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LES 'LIBÈRÉS FORQATS.»
Samedi 28 Avril 1877.
12e année. N° 1,182.
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I e Journal parait Ie Mercredi et le Samedi. Les insertions eoülenl 15 centimes la ligne. Les réclames el annomesjudiniaires se puienl 30 cjntimes la ligne, On traite d forfait pour les inserliotis par année.
Un numéro du journal, pris au Bureau, 10 centimes. Les nurnéros supplémentaires eommandés pour articles, Réclames ou Annonces, eoütent 10 Ir. les 100 exeinplaires.
CHE M I X 8 39 E F E 11. 1 Décembre.
LES DEM0LISSEURS.
Que faudrait-il penser du propriéiaire qui
s'amuserail a exlraire du sol, une a une, les
assises sur lesqtielles sa maison repose; ou
bien encore du général qui, sachant que sa
forteresse est menacée par l'ennemi, en con
damnerait systémaliquemenl a la demolition
les principals défenses La conduite de l'un
et de l'autre parailrait insensée, inexplicable;
et elle représente pourtant ce qui se passé
tous les jours sous nos yeux.
Le libéralisme gueux posséde cetle maison,
qu'il a ornée avec amour de tous les raffine-
ments de son matérialisme il y tient avec
passion et d'aulanl plus ardemment que ses
docteurs les plus écoutésct ses propres Ihéo-
ries loutes basées sur une negation plus
ou moins absolue de la vie future ne lui
laissenl gtière espérer d'autre demeure après
celle de ce moDde. Eb bien, le malheuréux
est a l'ceuvre, sans relache, pour miner son
séjour favori; et a celui qui iroüvërait sa be
sogne étrange, il répondrait avecun tran-
quille sourire Ne craignez rien cela ne
lombera point.
La forteresse voit les bordes socialistes
grossir el se rapprocher chaque jour davan-
tage, et parmi ceux qui l'abritent il y a de
coupables léméraires pour alïaiblir les murs,
disputer les armes aux défenseurs et ouvrir
les polernes, tout en affirmant que c'esl solide
et qu'ils répondenl de la résislance.
Chaque semaine qui s'écoule apporle quel-
que nouvel averiissemenl. lei c'esl le radica
lisme francais dont les exigences vont. crois
sant avec les progrès qu'il fait a l'ombrede
la république; la le socialisme qui s'atlache
comme une redoutable plaie aux flancs de la
puissance allemande; ailleurs, en Belgique
Scènes de la Russie méridionale.
mêrne, c'esl l'organe de l'Inlernalionale qui
assignea la génération acluelle la lacbe de
faire table ruse de l'instilulion inonarcliique
et bourgeoise, et qui s'écrie dans son itn-
paiiente exaltationQue le proletariat révo-
lulionnaire de lo ts les pays s'organisedone
afin d'ètre deboul le jour oü sonnera le loc-
sin révolutionnaire. Ce jour la pas d'hésita-
lion, mort aux bourgeois, nos mailres!
Que la torche incendiaire, le pétrole, la
pioche et le marteau détruisenl les monti-
menls et les hotels de la bourgeoisie. C'esl
le seul moyen de la frapper au coeur.
Entendez-vous, bourgeois du libéralisme,
et comprenez-vous bien ce langage
Depuis des années déja la gueuserie s'a-
charne, dans son aveugle fureur, a désho-
norer el a ruiner la religion, a avilir le prétre
aux yeux de la foule, a le designer aux ven
geances populaires, el elle s'applaudit beau-
coup de son triömphe, quand une occasion
nouvelle se présenle de délruire l'influence
des enseigncments divins dans le coeur de
l'enfance, d'urraclter des antes d CEglise.
Hier encore, dans son rapport sur le De
nier des écu/es, la Ligue de fenstugnemenl,
l'oeuvre inaconnique par excellence, affichait
plus cyniquement que jamais sou rationalis
me librè-pensëur. «C'esl préciséinenl,di-
sait-elle, «l'amélioration de l'esprit par l'édu-
cation rationnelle que poursuit l'Ecole
modéle. C'est par le rerionvellemenl des
mét bodes, par l elimination de tout élé-
ment dogmatique par iin constant appel
aux facultés raisonnantes du cerveau, que
l'espril humain deviendra un jour irrévo-
cablement rebelle aux theories et aux en-
seignements de l'allramonlanisme et celui-
ci disparaitra alors, comme autrefois le
paganisme s'est dissipé sous le souffle
d'tin esprit nouveau. El commc si loute
cette phraséologie pesait au fanatisme de son
impiété, la Ligue lermine par cette brutale
exclamation, qui la met lout a fait au niveau
de la rue: «Nous voulorts affranchir noire
sol de la vermine noire au cri de
Van ongediert der papen
Verlost ons Vaderland.
Et hier aussi les ignobles comparses dont
les burgraves de la gueuserie ne dédaignenl
point le contact ni surtout les services en
lemps d'élcctiondislribuaient imptinément
a Anvers cetle chanson hideuse, bourrée de
blasphèmes et de haine, ou le cri dedélivrance
alterne avec le voen de voir le dernier prè-
tre pendu la corde au cou.
Tout cela est du plus pttr progrès seclaire
sans doute, et bien fail pour fiatier des ins
tincts d'orgueil el de révolte, mais il y a un
terrible revers a la page.
II semblerait vraimenl que les posilivisles
de loute taille et de lont pelage aient perdu
la facullé de déchilïrer les lecons de l'his-
toire. Pas un qui veuille reconnailre le doigt
de la Providence dans le cbalitnenl des per-
sécuteurs, ni voir les effroyables suites de la
decadence préinéditée. A la prise de Rome
par les barbares, les cris des malheureux
que l'on égorgeait devarit la porie du cirque
se confondaienl avec les applaudissemenls de
l'inlérieur; quelques siécles plus lard, les
Grecsdtt Bas-Empire se Iivraient passtonné-
inenl a leurs controverses de rhéleurs pen
dant que les Turcs donnaient l'assaut a By-
zance; el, plus pres de nous, peu de mois
seulement se placeut enlre les temps pros-
péres de la France puissanle et enviée el les
douleurs de Pabaissemenl suivtes des assassi-
nail de la Commune. A chaque expérience
nouvelle, c'est le speciaele de la même msoti-
cianee, et loujours on continue a danser sur
le volcan.
Un lemps peul venir oü les excitations
auronl porté leurs fruits, oü le matérialisme
démuselé se ruera sur le prétre et ravagtra
les aulels mais si l'épreuve doil arriver, il
yaura plus d'un élonnement. Les jouisseurs,
les démolisseurs d'aujourd'hui se souvien-
drotil avec terreur que la Revolution ne vou-
lait pas seulement brüler les églises, ces
écoles de superstition, d'abrutissement el
d'esptonnage, sutvanl l'expression du
Mirabeau, mats qu'elle proférait aussi le cri
de mort aux bourgeois, nos mailres
el qu'elle était peul-èire plus avide eucore
de plonger les bras dans les coiïres-foris de
la finance que de profaner le sanctuaire el
dépouiller la sacristie. Ei quand leur société
désormais incapable de résislance s'en ira en
lambeaux, ce sera encore le prétre' ealotnnié
et Iraqué qui devra leur teudre la main, l'E-
gltse impértssable qui les atlendra pour rele-
ver l'enfanl prodtgue avec des paroles de
pardon el de sulut, et pour édifier sur les
ruines.
La voix de noire conscience el la clameur
de l'ennemi sonl d'accord pour nous ensei-
gner le devoir. II faul lutler, luiler avec vi-
gueur et loujours contre l'erreur et Ie mal
qui appellent les cataslrofihes, -et inéritpr aux
yeux de Celui qui sail, dans sa misérieorde,
les épargner aux peuples.
LE TREIZIEME APOTRE.
Nous avonsdéja dn un mol de l'embarras,
qu'éprouvenl les libéraux bruxellois devanl
la succession parlementaire de M. Funck. II
n'y a qu'un siége vacant sur les Ireize que
la loi allribue a la deputation de notre arron-
dissentent, et pour ce siége unique se sont
présenlés dés ledébut Irois concurrents éga-
lement chers a MM. les Prussians de l'irité-
rteur. L'Indépendance, principal organe dti
Grand-Orient, nous apprend que la question
vient de se simpltfier par Ie désislemeni de
M. Buls, mais il resle deux concurrents en
presence. Tandis que \'Eloile so defend de
manifester ses préférences el nous rappelle
I'ane de Buridan enire ses deux bottes de foin
I'Indépendance pencbe oslensiblemenl vers
M. Goblet et conseille a ses frères et amis de
lacher Ie Janson, dont les antécédents poli-
tiques sont décidément trop compromettants
mème pour cet organe communard. Le boni-
menl de Vindépendance est, a ce point de
vue, trop curieux pour que nous n'en réga-
1 ions pas nos lecteurs. Le voici sans coupures
iii commenlaires
Trois caudidals ont éié présenlés avant
bier a l'Association libérale pour le rempla-
cement de M. Funck a la Chambre des repré-
senlants. Deux seulement reslent en presence.
MM. Goblet d'Alveilla et Paul Janson. Le Iroi-
sième M. Charles Buls, trtalgreses Hires tiom-
breux a la confiance du parti liberal, auquel
il a rendu dest nombreux services et comme
secrétaire général de la Ligue de I'ensetgne-
meut, et comme présideul de la Fédéraiioti
du Denier des écoles, M. Charles Buls, dtsons-
nous, décline I'bonneur d'un mandat législa-
tif.
Les membres de ['Association pourront
éprouver quelque embarras a faire un choix
entre MM. Goblet d'Al veilla el Paul Janson.
Le premier, par ses articles politiques dans
la Revue de Relgique, par ses écrits dans
d'auires publications, comme par sesdiscours
au conseil provincial el ses conférences, a
montré que ses idéés élaient a la fois libera
tes et pratiques. II s'est occupé, comme l'a
rappelé M. Gutllery, de toutes les questions
itiiporlaiiles qui out été discutées a la Cham
bre dans ces dernières années. Ayant déja
fail parite d'une assemblee délibéranle, il se
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Popéringhe-V'pres, -1H7-00,9-28,11-00,2-15,8-05,9-20. Ypres-Poperinghe, t>-30,9-07,12-07,3-57,6-80,8-48,9-30. Po-
peringhe-Hazebrouok, 6 63, 12-28,7-10. Hazebrouck-Poperinglie-Ypres,, 8-28, 4-10, 8-28.
Ypres-Houlers, 7-80, 12-28, 6-48. Kouiers- Ypres, 9-23, 1-30, 7-80.
Roulers-Bruges. 8-48, 11-34, 1-13,8,16, 7-36, (9-88. Licluerv.) Lichtei•v.-Tliourout, 4-28 in. vers Ostende. Bruges-Mou
ters 8 -28, 12-43, 8-03, 6-42. Lichlerv.-Courtrai, 8-28 rn.
Ypres-Courlrai 8-34, 9-46, 1 1-20, 2-38, 8-28, Courtrai- Ypres, 8-08, 11-08, 2-86, 8-40, 8-49.
Ypres-Thouroul, 7-18, 12 06, 6 20, (le Samedi a 8-30 du matin jusqu'a Langhemarek)Tbouroul- Ypres, 9-00, 1-28, 7-48,
(te Samedi a 6-20 du maiia de Langhemarek a Ypres).
Comines-Warnèton-Le Touquet-llouplines-Arniettlières, 6-00, 12-00, 3-33, Armentières-llouplines-Le Touquet-Warneton-
Comines 7-28, 2,00, 4-43. Comines- Warnêton 8-48, m 9-30s. (le Lundi 6-30,) Warnêion-Comiwes 8-30, 11-10, (le
Lundi 6,80.)
CourtraiBruges, 8-08,11-00, 12-33,4-40, (Ingel.) 6-83. 9-00 s. (Licluerv.) Bruges-Courtrai, 8-28, 12-43, 8-03,6-42.
Bruges, Blankenb, Heyst, (Station) 7-23, 11 08, 2-60, 7-33(bassin 7-31, 11-14, 2-56, 7.41, Heyst, Blankenb, Btuges,
5-48, 8,28, 11-28, 8-30,
Ingelmunstei' Deynze-Grand, 5-00j 0-41, 2-15. lngelmunsieu-Dfi^/z&.Zfi, (5-10 7-15». Gand-DeynzQ-Iugcl/nuustBry 0-58, 11-.-0,
4-41,7-21. Dey nze-Inge, (munster, 1-00.
Ingelmunsler-Azwej/tm, 6-03, 12-88, 6-13. Anseghem-[ngelmiintsler7-42, 2-20, 7-43.
Lichlervelde-Dixirtude-Furnes et DunkerlcéJ 6 30, 9-08, I-38, 8 00. Z)iza4'e/'A*e-burnes-Dixmude et EiclUeeuel.de0-38, 11 10,
3-40, 5-00.
Oixmude-iV»e!rport,9-S0,2-20,8-45. Nieup-Dücm, 7-30,12 00,4-20.
Tliourout-Ostewde, 4-50, 9-15, 1-50, 8-08. Ostende-Thquroul, 7-55, 10-10, 12 28, 6-15.
Selzaeie Eecloo, 9-05, 1-25, 8-23. Eecloo-.Se/zae2e, 5-35, 10-I5.4-22.
Gsnd-Terneuzen, (station) 8-17, 12-23. 7,30 (porto d'Anvors) 8-30, 12-40. 7-43. Terneuzen-Crawf, 0-00, 10-30, 440.
Öelzaete-Lokeren, 9 04, 1-30, 8-30. (le Merer. 3-10 in.) Lokeren-Se/zaete, 6-00, 10-23, 4 43. (le Vlardi, 9,30.)
CORHHSIPOWIJAIVCBS.
COURTRAI, BIIUXEI.I.E.S.
Courtrai dép. 6,37 10,53 12,33 3,42 6,38.
Bruxelles arr. 8,50 1,35 2,25 6,10 8,54
COURTRAI, TOURNA), LILLE.
Courtrai dép. (5,37 10,86 2,54 3,34 8,47.
Tournai arr. 7,28 11,47 3,48 6,39 9,41.
Lille .i 7,38 12,08 4,00 6,33 10,00.
COURTRAI, GAND.
Courtrai dep. 6,42 9,49 12,31 3,44 6,40.
Gand arr. 8,01 11,08 1,31 3,Q4 7,36.
DRUXELLBS, C0UBTRAI.
Bruxelles dép.
Courtrai arr.
5,22
8,00
8,28
10,46
12,21
2,44
3,38
7,56
6,47.
8,44.
LILLE, TOURNAI, COURTRAI.
Lille dép. 3,15 8,22 11,03 2,22 4,45
Tournai 5,42 8,56 11,29 2,40 5,39
Courtrai arr. 6,34 9.47 12,26 3,38 6,33
GAND, COURTRAI.
Gand dép. 3,18
Courtrai arr. 6,37
9,38 128 4,24 7,21.
10,56 2,34 3,84 8,47
BRUGES, GAND BRUXELLES.
Bruges d. 6,49ex.7,04 9,39 12,84, 2-82.et. 6,43. i Brutel.b
Gand d.7,34 8,19 10,54 1,49 4,o7, 7,38. 9,31. i Gin 1
Bruxelles 8,30 10,35 12,39 4 00,7,15, 9-31.1 1,40. j Bruges
BRUXELLES, GAND, BRUGES.
dép. 7,21 8,1 4 11,06 1,35 3,02 ex. 4,50 ex.
arr. 6,00 8,38 9,41 1.23 3,59 4,11 6,29
7,t5 9,23 10,34 ;2,38 5,01 7,22
5.88
7,75
8.13
Suite. Voir le numéro précédent.
Comme pour se donner une contcnance et chas-
ser des souvenirs importuns, Niissan Goldkafer
allongeaqtielques violents coups de fouet a sa
troïka qui, prenanl subitemenl nn galop aussi gé
néral que désordoriné, iuiprima a la hritchka des
soubresauts a me désarticiiIer l'échine. Lorsque
chacun de nos chevaux eul repris son allure régle
mentaire et que le vacarme, produit par les chocs
snliuinains des essionx corjlre les laltes, des laltes
conlre le cercueil et du cercueit contre le pélrin
se fut pen a peu calmé, je risquai une question
encore; mais Niissan resla mufct. Ma curiosilé
était grande; pon riant jé rrinsislai pas. Je corinais
les geris de sa irempe: ce qii'a lort ou a raison ils
regardent comme défenduils ne le feraienl pour
rien au monde.
Ce jonr-la même, je devais cependant eri ap-
prendre davautage sur ces misérables a qui Dien
manifeste sa miséricorde en les faisarit vivre saus
progéniture el mourirsans qu'une main amie leur
ferme les yeux.
Nous continuions a avancer rapidement vers
0l|est, nuus dirigeant conslammcnt vers le soleil.
Notre route iraversait des prairies doucement on-
dtilées ét coupées de bois épais qui s etendent
énlre les roebes calcair.es, grisatres et fantastiqne-
ment déchiquetées de la vallée du Dniester el les
campagnes noires et- planlureuses de I 'Ukraine.
Ce pays est peu habité el on ne peut plus mal
cultivé. Ou y parcourt des centaines de versies
saus rencohlrer une seule habitation, ie moindre
champ ou une trace quelconij.ue de travail humain,
si ce n'est la route elle mêiue qui, it vrai dire, dé-
rnontre a chaque pus des chevaux, qu'elle a conté
L* moins de main-d'eeuvre possible. Se présentait-il
quelque passage par trop accidenté, nous descen-
dions tons les trois et nous marchions it cöté des
chevaux ou derrière la hritchka. Niissan alors
maugréait en juif,- le paysan de l'Ükraine en ru-
Ihénion et nioi en Allemand. Puis nous remontions
sur la hritchka et nous nous remeltions ii rouler
en silence.
Vers le milieu du jour, lorsque les rayons du
soleil nous lombèrent d'aplomh sur les cranes,
nous firnes halte dans tine auberge de la route, an
hord d'tine forel profonde. Celle forêt appartieot,
dit on, a nu Polocki, Ie comte Adam, ancien mi-
nislre autrichien. Ce comte Adam est tin excellent
administrateur et un agronomé de premier ordre:
celui qui en doulerail n'aurait qu'it aller voir cette
forêt. Le batiinent de Pauberge non plus rie laisse
rien ii désirer, et je fits frappé de sa solidité et de
son parfait entretien.
Naturellement, a ['intérieur, c'est autre chose.
Une fois la porte franchie, cette auberge ne diffère
plus rien desautres karczmas Le comte Adam
n'en peut, mais la faule en est aux aubergistes.
Kt encore, en sunt-ils coupables, ces pauvres gens,
et ne fant-it pas plutól aectiser du délabrement
sordide tpii légnail entre ees quatre inuts, les
idéés étranges qu'on se fait sur la proprelé dans
loutes ces contrées 'fout comprend.re, c'est tout
pardonner. Mais c'est égal, on ne constate, pas
sans un certain désappointement qu'une femme,
jeune, accorte et jolie comme l'élait inon hótesse,
ne se lave pas le visage lous les jours.
Outre la maitresse du logis, il v avail dans la
grande chambre désolée oil nous venions d'entrer
el dont les inurs couverts d'un badigeon jadis
vert-pommè élaient macules de larges laches grais-
senses a la hauteur qu'alteignent les têles des visi
teurs assis, il y avail, dis-je, dans la salie com
mune, quatre aulres êlres vivants une couple
de bipèdes doués d'êmes immortelles et une pa ire
de quadrupèdes privésde raison. Deux marcharids
de besliaux, dont un moscovite et l'atitre riissien,
accompagnés de leuis matins. Les chiens faisaient
d'héroïques efforts pour s'étrangler muluellement
et leurs mailres se li vraient au même exercice.
ii Russie; grommelait l'un; Rnssien httr-
lait l'aulre, et cela sur un ton tel qu'on eiit dit que
ccs noms constituent, dans Ie vocabulaire slave,
les plus sanglanles injures. La jeune femme, a
demi assoupie, était nonchalammanl assise derrière
son comptoir et ne prêtail qu'une attention fort
distraite a cette dispute elhnologique qui tulex-
citée au plus haut point I inlérêl d'un slave autri
chien, par exemple. Le fait est que chien et chat
s'aiment d'un amour lendre, compares aux diffé-
rentei races slaves de Russie.
Notre entree donna a ia lutte une direction nou
velle. Le paysan riithéuien, mon compagnon de
voyage in purtibussans s'inquiéler de savoir le-
qtiel des deux adveesaires avail raison, se rua d un
bond sur le Iltisse el, avec des erts sauvages,
coinmeii(;a ii lui travailler les cöles a tour de bras
Le moscovite, pris enire deux feux, butlit en re.
traite dans un coin barricade d'une labl.e el, a
l'ahri des coups de leurs grosses holtes l'errées
de leurs gourdius, se nut a lancer aux allies ru-
théniens les opinions les plus téinéraires sur leur
nationalité el sur leurs mères respective.-. Ft Is
de chienhés s'écriait-il éeumant de rage,
et ueci était une des invectives les plus donees de
sou dégoUtant répertoire. De leur cöté, les deux
riilhénicns ne se faisaient pas faille d'exprimét',
avec une souveraine assurance, leur seutinient
quant la vertil de la lemmc russe a qui ee gros
sier muquignon devait le jour. Et cependant, ces
trois hommes ne s'étaienl jamais vus auparavant!
Peu a peu, leur a'rdeur belliqueuse se calina el ia
haine de ces trois frères euneiuis ne se manifesto
plus que par tin quintuple grognement, jusqü a
ce qu'enlin chiens el sujets du Czar renlrèreiit
dans le silence.
Enlrelemps, je m'entendais avec l'hötesse au
sujet de mon diner ou plulót nous essayions de
nous entendre; car elle tie me cotnprenait pas du
tout, tandis que, pour ma part, je ne me rendais
que difficilement compte de I'idiuine qu'elle. tin-
ployait. Cerles, les Juifs dt»la Russie méridionale
parient eucore allemand. Mais cet alletnand dtffèi e
noii-seiileinerit de la langde de Schiller et de Les
sing, mais encore du jargon des Juil's de Gkiict'e et
de Roiunanie. Leur étrange patois est nu ariialga-
ine de mots ludesques et slaves dont line pronun
ciation insensée fait uu langage des plus diificilcs
it saisir, du moins au commencement, et j'en étais
a mes debuts. Voici, puur les amateurs de Itnguis-
tiqne eomparée. la réponse que me fit l'hötesse.
Je l'ai trauscrite mot pour mol dans mes notes:
Raid pomaie Korduniseh her jech swair. Jecli
oh nor jajzis vv dome in mailit. Efseher zan impes
jejisniee, ui polem bruine ziwilis, Ce qui vent
due en allemand Red'langsain (pumale, mul
slave): Deiilseh (korduniseh, c'esl a-diie la langue
parlée au deiii du cordon, de la fronttere) hor' ich
sehwer. leli ha be uur Eier im Mn use und Mèth
(vv, preposition slave dans; dome, mot latin
siavisé maison). Viellè'i'cht züm Imbiss Eier's-
peise, oud spaier (polem, mot siavealors) ge-
bralene Zvviebel. «Eten irangais;: Parle lenle-
metil: l'ailemandje l'entends dilficilement. Je n'ai
que des oeufs a la inaison et de 1'hydroineE Peut-
être comme enlrée une omelette et ensujle des
oignons tótis. ii II serail dillii tie de corppuser^ a
l'aule de ee jargon corrompu, une pltrase qui se
rapproche davautage du haul allemand. J'ai lenu
a livrei' eet échanlillon au lecteur. parcequ'ildonne
en même lemps une idee du garde-manger des
auberges de celle espèee.
(,v conitnuer).