ORG'ANE CATHoiMOUE DE L'A RRONDISSEMENT.
SAMEDI 15 Mars 1879.
10 centimes le Numéro.
14e année. N° 1378.
On s'abonne rue au Beurre, G(>, a Ypres, et tons les bureaux de poste du royaume.
Le JOURNAL D'YPRES parait Ie Mercredi et le Samedi.
Le prix de l'abonnementpayable par anticipation est de 5 fr. 50 c. par an pour tout
i pays; pour l'étranger, le port en sus.
I,es abonnements sont d'un an et se régularisent fin Décembre.
Les articles et conimunications doivent être adressés franc de port a l'adresse ci-dessus.
Les annonces coütent 15 centimes la ligne. Les réclames dans le corps du journal paient
30 centimes la ligne. Les insertions judiciaires1 franc la ligne. Les numéros supplé-
mentaires content 10 francs les cent exemplaires.
Pour les annoncés de France et de Belgicpie (excepté les 2 Flandres) s'adrosser a 1 'Arjence Havas
Laffite, et G" Bruxelles, 89, Marché aux Herbes, et a Paris, 8, Place de la Bourse.
Résumé politique.
La Chambre frangaise a repoussé la
demande de poursuites contre le cabinet du
16 Mai par 317 voix contre 159. Tout cal-
cul fait, c'est une majorité de 4 voix pour
le ministère Waddington. La droite a voté
avec le centre gauche et la gauche modérëe.
Cette victoire ne permet pas au ministère
de se maintenir dans sa composition actuel-
le. Ln ordre dn jour de flétrissure a été
adopté ensuite par 240 voix contre 154 (11
abstentions a réxtreme gauche).
Cette flétrissure, lancée par l'extrême
gauclie contre >1. de Brogiie et ses collè-
gues, inspire au Pays, journal bonapartiste,
rédigé par DL de Cassagnac, les réflexions
süivantcs. paiTaitement justes a notre avis:
11 est. vrai qu'on va flétrir ces hommes,
qu'on n'ose pas pendre.
tin ordre du jour les déclarera indignes
et méprisahles pour tout bon répuhlicairi.
Ce chatiment nous rend rêveur et nous
jette dans une angoisse inexprirnahle.
Nous nous reportons, en effel. a ce que
dira la postérité, quand, dans cent ans, les
descendants de Fourtou, de Brunei et de
Lepelletier, passant dans la rue, la foule
di ra, se délournant d'eux avec horreur
Voilk les petits-tils de ceux que N'aquet,
Germain Casse et Baspailtils ont flétris!
Quelle épouvantable pénalité que celle
qiron prépare
Nous souhailons que les ministres du Sei
ze Mai soient braves, sesouviennent deleurs
sentiments chrétiens et ne lentent pas de se
dérober au déshonneur de Jeudi par un
suicide sauveur.
D'un autre cöté, el pour parler sérieuse-
mcnt, êlre flétri quand les communards
sont gloriliés, être menacé d'etre poursuivi
quand les assassins et les bandits sónt gra-
ciés, c'est excessivernent dróle, et cela
prouve k quel point notre époque manque
de sens moral.
La Gazette dc France, je crois, cilait l'au-
tre jour le mot d'un étranger qui, parlant
de nous, disaitLes Frangais deviennent
ridicules.
C'est malheureusement vrai.
Et notre hauteur politique ne dépasse
guère celle de Constantinople livrée aux
querelles des cocbers du Cirque.
M. de Bismarck vient de terminer la
comédie de négociations qu'il jouait au su
jet du Kulturkampf. On a varié dans les
appréciations qu'on émettait k ce sujet. Au-
jourd'hui tout est rompu et la persécution
va continuer.
La pacification religieuse de l'Allemagne
est rec'ulée a nouveau, nous ne savonsjus-
qu'k quelle époque. Faisons des votux pour
que la divine Providence accorde bientóth
ces malheureuses populations une ére de
tranquillité et de justice.
Le nouveau ministère espagnol sem-
ble animéd'idées très-libérales: un gage de
difficultés renouvelées pour l'Espagnev xpq
a traversé tant de crises depuis que le parle
mentarisme y a été introduit.
Les rouges ont manifesté en Italië a
l'occasion du 1" anniversaire de la mort de
Mazzirii. Les autorités ont dü intervenir et
le sang a coulé. Cela promet pour l'avenir.
Une inondation terrible désole une
grande partie de la Hongrie. La villede
Tsegeddin, qui cornpte une population de
plus de 80,000 habitants, est détruite et
dévastée.
Les nouvelles qui vienuent d'arriver sont
désol antes.
Les calamités s'accumulent et c'est k
peine si on reeonnait la main de la Provi
dence qui eh,-Hie les peuples.
Le Carême du Progrès.
Un jour, c'était un Vendredi, après
avoir bien diné et s'être gorge convenable-
ment de vins délicats et de chair fine, Plein -
ventre a voulu se prouver que le Carême
avec ses jeuneset ses abstinences était un
abus d'un autre age.
Quoique appartenant au diocèse de St
Beuve, qui mangeait du saucisson le
Vendredi-Saint, Pleiuventre n'est pas
toujours rassuré. 11 craint l'indigestion et
aime k se mettre l'estomac en repos.
Sous ce rapport c'est un esprit étrange.
11 a des moments d'agitation qui lui ouvre
sur l'avenir et le par dela des horizons peu
clairs. Cela trouble ses digestions. 11 se
passé alors la fantaisie de chercber dans
quelque bouquin du dernier siècle des mo
tif's qui rétablisserit l'ordre dans ses voies
digestives ei la tranquillité dans ses esprits.
Les résultats de ses recherches lui pa-
raissenl toujours excellents. En bon prince,
Pleinventre tient a faire partager sa satis
faction aux lecteursdu Progrès, C'est ainsi
qu'il y a buit jours, ce journal nous a servi
un A propos de carême en guise de premier
Ypres.
L'article vise k fesprit et a la prétention
d'etre savant. On y trouvedes affirmations
eatégoriques, appuyées sur des textes de
l'Evangile. Cela pose un estomac de cette
force devant le public.
L'Evangile, dit-il, ne contient aucun
préceple qui ordonne le jeune ou l'absti-
nence; au contraire Jésus-Christ semble
blamer eet usage.
Pleinventre cite Sl-Malhieu et St-Marc,
chapitre Xll et 11. Ce vase d'érudition et de
bonne clière est-il bien sur de ses citations?
C'est ce que nous allons voir.
Les textes de l'Evangile ne peuvent pas
être ulilisés comme les ingrédients d'une
sauce agréable. 11 faut les lire en entier et
en faire une étude compléte.
Pleinventre n'est pas appelé k ce genre
d'occupation. Qui! s'inquièle des menus et
recettes du parfait cuisinier, cela rentre
mieux dans ses moyens.
Sachez done, homme grave, que le jeune
est de précepte divin et que l'Eglise a regu
la mission de déterminer le mode et le
temps d'y satisfaire. En vertu de la lógiti
me autorité dont elle est revêtue, l'Eglise a
le droit d'imposer des cominandements
auxquels Pleinventre est tenu d'obéir, tout
comine le plus simple mortel, sous peine
du par dela.
Songez-v, cela vous évitera l'indigestion,
parfois mortelle.
Puisqu'il aime les textes servons en
quelques-uns.
Loin d'avoir blamé le jeune et l'absti-
nence, N.-S. Jésus-Christ les a presents
par son exemple et par ses paroles. Ecou-
tez St-Mathieu, IV. 2. Et ayant jeüné
quarante jours et quarante nuits, dit-il
du Divin Maitre
Yoilk bien le jeune quadragésimal, le
carême, qui ne daterait que du 5e siècle,
selon le Progrès.
Ce jeune est de tradition apostolique,
commandé par conséquent dès les premiers
temps de l'Eglise.
Tertullien, qui viva it au 3" siècle, éerit
un livre Du Jeuue. On y lit entre autres:
C'est k bon droit que les Evêques ordon-
nent le jeune au peuple.
St Jéróme, dont les lettres font autorité,
écrit dans sa lettre 54: Nous (les cliré-
tiens) jeütions une quarantaine, confortné-
ment a la tradition apostolique.
Est-ce clair?
Le Divin Sauveur a parlé a plus d'une
reprise du jeune. Pleinventre n'a pas trou-
vé sans doute ces versets; mais qu'il ouvre
St Mathieu, VI. '16. 17.' 18, il verra qu'il ne
faut pas jeüner k la manière des pharisiens,
pour paraitre devant les hommes avec une
figure pale. Le jeune est un moyen de pé-
nitence qui ne peut être appréeié que de
Dieu seul.
Nous lui conseillons aussi de lire le mè
me Evangiliste au chapitre IX. 15. et St
Marc, il. 18. 19. 20.
11 apprendra comment le Fils de Dieu en
tend le jeune et comment il l'ordonne. Un
temps viendra oü l'Epoux, c'est-a-dire
lui-même, leur sera envevé; alors its
jeüner ont. C'est la parole de Dieu. Le
Progrès et ses théologiens appellent cela
un blkme!
Pleinventre a du reste une fagon de lire
les textes qu'il partage avec les théologiens
du Progrès.11 prend de ci, de Ik, un mot,
un bout de phrase el les accomode k son
gré. St Paul a subi cette operation. Sa let
tre aux Colossiens, dont les lambeaux de
phrases sont cités dans le Progrès, est
relative k une secle qui, tout en étant chré-
tierine, prétendait conserver les usages et
les prescriptions de la loi mosaïque.
Sl-Paul dit que la loi de Moïse est abolie;
qu'il faut suivre les préceptes de la loi du
Sauveur, abandonner les jeünes et l'absti-
nence prescrits par l'ancienne loi et s'abste-
nir de prendre part k la célébration des
fötes des Juifs.
Appliquer les paroles de St Paul aux
préceptes de la religion catholique, c'est
les détourner de leur vrai sens.
Ce système d'interprétation est babituel
chez certains écrivains. A eux s'appliquent
bon di oit ces paroles de 1 Ecriture: cc leur
langue distille le venin du mensonge et
leurs lèvres havent la perversion de leur
cceur,
Le reste de l'd-propós ne présente guère
d'intérêt; quelques grossières plaisanteries
importent peu. Rappelons seulement que
la manière de jeüner et de faire abstinence
depend de ia loi ecclésiastique que l'Eglise
est compétente k ëdicter.
Le temps et les cireonstances varient
constamment, les climats, les mceurs, les
usages également.fétendue des connaissan-
ces humaines augmente et d'autre part les
hommes ne jouissent plus de cette santé
robuste qui savait supporter autrefois des
pénitences plus rudes qu'aujourd'hui.
L'Eglise catholique tient cornpte de ces
ati. et ai ie e^,alcment ses prescriptions.
C'est un effet du pouvoir qui lui a été don-
né par Celui qui est la Sagesse éternelle.
Voilk un job motif deludes pour Plein
ventre. Nous le lui conseillons très-sincè-
rement.
Journal d'Ypres,
eJ CJ