Lourdes
Le pauvre Ph. de G. se lamente Jéré-
mie en sens inverse sur les malheur s fu-
turs du Parti Catholique Yprois, qui par
suite des élections communales, naturelle-
triomphantes pour lesgueux detout acahit
d'après lui bien entendu se trouvera être
sans représentation au Gonseil Communal,
chose qui ne serait pas arrivée,si les Chum-
bres avaient adopté la R. P. Quittez ces sou
cis, cher Prophéte car vous avez positive
mentle mauvaisoeilen fait de prévisionsélec-
torales. Dans tous les cas, merci pour vos
bonnes prophéties.
Dans un autre article, dans la scie homi
cide que nos bons gueux ont montée sur les
sorties de la grande Fanfare, la Lutte revient
aux 5000 personnes qui, d'après elle ont
suivi les Anciens Pompiers,de retour d'Os-
tende. Nous ne contestons pas qu'il n'y eut
beaucoup de monde derrière leur musique
ce soir Ik, mais 5000 personnes nous sem-
ble un peu exagéré.ll iaut faireobserverd'a-
bord,qu'ilfaisait fort beau ensuite nosgueux
avaient justement fait ce qu'il nous repro-
chent d'avoir fait pour amener du monde k
la station, nous savons de bonne sour
ce que des convocations ont été envoyées
aux membres des sociétés libérales
et puis dans la foule en question il y
avait un bon nombre de catholiques venus
lk par simple curiosité, sans penser k
mal, pour entendre les pas-redoublés.
D'ailleurs du moment que nos bons libé-
raux sont si satisfaits quand ils ont du
monde derrière leur musique, nous n'y voy-
ons rien k redire, pour notre part, nous pré-
férons un résultat favorable aux élections.
Ce que nous trouvons cependant béte
com me tout, c'est ceci Paree que les
musiciens libéraux sont allés prendre un
bain de mer.., qu'on envoie toute une ville
voir s'ils sont bien lavés
Et ii propos de tous ces cris de triom-
phe d :s organes gueux et de ces prétendus
5000 manifestants, nous pourrions objector
qu'k la fète du quartier St. Pierre, que la
Lutte et tutti quanti faisaient passer d'avance
pour une fête de Calotins, il y a eu au bas
mot 40.000 personnes. Si nous voulioris
done tirer de ces ctiiffres un pronostic élec-
loral, nous pourrions dire, puisque la ville
compte vers les 15.000 habitants, que nous
avons ii peu prés les deux tiers de la ville
avec nous.
En tous cas dans deux mois on
verra qui, selon la dicton, rira bien qui
rira le dernier.
(Suite.)
J'ai essayé, pour autant que la chose était
possible.de donneraux lecteurs du Journal
d'Ypres une idéé de ce quest Lourdes. Je
voudrais leur dire bien des choses encore, je
voudrais notamment leur parler des Beiges k
Lourdes, dire par quelles émotions j'ai pas
sé lorsque, pendantcinq jours, j'ai vu le soir,
du haut de la montagne, leur masse impo
sante se dérouler en cortège interminable ii
travers la vallée éclairée par ieurs flambeaux.
Je voudrais répéter les louanges recueillies
ii l'adresse des Beiges dans la bouche de
maint pélerin d'autre nationalité. Je voudrais
dire combien il faisait bon entendre ici pen
dant quelques jours une autre musiqued'église
que celie k laquelle nous sommes habitués ii
Ypres. J'aurais k ajouter k ma description
sommaire de Lourdes une foule de détails
destinésk mettre encore davantage en relief
l'exlrême originalité de Lourdes.
Mais de quel intérêt peuvent être les dé
tails de caractère profane quand de toutes
parts éclate triomphant le religieux et le sur-
naturel Et qu'importe aussi qu'un groupe
de ces innombrabies pélerins portat Ie nom
de Beiges
On remarquait bien dans cette foule une
grande diversité de langues et de dialectes
tel jour il pleuvait des Flamands, tel autre
jour des Bretons mais ce qu'on remarquait
bien mieux encore, c'est qu'il n'y avait lk
qu'un seul peuple rangé sous les deux mêmes
bannières de Marie et de l'Eglise. Et juste
ment ce qui fait toute la grandeur des mani
festations de Lourdes, c'est l'admirable union
qui règne lk entre les nations et les races les
plus diverses, voire les plushostiles chez el-
les. A Lourdes comme au Giel on ne connait
qu'un seul Roi et une seule Reine.
Laissons done lk la note chauvine aussi
bien que la note profane, et s'il nous reste
quelques notes k ajouter, qu'elles ne soi tent
plus du domaine propre du Lourdes de la
Grotte.
Avant de dire adieu pour un an,
cette terre bénie, nous avons cru utile de ré-
pondre k une question que se sont posée de-
vant nous plusieurs de nos compagnons de
pèlerinage et que se posent du reste la plu
part de ceux qui vont k Lourdes Comment
se fait-il qu'il se puisse rencontrer des Zola,
des atbées, des libres penseurs de toute
espèce qui aient le courage, l'audace de nier
en face de la Grotte le surnaturel qui s'y
affirme k toute heure avec une puissance ir-
résistible
Pour cela commen^ons par faire une visite
k la maison de Bernadette.
A l'angledu Boulevard de la Grotte et de
la rampe de la rue du Bourg, une courte
ruelie descend le long de cette dernière
rampe et conduit au bout d'une vingtaine de
mètres k une maison de la plus modeste ap-
parence c'est la maison paternelle de Berna
dette Soubirous c'est Ik qu'elle habitait k
l'époque des apparitions. Dans une cham-
brette basse et obscure de l'étage on remar-
que tout d'abord un pauvre lit protégé par
un treillage contre le pieux vandalisme des
pélerins. Déjk de nombreux éclats de bois
ont été enlevés du bois de lit et emportés en
guise de i eliques. C'est dans ce lit, en effet,
que coucba la sainte enfant dont le regard
fut assez pur pour mériter de contempler
face k face la plus pure des Vierges, la Reine
des Cieux. C'est dans ce lit que dut faire les
songesjes plus célestes l'immortelle Berna
dette. Tout autour sont rangés ou suspendus
des objets ayarit appartenu k la Sainte voyan
te, des lettres autographes, des portraits de
Bernadette k différents ages, des portraits de
familie, etc. Rien de plus touchant que
l'humble apparence de cette demeure, con
testant si vivement avec la grandeur des
événements dont la pauvresse k été l'instru-
ment. Rien de plus doux pour nous, démo-
crates chrétiens, que de constater une fois
de plus que la Servante du Seigneur a
une prédilection manifeste pour les humbles
et les petits et qu'elle semble dédaigner les
riches, comme si tous les riches participaient
de la tare de ceux dont il est dit qu'il leur
sera plus difficile d'entrer au Ciel qu'au cha-
n.eau de passer par le trou d'une aiguille.
Bienheureux les pauvres Bienheureuse
Bernadette
Zola a visité cette pauvre demeure et lui
qui devant la Grotte n'avait pas voulu ou
plulót n avait pas su fléebir le genou, Zola
ici n'a pu retenir un éloquent aveu. 11 s'est
avoué profondément touché et frappé.
Cette chambre, a-t il dit, est un nouveau
Beihléem, le Betbléem de l'Occident. Et
comme Henri Lassei re, qui l'accompagnait.lui
faisait observer qu'urte chose serait plus éton-
r.ante que tout le reste c'est qu'entre cette
obscurité et ces splendeurs, entre ces ténè-
bres et cette gloire qui remplit et fait courir
le monde, il n'y eüt eu qu'un enfant qui fut
folie et hallucinée. Cela est trés vrai, ré-
pondit-il vaincu II faut compter l'au-dela.
Bernadette m émeut el m'intéresse plus que
je ne puis vous dire.
Et dans un autre entretien qu'il eut avec
1 illustre guéri de Lourdes, il lui dit textuelle-
ment Saus être devenu un croyant, je
vois k Lourdes ce que j'étais loin de soup-
gonnerune terre de consolation, d'espé-
rance, même de guérison pour des multitu
des de malheureux, d'endoloris, de malades.
C'est un point culminant, une oasis de ce
monde. Y pot tei atleinte en quoi que ce soit
serail un crime de lèse-humanité. Je vous
promets, M. Lasserre, que pas un mot de
moi ne sera de nature k affliger les amis de
Lourdes,
Ce crime, Zola ne la pas moins commis,
et cette déclaration, qus rien ne le contrai-
gnait k faire, flélrira éternellement l'ceuvre
du parjure.
Pourtant, se dira-t-on, si Zola était capa
ble de pareil aveu dans la maison de Berna
dette, comment se fait-il que devant la Grotte
il n'ait pas, avec l'Univers prosterné, planté
le genou en terre et enlonné k son tour Ie
Credo de la foi
J'ai compris dans la maison de Bernadette
Ie pourquoi de cette énigme. Zola, ici, se
trouvait encore dans un milieu accessible k
son intelligence. Ici ce n'était encore que
l'humanité, le second terme de cette sublime
relation entre le Ciel et la terre. A la Grotte,
le fangeux écrivain ne voyait plus rien. Pour
croire il lui eüt fallu la grkce, car la Foi est
un don de Dieu. Oui, si éclatant, si manifes
te que soit k la Grotte l'au-dela, ne le voit
pas qui est indigne de le voir. La bouo dans
laquelle se vautre le romancier naturaliste
maintenait devant son regard un bandeau
épais que la grace seule pouvait déchirer.
J'ai eu l'occasion, l'autre soir, k la Grotte de
me rendre compte de ce fait.
Une foule immense était lk rassemblée
priant en silence. Survient une troupe d'es-
prits forts qui, se sentant le coude, gardent
une attitude des plus irrévéreniceuses, et
s'amusent ostensiblement de la foi vive et
simple de ceux qui les entourent. Pourtant
bientöt trois ou quatre d'entreeuxse reti-
rentil en reste deux dont l'un surtout affec-
te une pitié dédaigneuse. Mais voilk que
s'élève imposant et pénélrant un de ces ad-
mirubles cantiques que chantent les péle
rinset ausitöt, comme mü par un
ressort, notre brave perdaritsubitement toute
sa cranerie, s'arrache le chapeau qu'il avait
gardé jusque lk sur la lête. J'ai cru un ins
tant qu'il aurait fini par fléebir lui aussi le
genou. Erreur. S'il se découvrait, c'élait par
poltronnerie il n'en était pas devenu subile-
ment plus croyant. Et continuant k l'obser-
ver, je le voyais prier k sa fapon en s'amu-
sant k couver de ses regards voluptueux les
jolies brettonnes en prière qu'il remarquait k
ses cótés. Ce n'était qu'un Zola et comme lui
il ne pouvait pas croire parcequ'il n'avait que
des yeux de chair pour voir.
Mais enfin, me dira t-on, Zola durant son
séjour k Lourdes a assisté comme tout le
monde k quelquesunes de ces guérisons que
la science humaine est incapable d'expli-
querC'est vrai, et il y a même plus que
cela. Zola a assisté k Lourdes k un miracle
digne de ce miracle permanent de l'Eglise du
Christ toujours debout et toujours triompban-
te au milieu des guerres d'extermination que
lui livrent, k travers les ages, le paganisme,
l'bérésie et l'impiété. II a vu ie monde entier
affluer en un mouvement incessant vers une
grotte insignifiante oü, il y a 37 ans, une
pauvre enfant de 14 ans prétendit avoir vu
une Madame que nul autre n'a vue et fait cou-
ler une eau merveilleuse dans laquelle la
science ne relève aucune vertu curative ap-
préciable.
Des miracles Ah certes, c'est lk ce que
les rationalistes réclament, exigent avant de
consentir k rendre les armes. Mais, 6 juste
cbktiment de leur orgueil Ils ne s'aper$oi-
verit pas qu'en substituant au miracle les lois
de la nature qu'ils avouent ignorer, ils affir-
ment ce qu'ils ne savent pas en discutant
ce qu'ils ne comprennent pas, ils se mettent
eux-mêmes en dehors des lois de la nature,
ils opèrent un miracle d'illogisme et de sot-
tise.
Un vrai miracle encore c'est la confiance
que tous les savants rationalistes témoignent
maintenant k la philosophic de Zola, eux qui
jusqu'ici étaient loin de faire ce cas lk de la
science de ce romancier, perpétuellement
tenu k 1 ecart de l'Académieet dont le plus
clair bagage scientifique est la scatologie.
L'ignorance eul-elle jamais plus de crédit
au prés des savants Parceque Lourdes les
confond, ils le egardent en souriant et ils
croient oh avec quelle foi vive, cette
fois que leur sourire arrêtera des gué
risons qui les irritent et fera cesser les
chants de reconnaissance que des milliers
de guéris entonnent nuit et jour au pied de la
roche Massabielle
Mais ce qui est plus phénoménal encore
c'est le dégré de lidicule auquel la libre-
pensée aux abois prélère souscrire plutöt
que de s'avouer vaincue. En constatant que
l'histoire abonde en faits miraculeux, Rerian
ajoutait ironiquement ils ne se passent
pas dans Tendroit qu'il faudrait....
Et voilk que de ce cóté-lk encore Lourdes
confond l'apostat et tous ses congénères.
Sans doute, lorsque il y a 37 ans, cette
nouvelle parvint aux oreilles des athées du
monde entier, que dans une localité perdue
des Pyrénées, une enfant de 44 ans préten-
dait avoir vu et entendu k diftérentes reprises
la Vierge restée invisible pour toute autre
personne, sans doute ils avaient beau jeu
pour t'ire et pour nier. Mais les circonstances
ont changé. Lourdes n est plus le coin déser
et perdu de jadis. La libre- pensée a jugé
nécessaire d'y dresser ses batteries les plus
fonnidables et obligé le Ciel k ne pas guérir
sans avoir prouvé qu'il ne recourait point
k la supercherieet aujourd'hui ce n'est
plus devant la seule Bernadette, c'est devant
des milliers toujours renouvelés de specta-
teurs, croyants ou incrédules, que le Ciel
fait éclater au grand jour sa puissance. Et
c'est ainsi que répondant k leurs voeux d'une
facon inattendue, le Fils de Marie a fait
de Lourdes, k la fin du siècle le plus scien
tifique et le plus sceptique, l'amphithéatre
que la science rationaliste exigeait pour ren
dre hommage k la Diviniié. Le Guérisseur
tout puissant s'est présenté, il opère jour-
nellement devant la science médicale ras
semblée, mais l'hommage ne suit pas tou
jours. Encore une fois, pourquoi se
demandent une foule de pélerins k Lourdes.
Et toujours il n'y a qu'une réponse k
faire c'est que la science seule est incapa
ble de donner la foi k ceux qui ne se rendent
point dïgnes de la posséder. Quel temps fut
jamais plus fertile en miracles que celui oil
le Fils de Dieu s'étant fait homme parcou-
rait la Judée en faisant éclater k chaque pas
sa toute puissance Et pourtant cette appa
rition du Fils de Dieu en un miracle perma
nent ne fut visible qu'aux ames droiteset
simples, elle resta cachée aux esprits retors
et superbes tels que les Pharisiens.
Aussi en est-il du miracle de l'Eglise du
Christ élernellement debout sur le roe. Com
me le premier, il reste invisible pour l'or-
gueilleux qui cherche sa lumière en lui même
et refuse de la recevoir du dehors. Ainsi en
est-il encore k Lourdes. Semblable au roe
de Pierre sur lequel le Christ batit son Eglise,
la roche Massabielle oü Marie posa le pied
reste,elle aussi,perpétuellement debout et re-
garde triompbante la pioche des démolisseurs
qui se brise journellemenl contre elle.
Et si ce miracle permanent ne réussit point
a les convaincre, c'est que ce miracle, pas
plus que les autres, ils ne sauraient le voir.
11 n'y a rien de plus simple que le miracle
une fois admis Dieu. On croit ou on ne croit
pas en Dieu tout est lk. Lorsqu'on croit en
Dieu et k la parole de Celui qui a communi
qué k la prière quelque chose de sa toute-
puissarice, on ne trouve plus le miracle
impossible, on ne le considère plus même
comme une dérogation véritable aux lois de
la nature car la première loi de la nature
c'est Ia tobte-puis. ance de Celui qui l'a créée
et la première règle de l'univers c'est l'ac-
complissement de sa Sainte volonté.
Lk oü la science orgueilleuse se heurte et
se confond, dans une colère impuissante,
l'humble, le simple d'esprit voit plus clair
que tous les philosophes et tous les génies.
Les miracles sont pour les croyants, et pour
les hommes de bonne volonté. Et si Celui
qui les opère ne leur donne pas le plus
souvent ce caractère d'évidence que récla
me hypocriiement l'impiété, c'est pour lais
ser k ceux pour qui 11 les fait le mérite
de la foi.
Voilk quelques reflexions dont j'ai cru
utile j'ai dit pourquoi de faire suivre
mes courtes impressions sur Lourdes.
Et maintenant, adieu au plutót, au
revoir lieux bénis oü nous venons de
passer quelques jours des plus heureux de
notre vie
Adieu bords enchanteurs du Gave no
ble vallon dont Ia Reine des Cieux elle-
même a daigné faire son séjour terrestre
de prédilection Puissions nous avoir le
bonneur de nous retrouver ici chaque an-
née, pour y retremper notre Foi, y rani-
mer notre courage, y réchauffer notre zèle
au spectacle, des plus sublimes et des plus
louchantes manifestations de la Foi et de la
piété chrétiennes
Puisse aussi le groupe Yprois des amis de
Lourdes s'accroitre si rapidement que dans
quelques aunées on n'entende plus seulement
les autres pélerins se dire entre eux écou-
tez comme ils chantent, voyez comme ils
prient, ce sont les Beiges mais qu'ils se
disputent les entrées de faveur k la Basi-
lique ou au Rosaire, k l'heure des offices
réservés aux Yprois.
Puissent enfin le Gave aux ondes mugis-
santes, les majestueuses Pyrénées, et ces
allées ombreuses et ces sanctuaires vénérés