I e Mai 1877. ^^OfiUE^^IiïTASS^ 12 q ga iv r Samedi 12 ^Sj^£7\/> IS année. N° 1,186. LES «LIBÉRÉS FORQATS. e Journal parait Ie Mercredi el le Samedi. Les insertions coütent 1b centimes la ligne. Les réclames et annonces judiciaires se paieiil 30 centimes la ligne. On traite a forfait pour les insertions par année. Un numéro du journal, pris au Bureau, 10 centimes. Les numeros supplémentaires commandés pour articles, Réclames ou Annonces, content 10 fr. les 100 exemplaires. II K H A 8 15 W H5 BS. 1 Décembre. L'ÉTAT SANS DOGMES. Les gouvernements doivent-ils, peuvent- ils gouverner sans s'inquiéter de l'existence des dogmes A cette question capitale le Courrier de Bruxelles répond par un article énergique dont voici la quintessence Le péché originel, la responsabilité de l'homme, l'immorlalité de Tame, l'élemilé des peines, la rédemption sont aulanl de dog mes d'oü nos péres onl tiré les régies de la morale, de la justice, de l'enseignement el généralement detous les rapportssociaux. Si le gouvernement ne doit pas s'occuper des dogmes Pourquoi comtnet-il l'inconséquence d'im- poser un sermenl qui froisse le libre-penseur et met le croyant a la merci du mécréanl? Comment ose-t-il usurper le droit d'ensei- gner et se hasarde-l-il a l'absurdité de s'occu per de morale, de lois et de codes Ou puisera-t-il, sinon dans ['arbitraire, le plus variable et le plus capricieux, les no tions du droit, de l'équité, de la liberie du tien et du mien, du mal el du bicn? Qn'est-cequele mal elqu'est-ce que le bicn, sinon des conceptions érninemment relatives et qui écbappent a toule appreciation géné rale? Que devient l'institution de la familie ct a quoi esl-elle bonne? Qu'est-ce que le bien d'aulrui et a quel litre l'agglomération d'iniérèts contradicloi- res que Ton désigne sous le nom assurément usurpé de socièté s'empare-t-elle du droit dejuger el de punir des actes émanès de l'aulorilé souveraine de cbaque raison indi- viduelle? Moi, pauvre, de quel droit le gouverne ment venl-il in'empècher de devenir riche par les moyens que ma morale a inoi me -|L'" déclare licites? Si je suis riche, que vient-il se mêler de mes jouissances et des félicités que, juge suprème de ma conscience, je crois pouvoir me permeltre? Comment me prou- vera-l il que la propriété n'est pas Ie vol el que je nepuis reprendre mon bien oü je crois Ie trouver? Le gouvernement emploiera la force pour me courber sous le jong de lois que ma con science flélril d'iniques! Soit. Maisje lache- rai de devenir plus fort que lui ou d'échapper a sa lyrannie par i'adresse. Comment pour^ rait-il afïinner quej'ai lort? Si l'état nedoit pas s'occuper des dogmes. pourquoi enseigne-t-il? Quand on se soustrait au devoir d'exatni- nersi l'Evangile est meilleur que le Coran on inférieur au Talmud, on est mal venu d'enseigner. L'enseignement est alors une usurpation monstrueuse, une lyrannie into lerable et vérilablement abominable conlre le droit saeré de l'enfanl qui, né libre et bon, cointne l'affirment les Immortels principes, doit nécessairement èire laissé (out entier a i'éducalion de la nalure., a la plénitude de sa liberlé el au développement inslinclif de ses bonnes qualités naturelles. Nous n'en finirions pas si nous voulions développcr tontes les consequences logiques du principe Le gouvernemenl ne doit pas s'occuper de dogmes et n'a pas a décider si la religion catholique est meilleureque la re ligion protestante ou la religion juive si l'Eglise calholique. sociélé parfaiteinent délerininée et ordonnée, l'Eglise de J. C., peul êlre comparée el mise sur pied d'égalilé avec le protestantisme ou le judaïsme, deux sortes de poussiéres sociales qui n'onl plus mème la forme ou l'apparence d'une sociélé et dont le nom, simple expression négative, ne répond mème plus a une idéé précise. L'essence du gouvernement constilutionnel consiste dans l'indifférenlisme, dans Ie scep ticisme. La grande sagesse du gouvernement constilutionnel consisie a ioujours compro- meltre.... Mais, qu'on ne I'oublie pas I'art de Ioujours coinproineltre la vérité ressemble beaucoup a I'art de ioujours compromeltre son argent il conduit infailliblemcnl a la banqueroute, Cesjeuxonl pu longtemps paraitre inno cents, lant que les mceurs générales sont res- tées chrétiennes. Mais peu a peu ils se sont insinués dans les intelligences, qu'ils ont iroublées et dévoyées, ils ont pénétré insen- siblemenl dans les mceurs a I'aide de la ri- ehesse, de la molesse des earaclères, qu'ils avaient désarmés de la jouissance qu'ils ont assignee pour fin derniére a I'liomme; ils ont denature et renversé les notions du droit el de la vérite, de la justice et du devoir; ils out bouleversé I'Europe, disjoint les families, corrompu les mceurs, divisé les esprits a l'in- fini et produil parlout de tels désordres qu'il n'est plus une nation, une familie, une per- sonnesüredu lendernain. La résistance qu'ils ont rencontrée dans I'esprit religieux des populations beiges ne leur a pas permis d'y produire encore les les mèmes ravages qu'ailleurs. Mais il n'est pas néceseaire d'ètre grand observateur pour voir que leurs progrés sont rapides et que nous approchons d'une crise o« se jouera l'existence mème du pays, dont le sort est étroilement lié avec son caractère calholi que. LA QUESTION CLÉRICALE EN FRANCE. Nous suivons avec un intérêt qui sera partagé par nos lecteurs la discussion enga- gée a la Chambre francaise sur ce qu'il est convenu d'appeler la question cléi icale. Rien n'est plus inslructif que ce débat oü Ie libéralisme cosmopolite se monlre souvent sous son véritable aspect. Ce n'est pas que Ie langage de M. Gain- betla el des autres chefs du parli révolution- naire en France diffère sensiblement de celui que les libéraux gueu.x nous font entendre en Belgique. Mais, précisément a raison de cette idenlé d'altitude el de ces aspirations communes, il est bon de relever les aveux échappés aux coryphées du radicalisme fran- Qais. Conslatons d'abord que M. Gambelta lui- mème a indirectement lail justice des decla mations insensées qui reienlissent cbaque jour dans la presse contre les menées de rultramontanisme. Ces menées se réduisent aprés lout a répanouissement normal de la vie calholi que, a la revendication des droils de l'Eglise, a l'affirmalion de la pleine el nécessaire indé- pendance de son Chef. Si les libéraux voulaient sincérement la li berlé religieuse, s'ils étaient eux-mèmes fidé- les a leur principe favori de la séparation de l'Eglise el de l'Elal, ds ne verraieni dans le mouvement calholique rien que de trés-natu rel, de très-légitime et de trés-régulier. Mais et c'est ici surtout que le libéralis me se démasqué lui-mème la liberté libé rale implique nécessairement a ses yeux l'as- serv'issemenl du eatholicisme. Sur Ie terrain des fails, il répudie toules les banalités dé- clamatoires qui irop souvent séduisent les badands, et sa ligne de conduite se résumé dans eet aphorisme de M. Gambella II est b lemps de refouler les Eglises au rang su- ballerne qu'elles doivent occuper dans l'Elal. Voila done le dernier mot de nös grands parleursde liberlé! lis préconisent une poli tique de combat et leur idéal gouvernemen- tal, c'est la subordination de l'Eglisea l'Elal! Aprés cie Iels aveux esl-il besoin de re- chercher la cause des I «j tl es qui divisent nos sociélés conteinporaines ou d'hésiler bien longlemps avanl d'en impuler la responsa bilité aux gouvernements imbus de princi pes libéraux? L'Eglise esi, de sa nalure. et par la volon- té même de son divin fondaleur, une sociélé parfaile, autonome cl pleinement ïndépen- danle. Or, de l'aveu de M. Gambella, le bul du libéralisme est de léduire l'Eglise a l'état d'inslilulion subalterne et dépendanle. Cette politique, se traduisant dans l'ordre des faits, constilue nécessairement Ie eaiho- lieisme en étal de légilime défense car i! ne fait que défendre sa constitution et sa vie et c'est a l'agressetir, c'est-a dire au libéralisme, qu'incombe nécessairotnenl la responsabililé du contlil. Celte situation se définit d'ailleurs plus clairement encore par les conclusions prati ques que M. Gambella a déduites de son ré- quisitoire conlre Ie eatholicisme. Ces conclusions qnelles sont-elles L'inlerdielion du droit de petition aux ca- tholiques. La privation du droit dissociation pour les catholiques. La censure de l'Etai sur les actes épiseo- paux. La jurisprudence gallicane ressuscitée pour enlraver l'exercice de In juridiclion légilime du Souverain-Ponlife. Nous ne parions pas d'un autre program- me qu'il est facile ü'entrevoir a travers les déclamations passionnées du trihun répu- blicain. Ce langage violent est fail pour surexciter une haine aveugle qui chercherail, Ie cas échéanl. a s'assouvir par. des armes plus meurtrières que celles de la légaüté el qui jj fcS O 22 73 z: O '/j 'y> O O O 'O 5 cje 52 c/3 o 'Z l'operinghe-Tpres, 8-t8,7-00,9-28,11-00,2-15,8-03,9-120. Ypres-Poperinghe, 6-30,9-07,12-07,3-57,6-50,8-45,9-50. Po- pexinghe-Hazehrouck, 6 53, 12-25,7-10. Ilazebro^ck-Poperinghe-Ypres, 8-23, 4-10, 8-23. pres-Haulers, 7-30, t2-25, 6-43. Roulers- Ypres, 9-25, 1-50, 7-50. Roulers-firtzpes, 8-45, 11-34, 1-13,5,16, 7-36, (9-35. Licliterv.j Lichterv.-Thourout, 4-25 in. vers Osiende. Bruges-Hou- Iers 8-25, 12-43, 5-05, 6-42. lAchlcrv.-Courtrai, 5-23 m. Ypres-Courtrai 3-34, 9-46, l 1-20, 2-35, 3-25, Courtrai-Ypres, 8-08, 11-03, 2-56, 5-40, 8-49. Ypres-Thuuroul, 7-18, 12 06, 6-20, (le Samedi a S-5Ó du matin jusqu'a LaTlghetrlarck)Tliouroul- Ypres, 9-00, 1-23, 7-43, (le Samedi 6-20 du matin de Langliemarck a Ypres). Comines-Warnèton-Le Touquet-Houplines-.drmewlidres, 6-00, 12-00, 3-35, Armeniières-llouplines-Le Touquel-Warnêlon- Comines 7-23, 2,00, 4-45. Comin'es- Warnêton 8 43, tn 9-30s. (le Lunli 6-30,) Warnêton-Coznmes 3-30, 11-10, (le Lundi 6,50.) CourtraiBruges, 8-03, 1 I-00, 12-38,4-40,i(IngeL) 6|53. 9-00 s. (Licliterv.)Bruges-Courtrai, 8-25, 12-45, 8-03,6-42. Bruges, Blanken!), Hevst, (Station) 7-25, I I-08, 2-50, 7-38(bassin 7-31, 11-14,2-86, 7.41, Hevsl, Blankenb, Bruges, 5-45, 8,25, 11-25, 5-30. ngelmunster Deynze-Gand, 5-00, 9-41, 2-18. IngeJmunster-üeyraje, 6-10 7-18. Gand-I)eynze-7?ip«/OTU»ster, 6-58, 1 1-20, 4-417-21. Deynze -Ingelmunster, 1-00. Ingelmunster-zlzisey/rer», 6-05, 12-55, 6-13. Ansegbem-Ingelmunster, 7-42, 2-20, 7-48. Lichtervelde-Dixirmde-Furnes et Diuikerke6 30, 9-08, 1-38, 8 00. ZhznA'eria-Fiirnes-Dixmuile et LiclUerilelde, (i-38, 11 10, 3-40, 5-00. Dixmude-jVietzpor<,9-50,2-20,8-45. Nieup-Duzun, 71-30,12 00,4-20. 'l'houroul-Ostende, 4-50, 9-13, 1-50, 8-05.Qslende-Thoaroul, 7-53, 10-10, 12 25, 6-18. Selzaete-iiec/oo, 9-0.5, 1-25, 8-2.8. Eecloo-&Umetó,8-35, 10-15. 4-22. Gand-Tengetz.zen, (|iation) 8-17, 12-23. 7,30 (pirtti d'Ativefs) 8-50, 12-40. 7 43. Terneuzen Gand6-00,10-30,440. Selzaete-jLoAererc, 9 04, 1-30, K-30. (le Merer. 3 10 in.) - Lokeren-Se/mefe, 6 00, 10-28, 4 48. (Ie Mardi, 9,30.) CORH.Bar>ONDAMCEa, COURTRAI, BRUXELLES. BRUXEELES, COURTRAI. Courtrai dép. Bruxelles arr. 6,37 8,50 10,53 1,3.8 12,33 2,23 3,42 6,10 0,33. 8,34. Bruxelles dép. Courtrai arr. 3,22 8,00 8,28 10,46 12,21 2,44 835 7,56 6,47. 8,44. COURTRAI, TOURNAI, LILLE. Courtrai dép. Tournai arr. Lille Courtrai dép. Gand arr. 0,37 7,28 7,38 10,56 11,47 12,08 2,84 3,48 4,00 3,34 8,47. 6,39 9,41. 6,38 10,00. LILI.E, TOURNAI, COURTRAI. Lille dép. 5,1.8 8,22 11,05 2,22 4,48 Tournai 5,42 8,56 11,29 2,40 5,39 Courtrai arr. 6,34 9.47 12,26 3,38 6,33 COURTRAI, UAND. GAND, COURTRAI. 0,42 8,01 9,49 I 1,08 12,31 1,51 3,44 8,04 6,40. 7,36. Gand dép. Courlrai arr. 3,18 0,37 9,38 10,56 1.28 2,34 4,24 8,34 7,21 8,47 BRUGES, GAND, BRUXELLES. Bruges d. 0,49ex.7,04 9,39 12.31, 2-32 ex. 6,43. i Bruxelles dép. Gand a. 7,34 8,19 10,34 1,49 4,o7, 7,38. 9,31. Gmi Bruxelles 8,50 10,33 12,39 4 00,7,13, 9-31.10,40. Brüge BRUXELLES, GAND, ARUGES. 7,20 8,14 11,06 1,38 3,02 ex 4,59 ex. 5.38 drr. 6,00 8,38 9,41 1,23 3,59 4,11 6 29 7,37 7,18 9,23 10,34 2,38 - 3,0t 7,22 8,13 Scènes de la Russie méridionale. oeessa— Suite. Voir le numéro précédent. III. Le narrateur s'était tu tout-a-coup. Lorsqu'il voulut reprendre son réeit, il fut incapable d'ar- ticuler une seule parole: la douleur et l'indigna- tion lui serraient la gorge comme un étau. II garda le silence, mais une larme furtive roula sur sa joue have et témoigna de l'amertume et de la rage que soulevait dans son ame le souve nir de cette heure d'ignominie. C'était horrible dit-il. Ce fut comme un gémissement. II faisait des efforts surhumains pour maitriser les élans im- pétueux de l'orgueil et de la colore et pour nous cacher la blessure que son récit venait de rou- vrir. Enfin it parvint a reprendre son calme. Monsieur, Monsieur, s'écriait-il, depuis que le soleil se léve sur cette terre de honte et de misère, it a éclairé bien des ,jeux ignobles que 'e puissant, certain de l'impunité, s'est permis envers la faiblesse désarmée; mais jamais, depuis que les hommes s'égorgent et se dévorent entre eux, il ne s'est produit sous le döme éclatant des cieux, une farce plus lugubre, une plus atroce plaisanterie que cette a l'aide de laquelle nous fümes accouplés par ce banditJ'ai lu, dans ma jeunesse, l'liistoire de cette revolution francaise dont les horreurs et les principes ont empoisonné le monde. Je sais comment Carrier assassina les royalistes a Nantes. II faisait lier le premier liomme venu a une femme prise au hasard; ses aides jetaient ces paquets humains au fond de bateaux qui descendaient la Loire. Au milieu du fleuve, une trappe s'ouvrait et les royalistes ga- rottés disparaissaient par couples dans les flots. Ce monstre fut un ange de douceur en compa- raison des représentants du Czar et ces noces républicaines étaient un bienfait au prix de celles qui nous furent imposées. A Nantes, on n'a lié les victimes que pour les faire mourir ensem ble nous, on nous a liés pour la vie Un. matin, on nous poussa tlans cette salie oü l'oni avait fait de nous des chrétiens orthodoxes. Nous étions trente hommes environ. On fit en- trer un nombre égal de femmes. Avec elles, pé- nétra dans la salle l'infame qui nous avait assigné notre profession future. Mesdames et Messieurs commenca-t-il en nasillant, Sa Majesté vous a pardonné a tous de grand coeur et Elle souhaite de vous savoir lieureux. La félicité n'est jamais dans la solitude. C'est pourquoi il s'agit mainte- nant de vous marier. Chactm de vous, Messieurs a le droit imprescriptible de se choisir une épou- se, a condition bien entendu que celle-ci y con- sente. Vu la circonstance cxceptionnellement favorable qu'aucun de vous, Messieurs, n'a a craindre d'égarer ses préférences fiatteuses sur une compagne indigne de lui car toutes ces dames sortent, les unes de nos meilleurs colo nies pénitentiaires,les autres des maisons de cor rection les mieux fréquentées de tout l'Empire; attendu, d'un autre cóté, que Sa Majesté vous a paternel lenient mis a l'abri des soucis du mé nage, en vous octroyant le inoyen de vivre de vos rentes, vous n'avez aucunement a vous pré- occuper des convenances de position et de for tune, ct vous pouvez laisser parler librement votre cceur. Le voici done réalisé, eet idéal gran diose de notre célèbre penseur et très-ignoble compatriote, Alexandre Herzen Mesdames et Messieurs, vous êtes en situation de donner un corps au rève socialiste du mariagc normal. Allez-y gaiment, donnez un corps En outre, tout véritable amour s'enflammant soudain prompt comme l'éclair et suave comme le murmure de la brise printanière suivant l'avis compétent de notre illustre Lermontofl', j'estime qu'une heure de temps est amplement suflisante pour que chacun de vous fasse un bon ehoix. Finalement, veuillezconsidérer que votre déter- mination est entièrement libre, et suivre aveu- glement le doux penchant de vos coeurs. Et maintenant. Mesdames et Messieurs, agréez, s'il vous plait, mes félicitations anticipées, mais sincères Le jeune scélérat déposa ensuite sa montre devant lui, se carra insolemment dans son fau teuil avec des tressaillements de joie sauvage et, ricanant sous cape, attacha sur ses victimes ses gros yeux de poisson mort. Peu d'entre nous avaient d'ailleurs saisi tout ee qu'il y avait de révoltante férocité dans ses paroles; car nous formions une société excessivement mêlée. La fantaisieja plus audacieuse n'aurait pas pu ima gine!' de contrastes plus tranchés. Ici, a cóté du patre abruti de Bessarabie qui, dans un acces d'alcoolisme, avait massacre sa femme et son enfant, le savant professeur de Wilna, que la passion la plus désintéressée du cosur humain, l'amour de la patrie, avait jeté au fond (1e la Si- bérie. La se tenait l'incorrigible et rusé voleur, l'escroc des magasins de Moscou, cöte a cóte avec le gentilhomme polonais dont la profonde infortune n'avait pu ternir l'honneiy ui rabattre la fierté, avec le jeune docteur de Charkow que ses rêves socialistes avaient fait éeliouer aux pieds de l'adolcscent immonde qui nous lorgnait du haut de son estrade; plus loin, dans un mème groupe, le brigand cosaque du Don, le faux mon- nayeur d'Odessa, l'incendia-ire deCberson. J'avais it ma droite, un déserteur de Ligdany et, a ma gaucho, un Baschkire gració au pied do la po- tencequoiqu'il eftt aidé a faire rötir vivante toute une familie juive dans une auberge de vil lage. Une société composée d'éléments si étran- gernent róunis par un hasard diabolique que, rien qu'a y penser, je crois assister en esprit a une ronde macabre, et qu'il me semble qüe je vais devenir fou A cóté de la noblesse la plus haute et de l'illustration la plus pure, la dépra- vation la plus abjecte;-face it 1'ace avec la fleur de l'éducation, la fange de l'abrutissement som bre, irrómédiable Et les femmes La courtisane éhontée qu'on avait dü faire sortir de la maison de correction pour l'empeeher de corrompre encore davantage les pécheresses détenues avec elle coudoyait une malheureuse polonaise dont l'ame pure et sans tache n'avait jamais eu ni crainte ni défail- lance, dont le tranquille et austère bonheur n'eüt jamais eonnu l'appréhension mème d'un souci, sans une lettre et une coearde, pieuse offrande a un compatriote exilé, qui la plongèrent dans eet abime de misères, devant eet impitoyable exécu- teur des volontés impériales. Appuyée contre le mur, je crois la voir encore, une gouvernante francaise f'ondait en larmesla pauvrette avait eu l'imprudence fantaisie de parler, dans certai- nes lettres a une amie de Paris, d'une revolution prochaine a Moscou et de lui demander des nou velles des Etats-Unis d'Europe et c'est pour ce méfait quo la bousculaient, dans cette salie oclieuse, une fille-mère qui avait étranglé sou enfant, une voleuse de Mohilew, la concubine d'un bandit de Crimée. Entre une parricide, une empoisonneuse et une proxénête, infame rebut de l'humanitó, sanglottait une jeune et graeieuso vierge, dont le seul crime fut de naitre, dans une colonie pénitentiaire, d'une mère coupable Ici peut-être les antithéses étaient plus fortos encore car rien n'est plus saint sur terre qu'une femme vertueuse, rien n'est pire ici-bas qu'une femme que la vice a touchée de sou aile Et toutos ces creatures liumaines allaient être forcées de se marier entre elles et une heure leur était accordée pour se connaitre et se choi sir OJi, Monsieur, sans doute vous comprenez maintenant pourquoi ma gorge oppressée inter- rompit tout a l'lieure ce récit épouvantable Oh, Monsieur, ce fut le plus insigne et en même temps le plus ingénieux forfait qui ait étó per- pétré sur la terre depuis le jour of) Catn inventa le meurtre et la vengeance. - (Extrait de i.a Revue Générale). (A continver).

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Journal d’Ypres (1874-1913) | 1877 | | pagina 5