
II a pris au sérieux cette neutralité trompeu-
se et il s'éverlue misérablement a séparer ce
que Dieu a uni, a inslruire en écartant l'idée
religieuse, si nriême il ne se monlre pas
ouverlement incrédule et impie.
Son oeuvre ne restera pas Inachevée. D'au-
tres lecons, préparées avec non moins de
perfidiê, succéderonl a celle do premier
age, el an terme de cette education dn pro-
grès, la foi sera èiëinié dans la poilrine du
jeune bomme ct son ame' desSéchée. Ce sera
Uheure de le lancer dans Ie monde.
lei l'école sépareses rióürrissons. Pendant
que Ie gros de la troupe se contente du scep
ticisme facile et du bien-être matérie! qui
conviennent aux bataillons de l'armée libé
rale, les ardenls se jetlent dans la mèlée
avec toute la violence des passions prématu-
rément aigries. C'est de leurs rangs qu on
entend s'élever les blasphemes de la presse
el du livre pervers, les excitations des mau-
vais trlbuns, les clameurs de l'émeule. lis
out les fanatiques promoleurs du Denier des
Scènes de la Russie méridionale
écoles el de récole sans Dien, les bandes du
scrutin, les perturbateurs de processions,
assommeurs au besoin, les ignobles compar-
ses de mascarades saerilégcs et les fins
poliiiques qui profitent de tons les exploits,
a condition de les couvrir tous de leur indul
gence.
El au dessus d'eux plane comme un pro-
tecteurle libre penseur arrivé et salisfail,
retranehé dans sa jouissanee et encourageant
autourdelui, avee la plus aveugle témérité
ces doctrines de la negation qu'il lui faut
comme excuse a son propre matérialisme.
Mais lous ne marchent point du mènue pas.
Des classes enliéres soul destmées a lutter
peuiblement avec le besom et a végéter dans
ce pauperisme que la civilisation moderne a
engendré et qui est le chalunenl de son or
gueil. Celles la trpuveul des conseillers qui
soufflenl la cuière sans relache el qui soul
d'auianl plus falals que leurs conseils s'adres-
seni a des coeurs que faiheisine a fermés a
l'esperance et couiplèlemenl ulcérés.
Ce qu'ils disent a ce inalheureux peuple
dépasse touie croyance. li y a quelques jours
a peine le Mirabe.au publiait une apologie
l'eroee des crimes de la commune, et termi
nal! par un appel sauvage, digne des plus
mauvais jours.
La Commune, s'écriait il, a rnonlré
aux generations futures oü était fennemi et
ce qu'il fallail détruire.
En fusillant sénateurs, archevêque et gen
darmes sans jugement, elle nous rnontre
qu'envers de pareils scélérats la constalation
seule de leur idenlilé suffil et que la Révolti-
lion doit exterminer la classe bourgeosie.
En incendiarit les Tuileries, ce Inpanar
odieux, elle a indiqué que les peoples ne
voulaient plus de Rois ni d'Empereurs.
Elle a inceridié le palais de la Lègion
d'honneur comme institution vile destinée
a récompenser les meurtriers el les voleurs.
Elle a détruil la prefecture de police, eet
autre oü se trament les complols contre le
peuple el oü germent les vices les plus dé-
gradanls.
Elle a brülé les óglisesces écoles de su
perstitions, Wubruiissemenls el d espionna-
(je, danslesquelles le prétre enseigne le rnen-
songeCobéissance aux lots des despotes.
Voila les antes que les generations doi-
vent prendre pour exemple el qui portent
en euxmeines leur enseignemeiil. Cbaque
généralion don accompbr sa tache. La nólre
est de faire table rase de l'mstilution mo-
narehique el bourgeoise. De ce milieu nou
veau se dégagera i'expression des besoins
de la sociéie future.
Que le proletariat révolulionnaire de
lous les pays s'orgamse done afin d'ètre
debout lejour oü sonnera le tocsin revo-
lutionnaire. Ce jour-ia, pas d'hésilation,
mort aux bourgeois, nos inaitres Que la
lorclie incendiaire, le peirole, la pioche et
le marleau uélruisent les monuments et
les hotels de la bourgeoisie. C'es-l le seul
moyen de la frapper au cceur. Qo'est-ce
qu'un roi sans Tuileries?.... un noble sans
chateau?.... un bourgeois sans le sou?....
un prétre sans égjise oü, comme dans un
theatre, il fait sa recette?....
Si nous ne détruisons ces monuments,
emblémes ct organes tie la société bour
geoise, toutes les conquétcs de la revolu
tion seronl compromises.
Se figure-t-on biet) tous les ravages qu'e-
xercenl, au sein des classes inférieures, ces
prédicalions incendiaires, propagées avec
rage par la presse de la démagogie, et ee qui
pent s'accumuler de sentiments do vengeance
contre ces bourgeois, ces prèlres, ces soldals,
sans cesse calumnies, sans cesse voués au mé
pris el a la haine? A de (els inatériaux il ne
faut qu'une étincelle, Ce fut l'bisloire de la
Commune de 1871, et ce sera encore, si
Dieu n'y met ordre, le denouement du dra-
me dont les pèripéiies nous donnent le spec
tacle de lant de superbe insouciance.
En presence de ce qui se passé,les hommes
qui réfléchissent ne comprendront que trop
bien les patriotiques alarmes des cat hoi iques
beiges, leurs protestations indignées contre
les outrages qui s'adressenl aux cboses les
plus saintes, el ce langa'ge altrislé mais fer
me de leur premier pasteur, qui les appelle a
conjurer par les ceuvres, par la charilé, par
la pnère, les exigences de la justice divine.
Des considérations de ce gence, nous ie
savons, n'exercent pas une grande influence
sur certains esjirits, volontiers sceptiqucs
quand il s'agil de rintérvenlion de la Pro
vidence dans les affaires de ce monde.
Cenx-la feront bien de méditer au moins
ces remarquables paroles d'un proleslartt
deM. Guizot. que le Bien Public rappcloii
avec beaucoup d'a-propos il y a quelques
jours, et qui semblent écriles pour noire
situation présente De toutes les orgies,
celles de l'impiélé populaire sont les pires,
car c'est ia qu'éclale la révolte des times
contre le vrai sonveruui; ct je ne sais, en
vcrité. lesqucls sont les plus insensés de
ceux qui s'y livrent ou de ceux qui sou-
rienl en les regardant.
COMMENT ON ÉCR1T L'HISTOIRE.
Si par le monde il y a des gens serviles,
il faut bien convcnir qu'il exist e une presse
plus servile encore. Aucune flaiterie, aucune
bassesse ne semble rebnter ces journalistes
liberatix dont l'ignorance égale ordinaire-
ment la haine.
C'est ainsi qu'un nouveau genre d'exhibi
tion pour les articles soi-disant bisloriques
est inaugttré par la Gazette. Au lieu d'em-
prunter sitnplenienl a la Flandre libérale sa
phraséologie ampoulée et mensongérc, l'é-
truset ses acolytes clierchent a atlirer l'ai-
tention du lecteur, en faisant précéder les
articles en question de quelques muls bien
plats a l'adresse du journal de la tnbu Laurent.
Le tout signé N. D. L. R.
Signc du tempsVoila des hommes qui
reftiseraient de saiuer un prétre, cl qui cour-
bent platemenl l'écbine devant 'es rédacteurs
d'uit pamphlet ordurier.
Le fait se présèulail hier encore. II s'agis-
sait pour la Flandre libérale, de prouveraux
bbéraux ignares que ie pouvoir lomporel du
Pape ne repose que sur la fraude el le dol.
Rten que cela!
On conviendra quelle pyramide de calom-
nies et de inensonges il a fallu élever pour
soutenir jiarellle llièse.
Si jamals un Etaleutdes origines liaule-
inent avouables, c'est bien l'Eial pontifical.
On reste confondu qtïand on songe que
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IVperiiigh'e-Ypres5-05,7-00,9-28,11 -00,2-13,5-05,9-20- Ypres-Poperinghe, 6-30,9-07,12-07,3-57,6-50,8-45,9-50.
peririghe-llazebrouck, 6 53, 12-25,7-10. llazebrouck-Poperinghe-Ypres, 8-25, 4-10, 8-23.
Yoves-Roulers, 7-30, 12-25, 6-43. lloulers-Ypres, 9-25, 1-30, 7-30.
iiou\ers-Bruges, 8-43, 1 1-34, 1-13,3,16, 7-36, (9-35. Licfiterv.)' Liciiterv.-Thoaroul, 4-25 in. vers Ostende. Bruges-floiz-
lers 8-25, 12-45, 3-03, 6-42. Lichterv.-Courlrai, 5-23 m.
Ypres-CowWm 3-34, 9-46, 1 1-20, 2-33, 3-25, Conrtrai- Ypres, 8-08, 1 1-03, 2-56, 3-40, 8-49.
Ypres-Thou/rout, 7-18, 12 06, 0-20, (le Samedi a 5-30 <lu matin jusqu'a Langhemarck). Tliourotil- Ypres, 9-00, 1-23, 7-43,
(le Samedi a 6-20 du matin de Langbemarck 5 Ypres).
Comines-Warnêlon-LeTouqnet-Honplines-Ametitièm, 0-00, 12-00, 3-35, Annentières-liouplines-Le louquet-Warnelon-
Comines 7 -25,2,00,4-45. Comines-Warnêtön 8-43, m 9-30 s. (le Lundi 6-30,) Waniêton-Commas 3-30, 11-10, (le
Courlrai ^Bruges, 8-05,11-00, 12-33,4-40, (Ingel.) 6-33. 9-00 s. (Liciiterv.) Bruges-Courlrai, 8-28, 12-45 3-03 6-42.
Bruges, Blankenb, Heyst, (Station) 7-28, 11-08, 2-50, 7-35.—(bassin 7-31, 11-14,2-56, 7.41, - Heyst, Blankenb, Biuges,
1 ngebnunsterDrynze- Gun#8-00, 9-41, 2-18. Ingelmunster-ZV/rc-p, 6 10 7-18. Gand-Doynze-Ingelmunsler0-58, 11-20,
4-41 7-21. Deynze Ingelmunsler, 1-00.
Ingelmunster-AWiem, 0-05, 12-55, 6-13. km^em-lngelmunsler l-M, 2-20, 7-45.
Üöhtervelde-Dixmade-Fu'rnes et Dankerke, 6 30, 9-08, 1-33, 8-00. Dtiw/cerAe-Furnes-Dixmude el Lichtervelde, 6-33, 11-10,
3-40, 5-00.
Dixmude-JViettjraX,9-80,2-20,8-45.—Nieup-Dtarm, 7-30,12 00,4-20.
Thourout-Ostewde, 4-80, 9-15, 1-50, 8-03. Oslende-Thouraut, 7-55, 10-10, 1,2.-28, 0-18.
Selzaele Eecloo, 9-05, 1-25, 8-25. Eecloo-6Vcaete,5-35, 10-15.4-22.
Gand-Terneuzen, (station) 8-17, 12-25. 7,30. (porle d'Anvers) 8-30, 12-40. 7-43.
Selzaete-LoA'erera, 9-04, 1-30, 8-30. (le Merer. 5-10 m.) Lokeren-'Sêijrwete, 0 00,
Térheuzen Gand, 6-00, 10 -30,
10-23, 4 43. (Id Mardi, 9,30.)
4 40.
o it r jaapoHroAarcES.
COURTRAI, BRUXELLES. BRUXELLES, COURTRAI.
Courlrai dép.
Bruxellcs arr.
6,37
8,50
10,53
1,35
12,33
2,25
3,42
6,10
6,38.
8,54.
Bruxelles dép.
Courlrai arr.
5,22
.8,00
8,28
10,40
12,21
2,44
3,35
7,8(1
(1,47.
3,44.
COURTRAI, TOURNA! LILLE.
Courlrai dép. 0,37 10,80 2,54 3,34 8,47.
Tournai arr. 7,28 11,47 3,48 0,39 9,41.
Lille 7,38 12,03 4,00 6,33 10,00.
LILLE, TOURXAI, COURTRAI.
Lil le dép. 8,15 8,22 11,08 2,22 4,45
Tournai 8,42 8,80 11,29 2,40 8,39
Courlrai arr. 0,34 9.47 12,20 3,38 0,33
COURTRAI, GAND.
GAND, COURTRAI.
Courlrai dép.
Gand arr.
6,42
8,01
9,49
11,08
12,31
1,31
3,44
8,04
6,40.
7,30.
Gand dép.
Courlrai arr.
3,15
0,37
9,38
10,30
1,28
2,54
4,2 4'
8,34
7,21
8,47
BRUGES, GAND BRUXELLES.
Binges d. (i,49ex.7,04 9,39 12,34, 2-32,ex.
Gand a. 7,34 8,19 10,54 1,49 4,u7,
Bruxelles 8,50 10,35 12,39 4 00,7,18,
BRUXELLES, GAND, BRUGES.
6,43.
7,33. 9,31.
9-31. 1 >,40.
Bruxelles dép. 7,20 8,14 11,06 1,38 3,02 ex. 4,59 ex.
Gan l a,rr. 6,00 8,88 9,41 1,23 3,89 4,11 6 29
Bruges i> 7,15 9,23 10,34 2,38 - 3,01 7,22
8.38
7.73
C'clail, il y a quelques aunées ii peine, aux
jours les plus dëlicieux du printemps, Sur la pro
menade d Odessa, les acacias jelaient au vent leui
neige odoranle; les parterres de l'opulent quartjer
des villas sél'aient pares des (leurs les plus b.ril-
lanles du midi; mêmedu cöté de la sleppe aritle
venait une brise embaumée qui allait droit au
eoeuret, sur la droile ocreuse, la folie aveine le-
vait limidemenl sa tête fnleuse. Et puis, dominant
eetle nature en fête, eliaque jour quo Dien don-
nait, un soleil vainqnenr (|iii faisail resplendir la
jeune et belle cité. et ehatoyer joyeusement la
mer dont ie flot dazur caressait en murmuianl
le rivage. Ce superbe mois de mai u'avait pas un
seul nuage: lont élait beau, tout. Mais a quoi bon?
Je devais parlir
Je m'arrangeai dc manière a ne m arraeher a
toutes ces splendeurs qu a l'heure oü le voile de
la unit commence a les dérober au regard. Le len-
demkln, j'étais ii Balta, une ville considerable.
ce qui. traduit du nissien, veut dire une ogglo-
tnéralinn plus ou moins vaste de constructions
massives en bois et de hiiltes en argile pisée, au
milieu desquelles s'élèvenl de races edifices en
pier re. La, je quitlai le chemin de fer, ou plutót
ee fut Ie chemin de fer qui me quitla. Balta est la
tête d'une ligne conslruite, soil dil en passant,
par une compagnie beige. Le voyageur qui, a
cette époque, allait d Odessa en Bukovtne, iletaiv
prendre, a parlir de Balta, la route de Podolie ou
de Bcssarabie, et se servir de la pos te impériale, ii
moins qu il ne préférat se donner le luxe d'une
voiliire et de ehevaux de lounge pour lui tont seul.
Dans la nouvelle Russie, il n'y a que le voyageur
novice qui se laisse tenter par la perekladnaïa im
périale; mais il soffit d'avoir taté une seule fois de
la voiiure du gouvernement pour avoir de l'expé-
rience a revendre. II est juste cependant de dire
que tous les clievaux de ['administration sorit ex
cedents et que la plupart de ses corhers, iemt-
ciiik, soul, dans leur genre, de tres-braves gens.
Dans lavieiile Russie, la perekladnaïa s'améliore de
jour en jour, et certains gouvernements ne lais-
sent que pen a peil désirer sous le double rapport
du contort de leurs v.oitures publiques et de la
qualité des ehevaux de poste. Dans le midi, au
contraire, il faut avoir des idéés de suicide pour
se livrei', en eonuaissance de cause, ii ces chars
patibulaires et réellement, en conseillt r l'usage ii
son prochain, resscmble fori ii une préméditalion
de meurti'e.
Je louai done la brilchka de Niissan Goldkafer,
de Hussialin. N'allez pas, ii ce uom, vous repré-
seriter Ie commode et élégant vébicule que l'on
rencontre souvent dans nos contrées La brilchka
d'Occidenl est une voiiure civilisée, idéalisée, qui
n'a de common avec sa congénère des peiites ex-
ploitations russiennes que le nom. II est assez
difficile de décrire l'aimable machine qui, dans les
campagnes de la Russie méridionale, semble avoir
pour mission d'agoniser I'eslomac du voyageur
par des seco.usses irrégulières, inajs conlinuelles et
plus ou moins insuppoi tables suivanl la qualité de
la route. Ou sen fera le plus facilement une idéé
en se figurant, assujetties sur deux essieux soute-
nus par quatre roues d'égal diainètre, cinq a six
laltes d'une élastieilé douteuse et ceusées faire
ressort. Slir ces laltes est lixé un cercueii ouvert,
a la parti anlérieüre duqnel est clouée line planchc
le siége du conducteur et dont la moitié'
postérieure est convene d'une espècê de capote
resseinblant a un pétrin dressé sur ces grands
cólés, C'est la-dessous que repute, s'il le peut, le
voyageur, et voila en peu de mots ce qu'est une
brilchka.
Avant de vous présenter INiissan Goldkafer
permeltez-moi une observation. La voici quicon-
que visile la Russie méridionale préférerq toujours
le cocher de louagejuifa l'automédon chrélien.
Le chrélien est moins clier et plus setviable, c'est
vi-aimaislejuifa, du moins en général, deux
bonnes qualitéi: jamais il ne laisse en souvenir, a
quelque cou.in de la route, l'une ou l'autre valise
de son voyageur, el il ne se grise pas au point
d'eu perdre la raison. Ach I ce n'est que la-bas,
au dela du Dniester, que l'on peut apprendre le
sens exact de ce mot: I intempérance Dans notre
Europe vieille et raffinée, oil le culle de la dive
botiletlle perd chaque jour de ses adepte<. il n'est
point d'ébriété, si bien conditionnée füt-elle, qui
résiste au sommeil réparateur d'une unit. Mais
lorsque, comme moi, on a dó faire une stabula-
tion de trente-six heures dans un sordide cabaret
en (on i au fond des bois, paree que le cocher, un
vatirien roumain de Bcssarabie, ne parvenail pas a
reprendre ses sens, ou connait les proportions
fa bil lenses que penitent atteiiidre la soif et ses con-
séquencès, et l'on si: garde a Pavenii', comme du
chancre ct de la peste.de ces gaillards serviables
et a bon marché. Ce n'est pas <pie les juifs soient
louta fait exempts non plus de la siccilé générale
de gosier qui parait nécessiler chez ('habitant de
ces parages de si fréqiientes et pentagriièiiques
imbibitions; mais ils n'en soul pas moins la nation
la plus spbre de eet immense caravansérail des
nations. Seule, la sombre et afïligeaule secte des
Chassidim produit de uombreux ivrngnes la pa-
resse, le fanatisme et ia superstition out introduit
parmi ces dissidents juifs ce vice-la et bien d'autres
encore.
Mon Niissan pourlant n'élait pas Chassid. Ii
faisait partie des Misnagdim. Israéliies de (oppo
sition. attires dissidents qui se disent les seiils
vrais croyanls selon la Biltle. Tandis que les Chas
sidim mellent la Kabbala au dessus du ralmud,
les Misnagdim ne rfcspeclent que la Bible et ses
commentaires, rejetant la Kabbala comme une
hérésie, lis méprisent souverainemenl les Rabbis
thaumaturges, apprenneul des métiers utiles ii
eux-mêmes el a auiriii, se foul cocliers, auber-
gistes, colporteurs, soul orlhodoxes et croient ne
pas êlre fanatiques le moins du inonde, C'est ainsi
que, par exemple, ils regardenl comme péclié
mortel de manger au méme repas, et l'un aprés
l'autre, une viande et un plat sucré, critiquent
les chréliens qui jeünenl el font niaigre, mais pré
tendent ne haïr personne a cause de sa religion
et ne connaitre aucun précepte religieux qui leur
interdise l'assimilattion des progrès sociaux du
dehors.
Dieu merci, non, je ne suis pas un Chassid!
me disuit M. Goldkafer d'un Ion rogue, tandis
que nous passions a fond lie train devant les der
nières habilaiious de Balia. Une de ees conslrne-
lious sen mix Chassidim de Beth-lïa-Midraseli,
e'est-a-dire e.eci est tiiie traduction libre (le
bibliolhèque populaire. C'est une grande salie
délabrée conleuant, dans une atmosphere nauséa-
bonde, un certain nombre de tables grossières stir
lesquelles s'élalenl des in folios crasseux, et des
bancs oil s'accronpissent de jeuncs garcons, des
hommes fails et des vieillards qui. Ions indistinc-
tement, ne perdrairnl rien a être moins sales.
L'assemblée lil les Sainles Eciilures en psalmo-
dianl ii ml-voix el en se balaiiQant de ca de la avee
la i'égularilé du pendule, ou bien tliscnle hruyam-
ment sur les cboses de la vie future, a moins que
el ceci est la regie elle ne s'adonne a la
chose qui i'intéresse le plus dans cello vie de mi
sère, I'ean de vie. Povers de l'oisivcté, nn juif ui-
strui't y enlre aussi rarement qu'un merle Malic.
An reste, Irs Chassidim ne se piquetit pas de
science.
- Oh. non, Dieu men préserve, pas de ceux-
lii, s'écriait done aigrement Niissan, et il liran-
dissait son fouet en lancanl ii la pieuse maison des
regards enipn-.ints d'une tolerance fort equivoque,
mais uu vrai juif, un misnagid, un hommê,
un hoiinêle lionime, un voilurier enfin! - Et la-
dessus il se mil ii ine développcr ati long et an
large son point de vne.
(a continuer).