MOLIÈRE ET BOURDALOUE,
Samedi O Octobre 1877.
12' année. N° 1,228.
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Le Journal parail Ie Mercredi et le Samedi. Les insertions coütent 15 centimes la ligne. Les réclames et annonces judir.iaires so parent 30 centimes la ligne. On traite a forfait pour les insertions par année.
Un numéro du journal,ipris an Bureau. 10 centimes. Les numéros supplémentaires commandés pour articles, Réclames ou Annonces, coütent 10 fr. les 100 exemplaires.
Iff ff] M I ]V
F F Si.
Po oeringhe- Ypres, 5-15, 7-00, 9-28, 11-00, 2-15, 5-05, 9-20. Ypres-Poperinghe, 6-30, 9-07, 12-07, 3-57, 6-50/8-45, 9-50. Pope-
ringhe-HazeDrouck, 6-53, 12-25, 7-10. Hazebrouck-Poperinglie-Ypres, 8-25, 4-00, 8-25.
Ypres-Roulers, 7-50, 12-25, 6-45. Roulers-Ypres, 9-25, 1-50, 7-50.
Roulers-Bruges, 8-45, 11-34, 1-13, 5-16, 7-36 (9-55 Lichtervelde.) Tliourout, 5-15 mat. vers Ostende. Bruges-Roulers, 8-25,
12-45, 5-05, 6-42. Lichtervelde-Courtrai, 5-25 mat.
Ypres-Courtrai, 5-34, 9-46, 11-20, 2-35, 5-25. Courtrai-Y'pres, 8-08, 11-05, 2-56, 5-40, 8-49.
Ypres-Thourout, 7-18, 12-06, 6-20, (le Samedi a 5-50 du matin jusqu'a Langemarek.) Thourout-Ypres, 9-00, 1-25, 7-45 (le
Samedi a 6-20 du matin de Langemarek a Ypres).
Comines-Warnêton-Le Touquet-Houplines-Armentières, 6-00, 12-00, 3-35. Armentiêres-Houplines-Le Touquet- Warnêton-
Gomines, 7-25,2-00, 4-45. Comines-Warnèton, 8-45 mat. 9-30 soir, (le Lundi 6-30.) Warnêton-Comiqes, 5-30, 11-10 (le
Lundi 0-50.)
Courtrai-Bruges, 8-05, 11-00, 12-35, 4-40 6-55, 9-00 soir. (Tliourout.)— Bruges-Courtrai, S-25, 12-45, 5-06, 6-42.
Bruges-Blankenberghe-Heyst (Station) 7-25, 9-20, 11-25, 2-50, 5-35, 7-35. 8-55. (Bassin) 7-31, 9-26, 11-31, 2-56, 5-41, 7-41. 9-01.
Heyst-Blankenberghe-Bruges, 5-45, 8-25, 11-25, 2-45, 5-30, 7-25.
Ingelmunster-Deynze-Gand, 5-00, 9-41, 2-15. Ingelmunster-Deynze, 6-10, 7-15. Gand-Deynze-Ingelmunster, 6-58, 11-20, 4-41.
7-21. Deynze-Ingelmunster, 1-00.
Ingelmunster-Anseghem, 6-05, 12-55, 6-13. Anseghem-Ingelmunster, 7-42,2-20,7-45.
Lichtervelde-Dixmude-Furnes et Dunkerque, 6-30, 9-08, 1-35, 8-00. Dunkerque-Furnes-Dixmude et Lichtervelde, 6-35,
11-10, 3-40, 5-00. 4
Dixmude-Nieuport, 9-50, 2-20, 8-45. Nieuport-Dixmude, 7-30, 12-00, 4-20.
Thourout-Ostende, 4-50, 9-15, 1-50, 8-05. Ostende-Thourout, 7-55, 10-10, 12-25, 6-15.
Selzaete-Eecloo, 9-05,1,25, 8-25. Eecloo-Selzaete, 5-35, 10-15, 4-22.
Gand-Terneuzen (station), 8-17, 12-25, 7-30. (Porte d'Anvers) 8-30, 12-40, 7-45. Terneuzen-Gand, 6-00, 10-30, 4-40
Selzaete-Lokeren, 9-04. 1,30, 8-30 (le Mercredi, 5-10 matin). Lokeren-Selzaete, 6-00, 10-25, 4-45 (leMardi, 9-30).
OORRjasPOWDAHTOES.
COURTRAI, BRUXELLES.
Courtrai dép. 6,37 10,53 12,33 3,42 6,35.
Bruxelles arr. 8,50 1,35 2,25 6,10 8,54.
BRUXELLES, COURTRAI.
Bruxelles dép. 5,22 8,28 12,21 5,35 6,47.
Courtrai arr. 8,00 10,46 2,55 7,56 .8,44.
COURTRAI, TORNAI, LILLE.
LILLE, TORNAI, COURTRAI.
Courtrai dép.
Tournai arr.
Lille
6,37
7,28
7,42
9-37
10,15
10-42
10,56
11,47
12,08'
2,54
3,48
4,00
5,34 8,47.
6,39 9,41.
6,37 10,04.
Lille dép.
Tournai
Courtrai arr.
5,15
5,42
6,42
8;12
8,56
9,49
11,05 2,21
11,32 2,40
12,31 3,44
4,10.
5,39.
0,40.
COURTRAI, GAND.
GAND, CORTRAI.
Courtrai dép.
Gand arr.
6,32
7,51
6-42
8,01
9,49
11,08
12,31,
1,51,
3,44
5,04
6,40
7,56
9-32.
10,20.
Gand dép. 5,15 8.45 9.24 9,38 1,28 4,24 7,21.
Courtrai arr. 6,37 9,37 10,41 10,56 2,54 5,34 8,47.
BRUXELLES, GAND, BRUGES.
BRUGES, GAND, BRUXELLES.
Bruges d. 6,49 7,04 9,39 12,34 2,52 6,43 8,43. Bruxelles dép.5,22 7,20 7,25 9,00 11,06 1,35 3,02 4,53 5,55 5,01 8,00 8,20.
Gand a. 7,34 8,19 10,54 1,49 4,07 7,58 9,26. Gand arr. 6,00 8,38 9,36 10,27 1,23 3,59 4,11 6,01 7.17 7,02 9,09 10,26.
Bruxelles 8,50 10,35 12,39 4,00 7,15 9,31 10,40. Bruges 7,15 9,23 10,51 11,20 2,38 5,01 6,58 8,16 8,50
La crise religieose, politique et sociale oü
se débat aujourd'hui le monde, inspire au R.
P. Ramière un remarquable article que nous
nous empressions de mellre sous les yeux
du lecteur
Ce n'est pas la France seulement, c'est
I'llalie et I'Espagne, c'est I'Allemagne et
FAulriche, c'est l'Europe eniière, et, avec
I'Europe, e'est lout Ie monde civilisé qui tra
verse, en ce moment, une crise dont Tissue
peut ètre la mine de' la civilisation chrélierine
ou la formation d'un monde nouveau.
Ce qui est certain, e'est que Ie vieux mon
de ne peut demeurer longtemps dans Tétat
oü Pa réduit ce qu'on nomine la civilisation
moderne.
Oü en sommes nous
Voila TEglise catholique allaqnée dans
Tindépendance de son Chef, dans la liberie
de son gouvernement, dans le recrutemenl de
son sacerdoce, dans la formation de la mili-
ce religieuse, dans 1'enseignement de sa doc
trine, dans la possession de son pain quoli-
dien. Cesont la autant de conditions indis-
pensables de son existence. II faut done de
deux choses 1'une: on que ces droits soient
reconnus, on que I'Eglise cesse d'exisler.
Mais d'une maniére ou de I'autre, il faul que
la situation actuelle change et que la crise
catholique ait une issue.
Ce n'est pas seulement la destinée de I'Egli
se qui est en cause, mais celle de la foi cliré-
tienne et de toute religion. Les ennemis les
plus conséquents et les seals redoulahles du
catholicisme, sont ceux qui atlaquent, au
nom d'une prétendue science, toute croyance
au monde surnaturel, toute revelation, toute
action de Dieu, son existence même; qui ne
veulent admettre d'une réalité que cc qui
se volt et se palpe. Voila la grande hérésie
moderne, celle qui se répand avec la plus
effrayanle rapidité au sein des masses, et qui
conquiert au sein même des classes élevées,
loi-l le terrain qui perd la foi inconséquente
du protestantisme. L'Eglise seule, avec ses
enseignemenls précis el son autorité divine,
peul. opposer une digue a Pinvasion de ce
torrent. Que cetle digue soit renversée, et il
PAR
liOiiis Veuillot.
L'événement littéraire de la semaine, c'est le
livre que M. Louis Veuillot vient de publier sur
Molière et Bourdaloue. On y retrouve toutes les
qualitós de bon sens, de verve et de style du
grand journaliste. Nous en avoiis, dans notre
dernier numéro, dönné la remarquable pre
face.
Nous y ajoutons aujourd'hui quelques extraits
qui donneront une idee générale du livre et de
la maniére de l'ècrivain.
M. Veuillot débute par une biographie de
Molière
Jean-Baptiste Poquelin, flls d'un marchand
aisé de Paris qui exercait la charge assez reclier-
chée de tapissier valet de chambre du röi, tit ses
liumanitós et sa philosophie cliez les jésuites;
philosopha quelque temps sous la conduite de
Gassendi, étudia le droit, puis un beau jour, a
vingt-trois ans, de concert avec quelques jeunes
Ills comme lui, planta la ses études, sa familie,
et s'enróla comédien. La nature l'y poussa saus
doute, une belle passion le dóeida. Ses deux
principauxcompagnons, les frères Béjart, avaient
une soeur nommée Madeleine, tille de vingt-sept
ans, qui n'en était plus a ses débuts. Cette des-
salée, pour palier conime Georges Dandin. devint
ne reste plusaucune croyance dans le mon
de. La crise religieuse doit done, nécessaire-
ment, avoir la même issue que la crise catho
lique.
Mais sans religion la société peut-e!le sub
sister? Si Pon ne reconnait plus au ciel aucu-
ne autorité pour obliger les hommes a res
pecter les droits sociaux, que reste-t-il, sinon
le droit brutal de la force? Voila les masses
qui ont en main celle force; qui pourra les
empècher de renverser un étal de choses
dans lequel el les ne trouvent que privations
el fatigues? La crise sociale peut-elle ne pas
aboutir a la destruction de la société le len-
demaiii du jour oü la crise religieuse an rait
abouti a la destruction du Christianisme
La crisc politique n'aura-l-elle pas néces-
sairement la même issue? Puisque le vieux
droit n'a plus aucune force, puisque les trai
tes ont perdu toute leur valeur, puisque la
violence, le brigandage ne sont plus simple-
ment tolérés comme des fails irréguliers,
mais hautement reconnus comme des droits,
la guerre devienl l'état normal des peoples;
il n'y a plus d'autre loi internationale que
celle du canon: la société politique n'exisle
plus; nous revenons a la barbarie.
Voila, sous son quadruple aspect, la crise
actuelle. La voila telle qu'elle se révèle a
nous, non par des raisonnements subtils,
mais par des fails tangibles. Dix foisaveugle
est celui qui n'apercoit pas la connexion né
cessaire enlre ces quatre ordres de choses.
Les lumières du sens commun suffiraierit. au
besoin, lors même que nous n'aurions pas le
lémoignage des siêcles passés, pour démon-
trer que les hommes et les peoples ne pen -
vent ètre contenus dans la voie du devoir
que par une autorité supérieure a l'homme;
que la morale el la société n'ont d'autre fon
dement solide que la croyance religieuse;
que la seule croyance religieuse capable de
dominer aujourd'hui les intelligences est le
Christianisme; et que la seule forme vivante,
agissante, militante du Christianisme est I'E
glise catholique. II n'y a done pas a en dou-
ter: si Tissue de la crise actuelle était celle
qu'espére la secte anlichrélienne, si les triom-
phes qu'elle a deja remportés, dans presque
toutes les contrées du monde, devaient êlre
consommes par la destruction de I'Eglise,
dans l'abime oü s'effondrerail l'édifice con-
la maitresse du novice, et les deux frères n'en
furent que davantage ses amis. Voila l'entrée en
scène du prince de nos moralistes. Après une
année d'essais malheureux dans la capitale, les
Béjart virent qu'il fallait émigrer en province.
Le jeune Poquelin, transfigure en sieur de Mo
lière, les suivit. Si l'lionnête bourgeois des Halles,
tapissier valet de chambre du roi, s'était procure
une lettre de cachet pour arrêter son garnement
au seuil de cette vie vagabonde, il aurait pu
étouffer en germe trois ou quatre chefs-d'oeuvre,
mais il aurait fait ce que font tous les jours
beaucoup de pères de familie qu'on loue de
veilfer sur l'honneur de leur norn et sur l'avenir
de leurs enfants.
Pendant treize ans, Molière mena la vie de
comédien nomade. II jouait dans les campagnes,
dans les chateaux, dans les villes, partout ou il
trouvait uil public et un lieu quelconque pour
servir de theatretoujours attelé a cette Béjart
et a ses frères, faisant le héros, faisant le
bouffon, composant quelques farces, ne qöittant
point la mauvaise compagnie. Un jour, le sieur
d'Assouci, le dróle le plus authentique de l'épo-
que, rencontra la troupe il s'y plut tellement
et s'y trouva si bien, qu'on ne pouvait plus
se séparer.
Treize ans passés au service du premier ma-
nant qui donne cinq sous pour qu'on le fasse rire!
Cette vie ne révèle point une ame fiére. L'orgueil
peut s'en accommoder, la vraie dignité n'y tien-
drait pas.
Depuis le jour oü Cicéron, plaidant pour Ros-
ciusle plaignaitétant si honnête homme
struit sur la terre par le Verbeincarné, tonics
les croyances religieuses el toutes les institu
tions sociales seraient engloulies en même
temps.
Dieu peut il le permettre? Ooi, s'il a des-
sein d'en finir avec ce veux monde, depuis
si longtemps rebel le a son amour el arrosé
en vain du sang de son Fils. Jésus-Chrisl a
promis d'être avec son Eglise jusqu'a la fin
des siécles, el il s'est engage a ne pas permet
tre que les porles de Penfer prévalent conlre
el le. Quand done I'Eglise semblera avoir élé
complétemenl détniite, et quand l'homme
du péchéauia, en apparence, renversé de
fond en comble le royaume de Jésus-Christ,
celle défaite temporede de I'Eglise, sera le
prélude de son triomphe éternel el le signe
de la fin des temps.
II.
Mais puisque nous sommes obliges de de-
mander Pavénementdu règnede Jésus-Christ
sur la terrecommeau Ciel, nous conjurerons
le Dieu infiniment bon, qui aime a faire écla-
Ier sa miséricorde dans notre malice, de
donner a la crise actuelle une meilleure issue.
Et quelle peut ètre cette issue A quelle
condition les événements dont nous sommes
les témoins peuvent-ils aboutir au salut et
a la régénération de la société
A la condition que les aveugles, qui con
stituent, aujourd'hui, la masse de ce qu'on
nornrne le grand parti de l'ordre, ouvri-
ront les yeux, pour voir ce qui est plus ma
nifeste que la lumiére du jour: a savoir la
connexion entre les quatre crises que nous
venons de signaler.
Ooi, tout serail sauvé, si tous les hommes
qui désirent rétablir la paix entre les peuples
et l'nnion entre les classes sociales, compre-
naient que la religion est le setil lien solide
de cette union et l'unique garantie de cette
paix; si tous ceux qui déplorent le déclui de
la foi tournaient leurs regards vers l'auieur
et le consommateur de la vraie foi, Jésus-
Christ; si, enfin, tons ceux qui désirent siri-
cérement le rélablissement du règne de Jé
sus-Christ, voulaienl ce règne tel que Jésus-
Christ 1'a fondédans son Eglise. C'est alors
que le parti de l'ordre sera puissant conlre
le parti du désordre, paree qu'il serail uni
et conséquent avec lui-même; tandis qu'an-
d'exercer une profession si décriée, le métier de
comédien n'a rien gagné dans l'estime publique.
Rousseau de Genève s'est piqué d'en découvrir
la raison
A un prójugé universe!, il faut, dit-il, cher-
cher une cause universelle; et au lieu de crier
d'abord contre le préjugé, sachons premièrement
si la profession de comédien n'est point, en effet,
dóshonorante en elle-même car si, par malheur,
j elle Test, nous aurons beau statuer qu'elle ne
Test pas au lieu de la réhabiliter, nous ne ferons
que nous avilir nous-mèmes. Qu'est-ce que le
talent du comédien? I/art de se contrefaire, de
revêtir un autre caractère que le sien, de parai-
tre différent de ce qu'on est, de se passionner de
sang froid, de dire autre chose que ce qu'on
pense aussi naturellement que si on le pensait
réellement, et d'oublier enfin sa propre face, k
force de prendre celle d'autrui. Qu'est-ce que la
profession du comédien Un métier par lequel
il se donne en representation pour de l'argent,
se soumet a Tigpominie et met publiquement sa
personne en vente. J'adjure tout homme sincère
de dire s'il ne sent pas au fond de son ame qu'il
y a dans ce trafic de soi-même quelque chose de
servile et de bas... Quel est au fond 1'esprit que
le comédien recoit de son état Un melange de
bassesse, de fausseté, de ridicule orgueil et d'in-
digne avilissement qui le rend propre a toutes
sortes de personnages, hors le plus noble de
tous, celui d'homme, qu'il abandonne.
Quoiqu'il raisonne juste, Rousseau déclame,
comme toujours, et je ne le cite qu'a cause de
son nom.
jourd'hui il se condamne a I'impuissance el
a la défaite par .ses inconsequences et ses di
visions.
Comment s'étormer du triomphe de la re
volution? Elle, au moins, est conséqaenie.
Elle met ses moyens d'accord avec son but,
el son action d'accord avec ses principes.
Elle ne vent pas de la loi de Dien, et elle re-
nie toute loi; repoussant la morale religieuse,
elle répudie toute morale qui prétendrail
gêner la liberlé humaine; renoncaril au bon-
heur d'une autre vie, elle ponsse ses adeptes
a se procurer, a tout prix, les jonissances de
la vie présenle. Tout cela est parfaiiemenl !o-
giqueet parfaiiemenl comprehensible. Cha-
quejour.il s'imprime, a Paris seulement, un
million de feuilies dans lesquelles celte doc
trine est piêchée aux masses; et dans le reste
de I'Europe, il s'en imprime probablement
cinq a six fois plus. Quel est le potivoir hu-
main capable de neulraliser 1'influence de
celle predication? II y a, dans le nronde, une
parole qui auraii ce pouvoir, la parole divi
ne de I'Eglise; mais cette parole est étouffée
par un grand nomhre de ceux que menace
la prédicalion révolulionnaire. Follement in
conséquents, ils voudraienl empècher la Re
volution de tirer contre eux les consequen
ces logiquesdes principes qu'ils posent avec
elle. Comme elle. ils repoussent toute autori
té supérieure a l'homme, et ils voudraienl
que les hommes conlinuassent a ohéir. Com
me elle, ils renient toute felicité d'oulre-lom-
be, el ils voudraienl empècher les masses qui
souffrent de saisir violemmenl les moyens de
jouir ici-has. Comme elle, ils méconnaissent
la force du droit, et ils ne veulent pas se re-
signer a subir le droit de la force. Par civs
contradictions flagrante?, ces soi-disant ad-
versaires de la Revolution lui prélenl un
concours hien plus puissant que ne font, par
leurs fureurs, ses adeptes déelarés. C'est a
coups d'idées, hien plus qu'a coups de ca
nons, que la Revolution hat en bréche l'édi
fice social. Ceux-la done sont ses plus dange-
reux auxiliaires qui soutiennenl ses doctrines
en I'aidant a in feeler les esprits de ses idéés.
Aussi ne s'y trompe t-elle pas. Toutes les
autres forces Itii paraissenl d'autaril moins
redoulahles qu'elle coiripte, avec raison, les
meltre a son service aussitot qu'elle sera par-
venue a les vaincre. II n'est qu'tine force
qu'elle désespérede voir jamais plier sotisson
joug; il n'est qu'un ennemi qu'elle redoute,
malgré les défaites qu'elle lui a fait subir,
paree qu'un secret pressentiment lui lait
comprendre qu'elle finira tót ou tard, par
élre vaincue par luic'est celui que sigrialait
naguére, un des chefs les plus influents et
l'un des iriterpréles les plas aulorisés de la
Revolution cosmopolite
Le cléricalistne, disait-il, voila l'ennemi
Et qu'entendail-il par cléricalisme? Rien
n'est plus facile a comprendre. II suffit de
prèler l'oreille aux explications que nous
foumisseni, chaque jour, les oralenrs et les
écrivains de la Revolution.
Le cléricalisme c'est le christianisme con
séquent celui qui veul que Jésus-Christ soit
le Roi de la société moderne, aussi hien que
des gouvernements d'ancien régime; que les
répahliques, aussi hien que les monarchies
soient sotimises a sa divine souveraineté; que
sa loi domme toutes les autres lois, el que les
décrets des parlements soient nuls de plein
droit, du moment qu'ils sont en désaccord
avec ses préceptes.
Voila ce que la Révolution redoute, ce
qu'elle combat, ce qu'elle prétend délruire
sous le nom de Cléricalisme c'est le christi
anisme, qui proclame soulienl el prélend fai
re pré va loi r la royauté individuelie et sociale
de Jésus-Christ. L etiquette est nouvelle, mais
la chose est Irès-ancienne. Le Christianisme
entier et intransigeant qu'on poursuil au
jourd'hui sous ce nom, n'a cessè d'être, de
puis dix-neuf siécles, combattu a outrance
par toutes les tyrannies, tandis qu'elles se
sont consiamment montrées pleines de bien -
veillance pour leschristianismescomplaisanls
qui se montraierit disposés Ssacrifier les droits
son vera ins-de Jésus-Christ.
La Revolution, en dirigeanl dece cölè tou
tes ses attaques, se rnontre beaucoup plus
éclairée que ses adversaires. Ses craintes
devraient leur indiquer le secret de leur
force. Si elle redoute uniquemenl les chré-
licns qui confessent hautement la royauté de
Jésus-Christ, et se grouper autour de ce dra-
peau, quelles que soient leurs origines socia
les ou politique?. Qu'on nous appelle clèri-
caux ou qu'on nous donne tout autre nom,
peu i in porte toute la question est de savoir
ce que les norn's signified!. Or, la pensée de
Molière, a trente-sept ans, n'était encore qu'un
acteur médiocre, au moins dans le genre tragi-
giquemalgré son obstination a cbausser le
cothurne; un auteur peu fócond, un satirique
trés prudent. On le loue beaucoup de sa har-
diesse. Bientót nous le verrons, en effet, terri-
blement hardi. Mais pour oseril attendait
quelque chose et c'était simplement de n'avoir
rien a craindre.
Nous touchons au point capital du livre, a
savoir si le théatre en general et celui de Molière
en particulier castigat ridendo mores, comme
on l'a dit tant de fois
Les moralistes de feuilleton et d'académie
attribuent au théatre une grande puissance pour
la correction des mceurs. Les moralistes qui ont
connu et pratiqué la vraie morale pensent tont
autrement. Lorsque Ton traite cette question, il
faudrait se rappeler qu'a l'époque la plus glo-
rieuse du théatre et lorsqu'il était dans ce que
Ton peut appeler aujourd'hui sa pureté, il y avait
un homme noinmé Bossuet qui condamnait jus
qu'a lb noble passion du Cid un autre, nommé
Quinault, qui faisait penitence des applaudisse-
ments dont il avait óté Tobjetun autre, nommé
Jean Racine, qui regrettait d'avoir écritBéréniae
et Phödre; et quand Racine exprimait ce regret,
il n'était pas tejlement en décadence qu'il ne put
faire encore Esther et Athalie.
Revenons a Molière. Nous ne pensons pas que
les ingénus qui lui attribuent le dessein d'avoir
voulu moraliser la scène en soient bien persuades.
En tout cas, ils n'en persuaderont jamais qu'eux
mêmes, ou les ingénus tout semblables a eux.
Si Molière a formé quelques plans contre le ridi
cule ou contre le vice, il ne s'est pas donné pour
mission d'enseigner la vertu. La-dessus, l'expé-
rience ne laisse rien a dire a la raison. Croyons
que ceux qui vont étudier la morale dans les
pieces de Molière n'en sortent pas plus mauvais:
de bonne foi, en sortent-ils mei-lleurs? On a
toujours vu que les beaux yeux de la soubrette
et de la jeune première touchaient ces amateurs
de la sagesse incomparablement plus que la mo-
ralitó de la comódie, d'ailleurs enveloppée et
difficile a saisir.
II ne faut pas prendre pour sagesse une teinte
amère de misanthropie qui reste comme le der.
nier goüt de la représentation. Haïr et mépriser
les hommes, ce n'est pas encore aimer le bien, et
c'en est même l'antipode. Les grandes comédies
de Alolière sont tristes; elles laissent dans TSme
un sentiment douloureux. On entend la-dessus
s'-extasier la plupart des critiques. C'est, disent-
ils, a quoi 1 ou reconnait le philosophe, l'homme
qui a sondé les profondeurs du coeur humain.
Non La tristesse que le poète nous communique
provient d'une autre cause. Loin d'avoir sondé
jusqu'au fond lo coeur humain, Molière, aya-nt
éteint le seul flambeau qui puisse éclairer eet
abime, s'y est égaré et perdu. II ne pénètre pas
a la racine du vice, il ne donne la raison de rien,
et n'indique le reniède a rien; car ce n'est pas un
remède que le rire. I.'humanité, sous son scalpel