Samedi 7 Juillet 1877.
12e année.
LA MORT D'ÜN GRAND COÜPARLE.
I e Journal parait le Mercredi et le Samedi. Les insertions coülent 15 centimes la ligne. Les réclames el annoncesjudiciaires se paient 30 centimes la ligne. On traite d forfait pour les insertions par année.
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CHE9IINS B9 E F E K. 1" Juillet.
MENACES DE FOUDRE.
Après les outrages que la presse gueuse
prodigue au clergé, viennent les menaces
qui revêlent un caractère odieux, mais
heureusement impuissant Si les prédi-
cations violentes continuentécrit une
feuille dont la virulence excéde toules
limiles, si les accusations les plus odieuses
contre les libéraux ne cessent point de
tomber des chaires, si la pression, l'inti-
midation spiriluelle sous toules les formes
est employée sans vergogne comme elle
l'a élé jusqu'a présentnous aurons a
exiger des mesures nouvelies pour pro-
téger nos droits. Aux prètres de décider
s'ils veulent braver le péril: mais s'ils ne
peuvent modérer leur passion et leur
fanatisme, ils altireront sur leurs lètes
un orage dont seuls ils seront respon-
sables.
Ceci est du Fouquier Tinville tout pur;
mais aocun de nos vénérables prètres ne
s'en erneuvra. Aussi longtemps que d'affreux
libres-penseurs voudront arracher des
ames a l'Église, aussi longtemps que les
libéraux propageronl un enseignement sans
Dieu, aussi longtemps qu'ils calomnieront
la Religion, nos prètres avertiront les fidé-
les, leur signaleront le mal et les auteurs
du mal; ils flétriront du haut de la chaire
les tentations scandaleuses des infames qui,
selon Léopold Icr, voudraient ramener la
sociélé a la barbarie. Eten ceci ils ne feront
que s'acquiller de leur devoir, que remplir
leur mission.
Quant aux menaces de la gueuserie, le
clergé les méprise: il sail que c'est le lelum
imbelle sine ictu, mais elles seraient sérieu-
ses, qu'elies échoueraient encore contre la
fermeté sacerdolale. Celle ci a bravé d'autres
menaces que celles de quelques scribes ano-
nymes, elle a résislé a des Rois, a des Empe-
reurs, et, le cas échéant, elle résislerait jus
qu'a la mortmème a la gueuserie moderne.
Rengainez done, malheureux, vos foudres
de ferblanc, vos éclairs d'amadou; votre
voix de castrat que vous vous efforcez de
grossir fait pitié et n'effraie personne. Vous
ne connaissez pas nos prètres, mais ils vous
connaissent, et quelque masque que vous
preniez ils sauront vous l'arracher en sou-
riant a la vue de l'orage dont vous les
menacez.
LES CHEVALIERS DE LA CONSCIENCE. -
ya pas de gens plus vivement préoc-
cupés des droits de la conscience que les
libéraux, mais c'est toujours contre ceux qui
n'en ont pas le moindre souci.
Que le professeur dans sa chaire fassedu
scepticisme ou pis que cela sous prélexte de
neutralité; que le pére de familie revendique
a l'école le droit d'excepter son fils de l'ensei-
gnement religieux et faire de lui un précoce
mécréant; que des libertins impies éprouvent
Ie besoin de s'amuser en oulrageant, dans
leurs cortéges de carnaval, tout ce qu'il y a
de plus saint; que d'étranges pénitents aillent
dans la presse radicale, enlretenir le public
de leurs doléances a propos du confessionnal;
qu'un solidaire meure comme il a vécu et
que les metteurs en scène de la libre-pensée
s'emparent de ses resles pour faire bruyam-
ment du scandale au sein du cimelière catho-
lique, respect aux droits du pére, a la
parole enseignanle, a la liberté du citoyen,
aux délicatesses intimes de la conscience
Mais si le calholique invoque les franchises
communes pour praliquer publiquement son
culle et aller en pèlerinage sous la protection
des lois; le religieux pour observer humble-
metil sa régie derrière les murs d'un cou-
vent le prèlre pour remplir les devoirs de
son saint ministère; Ie Petit Frère pour en-
seigner la jeunesse, et la familie chrétienne
pour réclamer l'i n viola bi I ité de son champ
de mort, oh alors la scène changera Vous
verrez a l'ceuvre rhéteurs et sophistes de
toute arme et de tout grade. Le libéralisme
fera un agréable mélange de théologie el
de droit cousiitiilionnel,pour nous servir
d'une expression de M. Frère Oban; il serait
sacristain et canoniste avec une gravité qui
parailrait comique si Ton tie savait a quelle
brutale persécution ces perfidies doivent
aboutir,et il fouillera fiévreusement l'histoire
pouryrcchercher des armes a tourner coutre
l'Église. Les frayeurs pour la conscience
Prendront des proportions énormes; l'Etat
lui-même se senlira menacépar l'arrogance
sacerdotale et il demandera le salul a mille
applications nouvelies de la fameusemaxime:
l'Église libre dans l'Etat libre. Cela ne
suffira point: la main-morte sera incessam-
ment agitée en épouvenlail; le progrès se
dira insullé par la priére en eommun, et
régalilé méconnue devant la mort par l'in-
violabilité des cimetières calholiquesla ca-
lomnie parlie des bas-fonds ira s'atlaquer
aux moeurs des plus vaillants, des plus no
bles éducateurs du pauvre; le casuislique
doctrinaire argumentera contre la Constitu
tion; l'arrèlé d'un bourgmestre se placera
hardiment au-dessus d'elle un commissaire
de police barrera le chemin a l'évèque allant
en procession, el les gourdins d'une légion
d'émeutierss'abattrontsurla tèledes pélerins.
Bref, l'arsenal est inépuisable; l'argumenl
de la liberté de conscience a des variétés in-
finies. Et pourquoi lout cela, beau ciel
Pour un peu de prépondérance politique,
pour un pouvoir que le pays ne prétend pas
rendre a ceux qui en ont abusé. Un égoïsme
indigne se cache toujours derrière cette lapa-
geuse levée de boucliers.
Les récenles discussions parlemenlaires
ont vu surgir une prétenlion nouvelle et que
Ton a justement qualifiée de monstrueuse.
Des meneurs de la gauche n'ont demandé
rien moins, sous prélexte de pression électo-
rale, qu'un petit article qui mettrait a la
merci du premier délateur venu le prèlre lié
par le secret de la confession. Les chevaliers
de la conscience enlretenant des relations
jusque-la, quelle noble guerre, en vérilé
Cette politique dc Machiavel pourrail bien
s'ètre trompée de voie. Nous savons cerles a
quoi nous en tenir sur le sérieux d'une dé-
monstration in extremisd'une tentative que
ses auteurs savaient condamnée d'avance
mais on peut affirmer sans crainte que l'o-
dieux régime qui s'est fait entrevoir ne s'im-
poserait jamais au peuple beige et que la
réprobalion publique ferail reculer le plus
hardi de ceux qui prétendraient l'essayer.
LE LIBERALISME ET LA RELIGION
DE NOS PÈRES,
OU LE FOND DU SAC.
VEloile Beige repreud, pour l'enjoliver
encore, la these soutenue au Séuat par M.
Dolez, coucernant le sincere respect des libé
raux pour la religion calholique.
Non settlement la seete respecle le catho-
licisme, mais elle le vénèreet surtout elle le
défend...contrelescalholiques,contre le cler
gé, contre l'épiscopal el enfin contre le Pape
lui-méme, cette «autorité élrangèredevant
laquelle le patriotisme libéral refusera tou
jours de s'incliner.
Poperinglie- Ypres, 5-15, 7-00, 9-28, 11-00, 2-15, 5-05, 9-20. Ypres-Poperinghe, 6-30, 9-07, 12-07, 3-57, 6-50, 8-45, 9-50. Pope-
nnghé-Hazebrouck, 6-53, 12-25, 7-10. Hazebrouck-Poperinghe-Ypres, 8-25, 4-00, 8-25.
Bruges-
les-Warnêtön-Le Touquet-ftouplines-Armentières, 6-00, 12-00, 3-35. Armentières-Houplines-Le Touquet- Warnóton-
lines, 7-25,2-00, 4-45. Gomines-Warnèton, 8-45 mat. 9-30 soir, (le Lundi 6-30.) Waraëton-Comines, 5-30,11-10 (le
Ypres-Roulers, 7-50, 12-25, 6-45. Roulers-Ypres, 9-25, 1-50, 7-50.
Roulers,-Bruges, 8-45, 11-34, 1-13, 5-16, 7-36 (9-55 Lichtervelde.) Lichtervelde-Thourout, 4-25 mat. vers Ostende.
Roulers, 8-25, 12-45, 5-05, 6-42. Licktervelde-Courtrai, 5-25 mat.
Ypres-Courtrai, 5-34, 9-46, 11-20, 2-35, 5-25. Courtrai-Ypres, 8-08, 11-05, 2-56, 5-40, 8-49.
Ypres-Thourout, 7-18, 12-06, 6-20, (le Samedi a 5-50 du matin jusqu'a Langemarck.) Thourout-Ypres, 9-00, 1-25, 7-45 (le
Samedi a 6-20 du matin de Langemarck a Ypres).
Comines-WT 1 A~
Gomines,
Lundi 6-50.)
Courtrai-Bruges, 8-05, 11-00, 12-35, 4-40 6-55, 9-00 soir. (Lichtervelde.)— Bruges-Courtrai, 8-25, 12-45, 5-05, 6-42
Bruges-Blankenberghe-Heyst (Station) 7-25, 9-20, 11-25, 2-50, 5-35, 7-35. 8-55. (Bassin) 7-31, 9-26,11-31, 2-56, 5-41, 7-41. 9-01.
'Heyst-Blankenberghe-Bruges, 5-45, 8-25, 11-25, 2-45, 5-30, 7-25.
Ingelmunster-Deynze-Gand, 5-00,9-41,2-15. ingelmunster-Deynze, 6-10,7-15. Gand-Deynze-Ingelmunster, 6-58, 11-20, 4-41.
7-21. Deynze-Ingelmunster, 1-00.
Ingelmunster-Anseghem, 6-05,12-55, 6-13. Anseghem-Ingelmunster, 7-42,2-20,7-45.
Lichtervelde-Dixmude-Furnes et Dunkerque, 6-30, 9-08, 1-35, 8-00. Dunkerque-Furnes-Dixmude et Lichtervelde, 6-35,
11-10, 3-40, 5-00.
Dixmude-Nieuport, 9-50, 2-20, 8-45. Nieuport-Dixmude, 7-30, 12-00, 4-20.
Thourout-Ostende, 4-50, 9-15, 1-50, 8-05. Ostende-Thourout, 7-55, 10-10, 12-25,6-15.
Selzaete-Eecloo, 9-05, 1,25, 8-25. Iiecloo-Selzaete, 5-35, 10-15, 4-22.
Gand-Terneuzen (station), 8-17, 12-25, 7-30. (Porte d'Anvers) 8-30, 12-40, 7-45. Terneuzen-Gand, 6-00, 10-30, 4-40
Selzaete-Lokeren, 9-04. 1,30, 8-30 (le Mercredi, 5-10 matin). Lokeren-Selzaete, 6-00,10-25, 4-45 (leMardi, 9-30).
O O R. R J0
IPOND ANCES.
COUHTRAI, BRUXELLES.
Courtrai dép. 6,37 10,53 12,33 3,42 6,35.
Bruxelles arr. 8,50 1,35 2,25 6,10 8,54.
BRUXELLES, COURTRAI.
Bruxelles dép. 5,22 8,2S 12,21 5,35 6,47.
Courtrai arr. 8,00 10,46 2,55 7,56 8,44.
COURTRAI, TOURNAI, LILLE.
LILLE, TOURNAI, COURTRAI'
Courtrai dép.
Tournai arr.
Lille
6,37
7,28
7,42
9-37 10,56
10,15 11,47
10-42 12,08
2,54
3,48
4,00
5.34
6,39
8,47.
9,41.
6,37 10,04.
Lille dép.
Tournai
Courtrai arr.
5,15
5,42
6,42
8,12
8,56
9,49
11,05
11,32
12,31
2,21
2,40
3,44
4,10.
5.39.
6.40.
COURTRAI, GAND.
GAND, COURTRAI.
Courtrai dép.
Gand arr.
6,32
7,51
6-42
8,01
9,49
11,08
12,31,
1,51,
3,44
5,04
6,40
7,56
9-32.
10,20.
BRUGES, GAND, BRUXELLES.
Gand dép. 5,15 8,45 9.24 9,38 1,28 4,24 7,21.
Courtrai arr. 6,37 9,37 10,41 10,56 2,54 5,34 8,47.
BRUXELLES, GAND, BRUGES.
Bruges d. 6,49 7,04 9,39 12,34 2,52 6,43 8,43. Bruxelles efdp.5,22 7,20 7,25 9,00 11,06 1,35 3,02 4,53 5,55 5,01 8,00 8,20.
baild a. 7,34 8,19 10,54 1,49 4,07 7,58 9,26. Gand arr. 0,00 8,38 9,36 10,27 1,23 3,59 4,11 6,01 7.17 7,02 9,09 10,26.
ruxelles 8,50 10,35 12,39 4,00 7,15 9,31 10,40. Bruges 7,15 9,23 10,51 11,20 2,38 5,01 6,58 8,16 8,50
ÜÉDIÉ A UX HUMANITAIRES.
Le Courrier Douaisien nous apportc sur la
mortd'Aublin des détails que nous croyons utile
de reproduire. Une reflexion seuleinent elle dé-
coule nalurellement du récit qu'on va lire. Si Au
blin avait élé ju gé en Belgique, nut donte qu'après
sa condamnaliou a mort, Dl. de Lantsheere ne se
tul empressé de soustraire a la peine capitalecet
horrible assassin, et ce, a la grande joie et pour
('encouragement de tons les Aublin futurs. DIais,
nous le demanderons, peut-onsupposer qu'Aublin.
renfermé ponr la vie dans une prison, eüt eu une
si belle, une si chrétienne mort que celle qui vient
d'édifier tous ceux qui en ont été témoins Et la
foule, et le public et nous tous, aurions nous eu ce
grand exemple de la puissance de la religion sur
Je coeur des criminels les plus endurcis
Voici le récit du Courrier Douaisien
«i Nous avons recueilli les très-intéressants et
très-aut-bentiques détails qui vont suivre, de la
bouche des deux témoins les mieux placés assuré-
ment pour les fournir nous voulons parler de
SI. l'abbé Jaspar, doven de Saint-Jacques, et de
81. l'abbé üelgorge, aumönier militaire a Lille.
Le premier de ces deux prètres a visité chaque
jour lecondamné dans son cachot; le second, neven
du respectable aumönier de la maison d'arrét de
Douai, qu'une sérieuse indisposition conflnait chez
lui, élait le confesseur d'Aublin et tous deux ont
accompagné le criminel a l'échafaud.
Rien d'admii'able comme le travail de la grace
dans l'ame de l'assassin de Sivry, depuis sa con-
damnation. Presque déshérité d'espérances du
cóté des hommes, il se tourna résolument vers
Dieu et dut a ce réveil de foi la paix de la con-
science, la force d'envisager sans palir la terrible
mort qui le menacail et la consolation de s'y dis
poser en chrétien. Que de fois, ému du langage
lout nouveau pour lui que lui tenaient les deux
ecclésiastiques qui le visitaient n'y répondit-il
point par des élans de reconnaissance ou d'hum-
bles aveux qui les altendrissaient eux-mêmes jus-
qu'aux larmes! «Jamais, nous disaila ce propos
DL le doyen de Saint Jacques, jamais je n'oublierai
l'instant oil je le vis se jeter en s'englotant dans
mes bras, et s'écrier avec un indicible accent de
repentir et d'amertume: Ah! que ne m'a t-on
parlé de la sorte quand j'avais dix-sept ans Que
ne m'a t-on fait aimer la religion et le clergé au
lieu de me mettre en defiance contre l'une et i'autre?
je n'aurais pas déshonoré ma familie et je ne serais
pas ici
Sauf de rares défaillances, inséparables de la
faiblesse humaine, la fermeté et les bonnes dispo
sitions d Aublin ne firent qu'aller en augmentant
jusqu'au jour fatal. II passait tout son temps a
prier, a lire limitation de Jésus-Christ qu'il préfé-
rait a tout autre ouvrage, a écrire quelques lettres
et a rédiger, dans un but de réparation, une petite
autobiographic qu'on publiera bienlót. De plus en
plus il avait perdu I'espoir d'obtenir une commu
tation de peine et ne pensait qu'a bien mourir.
Le 28 juin, vers deux heures du matin, Dl. le
directeur de la prison de Loos, accompagné de
Dl. l'abbé Delgorge, de Dl. le conseiller Hardouin,
du gardien-chef de la maison d'arrét et du greflier
de la Cour, enlra dans le cachot. Aublin venait de
s'éveiller il s'assit sur son lit pour recevoir la
communication qu'on avait a lui faire. «Aublin
lui dit Dl. le directeur de Loos, j'ai une triste nou
velle a vous annoncer. Depuis hier je l'at-
lends, répondit-il «j'ai compris que c'en était
fait aux nombreuses visites que j'ai recues dans Ia
journée, et j'ai même dit, le soir, a ceux qui sont
ici avec moi ce sera pour demain matin.
Ayez du courage I
J en ai, fit Ie condamné.
Ooi, dit alors 31. I'aumónier Delgorge,
oui, Aublin, vous en avez eu jusqu'ici il faut en
avoir jusqu'a la fin. Depuis prés de quaranle jours
vous avez souvent offert a Dieu le sacrifice de votre
vie; le moment suprème approche ne perdez pas
cn un instant le fruit de vos efforts.
Docile comme loujours a la voix du prèlre qu'il
savait lui être dévoué, il se leva et s'habilla seul
sans accepter I'assistance qu'on lui offrail. Lors-
qu'il fut prêt, lout Ie monde se retira, le laissant
en tête en tète avec I'aumónier. Celui-qi, craignant
pour lui l'émotion et la fatigue, I'engageait a s'as-
seoir: «Non, répondit-ilma place est a vos ge-
noux I
Et il s'agenouilla.
II se confessa une dernière fois, obtint de nou
veau 1'absolution qu'il avait déja recue la veille
avec d'abondantes larmes de repentir, demanda
l'absolulion générale in arliculo mortis et se fit
donner le saint scapulaire. Puis, I'aumónier lui
annoncant qu'il alia it célébrer la messe a son in
tention, il releva la Iele en disantEst-ce que je
ne pourrai pas y assisler
Oui, bien certainement, mon ami: celle
faveur, que vous n'avez pas oblenue la premiere
fois que vous avez communié ici, va vous être ac-
cordée.
On se rendit a la cbapelle. En traversant les
couloirs, Aublin était calme, grave, recueilli il
écoutait les indications données sur les intentions
qu'il devait avoir en enlendant cette messe et en
faisant sa dernière communion.
II resta a genoux par terre jusqu'a la fin du saint
sacrifice, dont il suivit avec un livre toules les
prières. II s'approcha de la sainle Table comme
l'eüt fait un premier communiant, et reent la
sainte Hostie avec une angélique ferveur.
De retour dans sou cachot, il lit son action de
graces avec Dl. I'aumónier qui lui commenta tour
a tour, en les adaptant a la circonstance. les priè
res de la communion, l'évangile du jour el la pa-
rabole des ouvriers de la onzième heure.
Comme il restait encore du lemps libre, le cha-
pelet fut récilé. Aublin y léponditde lui-même en
alternant avec le prèlre, qui lui indiquail avant
chaque dizaine une intention spéciale. Au troisième
dizain, le condamné interrompil son confesseur
en disant Si vous le permeltez, ('intention,
eette fois-ci, sera pour mes deux pauvr.es soeurs!
Au dizain suivant: Celui-ci, dit-il sera pour
Dl. le doyen de Saint-Jacques et pour vous, qui
avez eu tous deux tant de borités pour moi
A ce mouvement inaltendu de délicatesse et de
gratitude, Dl. I'aumónier remercia l'iufortuné et
l'embrassa tendrement en lui recommandant de
n'oublier aucun de ceux qui lui avaient fait du
bien. II se rnit a pleurer, mais il reprit bientót son
culme, reent en ce moment le visile de son dévoué
défenseur, Dlc d'Hooghe, et en reconnaisance de
la sollicitude désinléressée dont il avait été l'objet
de la part de celui ci, il voulut réciler a son in
tention le dernier dizain de chupelet.
Pendant ces prières el d'autres qui suivirent,
Dl. le juge d'instruetion, puis Dl. le doyen de
Saint Jacques enlrèrent dans le cachot. Une réfie-
xion de cedernier ayant ramené des larmes dans
les yeux d'Aublin, celui-ci ne tarda pas a secouer
ce commencement d'émotion en s'écriantA
quoi sert-il de pleurer Dlieux vaut subir eoura-
geusemenl la peine que j'ai mérilée
Quelques minutes avant 4 heures, Dl. Koch el
ses aides arrivèrent. Aublin se leva spontanément
a leur apparition, comme il l'avait fait a l'entrée de
ghacun de ses visiteurs, et il alla lui-même s'as-
seoir sur le banc oil l'on devait procéder a la lu-
gubre cérémonie de la toilette.
Sans mot dire, il se dépouilla de son habit,
tendit ses bras et ses mains aux bourreaux qui
les gaiTotlèrenl el laissa tranquillement cooper le
col de sa chemise...
Les préparatifs élaienl terminés: on jeta nu
vêtemenlsur les épaules mies d'Aublin qui, mar-
chant entre les deux prètres et sans avoir, besoin
d'être souteno par cox, adressait un affectueux
adieu aux détenus el auxgardiens échelonnés dans
les couloirs jusqu'è la porte extérieure de la prison.
Ceile-ci s'ouvril... La guillotine était ia, se pro-
Riant sur le eiel. Une foule immense, conlenne par
la gendarmerie a cheval et par des détaehements
de soidats, servail de cadre a ce sinistre tableau.
Aublin l'enveloppa d'un rapidc regard, mais. sur
l'invitation de I'aumónier, il baissa les yeux. Alois
il s'agenouilla par terre pour recevoir une dernière
absolution de sou confesseur el de Dl. le Doyen,
embrassa les deux prètres avec un vit élan de re-
eonnaissante affection, leur promit de se souvenir
d'eux auprès de Dieu et se livra docilement aux
exécuteiirs.
Deux secondes s'écoulèrent dans un silence
lerrifiant... Soudain retentit un coup sourd Au
blin le meurlrier, élait au ciel...
Un quart-d'heure plus tard, Dl. le doyen de
St-Jacques et Dl. l'abbé Delgorge conduisaient au
cimelière sur une misérable charrette le corps du
malheureux asïassin qui, transfiguré par le repen
tir, n'étail plus ii leurs yeux qu'un ami regrellé,
el l'un des prètres dit a son compagnon
Comprenez-vous qu'on puisse nier la divi-
nilé d'une religion qui sail opérer ce grarid mira
cle qu'on appelle le relèvement d'une ame. et qui
pent faire du dernier des misérables un prédesliné
dont le soi l éternel inspire l'envie?»