ORGANE CATHOLIQUE DE L'A RRON DISSEMENT. LA FAMINE EN CHINE. MERCREDI IS Janvier 1879. 10 centimes le Numéro. 14e année. N° 1361. On s'abonne rue au Beurre, 66, k A pres, et a tous les bureaux de poste du royaume RÉSUMÉ POLITIQUE. LA NOUVELLE LOI DU CONTINGENT ET LES COMMENTAIRES DU PROGRÈS. Le Progrès s'est enfin décidé i\ défenclre, contre les attaques de Ia presse catholique, la loi du contingent qui aggrave d'une ma- nière si notable les charges militaires. II ne consacre pas un article original h cette besogne ardue. Le Journal de Gand lui four- nit la copie nécessaire h une colonne. La reproduction qu'il en fait n'a pas même été revue par ses rédacteurs ordinaires. Telle de ses phrases est absolument inintelligi- ble. En veut-on un exemple? Nous citons: C'est-a-dire que les classes de milice auront tout pu constater aux corps les consequences des infractions d ïarrêté royal du 7 Aoüt 1877. Comprenne qui pourra; nous y avons renoncé. II est vrai que MM. Carton et Cie, les pa trons de notre follicule libéral, viennent d'etre déshabillés de main de maitre par quelques journaux de leurs amis. Les soins que réclame le rajustement de leur toilette absorbent tous leurs instants et quelque prestesse qu'ils y mettent, ils ne parvien- nent pas it couvrir leur nudité. Voyons les commentaires adoptifs du Progrès. Naturellement les journaux catholiques n'ont apporté que de la mauvaise foi et de violents mensonges dans l'examen qu'ils ont fait de la loi. Récitatif libéral d'un air connu qui ne trompe plus personne. Nous avons non pas affirmé, mais prouvé h toute évidence, que l'augmentalion des charges militaires sera lourde. Quelle soit de 1,500 hommes, comme le prétend 1c Gouvernement, ou de 3,000, même de 4,000 hommes, comme lont affirmé cer tains membres du Sénat en se basant sur des données sérieuses, il y a augmentation du contingent, c'est-a-dire augmentation du nombre de jeunes gens enlevés hl'indus- trie, au commerce, it l'agriculture, aux car rières libérales pour être erirölés dans l'ar- mée. Le Progrès n'ose pas le nier. Avec le Journal de Gand il plaide les circonstances atténuantes. D'abord les hommes appelés chaque an née pour maintenir l'effectit de chaque classe ne seront pas mis pendant huit ans it la disposition du ministre de la guerre. Mais alors il y aura des catégories privi- légiées. Chaque année fournira des hommes de qui on exigera huit ans, d'autres, sept ans, d'autres, six ans et ainsi de suite. II n'y a qu'un mot pour qualifier pareille assertion et nous le disons: c'est absurde. Au reste Tauteur de l'article le comprend si bien qu'il fait remarquer que les déchets des deux plus anciennes classes ne seront plus remplaeés. Que devient dans ce cas le mot effectif, dont la portée a été si bien précisée par M. le Baron Surmont et confirmée par le Gou vernement. Au point de vue militaire de l'instruction du soldat, les conséquences du système irnaginé par le Journal de Gand ne sont pas moins absurdes. Le renvoi des anciens soldats et le peude temps que certains miliciens passeront sous les armes, ne permettront pas d'exercer les troupes convenablement; l'armée soufFrira de eet état de choses bien plus que de la situa tion actuelle. Onne forme pas unfantassin en quelques mois ou un cavalier en deux ans, et les officiers ne peuvent apprendre sérieu- sement le métier que lorsqu'ils ont des effectifs considérables it commander. Bertram du Journal de Gand peut préten- dre le contraire. II est vrai qu'en sa qualité de Francais et de journaliste, Gambettay aurait trouvé l'étoffe d'un général. Les journaux libéraux auront beau s'é- vertuer a expliquer la loi du contingent de 1879, rien n'y fera. Elle constitue une ag gravation de charges, en hommes et en millions; elle détruit l'économie et l'esprit de nos lois de milice, et dans son applica tion elle sera une source d'abus et d'ini- quités. Au point de vue des intéréts géné- raux du pays, elle est déplorable paree qu'elle rendra l'armée bien moins populaire encore qu'elle ne Test aujourd'hui. Lorsqu on étudie cette loi dans ses consé quences et dans son application, on diraitque le Gouvernement avoulu produire une situa tion inextricable, un veritable gaehis, au- quel le service personnel et obligatoire pourra seul mettre fin. On le sait: tout le monde soldat, c'est le rêve de nos militaristes. La loi de 1879 est le cbemin détourné pour y aboutir. Pour notre gouvernement de defense na tionale, cette loi déloyale et hypocrite pré sente encore un autre avantage; celui de rendre le clergé odieux. La dispense accordée aux instituteurs et aux membres du clergé était une mesure justifiée de tous points. La dispense est maintenue pour ces deux catégories de citoyens, ils jouiront encore de cette faveur, mais d'autres marcheront it leur place. Le résultat se fait déjh sentir. Dans l'article du Journal de Gand cette idéé revient par trois fois sous la plume de l'é- crivain. II n'y est parlé que des membres du clergé, des séminaristes qui seront rem plaeés. On laisse dans l'ombre les institu teurs. Or, sur -180 dispensés en vertu de l'arti cle 28, il n'y a que 50 membres du clergé et 130 instituteurs. Journal d'Ypres, Le JOURNAL D'YPRES parait le Mercredi et le Samedi. Le prix de 1'abonnementpayable par anticipationest de 5 fr. 50 c. par an pour tout le pays; pour létranger, le port en sus. Les abonnements sont d'un an et se régularisent tin Décembre. Les articles et communications doivent être adressés franc de port a l'adresse ci-desfeus. Les annonces coütent 15 centimes la ligne. Les réclames dans le corps du journal paient 30 centimes la ligne. Les insertions judiciaires, 1 i'ranc la ligne. Les numéros supplé- mentaires content 10 francs les cent exemplaires. Pour les annonces de France et de Belgique (excepté les 2 Flandres) s'adresser a 1 'Agence Havas Laffite, etC" Bruxelles, 89, Marohé aux Herbes, et a Paris, 8, Place de la Bourse. Les Anglais sont entrés li Candahar. Ce succes pourrait nietlre fin a la guerre. Le bey de Tunis cherche a écarler les dif- ficultés par tine apparencede soumission. Les journaux allemands conliennent des arertissements sérieux a l'adresse de la France de 91. Gambelta. Le prince de Bismarck, qui a favorisé la Ré- publique par crainle de la Monarchie, voudrait-il faire la guerre a la République par peur du socialisme? Les syinptömes ne sonl pa» rassurants pour la paix de l'Europe. En Italië, Benedetto Cairoli, le ministre tombé, s'apprête 'a renverser Depretis, le ministre debout. Mais auctin d'eux ne songe a arrêter la démocratie qui reuversera bïentöt la monarchie et tout l'échafaudage italien. La reprise des paietnents en espèces ren contre des dillieullés en Amérique. La compensa tion entre les entrees el les sorties des caisses du trésor ne s'établit pas convenablement. Le prinre Henri, grand-due du Luxem bourg, est mort ces jours-ci d'une attaque d'apo- plexie foudroyante. II avait épousé il y a quelqucs niois une priucesse de Prusse. La Chambre francaise s'est réunie hier. Elie attend une communication du gouvernement a Inquelle M. Dufaure donne tons ses soius. 91. Gambelta, som mé par les Républicains de prendre le pouvoir.ne cherche pas a endosser celle lesponsabilité. II est entié en négocialions avec |e Maréchal Président et le ministère pour main- tcnir Ie statu quo L'homme aux expedients opporlunistes sera bientöt au fond de son sac. Le général Gresley'est nommé ministre de la guerre en France en remplacement du général Borel. LES ENFANTS ABANDONNÉS. Suite. Voir le numéro précédent. Ces ventos de creatures humaines sont ordi- naires en Chine; il y a des hommes qui font ce bideux commerce. I.a loi ne le permet pas, mais il se fait seérètement. Cette année, il se fit publi- Muement et sans aucune reclamation. Nous avons racheté plusieurs fois des petites filles, surtout lorsqu elles étaient chrétiennes. On nous appor- Ttait aussi un trés-grand nombre d'enfants. Nous avions plus de quinze endroits oü l'on recueillait ■es petits abandonnés; chaque jour nous en rece- vions de vingt a quarante. On nous les apportait en brouette, a demi morts de faim et de froid. Qui a pu inspirer a ces païens la pensée de nous olirir ces enfants, eux a qui il ne répugne guère de les ensevelir vivants, de les noyer ou de les étrangler? Admirons et remercions Dieu qui s'est fait ainsi une grande multitude de petits anges. Cependant il nous fallait calculer nos ressour ces. Nous avions, au commencement de mars, plus de 1,200 enfants en nourrice. Leur nombre augmentait chaque jour, et chaque mois nous devions payer les nourrices. Aurions-nous les moyens de nous procurer de l'argent pour l'ave- nir Préoccupés de ces pensées, nous hésitions. Je réunis les missionnaires Que ferons-nous, leur dis-je. Rejeter ces enfants serait trop dur mais pouvons-nous les accepter tous Nous résolümes de donner notre confiance a St-Joseph; c'était son mois. On irait jusqu'a la fin de mars! puis on aviserait. La fin de marsarrivée, Taffluence ne diminuait pas; nous avions 2,000 enfants vivants. Nous ne comptions pas ceux qui avaient vécu quelques mois. Nous nous répétames les mêmes questions; personne n'osait répondre, personne ne voulait signer l'arrêt. Enfin il fut décidé que la prudence exigeait qu'on cessat de recevoir les petits en fants. Du reste, on les avait presque tous recus. On exhorterait les parents a les conserver quel ques mois, on leur donnerait l'aumöne, et, si l'année était meilleure. ils ne songeraient plus ensuite a nous les offrir. Ce plan fut sutvi. Nous recevions cependant encore des enfants pour remplacer ceux qui mouraient. Ici comme ailleurs, les parents usaient de ruse, lis laissaient leurs enfants devant la porte et prenaient la fuite. D'autres fois, ces petits êtres, guidés par le bon Dieu, venaient eux mé- mes en rampant; car ils ne pouvaientpas encore marcher, et ils se couchaient prés de notre rnai- son. On les recevait tous, mais en quelque sorte secrètement. La famine coutiauait et augmentait. Nous n'a- vions plus rien a donner, car les nourrices absor- baient toutes nos ressources. Heureusement, M. Aymeri, notre procureur de Changhaï, eut la pensée de s'adresser a un comité protestant fondé dans cette ville et ayant un agent a Londres pour solliciter des aumónes en faveur des aiïamés. II le pria de venir a notre secours, et, peu a peu, ou nous alloua plus de 30,000 francs, qui nous servirent a secourir un grand nombre de malheureux.... Enfin Dieu a eu compassion de son peuple; il a donné une récolte qui suffira aux besoins. Les grains reviennent au prix ordinaire. La joie re- parait, quoique-bon nombre de Chinois conti- nuent a mourir des suites des souffrances qu'ils ont endurées. Nous avons pu cette année baptiser ou faire baptiser plus de 13,000 petits païens. La plupart sont déja au ciel.

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Journal d’Ypres (1874-1913) | 1879 | | pagina 1