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LES LIBÉRÉS FORMATS.
^a.Aiv^
Mercredi 16 Mai 1877
12e année
I e Journal pa rail le Mercredi el le Samedi. Les insertions coutent 15 centimes la ligne. Les réclames el annonces judieiaires se patent 80 een tithes la lig-ne. On -traite d forfait pour ios insertions par année.
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C M 65 Ifï I U 65 V K 05. 1 Déceinbre.
LETTRE A MONSIEUR SAINCTELEETE,
mai 1877.
Monsieur,
Permeltez moi de répondre par les jour-
nauxa plusieurs assertions de votre discours
du3mai que je lis seulement aujourd'hui
dans les Annales parlemenlaires.
Voici ce que vous ditcs
II est incontestable que, pendant les dix
premiers siècles de notre ére, le clergé, a,
au point devue intellecluei, valu beaucoup
mieux que la société laïqu'e et surlout que
les chefs laïques. Mais, depuis la Renais-
sance, un seul d'entre vous dira-t-il que Ia
supériorité intellectuelle appartienne enco-
re au clergé? Qui done a realise les grands
progrès de la civilisation moderne? Esl-ce
le clergé ou sont-ce les laïques?
Depuis la •Renaissance, en tout cas depuis
la Réformation, passez en revue lous les
ordres d'tdées Ou trouvez-vous le cler-
gé? B
Enlre le dixiéme siècle et la Renaissance
(que Luther a combattue), il y a, Monsieur,
cinq grands siécl s.Pourquoi les passez-vau's
sous silence? Est-ce parce que ce sont les
siècles de saint Bernard, de saint Thomas
d'Aquin, de saint Bonaventure, el de tant
d'aulres grandes lumiérts sorties des Univer-
si lés fondées par les Papes dans toute TEuro-
pe?
Mais quand vous affirmez qu'a partir du
seiziéme siècle l'élément laïque a dominé
partoul le clergé sous le rapport intellecluei,
vous affirmez une chose qui me porte a vous
faire quelques questions.
Connaissez-vous, Monsieur, au XVIe siècle
des hommes supérieurs, sous le rapport in
tellecluei, au chanoine Copernic, aux prèlres
qui s'appellent Suarez et Beliarmin, a l'évc-
Scènes de la Russie méridionale
que qui s'appellc saint Francois de Sales? II
est possible, probable rnèrne que les ceuvres
de ces grands hommes vous sont élrangéres,
mais vous devriez du moins les lire avant
d'affirmerque, dans leur siècle, il y eüt de
plus grands hommes qu'eux.
Au dix-sepliéme siècle, Monsieur, connais-
sez-vous des hommes supérieurs, sous le
rapport intellecluei a Bossuet et a Fénelon?
Je vous défie bien de tn'en nommer un seul
qui dépasse 1'aigle de Meaux ou le cygne de
Cambrai.
Et sous le rapport moral c'esl-a dire dans
la sphère fondamentale de la civilisation, oil
la charilé el les institutions dc charité seront
toujours la première puissance, uvez-vous a
me citer tin hommedu dix-sepliéme siècle,
donl Taction ait éié comparable a celle de
saint Vincent de Paul
Et cependant, Monsieur, Bossuet etFénélon
furent des évèques et saint Vincent de Paul,
plus grand qu'eux, fut un simple prèlre.
Si je me borne a ces quelques noms, e'est
que j'écris rapidemenl une lettre et que je ne
fais in un livre, rii même un discours.
Au dix huiliéme siècle, oui, l'élément laï
que a dominé, mais, il fa ui bien en convenir,
ce n'a pas élé moralemenl. Et si c'a été lilté-
rairement, ce n'a pas été intellectuellement.
Les plaisanleries de Voltaire, les réves de
Rousseau, la philosophie déja dissipée des
Encyclopédistes n'oin rien qui approcbe,
intellectuellement, scientifiquement, du mo
nument oü Bergier a cilé tout ce que les
coryphées de Tincrédulité ont écrit de plus
fort (a leurs propres yeux), ne cachanl rien
de leurs syslèmes et les confondant lous
av.ec une raison inconlesiablement viclOrieu-
se.
C'est du rcste, Monsieur, ce que nóus fai- j
sons toujours. Nous vous lisons et nous vous i
citons, parce que nous ne vous craignons pas
vous n'avez garde de nous lire, parce que
nous vous faisons peur.
Mais a peine Ie dix-huïliéme siècle fi'nis-
sait-il dans le sang, qu'av.ec Ie dix-neuvième
se réveil.lail la foi, parmi lesquels bien des
prèlres, leprennenl partoul le premier rang.
Chateaubriand h'esl il pas le premier des
poéles de son ternps Ie premier peintre de
la nature et de la religion, ces deux grandes
ceuvres de Dieu? De Maistre n'est-il pas le
premier des penseurs de notre siècle? Lacor-
daire le premier de ses orateurs? Balmès le
premier de ses philosophes? Le Pére Secchi,
le premier de ses astronomes?
Si a ces Irois derniers, tous les trois prè
lres, j'unis les deux aulres qui furent des
hommes du rnonde, c'est parce gu'au fond
vous voulez surlout faire croire que ce tïest
pas la foi mais f incréduiité qui Cemporle
désormais sous le rapport intellecluei.
Vous demandez, Monsieur, qui a réalisé
les progrès de la civilisation moderne!
Mais lisez done le livre de Balmés sur la
civilisation européenneceuvre dont M. Gui-
zol a dit confesser la supériorité, et vous y
verrez que la civilisation moderne n'est pas
autre chose que la civilisation chrétienne.
Vous y verrez que c'est a TEglise qu'on doit
principalement Uabolition de l'esclavage, la
Iiberté civile générale, le maintien de l'unité
et de Tindissolubilité du mariage, ce pre
mier élément de la vraie civilisation. Vous y
verrez que les libertés politiques se sont dé-
veloppéessous l'influence de TEglise, el qu'el-
les furent partoul gravement atteintes par la
prélendue réformation, comme elles le sont
aujourd'hui par Tespril révolutionnaire. La
Iiberté politique, Monsieur, eonsiste en ceci:
que les citoyens participentselon la loi, au
gouvernement de leur pays; el Thistoire
prouve avec éclat que ce n'est pas cette li-
berté-la que TEglise a jamais attaquée, ni en
Allemagne, ni en Espagne, ni en Angleterré,
ni en France, ni en Italië, ni chez nous. Mais
ce n'est pas cette 1 iberté-la non plus que vous
appelez la liberie moderne. Celle-ci jouil des
fruits de la civilisation chrétienne, mais en
jelatil la cognce a sa raciué, c'e'st-a dtre au
christianisme. La liberie que vous appelez
moderne, n'est autre chose que Tapöslasie
sociale qui pretend ravuler le christianisme
au niveau des autres cultes, de l'islamisme,
du judaïsme, du paganisme lui-même, dont
la principale doctrine, la confusion des deux
puissances, redevient de mode, je vous le l'e-
rai voir tout a Theiïre.
Mals je revi'ehs a vos affirmations. Et puis-
qti'au fond c'est la supériorité des hommes
de foi qtfe vous coote'stez dans les derniers
siècles, laissez-moi vous rappeler quelques
noms qui vont vous confondrè:
Descartes était un bomme de foi, el jamais
il n'a entendu ses écrils comme les veulent
entendre ceux qui les profanenf. Sa propre
parole nous en donne ['assurance.
Leibnitz, comme Descartes, est mort dans
Ia foi catholique. Lisez son testament doctri
nal, son Systema theologicumécrit lout
entier de sa main.
Shakespeare, vous ne pouvez plus Tigno-
rer, était un croyatit catholique.
Schlegel, Gorres, Moehler, Donoso Cortes,
ces gioires de TEglise, sont en même ternps
les gioires de la science.
Je n'airnc pas a parler des viva tils, mais
puisque vous vous occupëz de ce sujet, vous
n'avez pas le droit d'ignorer que les grands
esprits plefn's de foi no manquent aujour
d'hui ni a TAIIemagne, ni a la France, ni a
TItalie, ni a i'EspagtTe, ni a TAngieterre, ni
a notre propre pays, ce que vous paraissez
Surtou't ne par, savoir.
Vous prétendcz, malgré Tévidence, que le
clergé beige négligé son ministère et les
sciences sacréès, occupé qu'il est uniquement
de politique; vous déinandez quel livre re-
rnarquablc est bceuvre d'un membre du
clergé beige-, et vous ajoutez qudriy a pas
un'dogme, pas même celui de hrifaillibilité
qui ail élé en Belyique disrulé sérieusemenl
Vous n'avez done Iuni lés dogmes catholi-
ques de Monseigneur Lafuret, ni le livre sur
I'InfaUlibililê de Monseigneur Dechamps
ces livres- laMonsieur, sont plussérieux que
ce que vous en diles, et ce que vous en dites
ne prouve qu'une chose: le besoin que vous
avez de les lire.
Le clergé beige n'a rien écrit desérieux
Mais vous n'avez done aucune connaissanee
des travaux de Monseigneur Naméche sur
Thistoire de votre pays? Au point de vuedes
.recherches, aussi bien qti'au point de vue du
style, ce sont cependant des travaux du pre
mier ordre. Vous nesavez rien non plus, pa-
rait-il, des travaux de Monseigneur Beelen
sur l'exégése, et qui sont répandus dans les
deux mondes. Et des travaux de Messieurs
les chanoines de Hrlez, Lamy et Abbeloos,
sur les langucs orientales, vous n'en savez
pas davantage. Devrez-vous done apprendre
des Allemands, des Anglais et des Francais
co que les sciences doivent au clergé beige!
N'avez-vous pas su que les travaux pbiloso-
Foperlnghe- Ypres, 5-15,7-00,9-28,11-00,2-18,5-05,9-20. Yprus-Poperinghe', 0-30,9-07, 12-07,3-57,(i-SÖ;8-4l»9-50. Po-
peririghe-Hazebrouck, 6 33, 12-23,7-10. iinzebrouok- Poperinghe-Ypres, 8-23, 4-10, 8-23.
Ypres-Roulers, 7-80, 12-23, 6-43. Routers- Ypres, 9-23, 1-30, 7-30.
Roulers-Bruges, 8-43, 1 1-34, 1-13,3,16, 7-36, (0-33. Lieliterv.) Licliterv.-Thourout, 4-23 m. vers Ostende. Bruges-Ilou-
lers 8-23, 12-43, 8-03, 6-42. Lichterv.-Courlmi, 3-23 in.
Ypres-Có'i/rtrfri 8-34, 9-46, 11-20, 2-33, 3-23, 'Cjotïrtrai-Fpres, 8-Ó8, 11-08, 2-36, 8-40, 8-49.
Ypres-Thourout, 7-18, V2 06, 6-20, (le Samedi a 8-SO du matin jusqn'a LnnghemarcU)- Tliooroul-Ypres, 9-00, 1-23, 7-43,
(le Samedi a 6-20 du matin de Langliemarck a Ypres).
Comines-NVariiêton-Le Touqunt-]Iouplines-yl»v;ie«tierei, 0-00, 12-00, 3-33, A rmentières- Hou pi i ties Le Touquel-Warnêlon-
Comines 7-28,2,00,4-43. Comines- Warnéldp 8-48, m. 9-30 s. (Ie Lundi 6-30,) Warnéton-(7o»nne« 8-30, 11-10, (le
Lundi 6,50.)
Courtrai-Bruges, 8-08,11-00, 12-38,4-40, (Ingel.) 6-33. 9-00 s. (Lieliterv.) Bruges-Courtroi, 8-23, 12-43, 8-03,6-42.
Bruges, Blanken!), Heyst, (Station) 7-23, 11-08,2-50,7-35. (bassin 7-31,11-14,2-36, 7.41, lleyst, Blankenb, Biuges,
3-45, 8,23, 11-25, 3-30.
ngelmunster-Deyn/.e-(ïa«d, 5-00, 9-41, 2-18. litgelmunsicr-Degnze, 6-10 7-18. Ga nil - Dey pze-Ingelmunster6-88, 11 -20
4-41,7-21. Deynie-Ingelmunster, 1-00.
I«gelmunster-A wsegi/tm, 6-05, 12-53, 0-13. Anseghom-Ingelmunster7-42, 2-20, 7-45.
Liciilervelde-Dixrrjude-Furnes et Dunkerke, 6 30, 9-08, 1-35, 8 00. Oitn/icr/cs-Funies-Dixmude et Licht,efti'élde.6-38, 11-10,
3-40, 3-00.
Dixmude-Ah'«iqoor(,9-50,2-20,8-45. Nieup-Dürm, 7-30,12 00,4-20.
Thourout-Ostówde, 4-50, 9-15, 1-80, 8-05. Ostende-Thourout, 7-55, 10-10, 12 23, 6-15.
Selzaete-Eecloo, 9-05, 1-25, 8-23. Etic\oo-Selzaele,3-3ri10-15.4-22.
G:ind-Terneuzen, (station) 8-17, 12-23, 7,30 (porie d'Auversj 8-30, 12-40. 7 15. S'enieuzen Gand, 6-00, 10-30, 440.
Selzaete-Lo/cerera, 9 04, 1-30, 8-30. (Ie Merer. 5-10 in.) Lok even-Set: aula, 6100, 10-26, 4 46. (le Mardi, 9,30.)
corbespowdances
COURTRAI, BIIUXELLES.
Courtrai dép. 6,37 10,33 12,33 3,42 6,38.
Bruxelles arr. 8,30 1,33 2,25 ü,IÜ .8,84.
COURTRAI, TOURNA I LII.LE.
Courtrai dép. 6,37 10,86 2,54 5,34 8,47.
Tournai arr. 7,28 11,47 3,48 6,39 9,41.
Li lie 7,38 12,08 4,00 0,38 10,00.
COURTRAI, GAND.
Courtrai dép. 6,42 9,49 12,31 3,44 6,40.
Ga ud arr. 8,01 11,08 1,31 8,04 7,36.
BRUGES, OAND, BRUXELLES.
Bruges d. 6,49éx.7,04 9,39 12,34, 2-82,ex..0,43:
Gand a. 7,34 8,19 10,34 1,49 4,o7, 7,38. 9,31.
Bruxelles 8,30 10,33 12,39 4 00, 7,13, 9-31. 10,40.
BRUXELLES, COURTRAI.
I Bruxelles dép. 5,22 8,28 12,21 6,35 6,47.
I Courtrai arr. 8,00 10,46 2,44 7,80 8,44.
LILLE, TOURNAI, COURTRAI.
Li He dép. 5,13 8,22 1 1,08 2,22 4,45
Tournai 5,42 8,56 11,29 2,40 8,39
Courtrai arr. 6,34 9.47 12,26 3,38 6,33
Gand dép.
Courtrai arr.
5,18
0,37
GAND, COURTRAI.
9,38 1 28
4,24 7,21.
10,56 2,34 3,34 8,47
BRUXELLES, GANDBRUGES
Bruxelles dép. 7,2 8,1 4 11,06 1,33 3,02 ex. 4,59 ex. 5.83
G.iu.l 'arr. 6,00 8,38 9,4! 1,23 3,39 4,11 6,29 7.37
Bruges 7,13 9,23 10,34 2,38 3,01 7,22 8,18
DE LA CHAMBRE DES REPRÉSENTANTS.
Suite. Voir le numéro précédent.
Ivre d'horreur, épuisé, pan tela til, il se lut clo
nouveau. Un róle stridant séchait ses tèvres vides
de sang. Tont-a-coup il bondit de son siege, püle
a faire peur, et se mit a tourner dans la chambre
comme un fauve blessé a mort; puis il vint tom-
ber sur le coin de la table, la face cachée dans ses
mains. La jeunt1 hólesse, éperdue, jetait autotir
d'elle des regards épouvantés et Reb Niissan bais-
sait la tète comme accablé sons 1 'emotion. Mais
I infortiiné avmt déjb triomphé de la crise et, par
un prodige d'orgueilleuse volonlé, il continua
Itanquillemenl en ces ternies
Ce devait être, en vérilé, un spectacle intéres
sant que celui qu'offraient ces soixanle personnes
du rant celie heure solennelle. Une curiosilé fébrile
s'élait emparée du monslre blasé de l'eslrade lui-
même tantöt il se levait brusquement, lanlöt il se
laissait clioir sur son fauteuil, se jetait en arrière
rtd'un doigl nerveux tambonrinait insolemment
Sl|r la table qui lui servail de tribunal. Mais je ne
faurais vous décrire tous les détails de cette scène:
je n'étais pas assez calme pendant celle heure ter-
r|ble pour pouvoir les observer. Tout ce que je
sais, e'est que, d'abord, nous nous linmes serrés
en deux groupes: ici les hommes et la les femmes,
et que pendant la première minute, nul regard, a
plus forte raison pas un mot, ne passa d un grou-
pe dans ['autre. Tons nous lixions devant nous des
yeux hagards et stupéfaits. comme si la foudre
nous cut frappés; tous, v compris les plus effron-
lés cl les plus pervertis. Dans la sal Ie régnait un
profond silence, un silence de m or Ide limps en
temps, un soup;r déchirant ou le sanglot d'uue
poilrine sufToquée par Tangoisse, et c'élait tout.
Les nub tiles s'envolaieut. Combien de minutes
Pen sans doutc; mais e I les me paruren! une ete'r-
nitè. Vollti que, tout a coup, on en tend il une voix
rude qui disait u Alerte, mes gaillards (Test
qu il y a, ma foi, des dames charmanles cèans
Nous regards rues. G'était le voleur de Moscou, un
hoinme maigre, desséchépourvii d'une des figu
res les plus anlipathiquement chafouines quej'ai
vues de ma vie. II passa hardiment du colé des
femmes et se mil eu devoir d'examiner a sa fagon
laquelle était la plus enviable. Ici, il recevait un
coup dc conde en sigtie de refus; la, un coup d'oeil
hardi et enconrageant qtielqiies-uries, les meil-
leures, se retiraient trembfahtes devanl lui. Mais
lui ne se rebuiait point. Bienlot le Baschkire se
mil a le suivre; comme une béte de proie, il se
rua vers les femmes en beugjanl: J'en veux une
grosse, moi, je veux la plus grosse! A 1'appio-
clie de celle brute, les plus [aides et les moins ti
mides se cachèrent interdites. Le troisième était
le cosaque du Don, un jeune bomme élancé aux
traits fins et expressifs. A peine eut-il fait quelques
pas, qlf'une fille accourut an-devanl de lui en se
dun d i nan I s it r ses hanches et se jela résoiüment a
son con; mais le cosaque la repoussa rudement et
marcha druil sur la jeune paysanne ruthénienne
qui avail élranglé son enfant. L'aulre, celle qu'il
avail dédaianée, lui langa une injure galante et,
['instant d'après, el le posait son bras sur le mien.
Je me secouai [)our me débarrasser d'elle elle
répét'a aussitöt sa tentative sur Taricien professeur
de Wilna, mais sans plus de succès. Son exemple
fit de Teffet. Celles qui n'avaient plus ui bonte ui
pudeur se précipitèreut de notre etilé et se mifeut
ii choisir elles-mémes' h clïercher dans les rangs
des hommes. Après dix minutes, la salie présen-
tait un tout autre aspect qn au début de la séance.
Au milieu, s'élait formé un rassemblement
d'hommes et de femmes livrés aux négocialions
les plus empressées et criant a tue-lête; les cou
ples qui élaienl parvenus a s'assorLir se retiraient
Tun après l'aulre dans les embrasures des fenêtres;
ga et !a un homme tirait lirulalement a lui une
malheureuse qui faisait des efforts désèspéies
pour s'affrancliir de son étreinte. Dans un coin
s'étaient blotties celles qui avaient sauvé du nau-
frage l'augeux un resle de sensibi 1 ité et d'honneur.
Instinclivement réunis dans Tangle oppose, Tex-
professeur de Wilna, le comte Set moi, nous
suivioris d'nn oeil hèbèlé, les péripéties confuses
du drame honteux dont nous étious lémoins et
acteurs. Aucun de nous trois ne songeuil ii choi
sir lui-même pour ma part du inoins, Tidée
ne ni'en vint pas vn seul instant
Mesdames et Messieurs, il ifest pas d'heures
pour les heureux; cependant je prendrai la res-
pectueuse Iiberté de vous faire observer que nos
soixanle, minutes sont écoulées. Je prie done les
différents couples d'approcher et de m'honorer
de Taveu de leur penchant mutuel. L'amour chas
te et profurxl répugoè, je le sais, a ces coiMiden-
ces, mais j "use eVpérer qu'eu égard aux impé-
rïeux devoirs dc ma charge, vous dnigrterez ex-
euser une indiscrélion bien indépendante de ma
volonlé, vemtlez en êlre assurés. Avanl tuut je
prie ces messieurs el ces dames d'avancer
i> El du doigt il désigna le faussairect moi.
Mou coeur se serra affreusement: j'avangai quand
même.
a II v avait dans ce miserable de l'hyèue el du
porc. li Préparez vos cravaehes dit-il aux cosa
ques qui l'entouraient. Puis s'adressanl a moi
ii Monsieur mon bienfailcur, esl-ce votre ferme
intention (ie garder celle jeune personne, non-
seulement dans cette salie, mais encore loule
votre vie durant
ii Je tis un signe de têle aüirmatif.
ii Et vous; irès-honorée Mademoiselle >1
ii Mais l'enfani netait'pas encore revenue de sa
syncope.
ii Elle est sans connaissanee, balbutiai-je.
ii Dans ce cas, Monsieur mon bienfaiteur, i>
continua Ie mandataire de Taulocrate de loutes
les lUissies, «j'en suis bien faché, mais, au rioni
de Sa Majeslé, je suis oblige de vous refuser le
couseuleinent indispensable de ['autorité. Dans
Tintérètde l'humauiié cl de la dignilé hnrnaine,
je dois absolumenl exiger que la volonté récipro
que des parties soil déclarée ici par un oui
prononcé a voix haute et intelligible. Comme,
d'uilleurs, non par line vaine curiosilé. mais lant
par devoir que par uil iuiévét purement philan-
ihropique, j'ai suivi avec la plus serupuleiise atten-
tion tout ce qui s'cst passé dans cette salie, je suis
a même de vous certifier, (le la fagon la plus posi
tive, que ce n'est pas a vous qiTappartient la main
de cette jeune personne. Loin de in ei i la pensée de
faire, par cette eonsialalion, le rnoindre tort a vos
avantagés personnels; mais je sais qii'iin autre a
su capliver son coeur, et cel heureux mortel, c'est
Monsieur que voila II désignail le faussaire.
ii Le bonhtur soudain qu'clle a éprouvé en
appreiifint que ce Monsieur Ta choisie a fait perdue
connaissanee a Tintéressante ingénue. C'est ponu-
(juoi, Monsieur mon bienfaiteur, je vous engage
il ne pas séparer deux occurs qui, librement, se
sont uriis pour les joies et les combats de la vie.
Eli voici déja qu'une compcnsuiion magnifiqiie
vous tend ies bras celle beauté sévère et desirable
qui se lienl malgré elle il cólé de votre rival.
Allons, Messieurs, balancez vos dames et chassez-
croisez
ii Chien m'écriai-je, en hondissant sur lui.
Mais un coup formidable retenlit sur ma tète, el,
Ic visage inondé de sang, je m'affaissai aux pieds
du monslre.
ii Lorsque je repris mes sensles cosaques
élaienl en train d'oi ganiser Ic cortége nuptial. La
femme que le miserable m'avail assignee elait age-
nouillée devaut moi, élanchant le sang de ma
bléssuie et me faisanl respirer du vinuigre. Tu
me piais i> croassail-elle. «Attends, ui ne inan-
queras dc rien auprès de moi
(a coxtinuer).
[Exlndl de la Hei ue Générale).