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dans l'imminente ggerre européenne.
LES «LIBÉRÉS FORMATS."
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12e annee.
Mercredi 2 Mai 1877.
N° 1,183.
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Le Journal parail le Mercredi et le Samedi. Les insertions coütenl 15 centimes la ligne.
Un numéro du journal, pris au Bureau, 10 centimes. Les numéros
Les réclames et annonces judiciaires se
supplémentaires commandés pour articles
paieut 30 contiines la ligue. On traile d forfait pour les insertions par année.
Réclames ou Annonces, coi'itent 10 Ir. les 100 exetnplaires.
CHËWIiY§ O E E E li. I Décembre.
Nous emprunlons a YUnita cattolica du
15 avril un magnifiquc article de M. l'abbé
Margotii. Nos lecteurs y Irouveront cetle
force de pensées, cetle hauteur de vues, cette
süreté de coup-d'ceil et d'appréciation qui
ont fait de l'éminent rédacteur en chef de
YUnita Cattolica non-seulement le premier
journaliste de 1'ltalie, mais encore le plus
remarquablepeut-êtredesécrivains politiques
de l'Europe, en lous cas un de ceux dont la
parole y a le plus d'autorilé
LA V01X DE D1EU
Vox dotnini excercituum.
(Is. xxxii, 14.)
La longue alternative de nouvelles pacifi-
ques el de bruits de guerre, de conférences
elde négociations, de prolocoles et de média-
tions est enfin terminée, et le son lugubre
du canon va faire suite aux bavardages des
diplomates. La guerre qui couve depuis si
longtemps a pour ainsi dire éclaté, el elle
éclate, quand plus spécieuses étaient les ap-
parences de paix, et alors que paraissait plus
complet l'accord des puissances.
Comme du cöté des Turcs Abdul-Kesrin
pacba réorganise a Ruslcbink larmée du
Danube, du cöté de la Russie aussi des forces
considerables se massent enlre Odessa et le
Prulb en nombre de beaucoup supérieur aux
besoins d'une simple guerre contre la Tur-
quie.
C'est la que lonnera le premier coup de
canon, mais personne ne peut prévoir sur
quel fleuveou dansquelles mers on entendra
le dernier.
C'esl de la que, comme de la cime escarpée
d'un mont, surplombe cette masse qui dans
sa chute peut ensemble broyer armées et
nations.
II se fait la comme une brèche, si l'on
peut ainsi parler, dans le mur qui sépare
slaves et latins, une brèche par oü fondront
sur l'Europe Dieu sail quels flols de carnage
et de mort. Nous savons seulement que la
guerre si souvent redoutée, se dresse mainle-
nant aux porles non-seulement d'un people,
mais a celle de toutes les nations. Elle sera
d'autant plus meurtrière qu'elle a été plus
longnement préparée, cette guerre implaca
ble par ia profondeur des haines qui l'engen-
drent, la grandeur de ses apprèts et l'obstina-
lion de ses partis-pris féroces.
Hier encore, plusieurs croyaient a la paix
et espéraient dans le bon sens des diplomates
et la civilisation de notre siècle. La Neu
Freie Presse de Vienne avait, ces jours der-
niers, l'impudence de vanter les bienfaits de
la Révolution en Europe et d'appeler notre
époque le Siècle de la Paix; et les avantages
de la Révolution sont uussi réels qu'est serai-
ne la paix de notre siècle; La paix n'habite
pasavec les impieset puisque c'esl l'impiélé
qui règne, il faut que régne aussi la guerre;
et comme l'impiélé grandit de jour en jour
de mème les guerres se font plus longues el
plus désaslreuses.
On annonce maintenant que l'llalie s'inter-
pose entre les belligérants comme concilia-
trice; mais il faut bien autre chose que la
médiation de 1'ltalie pour conjurer la guerre!
Les médiations ne servent plus qu'a don
eer aux puissances le temps de inieux s'ar-
mer el ne font que les exaspérer davantage
l'une contre l'aulre.
II n'y a qu'un seul homme qui puisse s'in-
lerposer avec une véritable autorité entre
Scènes de la Russie méridionale.
peuple et peuple, et désarmer les mains fra
tricides. Lui seul, il a droit d'imposer et
faire eqlendre ce commandement La paix!
la paix
Mais cel homme, on l'adépouillé vilipendé
emprisonné; puis on a fermé les oreilles a
ses paroles et tenté d'élouffer jusqu'a ses san-
glots. Ehbien! vous n'entendrez plus sa
voix mais bien celle d'un Dieu vengeur.
II commence a parler lui-mèmeau lieu de
son Vicaire, lui dont la voix est puissante el
fend les cèdres el ébranle Ie désert 1); lui
qui tonne alors qu'il parle et brandit ses flé-
ches et la grèle el les charbons de feu, el
découvre par sa parole les sources des eaux et
les fondemenls de la lerre (2).
Dieu paria quand lecanon lonnaenCrimée
sa voix se fit entendre sur les champs de
Lombardte, qui burent le sang de trois
armées; l'Autriche l'enlendit a Sadowa, et
c eiail Dieu qui parlait a la France a Sédan,
quand celle-ci abandonna le Pape aux mains
de la Révolution. Et maintenant Dieu a
encore une parole a dire, une terrible parole
el il la veut dire a toutes les nations, parce
que toutes sont complices de I'abandon du
Pape; et les minislres italiens, les plus cou-
pables dans un si grand crime, ne pourrortl
fermer la bouche a Dieu, comme ils I ont
fermée a son réprésentant sur la terre.
La guerre est imminente, maison ne sait
pas encore la cause qui I'allume ni le but oü
elle conduit. La diplomatie d'aujourd'hui est
un tel échevau de honteux subterfuges et
d'ambitionsenchevèlrées, que les plus experts
ne peuvent le démèler ou en trouver le fil
conducteur.
(1) Ps. XXVIII, 4. 5, 8.
(2) Ps. XVII, 12, 15; et Job., XXXVII, 5.
Dieu pourtant leconnail lui qui esl le mai-
tre des armées et qui guide les hommes mal-
gré eux par les voies qu'a Iracées sa Provi
dence. II a des desseins de justice pour les
méchanls, de miséricorde pour les bons, et
le feu desa colère sait discerner les tins des
aulres, produisant des effets divers pendant
qu'il enveloppe les uns et les aulres dans
une mème flamme.
Nous savons seulement que l'Europe en
sorlira purgée, l'honneurde Dieu vengé et
son Eglise triomphanle.
Lom de nouscependant de désireria guer
re pour elle mème elle nous épouvante
comme la tempète, qui menace en mème
temps el le champ du méchant et l'humble
jardin de Pinnocent, et nous en éprouvons,
dés a présent, la profonde terreur qu'elle
répandra partoul; mais elle est imminente
cette guerre, eten la monlrant du doigt on
nese peut Iromper. Plus d'espoir de la con
jurer rien n'y fera, ni concessions des belli
gérants, ni médiation des cabinets. II n'y
aurait d'espoir que si les peuples venaient a
résipiscence el si les puissanls écoutaient de
nouveau la voix du Pape. Pour nous nous
disons a Pie IX comme autrefois les Israelites
a Moise Loquere tu nobisel audiemus non
loqualur Dominus ne forte rnoriamur (3)
Parlez-nous vous-même, et nous vous écoule-
rons; mais que le Seigneur ne nous parle
pas, de peur que nous ne mourrions.
Parle-nous, grand Pontife, qui, nouveau
Moïse, guide au salut la familie hurnaine.
Parle-nous par la voix infaillible du Si/llabus
et du concile du Vatican, afin qu'elle se taise
la voix des armées, cetle voix qui est le
retentissemenl des clairons. le choc des
épées, le fracas du canon cl l'éclal des bom-
(3) Exod., XX, 19.
bes, el que la paix des jusles s'élève de nou
veau sur le monde.
LE PROJET DE LOI
SUR L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE
Depuis vingt ans, l'enseignement primaire
est réglé en Hollande par une loi qui, dés
avant son adoption, avail élé condamnée par
lous les calholiques, et même par les protes
tants croyants, el qui, depuis son application,
a montré qu'elle était faite pour implanter
dans les cceurs des jeunes gens les idéés les
plus perverses et les plus malsaines.
La loi de 1877 prescrit, en effet, que le
bul de l'enseignement doit ètre de former la
jeu nesse a toutes les ver lus chrêliennes el so
dales.
Mais on sait quelles sont les vertas c/iré-
tiennes dans lesquelleson voudrait élever les
enfants, ce sont des vertus protestanles ou
rationalisles.
La mème loi tiendrait en outre a doler le
pays d'écoles sans religion, dans lesquelles,
d'après M. Torbecke, il fallait enseigner un
christianisme indifférent, s'élevant au-dessus
des dissensions religieuses, de manière a en
bannir toute idéé de religion positive.
Déja, lors de la discussion de la loi, on se
demandaitque sont done des vertus chré-
tiennes Peut-il en exister en dehors de l'une
ou l'aulre croyance, qui ne se ratlache a
quelque point principal de la foi
Assurément non, de sorle que la porte est
ouverteaux abus, sans qu'il y ail un moyen
de les conslater. Car les écoles se trouvent
sous la domination de ceux qui penchent
vers le rationalisme, ou de protestants, qui
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Selzaeie-Ztecteo, 9-05, 1-25, 8-25. Eec\oo-Se/,zaele,S-3n, 10-15', 4-22.
Gand-Terneazen, (station) 8-17, 12-25. 7,30. (porte d'Anvers) 8-30, 12-40. 7-4*. Inrneuzen-GW, 6-00, 10-30440.
Selzaete-LoAeren, 9-04, 1-30, 8-30. (le Merer. 5 10 in.) Lokaren-Selzaete, 6 00, 10-25, 4 45. (Ie Mardt, 9,30.)
Popetinghe-Ypres, 5-15,7-00,9-28,'11-00,2-15,8-05,9-20. Ypres-Poperinghe6-30,9-07,12-07,3-07,6-80,8-45,9-50. Po
peringhe-Hazebrouck, 6 83, 12-28,7-10. Hazebrouck-Poperinghe-Ypres, 8-28, 4-10, 8-25.
Ypres-itouters, 7-80, 12-28, 6-48. Roulers-Ypres, 9-25,1-80, 7-80.
Routers-Bruges, 8-45, 11-34, 1-13,5,16, 7-36, (9-55. Lichierv.) Lichlerv.-Thoaroal, 4-25 m. vers Ostemle. tfrug..s-Kou
ters 8-25, 12-45, 5-05, 6-42. Licbterv.-Courtrai, 5-28 m.
Ypres-Courlrai 5-34, 9-46, 11-20, 2-35, 5-25, - Courtrai- Ypres, 8-08, 11-05, 2-56, 5-40, 8-49.
Ypres-Thourout, 7-18,12 06,6 20, (Ie Sainedi a 5-50 du matin jusqu a Langhemarck). Thouroul- Ypres, 9 00, 1-25, 7 4-j,
(leSamedi a 6-20 du matin de Langhemarck a Ypres). .,nn
Comities-Wacbêton-Le Touquet-Houplines-Arwenlières, 6-00, 12-00, 3-38, - Armentieres-IIoupline^Le louquel-Warneto -
Comines 7-25, 2,00, 4-45. Comines-lyarne'ltm 8-45, m. 9-30 s. (le Lundi 6-30,) Warneton-Co»»»nes 5-30, 11-10, (le
r\,nrirai jirunes 8-05 11-00, 12-35,4-40, (Ingel.) 6-55. 9-00 s. (Lichlerv.) Bruges-Courtrai, 8-25, 12-45, 5-05, 6-42.
Bruges, Blankenb. Heyst! (Station) 7-25, 11 08, 2-50, 7-35. (bassin 7-3./ 11-14, 2-56, 7.41, - Heyst, Blankenb, Bruges,
5°45, 8,25, 11-25, 5-30. r «s n 90
lugelmunster-Deynze-Gawd, 5-00, 9-41, 2-15. lngelmunster-Deyrize, 6-10 7-15. Gand-Deynze-Ingelmunster, 6-o8, 11-20,
4-41 7-21 Deynze - Ingelmunster1-00.
laeeimanstev-Anseghem, 6-05, 12-55, 6-13. kmeghem-Ingelmunster,:7-42, 2-20, 7-45. -
Lichtervelde-Dixmade-Furnes et Dunkerke, 6 30, 9-08, 1-35, 8-00. - D(z«AerAe-I<urnes-Dixmude et LiclderuMe, 6-35, 11 10,
3-40, 5-00.
Dixmude-ArteMZ>or1,9-50,2-20,8-45. Nieup-Dizm, 7-30,12 00,4-20.
Thourout-Ostewde, 4-50, 9-15, 1-50, 8-05. Dalende-Thourout, 7-55, 10-10, 12 25, 6-15.
C O IX K I-I H I' O M I) A .V C K s
COURTRAI, BRUXELLES. BRUXELLES, COURTRAI.
Courtrai dép.
Bruxelles arr.
6,37
8,80
10,53
1,35
12,33
2,25
3,42
6,10
6,35.
8,54.
Bruxelles dép.
Courtrai arr.
8,22
8,00
8,28
10,46
12,21
2,44
5,35
7,56
6,47.
8,44.
COURTRAI, T0UR.NA1, LILLB.
Courtrai dép. 6,37 10,56 2,84 5,34 8,47.
Tournai arr. 7,28 11,47 3,48 6,39 9,41.
Li lie 7,38 12,08 4,00 6,35 10,00.
LILLE, TOURNAI, COURTRAI.
Lille dép. 5,15 8,22 11,05 2,22 4,45
Tournai 5,42 8,56 11,29 2,40 5,39
Courtrai arr. 6,34 9.47 12,26 3,38 6,33
COURTRAI, GAND.
Courtrai dép. 6,42 9,49 12,31
Gand arr. 8,01 11,08 1,51
BRUGES, GAND, BRUXELLES.
GAND, COURTRAI.
3,44 6,40.
5,04 7,56.
Gand dép.
Courtrai arr
5,15
6,37
9,38
10,56
1.28
2,54
4,24
5,34
7,21.
8,47
BRUXELLES, GANI), BRUGES.
Bruges d. 6,49ex.7,04 9,39 12,34, 2-52,ex. 6,43.
Gand d.7,34 8,19 10,54 1,49 4,07, 7,58. 9,31.
Bruxelles 8,50 10,35 12,39 4 00,7,15, 9-31. 10,40.
Bruxelles dép. 7,20 8,14 11,06 1,35 3,02 ex. 4,59 ex.
G.ml arr. 6,00 8,33 9,41 1,23 3,59 4,11 6,29
Bruges 7,15 9,23 10,34 2,38 - 5,01 7,22
8 5g
7,7s
8,13
Suite. Voir le numéro ■précédent.
Je crus devoir renoncer aux bruine ziwilis
et ine con ten ter de jejisnice in maith. La jeune
femme s'assil a ma table et chercha "a distraire de
son rnieux l'hóte que la Providence lui envoyait.
Comme elle aussi avait soin de parler pomale
je pus deviner ce qu'elle me raconlait. Son man,
disait-elle, élait agé de seize ans; il élait en ce mo
ment ii l'école de Rabbi de Belz. qui lui enseignail
le Talmud. Leurs noces avaient été eélébrées il y a
quatre ans. Elle avait alors dix-sept ans. Ici, chez
ses beaux-parenls, elle ne manquait de rien et se
Irouvait heureuse seulement elle plaignait son
panvre mari qui, loin d'elle, devait se donnet' tant
de peine it l'école du Rabbi.
II est possible que ceci vous paraisse singulier,
voire mème passablement incroyable. Vous igno-
rez alors que ces unions précoces sont d un usage
fréquent parmi les Juifs orientaux.
C'est dans cette maison que je devais voir le
premier Ijbéré forgat (Ouvolninié kalargnic)
que j'aie rencontré de ma vie.
Tout en causant, nous n'avions pas fait atten
tion au rouicment d'une petite carriole qui venait
de s'arrêter devanl I'auberge. Un coup d ccil jeté
sur la route nous fit voir un chétif véhicule sur
lequcl se Irouvait tin torinelet et un panier. Un
bidet maigrej, cfllanquéépoiimonné, soufflait
péniblement dans les brancards. Un paysan venait
de descendre de la legére carriole et so dirigeait
vers la porte de I'auberge.
La jeune hólesse se leva précipitamment.
Que peut-il voüloir rei murmura-t-elle,
el une légère palenr se répandit sur srs joues.
La conduite de Niissan fut plus élrange encore.
ii Monsieur, Monsieur me dil-il d'une
voix que l'émotion élranglait, et en mème lemps
il élendait la main vers la porte comme si de ce
geste, il eiit voultt écarter un danger de sa per
sonne.
ii Mais qu'avez-vous done lui demandai-
je étonné.
Pour toute réponse. mon conducteur secotta la
léte en silence et ftxa sur Ie nouveau venu de
grands yeux oü la surprise se mêlaita une sorle
d'épouvante.
II.
Celui quia l'instant même francliissait le settil
de notre misérable hótellerie étail un homme d'un
certain age, e'est-a-dire d'un Jge incertain. II étail
vêtu comme tons les campagnards rtithéniens.
Seulement, en I'examinant atlentivement, je re-
marquai que sa chemise élait faile de fine toile
blanche. Ses trails étaient caches aux regards in
discrete par les larges bords d'un chapeau de paille.
ii Ilotesse s'adressa-t-il it la jeune femme,
a voulez-vous m'acheter qiielque chose? J'ai de
vieille eau-de-vie de grioltes, des cuillers et des
écuelies en hois, des bolles a poivre, des étuis a
aiguilles, des salières, des gobelets.... un grand
choix, tournés et sculplés, excellent hois dur, le
lout it hon compte....
II débitait tout ceia d'un ton de prière, lente-
tnent et sans lever les yeux. A son accent il élait
facile de voir qtt'il n'élait pas rulhénien, inais po-
lonais; il prononcait g au lieu de h et avalait les
voyelles finales.
La femme luijeta tin regard crainlif.
a Vous Ie savez, mon beau-père l'a défendu
balbulia-t-elle, a cause de votre femmeMais il
n'est pas it la maison.,..
Ellese tut tout-'a-coup et se tournaut vers mon
conducteur
ii Reb Niissan, ne me trahirez-vous pas?
detnanda-l-elle d'une voix supplianle. Vous ve-
nez souvent par ici
Le misnagid haussa les épaules et se dé-
tourna.
ii Faites ce qui vous plait, grommela-t il.
ii Eh bien ii, reprit avec empressement la
jeune femme en faisant tin pas vers le paysan,
ii eh bien, dans ce cas, apportez moi ttue écttelle
et douze cuillers. Je saurai bien 'inventer quelque
chose pour le beau-père.... II ne faut pas
m'en vonloir, Reb Niissari, cesont de si pattvres
gens....
ii Certainement. De très-pauvres gens»,
répondil celui-ct tout-a-coup radouci. Leur vie
durant faim et misère, après leur mort l'enfer, et
tont cela sans l'avoir en rien mérité
Mais l'homme était revenu dans la chambrc et il
v déposait son panier.
La femme choisit. ntarchanda etpaya finalemenl
les quelques kopeks. Je m'approchai et examinai
la marchandise; il y avail lit une foule de menus
objets artistemenl sculplés.
«J'ai aussi des étuis it cigares», me dit
rhomme, et il lira humblement son chapeau.
Mats le marchand élait devenu plus intéressant
pour moi que sa pacolille. On a rarement l'occasiun
de voir de ces trails-lit, quelque grands que soient
les désastres et les misères de ce bas-monde, peu
de visages en portent comme celui que j'avais de
vanl moi le sceau profond, ineffagable. Ce masque
blafard, oü le chagrin avail creusé des rides pré
coces, s'illuminait par instants d'une sombre fierlé
et, de ces yeux, jaillissait un éclair furtif qui pé-
nétrait i'ante. L'expression de ces traits était un
mélange indéfinissable de fatigue, d'impassibilité
stoïque et de douleur ptssionnée...
Vous êtes Polonais lui demandai-je en
lui rendant son salut.
Oui, de Lilhuanie.
Mais vous demeurez ici, dans la contrée
Dans I'auberge de Dittim a huit versies
d'ici. J'en suis l'aubergiste.
Et, de plus, vous êtes lourneur
On doit s'aider comme l'on peut. tNous
avons rarement des hóles au logis.
Votre auberge est sans dottle éloignée...»
Sur la grand' ronle, Monsieur. Elle élait,
dans le temps, la ineitleure qu'on put trouver
entre le Bug et le Dniester. Mais les voituriers ne
s'arrêtent pas volonliers chez nous...
Et pourquoi pas
u Parce que.... parce qn'ils croiraient com-
metlre un péché, surtoul les Juifs. Et il ajoula
EN IIOLLANDE.
brusqueinent Si vous vouiez acheter quelque
chose... Tenez, eet étui....
Le petit chef-d'oeuvre qu'il me tendait est la de-
vant moi, landis que j'éeris ces lignes. Sur le
couvercle, une main habile a sculpté la vue d'une
opulente maison de campagne. Dans ce moment
encore, j eu admire la parfaile exécution, mais ce
jour la, je fus lellément surpris de la beauté de ce
travail que je m'écriai d'un ton d'incrédulité Et
c'est voiH-inème qui avez fait cela
Oui, tont; sur mon tour, avec mes eiseaux
Dans ce cas, vous êtes un vrai artiste. Et
oü done avez-vous appris la sculpture
A Kaiuienetz-Podoiski.
A la forteresse
Oui, d'un compagnon de caplivité. Pen
dant le soulèvement de 1863.
«Vous avez done été pris parmi les insurgés»
«Non. Mais on craignit que je n'allasse les
joindre. C'est pourquoi on me traina a la forteresse
avec les antres Libérés forcats aussitót que
l'insurreclion éclata, et on ne nous remit en liberie
que lorsque tout fut lini.
Sans motif aucun
Sans le moiridre motif. Ce n'est pas d'au.
jourd'hui que je suis un homme brisé alors déja
ma vie était usée dans son germe. A peine élais-je
sorli de l'enfance, que les durs travaux des mines
de la Sibérie empoisonnaient la inoëlle de mes os.
Pendant les cinq années de mon établissement, je
suis a I'auberge de Deltim depuis 18S8, jamais je
n'avais donné lieu a aucun soupcon. Mais j'étuis
un libéré forcal.. et cela suflfisait.»(A continuer.)