s
c
LES «LIBERÉS FORQATS.»
<pvgAfVc
Mereredi 12 Mai 1877.
12e année. N° 1,185.
MM
i ma! narait le Mercredi et le Saraedi. Les insertions coülent 15 centimes la ligne. Les réclames et annonces judiciaires se patent 30 centimes la ligne. On traite a forfait pour les insertions par armee.
i ja i _.0i«Ai.. onimiAo Rü/iUmao ou Annonces, coutent 10 fr. les 100 exemplaires.
Un numéro du journal, pris au Bureau, 10 centimes. Les numéros supplémentaires commandés pour articles, Réclames
CHEMIM8 I» K F F S6. 1 Décembre.
L'INDÉPENDANCE DE LA PAPAUTÉ
SELON LA FLANDRE LIBÉRALE.
La Flandre libérale malgré, ses allures,
pédanles el ses prétenlions a la science Ihéo-
logique, parle du calholicisme et ses dog
mes comme un aveugle des couleurs.
Jeudi matin, elle publie un long article
pour démonlrer cette thèse paradoxale qu'au
point de vue de la saine doctrine catholique,
il n'y a pas la moindre corrélation enlre l'in-
dépendance du Pape el la liberté religieuse
des fidèles.
Voici, en résumé, son argumentation
Si le Pape est infailliblo, son infaillibilité
préserve, même en prison l'orlhodoxie de
son enseignement. Done l'Eglise est lonjours
assez libre, mème quand le Pape est prison-
nier.
L'organe de la tribu-Laurent ajoute cetle
remarque
ll y a eu, sous le premier Empire, des
calholiques qui onl cessé d'écouter la parole
du Pape paree qu'ils prétendaient que le Pape
n'étail plus libre. II onl formé chez nous une
secte, et portaient le nom de Stévenisles; la
secte s'esl éteinle dans la Flandre-Occiden-
tale, il y a peu d'annés. L'erreurdes Stévenis
les est restée une erreur condamnée dans
rEglise.il nous semble entendre comme un
écho de cetle erreur dans ia supposition que
des temps puissent revenir pour les calholi
ques, oü la parole d'un Pape pourrait n'èlre
plus la loi süre et infaillible des consciences
calholiques.
Pour faire justice de eet échafaudage de
sophismes, il suffira de remarquer que, dans
les circonstances actuelles, les calholiques
ne craignent pas quele Papepuisse enseigner
Terreur, mais bien qu'il ne soil plus libre
d'enseigner la vérilé et de la faire parvenir
aux fidéles dont elle est le pain quotidien.
Cette crainle trop bien juslifiée par les
réclamalions du Souverain-Ponlife lui-mème
et par les dispositions comminaloires et ex-
ceplionnelles du projet de lo'i Mancini, n'a
rien de commun avec les scrupules condam-
nables el condamnés des Stévenisles.
Ceux-ci d'ailleurs ne reprochaienl pas au
Pape d'avoir enseigné Terreur, mais d'avoir
excédé les limi les de sou pouvoir, en violant
la constitution de l'Eglise el les immunités
de Tépiscopat. Leur doctrine schismalique
s'allaquait ainsi, non pas au pouvoir doctrinal
du Pape, mais a sa suprème juridiclion. La
Flandre Libéraleen confondant ces notions
essenliellement distinctes, nous donne une
fois de plus la mesure de sa suffisance et de
son insuffisance.
Son incroyable paradoxe se heurte d'ail
leurs a l'évidence des fails et au lémoignage
des hommes d'Elat les mcins suspecls. II est
également condarnné par le simple bon sens.
Si le Papedemeure Pape, soit dans la prison
Mameriime, soit dans l'exil, soit a Savone,
soil a Fontainebleau, s'en suit-il que l'Eglise
demeure libre, malgré la caplivilé ou malgré
la proscription du Pape Permis aux législes
persécuteurs d'imaginer de tels sophismes,
mais c'esl oulrager la raison publique que
de vouloir lui imposer d'aussi palpables ab-
surdilés
Aussi avons-nous cité Partiele de la Flan
dre Libéralebien moins pour en faire res-
sortir Ténormité, que pour moatrer que,
mème lorsque la perséculion la plus alroce
pèserait sur l'Eglise el sur son Chef, nos
gueux trouveraient encore les catholipues
assez libres. Et voila le grand parti de
la liberté
Pour tout dire en un mot, les libéraux ne
Scènes de la Russie méridionale.
comprennenl rien a la conslilution de l'Eglise
a sa mission d'enseigner, a ses droits el aussi
a ses devoirs. Si l'Eglise parle, c'esl que Dieu
lui a ordonné de parler et qu'il lui est im
possible de se taire. Allez, enseigriez toutes
les nationsVoila l'ordre, formel, précis
Je suis avec vous jusqu'a la consommalion
des siècles. Voila la garantie également
formelle d'une assistance divinemenl pro
mise et divinemenl réalisée
Que la sagesse des Genlils s'offense de cel
aposlolat; que la puissance romaine en soit
prise d'effioi, l'Eglise n'y peut rien. On lui
a ditVa, les nations son! ion hèritage; ton
domaine n'aura d'autres limiles que celles
de la lerre. Et elle va que voulez-vous?
Le Ciel el la terre passerontmais les paroles
de Jésus-Christ ne passeront pas.
Souvent, dans le cours des amis, des
hommes sont venus demander a l'Eglise,
celui-ci au nom de la science, celui-la au
nom de la polilique, lel aulre mème sous le
prélexte des intéréts de la religion, de con-
sentir a un amoindrissement de ses droits
essenliels ou a l'abdicalion de sa mission.
L'Eglise écoule, laisse dire el se contenie de
répondre Non possumus. Cela est impos
sible.
Aujourd'hui encore le libéralisme essab
debaillonner les lévres qui gardenl le dépól
divin de la Yérilé. Le Pape proleste et les
calholiques protestent avec lui paree que si
le Pape a le droit et le devoir d'enseigner la
vérilé, lis ont eux le droit et le devoir de
Tentendre et de la pratiquer. Le silence du
Pape, c'esi a-dtre la famine religieuse, votla
le fleau que le libéralisme voudrait déchainer
sur ie monde! C'est un attentat moustrueux
qui juslifie mille fois nos protestations et nos
plaintes; mais qui néanmoins la Flandre
a raison de le direne saurait décourager
nos espérances. Nous ne croyons pas seule
ment a l'infaillibilité du Pape, mais nous
croyons a la Providence divine qui gouverne
el préserve l'Eglise. Que la perséculion ac-
tuelle s'aggrave encore, que les passions im-
patientes et irrilées d'une résislance qui les
déconcerte, appellent a leur secours ia force
brutale, l'Eglise ne trahira pas le dépot a elle
confié par son fondateur. Opprimée, persé-
cutée, sa force réside dans sa faiblesseet
c'esl alors que ses ennemis la croient vaincue
et la disenl expiranle qu'elle est plus proche
de son triomphe.
LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE.
Un des desiderata du libéralisme, c'est de
voir inserire, dans la nouvelle ioi électorale,
un article qui inlerdise formellemenl au
prêlre de s'occuper de politique et qui l'obli-
ge a accorder indistinctemenl a tons les
libéraux qui la demandent, Tabsolulion de
leurs faules.
Un des membres de la section centrale,
chargée d'examiner le projel de réforme
électorale, s'est fait Tinterprêle des senti
ments du libéralisme et a osé aborder cette
question.
Selon lui, personne ne peul vouloir que
l'étecteur prètre ait, paree qu'il est prêlre,
une influence a laquelle ne pourrait préten-
dre aucun de ses coélecleurs. En conséquen-
ce, il aurail voulu que des peines fussenl
édictées contre ce qu'il appelle les abus du
clergé pour refus des sacremenls, menaces
de peines et censures de l'Eglise ou refus de
sepulture, attendu que ces menaces ne sont
pas seulement générales, mais s'adressent a
des individualilés. II a mème ajouté qu'a son
avis Tarlicle 125 du code électoral, commi-
riant une peine conlre quiconque use de
voies de fail, de violences ou de menaces,
pour influencer le vote de Télecleur, élail
applicable aux membres du clergé qui usent
de menaces spirituelles.
Ce membre de la section centrale, en
émellant cette opinion, n'a fait que réfléler
les idéés que Ton rencontre, a chaqne in
stant, dans les organes de la presse du pro-
grès.
Nous ne croyons pas que M. de Bismark,
mème dans ses plus mauvais jonrs, ait ja
mais rèvé conlre le clergé qu'il persecute,
une Ioi si monstrueuse.
Nous le demandons, que deviendraient et
la liberlé des cultes, ct les droits de la con
science, si le prètre juge au tribunal de la
penitence n'avait plus le droit absolu de
condamner et d'absoudre? Esl-ce que ce
droit, il ne Ta pas recu de Dieu lui-mème?
Est-ce que les hommes peuvent l'écourler el
le rélrécir?
Mais ce droit que le prêlre exerce, disent
les libéraux, enlrave et paralyse la liberlé
de Télecleur.
Est-ec que les ciloyens sont forces d'aller
a confesse el d'user des sacrements? Est-ce
qu'ils ne sont pas libres de s'affranchir,
quand bon leur semble, du joug religieux?
Est-ce que ceux qui se présentent au confes-
siotinal, ne se soumetleul pas d'avance a la
sentence qu'ils vont demander? Est-ce qu'il
n'y a que le confessionnal qui pèse sur la
conscience electorale?
Le pays est surcharge d'associalions libé-
rales, et il n'y a presque plus de villes, quel-
rS~J
O
-c,
cn
z
O
22
S3
-C
CD
V)
z
O
-2
e£>
CP
x
w
s
a:
<1
V'
H
O
G
j CD
CO G
2
CD o
CT3 G
C/a m
•H
do
re
do
:z
re
zn
ve
o
H
2
cz
re
do
Poperinghe- Ypres. 3-15,7-00,9-28,11-00,2-13,5-08,9-20. Ypres-Poperinghe, 6-30,9-07.12-07,3-07,6-80,8-45,9-00. Po-
peringhe-Hazebrouck, 6 33, 12-23,7-10. Hazebrouck-Poperinghe-Ypres, 8-23, 4-10, 8-23.
Ypres-Iioulers, 7-50, 12-25, 6-43. Rou Iers-Ypres, 9-23, 1-30, 7-30.
Roulers-Bruges, 8-43, 11-34, 1-13,5,16, 7-36, (9-55. Lichterv.) Licliterv.-Thourout, 4-25 m. versOstende. - Bruges-ROtt-
lers 8-25, 12-43, 3-08, 6-42. Lichterv.-Courtrai, 3-25 in.
Ypres-Courtrai 5-34, 9-46, 11-20, 2-38, 5-23, - Courtrai- Ypres, 8-08, 11-03, 2-36, 5-40, 8-49.
Ypres-Thourout, 7-18, 12 06, 6 20, (le Samedi a 5-80 du matin jusqu'a Langhemarck). rhourout- Ypres, 9-00, l-2o, 7-45,
(le Samedi a 6-20 du malin de Langliemarck a Ypres).
Comines-Warnêtpn-Le Touquet-Hquplines-Amentières, 6-00, 12-00, 3-33, Armentières-Houplmes-Le louquel-Warnelon-
Comines 7-23, 2,00, 4-43. Cominès-Warwêtm 8-45, m. 9-30s. (le Lundi 6-30,) Wariiêton-Comiwes 3-30, 11-10, (le
Courtrai Bruges, 8-08,11-00, 12-38,4-40, (Ingel.) 6-53. 9-00 s. (Lichterv.) Badges- Courtrai, 8-28, 12-48, 5-03,6-42.
Bruges, Blankenb, Heyst, (Station) 7-23, 11-08,2-50, 7-35.-(bassin 7-31,11-14,2-36, 7.41, - Heyst, Blankenb, Bruges,
5-45 8 25 11-25, 5-30.
Ingelmuns'ter'Deynze-Gand, 3-00, 9-41, 2-13. - Ingelmunsier-Depnze, 6-10 7-13. Gabd-Deyn'ze-/»y«imtt»Mter, 6-38, 11-20,
4-41,7-21. Dey nze-Ingebnunster, 1-00.
Ingelmu'nster-Anseqhem, 6-05, 12-53, 6-13. Anseghem-lngelmunster, 7-42, 2-20, 7-43.
Lichtervelde-Dixm'ude-Furnes et Dtmkerke, 6 30, 9-08, 1-35, 8-00. ötzziAerAe-Furnes-Dixrnudé et Lictilervel.de6-33, 11-10,
3-40, 5-00.
Dixmude-M'eMport,9-30,2-20,8-45.—Nieup-Diaiw, 7-30,12 00,4-20.
Thourout-Ostende, 4-50, 9-13, 1-50, 8-05. Ostende-77toizrowl, 7-35, 10-10, 12 25, 6-15.
Selzaete-Eecloo, 9-05, 1-25, 8-25. Eecloo-Sêlsae?e,5-35, 10-13,4-22.
G§n d-Terne tl zen, (station) 8-17, 12-25. 7,30. (po'rte dWnvers) 8-30, 12-40. 7-45. lerneuzen-G/x^i, 6-00, 10-3
Selzaete-LoEsreu, 9-04, 1-30, 8-30. (le Merer. 3-10 in.) Lokeren-Selzaete\ 6 00, 10-25, 4-48. (Ie Mardi, 9,30.)
OOHRESPOIfDAWOES
COURTRAI, BRUXELLES.
BRUXKLLBS, COURTRAI.
Courtrai dép.
Bruxelles arr.
6,37
8,50
10,83
1,35
12,33
2,28
3,42
0,10
6,35.
8,54
Bruxelles dép.
Courtrai arr.
8,22
8,00
8,28
•10,46
12,21 8,35
2,44 7,36
,47.
,44.
COURTRAI, TOURNA1, LtLLE.
Courtrai dép.
Tournai arr.
Li He ai
6.37
7,28
7.38
10,56
11,47
12,08
2,54
3,48
4,00
5,34 8,47.
*6,39 9,41.
6,38 10,00.
Ljlle
Tournai
Courtrai
dép.
arr.
LILLE, TOURNAI, COURTRAI.
5,15 8,22 11,05 2,22 4,45
5,42 8,36 11,29 2,40 8,39
6,34 9.47 12,26 3,38 6,33
COURTRAI, GAND.
GANDCOURTRAI.
Courtrai dép.
Gand arr.
6,42
8,01
9,49
11,08
12,31
1,31
3,44
5,04
6,40.
7,36.
Gand dép.
Courtrai arr.
5,15
6,37
9,38
10,36
1,28
2,54
4,24
5,84
BRUGES, GAND, BRUXELLES.
Bruges d. Ö,49ex.7,04 9,39 12,34, 2-52,ex. 6,43.
Gand a. 7,34 8,19 10,34 1,49 4,ti7, 7,38. 9,31.
Bruxelles 8,80 10,33 12,39 4 00,7,15, 9-31.10,40.
BRUXELLES, GAND, BRUGES.
Bruxelles dép. 7,20 8,14 11,06 1,35 3,02 ex.
Gand arr. 6,00 8,38 9,41 1,23 3,89 4,11
Bruges 7,15 9,23 10,34 2,38 - 5,01
,21.
,47
4,39 ex. 5.58
6,29 7,37
7,22 8,15
Suite. Voir le numéro -précédent.
L'homme s'élait aflaisé sur un banc; ses bras
dëcharnés étaient tombés de Ussilüde sur ses ge-
noux;on enlendail son.eceur bailre a lui rompre
la poilrine je crus qu'il allait stiffoquer. Jamais
vous ne verréz figure huinaine plus ravagée par
la fatigue et la douleur.
Enfin, il reprit Dix ans s'étaienl éconlés
de la sorte, dix ans! Du moins me le disait-on; car
moi-mème j'avais drpnis longtemps cessé de comp
ter les jours de ma misère. A quoi bon? J'étais
déchu au point que je n'avais plus mème pitié de
moi-méme. Un soir, je fus appélé devant Tinspec-
teur avec plusieurs compagnons d'infortune: notis
étions graciés, me fut-il dit, et avec noire grace,
nous recevions la permission de nous élablir, en
qnalilé de colons, dans la Nouvelle-Russie; un autre
effet de la clémence du Czar devait nous assignor
unedomicile, une professionet une femme, graciée
eoinnie nous. Seulement il allait de soi que nous
aurions a nous convertir au culie gree orthodoxe.
Ces conditions, Monsieur, nous parurent peu,
Lorriblenaent peu de chose! Nous consentimes,
'"resdejoie. On part volonliers de Sibérie: qu'im-
porle oil Ton aille après lui avoir tourné le dos;
la mort mème est meilleure. N'étions-nous pas
graciésAlexander Nikolajewitch est un maitre
plein de mansuélude; en Sibérie, ses mines regor-
gent de ma.beureux el dans le Sud de la Russie,
ses sleppes sunt vides. 0, un philanlrophe, tin
bieufaiteur de Thumanité soulTranle, le protecleur
des chrétiens, decus et dehciae generis humani!
Au reste, peut-être suis-je injuste envers lui.,..
Nous nous mimes en route et avangêmes len-
tement vers Ie Sud-Ouest. fluit mois après noire
depart, nous étions a Mohilew. La, nos gardiens
avaient or'dre d'adoucir taut soit peu lettrs me-
sures de surveillance. II s'agissail maintenant de
faire agir les popes sur nous. Ces dignes prétres
ont une maoière it eux de précher et de praliquer
TÉvangile. Un beau matin, on nous chassa, a
coups de crosse, dans unc grande salie oil nous
fumes parqués comme un troupeau. II y avait
bien la cent hommes et femmes, pêle-mêle. Un
pope entra. C'était un homme comme un arbre,
aux muscles de boucher, el d'uue malpropreté
repoussanle. II s'elait évidemment forlilié en vue
de cet exercice difficile de son saint ministère,
car il sentail Teau-de-vie it vingt pas et ne tenail
que difficilement sur ses jambes. Tas de
canailles», hurla-t il dune voix de rogomme,
vermine de Thumanité, il est question de faire
maintenant de votts des chrétiens orthodoxes! Mais
ne votts altendez pas a ce que je me donne grande
peine pour vous. Tenez, que croyez-voits qu'on
m'alloue par tête? Dix kopeks, poux que vous êtes,
dix kopeks par tête Qu'ils prennent done des
chiens pour ert faire des nnssionnaires; car, a ce
prix-la, c'esl un métier de chien quele mien. Je
le fais aujourd'hui pour la dernière fois, je vous
ie piomets. li est vrai que noire babuschka (1)
Alexandre Nicolajewitch a fail porter au lat if un
rouble par tête; mais le directeur, ce gredin, vole
quatre-vingt-dix kopeks et ne ine laisse qu'tin
dixiètue de ce qui ine revient. Enfin, j'ai consenti
pont ce malin encore a me charger de la besogne,
paree que l'on m'a dit que vous êtes nombreux.
Ainsi, écóutez Vous êtes en ce moment encore
calholiques romains, protestants, juifs et que sais-
je Cela est trés-mal de voire part. Car tout jtiif
est une punaise, lout protestant un chien, lout
catholiqne romain un cochon Voila ce que vous
êtes dans cetle vie. Mais qtt etes-vous dans la mort?
De la charogne, mes chères gens, de la charogne!
Et notre Seigneur Jésus-Christ vous recevrait dans
sa miséricorde au jugement dernier En vérilé
non 11 ne voudrait pas l'avoir rêvé Et jus-
que-la L'enfer Ainsi, bonnes gens, a quoi
bon tont cela Convertissez-vous Je résumé
celui qui consent ii devenir chrétien orthodoxe n'a
qua se taire. Quiconque de vous bouge latera du
knout et retournera en Sibérie. Done, tries chers
frères el soeurs, voulez-vous étre des chrétiens
orthodoxes Nous gardames un silence de
mort.«Parfait», reprit te pope. «Maintenant,
attention Cettx et celles d'enlre vous qui sont
déja chrétiens n'ont qii'a lever Tindex et le médius
de la main droite et répétér après tnoi la prière de
l'abjurauon. Ce sera vite fait. Mais avec cetle mau-
dtle engeance de juifs on a lonjours et partout
des ennuis, siirlout dans cette besogne -ci. II fatt-
(1Petitpère, nom qu'en Russie lepetipie donne
au Czar.
dr;t que je commence par bapliscr ces chiens de
mécréants. Juifs, avancez et que le reste de
cetle racaille reste en place C'est avec cetle
dignilé soutenue que le prêlre accotnplit la céré
monie jusqu'att bout.
Pani VValerian avait raconté lout ce qui pré-
cède sans faire le moindre geste et sans que ses
traits ne tra bissen t une emotion quelconqne. Et,
quelle que fut la erudite révollanle de ses citations
et ia hideur de ces monstrueux détails, je n'avais
pas fait unsetil mouvement qui put Tinlerrotnpre
ou le distra ire dt: ses déchirauts souvenirs
Le lendemain,continua M. Valerien,
ce fut le second acte dn drame: le choix d'une
profession. Ce choix fut tout aussi libre et spun-
lané que celui de la religion. Seulement, force fut
ici a nos bourreaux d'individualiser quelqne peu
leurs procédés sommaires. Trois jeunes employés
du Gouvernement de Mohilew avaient reen la déli
cate mission de rédiger procés-verbal de. nos vceux
etd'en tenir un compte sci upttleux ponr autant
que ces vceux n'eussent rien de contraire it l'ordre
et a l'intérêt publics. L'homme devant qui je
comparus était étonnaniment jeune: il était de
cette espèce particuliere de gens qui conlinuent
it rester gamuts après même que lage a blanchi
leur lêle. C'était un petit individu a Textérteur
recherché, au fond tin petit monstre d'une rare
besliaiité, bonté et cruel, sans la plus légère appa-
rence de sentiment hitmain. II faisait une farce
avec nous, une bonne farce qui allait certes faire
rire aux lai mes ses carnarades et les filies de sa
connaissance, lorsque le soir il pourrait les en
régaler. Lu jeune magistral s'informa scrupuleu-
ment de nos voeux, puis il ordonna diamélrale-
ment l'opposé de ce que chactin de riotts avait
souhailé I... II y avail pat-mi nous une dame d'une
haute distinction, une polonaise issue d'une de
nos races les plus illtislres, une noble et malhett-
i-euse femme, chargée d'ans et courbée sous le faix
des dottleurs, dont la délresse et la débililé impo-
saient le respect et forcaient la compassion des
étres les plus dégradés. Celte femme était trop
êgée pottr que Ton put la marier avec Tun de
nousElle fut invitée ii faire elle-même choix d'une
profession et demanda it êlre ulilisée comme insli-
t u I rice dans quelqu'établissement fondé pour Tédti-
cation des filies d'officiers. Précisément, on cher-
chail partout a cette époque des personnes capa-
bles de remplir pareille mission. Le jeune fonc-
tionnaire qui disposait de notre sort la désigna
pour être blanchisseuse de la caserne de Mohilew.
II y avait lit nu jtiif, un vicillard qui avait élé en-
voyé en Sibérie pour avoir introduit des livres
prohibés a la frontière, prés d'Eydtkiiliuen. Ce
pauvre septuagénaire avail élé, dans le temps,
propriétaire d'une imprimerie; c'était un excellent
lypographe. Peut-être poiirrat-je être i-cgu dans
Tune ou Tautre des imprimcries impériales
suppliait-il. II n'avait plus sur terre qu un unique
désir finir ses jours dans une localité oil il v eut
pen on point de juifs. Car ce ivétait que forcé et
conti ainl qu'il avait ren ié la foi de ses pères, a la
quelle Tattachaient invinciblejnent toutes les fibres
de sou être, et il tremblait a la pensee que, pour
comble d'opprobre, tl allait devenir, aux yeux de