t' Ag£ Samedi 15 Avril 1896 10 centimes le N°. Les tabacs au Sénat. On s'abo'nne rue d.u Beurre, 36, k Ypres, et Le JOURNAL iD'YPRES parait ia Mercredi et le Samedi. Le prix de l'abonnementpayable par anticipation est Je 5 fr. 50 c. par an pour tout le pays; pour l'étranger, le port en sus. Les abonnements sont d'un an et se régularisent fln Dócembre. Les articles et communications doivent être adrosses franc de port a l'adresse ci-dossus. k tous fes bureaux ue paste du rovaume. Les annonces content 15 centimesla ligne. Les réclames daas !e corps du jonrna pour 30 centimes la ligne. Les insertions judiciaires1 franc la ligne Las nunparos supplé- mentaires coütent 10 francs les cent exemplaires. Pour les annonces de France et de Belgique excepté les 2 Ftandres), s'adreaser 4 ï'Agenae Havas Bruxelles, rue de la Madeleine n° 32 et a Paris, 3, Plac.e de la Bourse. Nous reproduisons aujourd'hui, d'sprès les Annales Parleraentaires, les etcfellentes observations présen- tées par notrë Sénateur provincial, l'honorable M. Struye. dans la discus sion de la loi sur le régime fiscal des tabacs. Nos lecteurs savent que la loi a été votée au Sénat telle qu'elle avait été adoptée par la Chambre des re- présentants —par 64 voix contre une et deux abstentions. M. Struye. Messieurs, je compte émet- tre un vote favorable au nouveau régime fis cal des tabacs.Je vais enexposer les raisorts; elles ine paraissent décisives. L'accise telle que la loi de 1883 l'a orga- nisée, portant sur la culture du tabac, por te k faux elle est placée sur une fausse base. Elle porte sur le uombre de plants ellne tiern aucun compte de leur rendement. Que le plant rende beaucoup, qu'il rende peu, l'impót reste invariablement le même. Or, nul produit n'estplus variable que le tabac, nul nVst plus k la merci de tous les accidents atmosphériques nul non plus n'exige plus de frais, plus d'engrais, plus de main-d'oeu- vre. Dans l'arrondissement d'Ypres, que je connais paniculièrement, et l'on m'assure que presque partout il en est de même, il y a des ahnées le rendement ne repré- sente pa's 30 grammes par plant il y a aus- si, de loin en loin, mais c'est tout k fait exceptiórmel, une année oü le plant douné jusque 100 grammes mais la moyenne du rendement est bien inférieure k la moyenne de ces deux extrêihes.car les récoltes mé diocres ou mauvaises sont bien plus tréquen- tes que celles qui sont bonnes. Bref, sous le régime de 1883, même de- puis les afténuaiiotis trés considérables 'qui y ont été successivement apportées, les planteürs sont astretnts k une accise qui flotte entre 15 ét SO francs par 100 kilogram mes de produit. Fluctuation absurde, éven- tuellement ruineüse.et d'autant plus absurde que toujours l'impót augmente k mesure que la matière imposable diminue. Mais ce qui est plus absurde et plus odieux encore, c'est que, en casde grêle. d'inonda- tion ou de quelque autre calamité de force majeure, le planteur, aux termes de la loi de 1883, ne peut être exempté de la taxe de 1 centime et demi par plant qu'en anéantis- sant les plantes avariées quelle qu'en puisse encore être la valeur. Ainsi, dans nos grandes cultures, en sup- posarit 40.000 plantes avariés, ce qui re- présente la contenance de 1 hectare k 600 francs d'accise, le planteur doit détruire les 40 000 plants pour ne pas avoir k payer ces 600 francs d'accise, alors même que la valeur raarchande des plants s'élève encore k 600 francs II doit anéantir le fruit dé son travail et le seul et bien insuffisant. élément de recouvrement pour le loyer, pour l'impót foncier, pour tous ses frais de culture il doit tout saerifier, en pure perte, sans profit pour le fisc ni pour personne. Get abomina ble régime doit prendre fin 1 Mais, messieurs eet te destruction éven- tuello de tout le produit d une culture et la fluctuation absurde et ruineuse de l'accise payóe sur le plant ne sont pas les seuls vices capilaux de la loi da 1883. Elle a laissé le champ librek l'introduction frauduleuse des tabacs étrangers. Or, depuis queiques années surtout, cette fraude eflfréiiée el toujours grandissante fait une cöQcufreuce, qui menace de devenir rnortelle pour la culture indüstrielle, pour riotre fabrication et pour tout notre commer ce régulier de labac. II est, en eftet, notoire que, chacune des dernières années, 3 k 4 millions de kilo grammes de tabacs exotiques out été fraudu- leusemefit introdutts. C'est ce qui ressort k toute évidence de la comparaison du chiffre de la consommation beige avec le montant de la production beige et de l'importation réguliè're: l'excédent du chiftre de la consom mation nous indique le montant de la fraude. Et notez bien, messieurs, que presque tous ces tabacs fraudés Sont de qualitésimi- lairé stix riötres, car l'on n'expose guère les tabacs riches aux confiscations de la douane. 3 k 4 millions de tabacs fraudés sont don'c venus, chaqüe année, faire directement con currence aux nótres, encombrer notre mar- ché et en avilir le prix Et, de plus, dans une trés large rnesure, ilsont empêcbé l'exten- sion de nos cultures et privé ainsi de travail et de ski ire des milliers de nos ouvriers agricoles. Mais si. les tabacs fraudés nuisent k nowe cèlture, il nuisentaussi k notre fabrication. Nos fabricates et. leurs ouvriers y perdeot égaleraent leurs bénéfices ou leur salaire.Et, kcause des tabacs fraudés, nos fabricates _l.es plus honnêtes ne se tróuvent-ils pas en état d-infériörité vis-k-vis de concurrents qui le sont mofos Tout comma nos négociants qui ne veuleut pas se four'nir chez les fraudeurs doivent faire k leurs clients des prix plus forts que les aulres. Voilk, messieurs, la situation qui nous est feite par la fraude. Nos cultivateurs et les ouvriers agricoles, nos fabricants et leurs ouvriers, ainsi que nos négociants en tabac, tout le monde sen plaint et en souffre. Le nouveau régime qui nous est proposé y appot tera-t-il remède? Gela est évident pour tous et il supprimera, de plus, toute une série d'autres misères donl je vous ai déjk signnlé les principales. Voyons d'abord les effets directs du régi me proposé. La nouvelle accise portera non plus sur une matière incertaine, irréalisée et souvent, irréalisablo et riéanmoins invariablement re- devable de l'impót, l'accise rie frappera do- rénavant que les tabacs récoltés, les tabacs li'vrés entre les mains des commerpants et des fabricants. Le planteur n'a plus rien k dérnê Ier avec le fisc. Si l'accise peut encore avoir quelqu s influence sur la culture, ce n'est plus que par conti' coup, par répercussion; seuls les prix que le planteur obiierrdra de ses produits pourraient en être plus >u moins afïectés. Les commerpants, les fabricants seront taxés d'après le poids des tabacs secs red«- vables d l'accise. Saus douie, cette accise nouvelle, comme toute gcoise, ne pourra être appliquée sans quelque désagrément pour ceux qui doivent la subir mais il y en aura beaucoup moins et ils seront bien moins graves que sous l'accise ancienne et les commerpants et les fabric nis se rappelleront que la suppression ue la nélaste fraude nest qu'k ce prix qu'k cette suppression eux-mêmes profiteront largement, et que, la fraude éliminée, pour eux rien n'est plus facile que de reprendre sur le cliënt et le consomrnateur tout ie mon tant de l'impót. lis se souviendront, de plus, que, sur les tabacs exotiques non fabriqués iis ne paye- ront pas un centime de plus. lis payaieut 70 francs de droit d'enirée: ils payeront encore 70 francs, dont 55 seulement pour droit d'entrée et 15 francs comme droit d'accise. Enfin, il est k noter que, sous le régime nouveau, nos fabricants seront protégés con- Ire la fabrication étrangère des cigares et cigarettes par un droit d'.êntrée de 600 francs au lieu de 300 francs et par 120 francs au lieu de 100 francs contre les autres tabacs fabriqués au dehors. Quant aux conditions faites aux négociants pour les tabacs fabriqués k l'étranger, il fe;ur sera au moins aussi facile de reprendre sur leurs clients la majoration de ces droits'd'en trée que de reprendre sur eux le simple droit d'accise II n:y Rüra que les riches désormais qui consommeront les tabaes dont l'impót est majoré. Messieurs, après cel aperpu général des conséquences directes du régime nouveau, je crots qu'il importe encore de metire au grand jour Les avantages indirects que ce régime procurera k l'agriculture. Depuis 1883, elle a été la victime du sys- tème de M, Graux. Les ministres des finan ces qui lui ont succédé ont eu beau s'appli- quer k amender le syslème, il est resté radicalement mauvais. Je remercie le chef actuel du cabinet de vouioir le réformer ra dicalement. En délivrant nos cultures de tabac de l'ac cise telle qu'elle élait perpue, la loi nouvelle fait dispuraitre du même coup tous les désa- gréments, toutes les vexations, toules les in justices que sa perception amenait avec elle. Désormais, plus de déclaration de plants, dont le dénombrement, souvent difficile, prêtait aux contraventions et k de formida- bles amendes plus de cautionnemeuts sou vent pénibles k trouver et k fourntrplus de payeraents anticipalifs sur une récolte incer taine; plus rien de cette accise, payée par plant, dont le montant, quand nous le cal culous sur le rendement réel, augmentait précisément en mesure de la diminution de la matière imposable enfin plus rien de eette disposition iutolérable el barbare qui obli- geait k la destruction d'une partie ou de la to- talité de la récplte, du moment que sa valeur marebande n'atteignait pas le montant de l'accise, cette valeur s'élevat-elie, comme limpót, k plus d 600 francs ['hectare! D ns la loi qui nous est proposée, plus rien de semblable. Non seulement la loi nouvelle affranchira le planteur de eet odieux et absurde régime, mais elle lui reslituera en même lemps toute liberté concernant ses procédés de culture. Désormais le planteur pourra cultiver son tabac sans cette préoccupation funeste de pousser la plante k son plus extréme déve- loppement. G'élait auxyeux de la généralité, le seul moyen d'atténuer l'impót au plant. Mais malbeureusement cette fapon nejprofitait guère; le plus souvent le tabac y perdait en qualité cc qu'il acquérait en quantité; et au lieu de gagner en délicatesse, en arorne, au lieu de s'approprier k tous les goüts et k ious les usages, il était rendu ainsi de pius en plus impropre k la fabrication et k un usage généralisé. Désormais done nos planteürs cultiveront k leur convenance. et rien ne les etnpêchera plus de tirer profit des enseigne- ments de la science, de leur propre expé- riènee et de cel le d'autrui, en un mot, des progrès réalisés ehaque jour dans le do- maine agricole. Qu'il en soit ain.si,et,comme par la loi nou velle,nos tabacs seront deiivrés de toute con currence fi'audul.euse et qu'ils seront admis k I exportation avec décharge <je Tgccise, leur placement sera dorénavant plus facile et leubs prix plus réinunérateurs. Puissent, dans ces conditions nouvelles, nos plantations s'étendre et se multiplier Quel grand bienfait ne serait ge pas pour notre agriculture et pour toute notre popu lation agricole Nulie autre culture, en cffet, n'enrichit.ne fertilise amt'.viB ,1e scrI et. ne prépare mieux aux jssolements subséquenis bien réglée elle assainit et reud de plus en plus produc tive toute une exploitation agricole. Nulle autre culture non plus né donna lieu k au- tant de main d'ceuvi'c et n'assure; tout le long de l'été et dans l'arrière saison aux femmes, aux vieillards et aux enfants, un travail aussi abondant et aussi convenable- iinent rémunéré. Enfin, messieurs, nulle culture n'est plus accessible aux petits et aux humbles. Pour peu qu'ils disposent de quelque coin ae ter- re, ils ont, pour le tubac, sur le commun des cultivateurs, le trés {rand avantage de pou- voir, sans bourse délier, trouver dans leurs engrais domestiques tout ce que requiert cette si avide plantation, et do pouvoir sufifi- re, k leurs heures de loisir, par les bras de leur ménage, aux soins si multiples que re quiert la plante Pour les petits et les hum bles, la fibre culture du tabac est une res source précieuse,qui peut ainéltorer considé- rablement leur .sort. Je voterai done, pour toutes ces considé- rations, le nouveau régime fiscal du tabac, et je Ie voterai dautant plus volontiers que la ioi établit des exemptions de charges au piofit de tous ceux qui peu vent le moins les supporter et qu'elle exempte du droit d'acci se les tabacs séchés, fabriqués ou non fabri qués, qui existeront dans le p.iy3 au moment de la mlse en vigueur de Partiele 3 de la loi. Je le voterai aussi paree que le gouver nement est disposé k appliquer la surveil lance nécesssn e de la tnanière la moins tra- oussièi e possible et que la loi assure au com meren et k (industrie toutes les facilités et. tous les avantages compatibles avec l'étimi- nation de la fraude, cette calamité dont la culture, le commerce, l'industrie et le tra vail national n ont que trop soufïert J'ai dit. i i

HISTORISCHE KRANTEN

Journal d’Ypres (1874-1913) | 1896 | | pagina 1