ORGANE CATHOLIQUE DE L'ARRONDISSEMENT. MERCREDI 23 Juillet 1879. 10 centimes le numéro. 14p année. N° 1415. On s'abonne rue au Beurre, 66, a Ypres, et a tous les bureaux cle poste du royaume. Résumé politique. FRANCE. Blanqui ne renonce pas ;i la lutte électorale. 11 vient d'adresser aux élec- teuvs de la lu circonscription de Bordeaux unc lettre qui ne laisse aucun doule sur ses intentions. Le gouvernement, dans ses visées mo- narchiques écrit le vieux révolutionnaire, a étendu sur ma tête le voile noir de la de gradation civiquc, de la flétrissure sociale, etc., etc. Je n'accepte ces decorations que sous bénélice de l'inventaire qu'il vous plaira d en dresser par devant l'urrie du scrutin. Vos decisions seules sont pour moi souveraines. On croyait la question Blanqui enterrée. Elle renait au contraire. ITALIË. Le gouvernement italien ne voit pas sans inquiétude le rapprochement qui s'opère entre l'Empire allemand et le Saint-Siége. Ce rapprochement, dont la réa- lité est constatée par la Gazette de Cologne elle-même, inspire aux radicaux italiens un véritable désespoir, que le Risorgimento tra duit en ces termes: On croyait quit Sedan l'épée de Luther avait définitivement brisé celle du catholicis- me, mais voilit qu'au bout de dix ans, nous allons voir peut-être le nonce du Pape reve- nir h Berlin. Tout le monde ne sait pas, ou ne veut pas donner a ce fait l'importance qu'il mérite, mais, h nos yeux, la retraite du ministre Falk est un fait plus considérable que le trai té de Berlin lui-même. L'Italië, dans sa lutte avec la Papauté, ne peut plus compter aveu- glément sur le cabinet de Berlin. L'habileté diplomatique du Pape, qui ne rompt pas ses relations avec la France républicaine de M. Grévy, qui trouve le moyen de epnserver auprès de lui la legation de Belgique, alors que ce pays est gouverné par M. Frère-Or- ban qui obtient de publier ses bulles it Var so vie, qui trouve des candidats ii la pourpre en Angleterre parmi les amis mêmes de M. Gladstone; ee sont la des fails de nature faire réfléchir ccux qui craignent la supré- matie de l'Eglise. AUTRICHE. On annonce de Vienne au Temps que la crise ministérielle autri- chienne doit se résoudre cesjours-ci. L'idée de la formation d'un ministère provisoire est abandonnée. La reconstitution du ministère aura lieu après la réunion des Chambres. Eu attendant, ceux des ministres qui seront for- cés de quitter le cabinet ne seront remplacés Par personne et la gestion de leurs départe- ments ministériels sera confiée aux ministres restant aux affaires. HONGRIE. La Hongrie prend unc mesure pratique pour se dégermaniser. Son Parlement est saisi d'une loi qui rendrait l'en- seignement de la langue magyare obligatoire dons toutes les écoles. Pendant une période de transition, dont la durée est fixée h six an- nées, les autres langues pourront être ensei- gnées concurremment avec ellemais, ce délai écoulé, elle sera seule autorisée, et les maitres seront tenus de faire leurs cours en magyar. CII1NE. On télégraphie de Berlin au Morning Post que, d'après les dernières nou- velles recues de l'Asie centrale, la Chine fait des préparatifs pour une guerre contre la Russie. ETATS-UN1S. La flèvre jaune vient de se déclarer a Memphis, Etats-Unis d'Amé- rique. Les habitants fuient. Un arrêté royal en date du '19 courant, accorde la décoration de seconde classe h Santy Zénaïde, agée de 39 ans, célibataire, dentellière a Ypres, avec la mention suivante: La demoiselle Santy exerce sa profession depuis son enfance. Elle travaille pour la maison René Begerem, qui la cite comme une ouvrière intelligente, habile, assidue au travail et d'une conduite exemplaire. Nous apprenons avec le plus vif plaisir cette distinction si bien méritée. L'ouvrière, qui en est l'objet, a contribué pour beaucoup a l'exécution des riches produifs exposés l'an dernier par notre concitoyen M. René Bege rem. Honneur a l'ouvrière! Honneur aussi au fabricant qui, par ses efforts toujours couron- nés de succès, a su maintenir et étendre l'an- tique renommee de Tindustrie yproise! Discours dc M. Eugène Struye, prononcé a la Ghambre des Beprésentants, en séance du 10 Juillet. Sénat. Lundi, au début de la séance du Sénat, M. le baron d'Anethan, faisant fonctions de vice- président, a donné lecture de deux lettres de M. le prince de Ligne: Tune adressée a M. Bolin-Jaequemyns, ministre de l'intérieur 1 autre au Sénat lui-même et contenant toutes deux la^ démission de l'honorable sénateur d'Ath. Sur la proposition de M. le baron d'Ane than, appuyée par M. A an Schoor, au nom de la gauche, il a été décidé qu'une démarche serait faite auprès du prince de Ligne pour Tengager a revenir sur sa décision. La Flandre libérale assure que cette dé- Journal d'Ypres, Le JOURNAL D'YPRES parait le Mercredi et le Samedi. Le prix de l'abonnementpayable par anticipationest de 5 fr. 50 c. par an pour tout le pays; pour l'étranger, le port en sus. Les abonnements sont d'un an et se régularisent fln Décembre. Les articles et communications doivent être adressés franc de port a l'adresse ci-dessus. Les annonces coütent 15 centimes la ligne. Les réclames dans le corps du journal paient 30 centimes la ligne. Les insertions judiciaires1 franc la ligne. Les numéros supplé- mentaires coütent 10 francs les cent exemplaires. Pour les annonces de France et de Belgique (excepté les 2 Flandres) s'adresser a 1 'Agence Havas Laflite, etC10 Ilruxelles, 89, Marché aux Herbes, et a Paris, 8, Place de la Bourse. (SUITE ET FIN.) En lisant l'Exposó des motifs, tout rempli de menaces d'aggravations ultérieures, on doit logi- quement se demander si le gouvernement ne se propose pas de poursuivre l'extinction graduelle et la suppression linale de la culture du tabac indigène. Plusieurs croient plutót qu'il médite l'établis- sement de la régie, a l'instar de la régie francaise. Mais si l'on voulait développer la culture natio nale, pourquoi commencerait-on par ce qui forcément tend a Ia détruire Pour moi, je crains plutót qu'on ne rève un régime prohibitif plus ou moins semblable au régime anglais, oil toute culture inférieure est obsolument interdite. Ainsi, après la ruine de la culture nationale et de la prospérité d'un certain nombre de cantons le terrain étant déblayé, on pourrait laisser venir d'Amérique, de France, d'AlIemagne ou d'ail- leurs, le tabac nécessaire a la consommation, tarilier l'importation suivant son bon plaisir, asseoir son monopole sur les ruines de la culture nationale, se créer, comme en France, des bu reaux de tabac, s'assurer ainsi des milliers de créatures, se fórger ainsi un nouvel instrument de règne et procurer au trósor et a la politique libérale des ressources difficiles a obtenir plus régulièrement et lionnêtement. Le gouvernement ne l'avoue pas ouvertement; mais si telles ne sont pas ses vues, qu'il le déclare catégoriquement. Par son Exposé des motifs et par son projet de loi, il a rendu cette dóclaration nécessaire. II n'en est pas moins vrai que, si d'une manière ou d'une autre le gouvernement est dócidé a faire produire au tabac un revenu fiscal plus con sidérable, l'occasion en est excellente. Mais je crois qu'il faut procéder tout autrement qu'il ne le fait. La situation étant ce qu'elle est, comme je viens de la détinir, il est évident que, sans crainte de voir diminuer les importations, le gouvernement peut porter beaucoup plus haut les droits d'en- trée sur les tabacs ótrangers et en retirer bien plus que l'augmentation totale de recette de 833,000 francs qu'il veut provoquer. Le maintien du statu quo de la plantation indigene n'est qu'au prix d'une majoration considérable du droit d'entrée. C'est la une question de vie ou de mort pour notre culture; c'est le minimum de garantie que, vu les législations fiscales et douanières de l'étranger, le gouvernement lui doit. Et personne, absolument personne ne souffrirait de cette sage mesure, ni consommateurs, ni fabricants, ni débitants; tous pourraient être maintenus ainsi dans le statu quo aussi bien que nos cultivateurs, et l'importation amóricaine ferait a elle seule les fraisde l'impót nouveau. Messieurs, le gouvernement est parti d'idóes complètement erronées pour prótendre que le projet actuel ne nuira en rien a la culture indi gène mais cette erreur, il Ia pousse bien plus loin encore quand il pretend qu' aucun motif de justice ni d'équité ne s'opposerait a ce que le tabac indigène supportat un impót strictement équivalent a celui qui atteint le tabac importé de l'étranger c'est-a-dire l'impót de 20 francs sur 100 kilos. D'abord, dans le système du gouvernement, la culture beige est frappóe, non pas comme la culture étrangère, sur ses produits réels, mais sur des produits supposés, purement hypothéti- ques, qui, trop souvent, sont loin de correspon ds a la róalité des clioses. Ensuite, a cótó des produits ótrangers de qualité commune, l'impor tation nous amène un chiffre très-considérable de tabacs de qualité bien supérieure aux pro- duits beiges, de tabacs d'une valeur marcbaude double, triple, quadruple, décuple même. Or, tous ces produits sont uniformóment taxés a 20 francs par 100 kilos. Oü serait done l'équivalenee dans l'impót si nos produits supposés, chiffrés d'après la superficie de la terre qu'ils occupent, étaient tarif'ós de même que les produits róels de l'étranger Oü dója, suivant les propositions actuelles du gouvernement, se trouve l'équivalenee, l'équité, la justice Je l'ignore. Ces dernières années, la même oü la produc tion est généralement la plus importante dans notre arrondissement, entre autres localités, Wervicq, les 100 kilos de tabac se sont vendus généralement de 50 a 90 francsa Gheluwe, de 80 a 85 francs; sur différents points du canton de Messines, de 70 a 110 francs, sans que la moyenne y dépassat 90 francs; tandis que des tabacs étrangers de qualité supérieure et qui servent a la fabrication de cigares, etc., s'ócbelonnaient et étaient cotésjusqu'a 500 francs et au dela pour les 100 kilos. L'impót de 6 fr. 80 c., proposé par le goüver- nement sur 100 kilos hypothétiques de tabac indigène, représente done pour notre culture nationale une charge souvent cinq et dix fois plus forte que les 20 francs qui grèveront les tabacs étrangers 1 J ajoute, abstraction faite de la difference énorme qui se rencontre entre la valeur de cer tains produits de même poids, qu'il s'en faut que les 2,200 kilos, pris par l'honorable ministre pour base de la taxe du tabac indigène, ne se retrou- vent chaque année sur chacun de nos hectares. C'est ainsi que, depuis plusieurs années, on n'a guère recueilli, a Wervicq et en d'autres locali tés, que 1,500 kilos par hectare, au lieu de 2,200 kilogr.et ces années róputées mauvaises ne reviennent que trop souvent; et alors sur quoi l'impót nouveau sera-t-il percu Sur le déficit du rendement et sur la ruine de nos planteurs Enfin, établissons en compte exact la compa- raison Quand nos cultivateurs beiges auront a payer 150 francs par hectare, produisant 1,500 kilos, qui se vendent a 50 francs les 100 kilos, ils payeront 20 p. c. de la valeur de leurs produits a 90 francs, ils payeront encore 11 1/9 francs p. c'. Quand l'étranger aura vendu son tabac a 500 francs par 100 kilos, et qu'il aura acquitté le droit d'entrée de 20 francs, il n'aura payé que 4 p. c.l V oila l'équivalenee de l'impótvoila l'équité et la justice du prejet que nous présente le gouver nement. Pour rósumer, si le gouvernement veut faire entrer, pour une part plus large, le tabac dans la formation du budget des recettes, qu'il frappe ïe tabac étranger d'une taxe justement graduée-, mais qu'il veille avant tout a maintenir la vie et a assurer une certaine prospérité a la culture nationale. Je termine, messieurs, par une réfiexion géné rale sur le projet de loi en discussion. Combien il serait facile de se passer d'une grande partie des impóts proposés, si le gouvernement voulait seulement être sagement économe des deniers publicss il voulait ne laire que les dépenses véritablement utiles et profitables au payss'il ne se langait dans des dépenses de fantaisi'e et absolument improductives sinon nuisibles; si surtout il ne créait eet injustiiiable et détestable budget de la guerre a l'intérieur contre les ca- tholiques Si le gouvernement n'armait en guerre l'Etat contre l'Eglise, une partie de la nation contre l'autre, il ne sentirait pas le besoin de tous ces impóts nouveauxil saurait se contenter d'im- pöts moins lourds, moins injustes et moins odiëux.

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Journal d’Ypres (1874-1913) | 1879 | | pagina 1