Réparation Judiciaire.
Mercredi 29 Juillet 1896. 10 centimes le N°. 31 Année. N° 3166.
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En cause de
1°) Dame MÉLANIE HARDEMAN, veuve i
de Monsieur Edmond Camerlynck, brasseuse, i
agissant en nom personnel et comme mère
et tutrice légale de ses quatres enfants mi- j
neurs, Lucie, Irma, Alice, et René Camerlynck i
2°) Monsieur l'abbé ACHILLE CAMER-
LYNCK, étudiant en théologie k Louvain
3°) Monsieur ARTHUR CAMERLYNCK, J
brasseur, tous domiciliés k Renirighelst, i
demandeurs .représentés par Maitre Colaert,
avoué k Ypres.
Contre
Le sieur CHARLES BRAEM, canionnier,
demeurant k Reninghelst, défendeur détail- i
lant.
II a été statué comme suit
Revu le jugement du vingl Irois Novembre
mil buit cent nonante quatreensemble, le
procés-verbal de l'enquête du '.rente Janvier j
mil buit cent nonante-cinq
Attendu que ledit jugement a primo
déclaré mettre bois de cause 'c défendeur
Minnekeer, sans frai;et, en ce qui concerne
Ie défendeur Braem, secundo dit pour droit
que l'article ii criminé renferme une imputa
tion dommageable pour ceux qui en sont
l'objet; qu'il y a, done, lieu k réparation, j
pourautant que cetle imputation se rapporte
k des personnrs suffisamment désignées; j
mais, avant faile droit, au fond, admis les
demandeurs, k prouverp-r tous moyens de
droit, témoiüs compris, une séiiedesept
faitsqu'il a déclarés pertinents, relevants et
concluants qu'il reste done k examiner, j
après l'enquête, si les imputatations Comma- j
geables se rapportent k des personrtes déti r- j
minées parmi les demandeurs et, en cas
d'affirmative, k apprécier la nature et l'im-
portance du domraage causé; enfin, k statuer
quant aux dépens
Mais attendu qu'au cours de l'enquête,
Maitre Laheyne pour le défendeur Braem. a
déclaré recuser le premier témoin Jules
Derycke parce qu'il est Ie frère de Dame Julie
Derycke, veuve de Constant Desmarez, laquelle
a été suffisamment dési née sous la qualifi
cation de vrijfstake van 0 Pattate's et
qu'il échet, par conséquent, de statuer, pré-
alablement, quant k ce reproctie
I. Attendu que, s'il resulte des déposi.
tions des quatres témoins Jules Derycke,
Pierre Plancqueel, Aloïse-Julien David et
Louis Vandermarliere,que D ime JulieDerycke,
veuve Constant Desmarez, est, pour les habi
tants de Reninghelst, suffisamment désigriée
sous la qualification de de vrijfstake van 0 j
Pattate's et que cette qualification de
vrijfstake emporte, par sa signification,
une imputation attentatoire k la moralitéet k
l'honorabilité de la personne, k laquelle elle
s'applique tandisque la lecture, du passage j
de l'article incriminé, se rapportaut au per-
sonnage désigné sous le sobriquet de
Kobbe et k la vrijfstake van 0 Pattate's
et eongu comme suitJan Straal vertrekt
van daar, alden gierigaard, een beetje ver
de brug, ziet hij er twee zitten onder eenea
bollaard, die, bezig waren met eenen pater
noster te lezen; Jan gaat eert beetje dig-
ter om ze te herkennen het was de Kobbe
met de vrijfstake van O Pattate's prouve
qu'il renferme une imputation attentatoire k
la moralité de dame Julie Derycke, veuve
Desmarez, cette dame nest point partie en
cause et n'a point deinandé réparation du
prejudice, tout au moins moral, causé
II Au fond
Attendu qu'il est établi, sans conteste pos
sible, par les dépositions forraelles de tous
les témoins de l'enquête
Primo :que les imputations contenues en
l'article incriminé, visent la familie de teu
Monsieur Eüouard Camerlynck, habitant ou
ayant habité le hameau de l'Ouderdom
sous Reninghelst
Secundo Que l'imputalion s'adressant au
doofven zaliger van den Ouderdom vise,
en ré alité. Monsieur Edmond Camerlynck,
épouxet père des demandeurs, leqiel habï-
t lit le hameau lOuderdom du cö'é du
Gierigaard y est décédé était affecté
de surdité; ei était connu, k Reninghelst,
sous la qualification du doofven van den
Ouderdom.
Tertio Que l'expression Katoentje est
reconuue, a Reninghelst, comme étant une
qualification absolument injurieuse et signi-
■fiint femme de moeurs légères et de conduite
ia piéliensible que la qualification fransch
Katoemje» lenchérit encore sur la première,
et s'applique k une femme de la réputation
li plus mauvaise, puisque l'on dit k Renin
ghelst, de quelqu'uu qui est de mauvaise vie,
qu'il vit comme Dieu en France et que vi-
vre k la franpaise y signifie vivre bien plus
mal, qu'on ne vit mal en Belgique.
Quarto Que la demanderesse, dame
Mèlanie Hardeman, veuve Edmond Camerlynck,
est née k Locre, commum située a la fron-
tière fraripaise, et cons'dérée par eertaines
personnes comme région franpaise ayant,
d'ailleurs, des membres de sa familie en
France, a été désignée aux habitants de Re
ninghelst, sans qu'il puisse y avoir erreur
alors, surtoul, que l'expression a fransch
Katoentje figuic k cóté de la qualification
du «doofven van den Ouderdom» dans cette
phrase, nu dal is maar eene kleinigheid
racer, gelijk of gij dikwijls hebt hooien
zeggen dat den doofven zaliger, van den
ouderdom, eene gewijde belofte van zui-
verheid gezworen heeft met een fransch
«katoentje, waarvan de plante heden leeft
tn waakt.
Attendu qu'il résuite de la combinaisoo de
la phrase ci dessus, avee ct lie qui la piécè-
de daH3 l'article incriminé, que l'auteura
voulu insinuer, que le sieur Edmond Camer
lynck avait eu, avee h personne devenue, par
la suite, son épouse «het fransch Katoentje»,
des relations iilégitimés, dont il était né un
rejeton qui vil et porte depuis longtemps la
robe noire du prêtre que cela ressort de cé
que Pierre le Diablo fait remarquer, que,
jidis, quand un acte immoral était commis
dans une familie, les jeunes prêtres, qui
étaient aux études, étaient aussitöt renvoyés
chez eux, tandis qu'aujourd'hui, tout cela
n'est plus que bagatelle; ct que les jeunes
prêtres de cette catégorie sont tolérés de
quoi Jan Straal déduit, que le rejeion dont
s'agit est, done, Ie frère de «Kobbe». Ce
que confirme le Diable, cn disant«sans
doute et qui porte depuis longtemps la
robe noire
Ailendu que les témoins de l'enquête out
déclaré, sans hésitation, que l'expression
schouwvage: s de l'article incriminé est
employée dans le langage humouristique ct
trivial k Reninghelst, pour aire prêtres
etqu'ilsont aussi tous, de même que les
autres lec'eurs du «Toekomst»k Reninghelst,
reconnu que le rejeton provenant des rela
tions illégitimes du doofven zaliger van
den ouderdom avec, het fransch Kato tu
tje est bien certaiuement Monsieur l'Abbé
Achille Camerlynck d'oii la conclusion que
l'auteur de l'article a voulu accreditee la lé
gende que ledit Ab'-é Camerlynck serail en
fant naturel.
Attendu qua Ie fait relevé au numéro cinq,
des f-iits admis k preuve, dans le jugement
du vingt trois Novembre mil buit cent no
nante quatre, est, conséquemment, établi
comme les précédents
Attendu qu'il est prouvé cue l'abbé Achille
Camerlynck a deux frères, Arthur et René, ce
dernier encore mineur, et qu'il est établi par
l'enquête que le remier, Arthur est surnom-
mé k Reninghelst da Kobbe, k cause da
la manière dont il poite habituellement les
cheveux, sur le devanl de la tête, en guise de
crètedecoqcu de fiupp el qu'il n'est pas
douteuxque l'auteur de l'article inciiminé.le
désigné aux lecteurs du Toekomst k
dernarideur Arthur Camerlynck, comme ayant
été surpris, nuitamment, prés du pont du
Gierigaard sous un lêtard de saule, en
conversation ou en relations amoureuscs,
avee Julie Derycke, veuve Desmarez; que cela
est d'autant plus clair que le peisonnage
qualifié «de Kobbe» estsignalé dans l'article,
comme flirtant «de vrijage slaande», le jour
avec une jeune fiile du chemin de Westou-
tre, (pai faitement reconnue par les témoin.
et ie soir avt c Julie Derycke. (de vrijfstake);
de some qua s'il rato sou amante du jour,
il s'octroie le bonlieur avec ses amours du
soir, mais que lout cela est parfait pour
Messieurs de la robe noire, c'est-k-dire,
Messieurs les Catholiques
Attendu qu'il se déduit des fails ci dessus,
que le dernarideur Arthur Camerlynck, est,
ainsi que teu son père, sa mère et son frère
Achille, vietime d'imputations calomnieuses
düment constatées
Attendu qu'il résuite, enfin, des déclara-
tions des quitre témoins de l'enquête,
Derycke, Planckeel, David el Vandermarliere
que Ic numéro du vingt quatre Février mil
hult cent nonante quatre du journal le
Toekomst a été vendu et distribué en
grand nombre d'< xemplaires. le Dimanche
vingt cinq Février, k la porte de l'Eglise, et
dans tous les cabarêts de la commune que
lesp orteurs et distributeurs criaient «het
nieuws van den ouderdom het nieuws van
den ouderdom door Jan Straal»; qu'ils
vendaient le numéro sux uns, le donriaient
gratuilement aux autres; qu'on le vendait
encore le Dimanche, suivant et que l'on
p. ut dire que, tout Reninghelst a iu l'article
incritiiir.é
Attendu que, de ce qui préeèie, il suit
que tous les hits dont la preuve a été or-
don née, out été düment éiabiis et qu'il est
j constant que les de mi odeurs out été. avec
clarté suffisante, désignés aux lecteurs
III. Quant k l'impórtacce du dommage
causé
Attendu que I s demandeurs n'établissent
i pas, ou n'ofifrent point d'é. blir, qu'ils ont
j souftert un dommage pécuniaire qu'il s'agit
done, ici, d'un dommage moral, leqn I doit
êtro surtoul réparé par la publication du ju-
j gemout declarant calomnieux et piéjudi-
ciable, l'article incriminé
IV. En ce qui concerns les dépens
Attendu que le jugement du vingt-trois
Novembre mil buit cent nonante quatre, a
mis lo défendeur Minnekeer hors cause,
sans frais, et que, par les conclusions du
sept Juin mil huit cent nouante cinq, Maitre
Laheyne, son avoué, a demandé distraction
des dépens qui conceruent lo détendeur
originaire, k charge des demandeurs, con-
formément k l'article cent trente trois du
code de procédure civile affirmant en avoir
fait les avanC 'S mais qu'il importe de re
marquer que ses conclusions principals
tendeot k ce que les demandeurs soient
déboutés de leurs fins avtc dépens
Attendu que Maitre Laheyne, ayant
forcé de prendre qualité aux débals pour
l'éditeur Minnekeer d'appeler l'auteur res-
ponsable, en garantie, et, de faire i'avance
de ces frais, pourrait, s'il n'avait demandé
la distraction de ces frais, k charge des de
mandeurs, se trouveren face d'un r'éfendeur
insolvable qu'il demaude done, de la part
du Tribunal, contre les demandeurs, une
condamnation au paiement provisionnel de
ces avances, vis-k vis du sieur Minnekeer,
saut aux demandeurs k récupérer ces frais,
contre le défendeur Braem, au cas oü celui-
I