LES VAGABONDS
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Samedi 7 Seplembre 1878 jQjj L'
13eannée. N° 1,324.
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p Journal parail Ie Mercredi et le Samedi. Les insertions coütenl 1» centimes la ligne. Les réclames et annonces judieiaires se patient 30 centimes la ligne. On traite a forfait poor les insertions par année.
Un numéro du journal, pris au Bureau, 10 centimes. Les numéros supplémentaires commandés pour articles. Réclames ou Annonces, content 10 fr. les 100 exemplaires.
V IK E M I S ES K V E B8.
LES VOIES NOUVELLES.
L'Europe a quitté la voie od elle marehait
dspuis des siécles, et s'est risquée dans les
routes nouvelles du libéralisme el de la
Révolution. La situation actuelle doit étre
une lecon pour lous.
Les Etals ne sonl plus cliréliens. lis ont
oublié les principes chrétiens; ils ont.rejelé
l'autorilé cbrétienne; ils ont renversé et
délruil l'organisalion cbrétienne; ils ont ar-
boré le drapeau de l'indépendance et ont
marché en chantant une Marseillaise quel -
conque. Mais voila que lout a coup, pendant
que Ie peuple chaute, les Gouvernements
s'arrètent effrayés. lis voient qu'ils arrivent
a l'abime. II n'est presque plus question
d'indépendance, ni d'abusdu moyen age: il
s'agit de se sauver du Socialisme et de la
Commune.
La France va a la Commune. Personne
n'en doule. Après l'F.mpire et un premier
essai de la puissance du pétrole, elle a eu la
République conservatrice de M. Thiers.
M. Thiers se laissant enlrainer avant que les
nouvelles couches sociales fussenl prètes,
elle a pris Ie Maréchal de Mac-Mahon, avec
qui elle a glissé sur la pente du Radicalisme.
Un seize Mai a vaincment essayé de rebrous-
ser chemin. II a falliï se soumetlre ou se dé-
mettre. On s'est soumis. Depuis lors c'est
Gambetta qui a la puissance el ['opportunis
me occupe Ie tröne de France. Mais I'oppor-
tunisme est démodé et le Radicalisme fail
fureur. Le Gouvernement est menace, I'ar-
méeest enlamée, la magistralure, un dernier
rempart, va être rcnversée. La Commune et
le Socialisme sont a Ia porte. Ouvrez done,
Messieurs!
L'Allemagne triomphait! Elle avait écrasé
Ia France. E Ie voulait mainlenir les princi
pes s.ociaux, fonder un gouvernement fort et
organiser une société virile. Toutes les forces
DE LONDRES.
de la nation semblaient s'épanouir! Elle était
la première Puissance d'Europe etnecrai-
gnail point 1'ennemi rouge b, mais alla-
quail I'ennemi noir b
C'était le CullurkampfII réussissait a
inerveille. Les évèques, les religieux, les
religieuses, les curés étaient chassés. C'était
fait et fini!
Mais voila Roedel et Nobiling qui parais-
sent et derrière eux des millions de socialists.
C'est l'abime.
L'immense colosse russe tremble devant
les nibilistes.
En Italië et en Espagne la République so
cialist menace Ie tróne.
II faut reculer!
Notre pauvre petite Belgique va Ie même
chemin. Toutes les voix libérales du pays
donnent de temps a autre la note républi-
caine. Sans oser i'appliqner, nos journaux
libéraux appuient le mouvement républicain
et socialiste de LEtranger. Le Roi Léopold
vaut a peu prés un président de République.
Nous allons, nous allons. II faut done né-
cessairemenl rencontrer ce qui est au bout
de ce chemin. Tous les Elals y ont trouvé le
socialisme; nous l'y trouverons. Le Wer
ker b de Gand doit devenir le premier jour
nal du pays, et l'insulteur du Roi, en pri
son aujourd'hui, doit devenir un héros et
un martyr.
Les voies nouvelles conduisent au socia
lisme. Reprcnons la voie ancienne.
LES CONSTITUTIONNELS.
Pendant que la presse libérale affecte de
metlre en suspicion la loyauté civique des
cathoiiques beiges, nous la voyons successi-
vernent patroner dans la capitale les candi
datures les plus carrémeul anli-constitulion-
nelles.
Ainsi le purilanisme conslilulionnel de
VEtoile beige s'est fort bien accommodé na-
guère de la candidature répubicaine et socia
liste du citoyen Janson.
Aujourd'hui les vicissitudes dela politique
et les influences ministérielles ont ponssé
I'Etoile du cóle du doctrinarisme; mais le
bon petit crétin b qu'elle palrone le mot
est de la Chronigue, ne brille pas non
plus par une fidélité exemplaire a la Consti
tution.
Void, en eff'et, un paragraphe significatif
de la profession de foi de ce candidal:
Ainsi, revision de la Constitution par et
pour les libéraux, suppression du budget des
cubes, abrogation du régime censilaire, en-
seignement laïque, obligatoire, leis soul les
desiderata de la fraction la plus modéréedes
libéraux bruxellois. Que doivent done
rèver les autres, ceux qui, avec la Chroni
gue, qualifier)! le Papa Washer de bon pe
nt crétin? b
N'est ce pas que eet épisode de la campa
gne electorale met admirablement en relief
la lartuferie politique du libéralisme?...
D'une part, si les calholiques ne se pros-
lernent pas devant la Constitution comme
devant une idole, onlesqualifiedetraitr.es.
II nesuflit pas qu'ils observeut la Constitu
tion, il faut qu'ils 1'adorenl; il faut qu'ils
adinirent des liberies modernes jusque leurs
ordures; il faut enfin qu'en dépit de leur
conscience et de la loi de Dieu, ils procla-
ment que le droit au blasphéme est un droit
naturel.
El les mêmes libéraux qui formulont ces
exigences répudient pour leur propre compte
le fetich isme conslilulionnel qu'ils nous
prèchent, ils parient de la révision de la
Constitution comme d'une chose toute natu
relle et ils annoncent tout nel que la premiè
re conséquence de cette opération sera un
acte d'odieuse spoliation devant lequel a
reculé la Révolution francaise' elle-mème!
Nous savons bien que le libéralisme est le
parti de la passion plutót que celui de la
logique et qu'il a l'habitude, selon ses pro-
pres expressions, de se faire sa morale a lui-
m ème,
Mais parmi les contradictions libérales,
celle-ci nous parait singuliérement saillante
et bien faile, au temps ou nous sommes,
pour ouvrir les yeux a ceux qui veulent voir
el pour donner a réfléebir aux libres-pen-
seurs qui n'ont pas enliérement perdu l'ha
bitude de penser.
NOMINATIONS.
Des gens comme le Prince de Ca ra man et
M. leChev. Ruzelle ne inéritent certes pas la
coufiance du gouvernement, lis n'ont pas
assez d'indépendance el de noblesse de ca-
ractere. lis uesont pus assez inlègres.
II faut voir les nominations failes tous les
jours, pour connaitre le type que préfèreel
choisil le ministère.
Dans le Monileur de Mardi on peut lire la
nomination de M. Van Camp, V.*. de la Loge
d'Anvers, rédaclenr en chef du Précurseur
comme secrétaire particulier et chef de cabi
net de M. le minislre de I'instruction publi-
gue.
Un aulre arrélé royal nomme le V.'. F.'.
Ruls, secrétaire de la Ligue de Ccnseigne-
ment (Llgue donl M. Van Camp fail égale-
ment parlie)membre du bureau adminis-
tratif de l'athénéede Bruxelles.
Le Précurseur est l'uno des feuilles qui
partagent avec la Flatidre libérale l'honneur
d'etre les plus avancées dans la guerre dé-
claréea l'Eglise et aux sentiments religieux.
Le Précurseur ne se refuse aucun menson-
ge, aucune calomnie, quand il s'agit du
clergé catholique et des dogmes de la reli
gion de nos péres. II ponssela logique libé
rale jusqu'a prècher ouvertement le maté
rialisme le plus radical; naguère ericore ce
journal (^isait un éloge pompeux d'un confé
rencier qui prouvail que l'amc n'exisle pas
el qu'il n'y a pas d'immortalilé ni de Dieu!
II y a quelques mois, Ie Précurseur a été
condamné par le tribunal d'Anvers pour des
caiomnies infames dirigées contre Mgr l'évê-
que de Sanlander et sa mére!
Voila l'esprit qui présidera aux déstinées
de l'inslruclion publique en Belgique. Inutile
d'ajouler que le V.'. F.*. Van Camp est par
tisan declare de l'enseignemeiU luigue et
obligatoire.
La nomination de M. Buis est aussi signi
ficative que celle de M. Van Camp. M. Buis
a présidé a ['organisation de ces cavalcades
ignobles dans lequel te Denier des Ecoles
gueuses outrageaitet la religion el ITionneur
de Mllc Louise Lateau, la devotion au Sacré-
Cceur, les religieux et le clergé catholique.
LES NOUVEAUX PROJETS.
VEloi/e dont le métier est de lout sa-
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Poperinghe- Ypres, 5,15 7,15 9,33 11,00 11,30 2,20 5,05 5,30 9,30. Ypres-Poperinghe, 6.20 9,07 10,05 12,07 2,45 3,57 6,17 8,45 9,50
Poperinghe-Hazebrouck, 6,40 12,25 7,04 Hazebrouck-Poperinghe-Ypres, 8,25 4,00 8,25.
Ypres-Roulers, 7,50 12,25 6,30. Roulers-Ypres, 9,10 1,50 7,50.
Roulers-Bruges, 8,45 11,34 1,15 5,16 7-20 (10,00 Tliourout.) Bruges-Roulers, 8,05 12,40 5,05 6,42. Thourout - Gourtrai,
5-15 mat.
Ypres-Courtrai, 5,34 9,52 11,20 2,40 5,25. Gourtrai-Ypres, 8,08 11,05 2,56 5,40 8,49.
Ypres-Thourout, 7,20 12,06 6,07, (le Samedi a 5,50 du matin jusqua Laugemarok.) Thourout-Ypres, 9,00 1,25 7,45 (le
Samedi k 6,20 du matin de Langemarek a Ypres).
Comines-Warnêton-Le Touquet-Houplines-Armentières, 6,00 12,00 3,35. Armentières-Houplines-Le Touquet- Warnêton-
Gomines, 7,25 2,00 4,45. Comines-Warnèton, 8,45 mat. 9,30 soir, (le Lundi 6,30.) Warnêton-Gomines, 5,30 11,10 (le
Lundi 6-50.)
Ingelmunster-Deynze-Gand, 5-00,9-41,2-15. Ingelmunster-Deynze, 6-10,7-15. Gand-Deynze-Ingelmunster, 6-58, 11-20, 4-41.
Deynze-Ingelmunster, 12-00 8,20.
Ingelmunster-Anseghem6,05 "9,40 12,35 6,13. Anseghem-Ingelmunster, 7,42 11,20 2,20 7,45.
Lichtervelde-Dixmude-Furnes et Dunkerque, 7,10 9,08 1,35 7.50 Dunkerque-Furnes-Dixmude et Liclitervelde, 6,15
11-05, 3-40, 5-00.
Dixmude-Nieuport, 9,50 12,35 2,20 5,10 8-35 10,10. Nieuport-Dixmude, 7,15 11,55 4-20 5,56 6,50.
Thourout-Ostende, 4,50 9-15, 1,50 8-05 10,15. Ostende-Thourout, 7-35, 10-10, 12-20,6-15 9,15.
Selzaete-Eecloo, 9-05, 1,25, 9-03. Eecloo-Selzaete, 5-35, 10-20, 5-05.
Gand-ïerneuzen (station), 8-17, 12-25, 8-05. (Porte d'Anversj 8-30, 12-40, 8-25. Terneuzen-Gand, 6-00, 10-30, 12,30 5,55.
Selzaete-Lokeren, 9-04. 1,25, 9-03 (le Mercredi, 5-10 matin). Lokeren-Selzaete, 6-00, 10-25, 5-25 (le Mardi, 10-09).
COÜRBaPOIÏOANCBa
COUBTRAI, BRUXELLES.
Gourtrai dép. 6,37 10,53 12,33 3,42
Bruxelles arr. 9,20 1,35 2,25 6,10
BRÜXEI.I.ES, COURTRAI.
COURTRAI, TOURNAI, LII.LE.
Gourtrai dép.
Tournai arr.
Lille
6,37
7,28
7,42
9-37
10,15
10-42
10,56
11,47
12,08
2,54
3,48
4,00
5.27
6,39
0,35.
8,54.
8,47.
9,41.
Bruxelles dép.
Gourtrai arr.
5,22 S,2S
8,00 10,46
12,21
2,46
5,35
7,56
6,47.
8,44.
LIIXE, TOURNAI, COURTRAI.
6,37 10,01.
Lille dép.
Tournai
Gourtrai arr.
5,10
5,42
6,31
8,12
8,56
9,17
11,05 2,21
Tl,32 2,40
12,26 3,38
4,10
5,21
0,33
8,10
8,50
9,28
COURTRAI, GAND.
GAND, COURTRAI.
Courtrai dép. 6,32 6,42 9,49 12,31, 3,44 6,40 9-32.
Gand arr. 8,01 7,21 11,08 1,51, 5,04 8,00 10,20.
BRUGES, GAND, BRUXELLES.
Gand dép.
Gourtrai arr.
5,15
6,34
8,45
9,33
9.24
10,51
1,28 4,14 7,21.
2,49 5,23 8,12.
BRUXELLES, GAND, BRUGES.
Bruges d. 6,49 7,04 9,39 12,34 2,52 3,59 6,43 8,43
Gand a. 7,34 8,19 10,54 1,49 4,07 4,44 7,58 9,28.
Bruxelles 8,50 10,35 12,39 4,00 7,15 5,58 9,31 10,42.
Bruxelles (fdp.5,22 7,20 7,25 9,00 11,06 1,35 3,02 4,53 5,55 5,01,
Gand arr. 6,00 8,38 9,36 10,27 1,23 3,25 4,16 6,13 7.23 7,35.
Bruges 7,15 9,23 10,51 11,20 2,38 5,01 6,50 8,15 8,50.
Suite. Voir le numéro précédent.
XJne sauvage assemblée.
Tout ce tapage ne paraissait pas faire plus d'im-
pression sur mon compagnon que la grêle sur un
vaisseau de guerre, et il faut croire que son
indifference m'avait gagné, car je fumais ma pipe
avec la plus parfaite tranquillité, et je regardais
toute cette scène avec philosophic.
II y avait la une douzaine d'enfants des deux
sexes, qui semblaient bien les véritables rejetons
du vice et de la débauche. Les gifles, les coups
de pied, les rebuffades que tous ces bandits en
herbe r'egurent durant cette soiree eussent óté
sufflsants pour faire garder le lit pendant quinzj
jours a un enfant ordinaire. II était aisé de predire
leur avenir. S'ils avaient été plus agés, ils auraient
pu a New-York, faire des hommes politiques.
A la finmon compagnon tira d'une de ses
poches un bout de chandelle et nous nous mimes
a la recherche de notre chambre a coucher. Elle
contenaitquatorze lits, rangés de chaque cóté de
la chambre, a deux pieds de distance les uns des
autres. lis etaient trés étroits, trés durs et tres
courts.
Lorsquo je me glissai sous.les deux legeres
couvertures, mon esprit fut assailli par toutes les
visjohs horribles de la saleté et de la misère. J e-
tais épouvanté. Mais il n'y avait pas jnoyen de
sortir de la.
J'avais seulement retire mes vêtements de des
sus, que je laissai tomber surle plancher au pied
du lit, et j'étais couché avant que mon compa
gnon se füt mème déchaussé. Je le regardai se
déshabiller avec unecuriosité mêlée de surprise.
11 n'avait pas de bas, mais ses pieds étaient en-
tourés de chiffons qu'il retiraavec soin un par un.
Gela fait, il enleva son paletot, qu'il portait bou-
tonné jusqu'en haut, son gilet etun tricot. II com-
menga alors a défaire sa grosse cravate; il en avait
cinq autres sous celle-la. Le reste de son vête-
ment consistait en une chemise et des pantalons.
II les retira, placa le tout sous sa tète et se mit au
lit complètement nu, en me disant: Gopain, si
vous laissez la vos habits, vous n'aurez rien a
mettre au mont-de-piéié demain matin.
Cette petite description suftira pour dire
comment s'babillent les vagabonds, et encore la
inajorité est-elle moins bien vètue. La plupart
du temps ils n'ont pas de chemise et surtout bien
möins de cravates que mon compagnon. Je fus
complètement gelé toute la nuit. Tous les lits fu-
rent bientót occupés et les ronflements qui re-
tentirent dans cette chambre étaient assez forts
pour effrayér un lion de pierre.
J'ai visité une douzaine de maisons garnis dans
les différents quartiers de Londres et elles res-
semblent toutes a celle que je viens de décrire.
Les prix varient de deux pence a six pence. Mais
ces prix, si modiques qu'ils soient, avaient fini
par épuiser ma bourse, et je dus avoir encore
recours au mont-de-piété. Le résultat fut que je
ne tarda! pas a être l'homme le plus déguenillé
On me demande sije suis partisan de la re
vision de la Constitution. La Constitution n'est
pas un fétiche.et le législateur a prévu l'éven-
tualité de la voir unjourrevisée. Si cette circon-
stance se produit, s'il, n'y a que des libéraux
comme moi d la Chambre, il est évident qu'il
n'y aura plus de budget de cultes les pré tres
n'ont qu'avivre de leur boutique (sic.)
On me demande si je suis partisan du suffra
ge éclairé, c'est la une heureuse atténuation. Je
me suis séparé jadis de plusieurs de mes amis
sur la question du suffrage universel pur et sim
ple. Je suis heureux d'apprendre quel'on ne rêve
plus cette réforme, dont nous avons vu les fruits
dans un pays oü le suffrage universel non éclairé
était sous la domination des prêtres. Le suffra
ge universel livrerait notre pays au parti cleri
cal.
"Je suis partisan de Yenseignement gratuit,
laïque et obligatoire.
Telles sont les déelarations que j'ai a vous
faire.
de Londres, etj'avoue que je me gloriflais de
mon succès et de l'aisance avec laquelie j'avais
accompli cette metamorphose.
Ma nouvelle experience vaut la peine d'etre
racontée. Je passai deux jours et deux nuitssans
abri et presque sans nourriture. Lecteurs, si vous
désirez faire une expérience originate, endossez
des haillons, n'ayez pas le sou dans votre poche
et passez quarante-liuit heures a errer dans les
rues de Londres au milieu de l'liiver.
II y a quelques aunées, j'ai vu une gravure
représentant une scène qui se passait dans Saint-
James'Park. C'était intitulecirculez. Une
pauvre femme avec un enfant dans les bras, est
chassée par un agent de police, du banc sur
lequel elle essayaitde se reposer.
La première Ibis que je vis ce dessin, il ne
me tit aucune impression. Mais lorsque j'assis-
tai presqué a la mème scène a quatre heures du
matin, la deuxieme nuit de ma promenade (une
femme avec un nfant est obligée de quitter les
marches d'une porte oü elle avait cherehé un abri
contre l'apre bist; je pus apprécier la diffe
rence qui existe entre l'examen de la gravure
dans un salon bien closet bien chaud, et l'horreur
que produit la vue d'une chose semblable.
Toute la nnit dehors.
Ils sont nombreux, ceux qui passent les nuits
dehors, surtout a Londres. Je veux seulement
citer un exempleUn jeune liomme a passé six
jours et six nuits dans les rues, sans abri,
n'ayant qu'un petit pain pour toute nourriture.
Mais je m'apercois qu i je quitte les vagabonds,
Ceux-la passent rarement la nuit dans les rues.
G'est bon pour les pauvres iionnètes et lionteux.
Si le vagabond ne peut voler ou obtenir en men-
diant la somme nécessaire pour coucher dans un
garni, il s'en va soit au workhouse, soit dans
un refuge, oü nous le suivrons, si vous le
voulez bien.
Description de Londres par un vagabond.
La ville de Londres est divisée par paroisses,
et cliaque-paroisse possède ce qu'on appelle une
Union, c'est-a-dire une bureau de bienfaisance,
chargé de secourir les pauvres qui demeurent
dans la paroisse, une infirmerie qui secourt les
malades pauvres, ainsi qu'un work-house et une
maison de refuge temporaire. G'est la que nous
trouvons les vagabonds et les petits voleurs.
Le refuge ouvre a six heures du soir et regoit
tant qu'il y a des lits disponibles. Ges refuges
contieuneut géiióralemenb quarante a quarante-
six personnes et, dans l'hiver, ils sont toujours
remplis.
J'appris tous ces détails d' un vagabond retarda-
taire, dont je fis la counaissanee pendant une de
mes promenades nocturqes. II s'était présenté
trop tard pour obtenir l'enti'ée, et lorsque je ie
rencontrai, il maudissait sa dóveine.
La nuit suivante, je résolus d'essayer uu de
ces établissements. En me renseignant auprès
d'un agent de police, vers quatre heures du soir,
il m'indiqua le plus voisin et me conseilla d'y
aller de bonne heure et de me placer aussi prés
que possible de la porte, sinon je risquerais fort
de ne pouvoir entrer.
J'arrivai a cinq heures, une heure avant l'ou-
verture. 11 y avait iléja au moins vingt-cinq per
sonnes entourant la porte. Ils m'accueillirent par
un éclat de rire et me conseillèrent d'aller ailleurs
mais je restai a ma place.
A six heures la porte s'ouvrit, et tout le monde
se rua. Le surveillant du refuge se tenait a l'en-
trée, armé d'un gourdin de formidables dimen
sions. A ceux qui voulaient forcer l'entréc,
il envoyait vigoureusement un bon coup de
gourdin sur la tète.
Lorsque mon tour arriva, la foule lit un effort
désespóré pour pénótrer a l'intórieur, car il y
avait plus de monde que le refuge n'en pouvait
conteuir, et je l'us done poussé en avant avec plus
de violence que ne le permettait l'étiquette du
refuge.
Le résultat ne se lit pas altendre. Le baton du
surveillant s'abattit sur ma tète. J'avais lieureu-
sèment un cliapeau très-solide et très-dur qui
amortit la violence du coup. L'individu qui se
trouvait derrière moi ne lut pas quitte a si bon
compte, car élevant le bras pour parer, il reeut
le coup sur la main.
On nous introduit sous un hangar. Le nom,
l'age, le domicile, le dernier endroit oü l'on avait
couché et la profession de chacun sont inscrits
sur un livre. On nous conduit ensuite comme
un troupeau de moutons, dans une autre salie
très-froide oü on nous sert un petit pain et une
demi-pinte de gruau. On nous fait asseoir sur un
banc de beis placé tout autour de la salie, et
c'est de h) que j 'examine altentivement toute la
bande.