Lourdes profane.
pays de l'Europe. II n'y a plus une chambre
de disponible ui un quartier louer.
II était un peu après neut heures quand
notre excellent corps de musique arriva. La
place de la gare,le port et les rues adjacentes
regorgeaient déjkde monde. Mais voyez-done
quelle belle société, öisait-on de tous cotés.
Aussi quand la musique se mit en raarche au
son du beau pas-redoublé, Clairons, tam
bours el trompettes une foule nombreuse
l'accompagna jusqu'au Couvent des Domini-
cains oü les musiciens déposèrent leurs ins
truments, jusqu'k l'heure fixée pour le Con
cert.
Nos fanfaristes avaient deux bonnes heu
res devant eux pour se promener. La plu
part se rendirent k la plage et plusieursen
passant devant le kursaal s'arrêlèrent pour
écouler la répétition de l'orchestre, qui ac-
compagnait M"# Martha Lignière.
Le temps était d'un calme plat et la mer
unie comme une glace. On voyait voguer
dans le lointain les navires k voile ou k
vapeur.
Un peu avant midi les musiciens montè-
rent le kiosque de la Grand'Place. On jouait
le même programme quit Courtrai. L'exécu-
tion k été encore supérieure k celle faite
dans cette dernière ville. Aussi que deféli-
citations Les derniers accords résonnaient
encore que les connaisseurs accoururent en
foule pour complimenter le Chef et ses mu
siciens. Entr'autres le Directeur de l'Harmo-
nie de Chenée qui était inscrite après la
Fanfare et avail entendu toute l'exécution,
vint expréssément sur l'estrade pour féliciter
M. Wenes. Ce Monsieur est officier-chef de
musique de la lr Légion de la Garde-Civique
de Liège et dirige encore plusieurs autres
sociétés de Liège et des environs, li n'en
revenait pas, quand k la demande qu'il tit
quels étaient les conconrs oü la Grande
Fanfare avait été couronnée, on lui répon-
dit quejusquicielle n'avait jamais concouru
encore.«Mais ce nest pas possible,»disait-il,
une musique de cette force; eest incroyable,
mais je n'ai jamais entendu une fanfare jouer
avec cette douceur et cette justesse, avec
cette perfection. Je vous assure que, si vous
participez un jour k un concours, vous em-
porterez demblée tous les premiers prix.»
II est un fait que réellement l'exécution a
été admirable et a certainement dépassé les
meilleures prévisions. Tous les amateurs de
bonne musique étaient unanimes k ce sujet.
Jusqu'aux musiciens socialisms de G nid et
d'Anvers, qui étaient également k O tende
dimanche,et dont plusieurs vinrent féliciter
les membres de la Fanfare pour l'exct lence
de cette exécution. On voyait venirle mccès
d'ailleurs, dès l'exécution des premieis nu-
méros du programme, par ce fait que les
passants au lieu de continuer leur chsmin,
s'arrêtaient pour écouter et restèrent ainsi,
pour la plupart, jusqu'k Ia fin du Concert;
de sorte qu'k ce moment la Place, trés bien
garnie cependant au commencement, était
noire de monde.
Voilk qui venge plus que suffisamment le
digne Président M. Iweins d'Eeckhoutte et
ses vaillants musiciens,des injures des jour-
naux libéraux d'Ypres, injures, d'ailleurs
inspirées par la jalousie,
Après le diner qui fut on ne peut plus cor
dial, la Fanfare entra au Couvent des Domi-
cains et y donna une petite sérénade aux Pè-
resdontle frère du Président est le Prieur,
afin de les remercier de leur hospitalité.
Une surprise était réservée aux membres,
par leur bien aimé Président. II avait deman-
dé pour ses musiciens i'entrée gratuite du
Kursaal,et cette faveur lui avail été gracieu-
sement accordée.
C'était d'autant plus flatteur que, depuis
deux ans d'ici, aucune société musicale n'a
vait encore obtenu cette entrée gratuite.
II est vrai aussi que dans ces magniliques
salons une société aussi brillament costumée
ne déparait pas du tout, ce qui nest pas le
cas pour beaucoup d'autres.
Nos musiciens out pu entendre aiosi le
beau concert donné k 4 1/2 heures par
l'orchestre symphonique sous la direction de
M. Léon Riuskopf.
Cet orchestre dans lequel jouent plus de
quarante violonistes, cinq ou six altos, cinq
violoncelles et six contrebasses sans compter
le bois etle cuivre et surtout la Harpe, joue
admirablement. Jota Aragonese de Camille
St-Saëns, Phèdre de Massenet ont été rendus
avec une perfection de jeu dont on ne pour-
rait'se faire une idée. Jusqu'k cette valse de
Strauss ie beau Danube bleu siconnue
cependant, et qui ne ressemblait plus k elle
même sous ces archets divins.
Somme toute, l'excursion d'Ostende a été
sous tous les rapports une des plus belles et
des plus i'écréatives que notre Grande Fan
fare ait faites jusquici, y compris même sa
rentrée en ville, oü en retournantü son local,
elle a été suivie par une foule immense.
Et maintenant, dernain k YVervicq, Mes
sieurs les fanfaristes
La rentrée en ville aura lieu k 10 heures
et dernie et au sons des joyeux pas-redoublés
la Grande Fanfare retournera k la Salie
Iweins.
Je ne l'ignore pas. En communiquant au
Journal lï Ypres mes impressions sur Lourdes
je n'écris pas seulement pour des ames
pieuses, qui se mettront aisément au diapa
son de l'entbousiasme que Lourdes excite
infailliblsment chez tous ceux qui y vont.
Ma lettre sera lue aussi par des hommes
tels que les rédacteurs du Volksrecht et
d'autres organes libéro-radico-socialistes de
notre arrondissement, lesquels, je me le
rappelle, déversaient encore sur iTmuiaculée
Conception peu de jours avant notre départ,
leurs blasphèmes et leurs sareasmes. Elle
sera lue aussi et surtout par des catholiques
indignes de ce nom.
Et voilé pourquoi.bien rnoins encore que
hier, je n'ai pas osé entamer cette seconde
partie de ma lettre sans supplier k nouveau
la toute-puissante Fée de Massabielle de
toucher de sa baguette magique ma plume
impuissante etindigne.
Je l'ai fait tandisque Forage grondait lk
bas dans la montagne et couronnait de ton-
nerres les sommets neigeux des Pyrénées,
ainsi qu'il couronnait naguère la cime du
Sinaï,le jour oü Dieu donna sa loi au monde.
Et alors j'ai demandé k la Vierge d'illuminer
de ses foudres d'amour et de miséricorde le
cceur de ceux qui liraient ma lettre.
Quelle folie c'eüt été, en effet, je dirais
quel sacrilège de vous parler uniquement,
le long de toute une épitre, du Lourdes
profane Et pourtant j'ajouterai qu'en ce
momentje nesais quelle témérité appuyée
sur une indigne prière me fait croire que la
Thaumaturge de Lourdes fera encore des
siennes et se servira de ma plume volon-
tairement profane pour agrandir son auréale
de gloire.
C'est que le souvenir de Bernadette est
toujours lk devant ma pensée pour me rap-
peler que finstrument n'est rien, que l'artiste
seul lui donne de la valeur et en lire s'il le
veut les plus impressionnantes harmonies.
Mais parler de choses profanes k Lourdes,
sans se heurter k tout instant au spirituel et
au surnaturel,est chose impossible.
Tenez, justement je venais de m'attabler
k la terrasse d'un café cherchant délibéré-
ment la dissipation en vue de parler du
Lourdes profane. Jesirotais done mon verre
de vin blanc, un énorme verre, un quart de
litre, dont coüt 15 centimes, absolüment
comme le quart de délicieuse Trappisten que
les Yprois aiment k aller déguster aux Trois
Suisses de la Grand'Place.
Mais voiik que le soleil, après avoir boudé
pendant quelques heures, déchire les voiles
de l'azuret aussitót le journaliste faisant place
au photographe prend son détective et la fuite
après avoir payé sa consommation, bien en
tendu et s'en va instantanéiser, ad perpe
tuum mémoriam,quelques unes des curiosités
de Lourdes. Et voilk que tout en marehant
il tombe sur cette admirable procession
du Saint Sacrement dont il avait fait Ce
jour-la, par devoir, le sacrifice très-pénible
car nulle plume ne saurait décrire l'impo-
sante et émotionnante grandeur de cette cé
rémonie. Et voilk que le journaliste-photo-
graphe en faisant l'éeole buissonnière arrive
juste k temps pour photographier une para-
lytique qui, au passage du Maitre du monde,
vient de recouvrer l'usage de ses jambes
Et c'est dans ces conditions lk qu'il mefaut
parler du Lourdes profane! En vérité, quelle
besogne Dieux du Volksrecht, du Progrès,
de la Lutte et du Weekblad, venez k mon
aide
On me permettra de passer rapidement
sur les détails géographiques de Lourdes,
sa topographie, son importance administra
tive, etc. Etant donné Timportance trés
médiocre deLourdes au point de vue politique,
je crois que la fapon d'ennuyer le moins pos
sible les lecteurs du Journal d'Ypres sera de
leur faire faire tout simplement une prome_
nade k l'aventure a travers Lourdes. Et puis,
que j'entends rester dans le profane je leur
proposerai de suivre un touriste incroyant
altiré k Lourdes par les attractions rensei-
gnés dans son Boedeker du Midi de la France
ou dans son Guide Jeanne des Pyrénées. II
descend dans une gare trés grande mais trés
vulgaire et sans caractère. Mais voilk qu'ar-
rivé sur la place de la Gare il se demande s'il
nes est pas trompé de destination et s'il
descend bien dans une petite localitéde 7000
habitants.
L'immense place de la Gare, vaste au
moins comme Ia moitié de notre Grand'
Place, est encombrée de landaus et d'omni-
bus dont un bon nombre faisant le service de
iel ou tel hótel. Et toutes ces voitures sont
envahies k l'instant par les voyageurs descen-
dus avec lui et encoinbrées de malles.
Beaucoup d'entre elles même font plusieurs
fois k la hate le service de la gare k l'hötel
dont elles dépendent.
Done, mon homme descend k pied la
première artère qui se présente k lui, la
nouvelle avenue. II inspecte les magasins et
lit les enseignes d'hótels, cafés, etc. Nouvel
étonnementtous les hotels portent des
noms d'une bigoterie finie. G'est l'hötel
de l'Ave Maria, le restaurant de la Groix, la
villa Regina, les hotels du Sacré Coeur, de
St Joseph, du Rosaire, etc. etc. Même
histoirepour les magasins. C'est k la protec
tion de Marie, k lTmnraculée Conception,
k la Vierge couronnée, k Notre Dame du
Sacré Coeur, etc. etc.
Voici maintenant qu'il se met a se deman-
der dans quel pays il se trouve. Autourde
lui il entend parler toutes les langues. Ici
c'est un magasin portant pour enseigne
In het kind Jesus lk c'est un hotel ou un
restaurant oüs'étaleenévidence l'inscription
Hier spreekt men vlaamsch Volontiers il
se croirait en Espagne, non pas k cause de
ces autres inscriptions assez communes
se habla erpdgnol mais parceque tout
porte un cachet espagnol le type de la
population, sa langue, son costume, son
caractère.
Supplément
au
--"igpi.