Mercredi 24 Février 1897
32e Année. N° 3224
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Réparation judiciaire,
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Nous, LEOPOLD DEUX, Rui des Beiges,
k tous présentset k venir, faisons savoir
Lc Tribunal de première Instance, séant
k Ypres, Flandre Occidentale, a prononcé
le Jugement suivant
En cause Monsieur Emile DEWEERDT,
ouvrier-impritneur domicilie et derr-eurant
k Ostende, rue de la Chapelie, admis au
bénéfice de la procédure gratuite par Juge-
ment du Tribunal Civil d'Ypres, en date du
trente-et un Janvier mil huit cent nonante-
six, ayant pour avoué Maitre Ernest NOLF,
demeurant a Ypres
Contre Brunon CALLEWAERT DEMEU-
LENAERE, éditeur-imprimeur k Ypres, dé-
fendëur représenté par Maitre COLAERT.
Après une inutile tentative de conciliation
la cause a été introduite par exploit d'ajour-
nement de 1'buissier Louis BREYNE, en date
du deux Mars mil huit cent nonante-six
düment enregistré, et régulièrement portée
k i'audience du onze Mars mil huit cent
nonante-six oil Maitre Alfred LAHEYNE,
pour le demandeur, a pris les conclusions
suivantes, faisant suffisamment connaitre le
poiat de fait, et le point de droit
Atteudu que dans un article iriséré sous
la rubrique tentative criminelle dans lc
numéro du vingt-sept Novernbre mil huit
cent nonante-cinq du Journal d'Ypres (por
tanten marge la relation suivante Enregis
tré k Ypres deux roles sans renvoi le sept
Février mil huit cent nonante-six, numéro
cinquante-huit, folio trente-deux, case
septil est dii deux francs quarante cen
times. Le Receveur, (signé) E. Minnaert,
duquei Journal l'ajourné est éditeur respon
sible, il est relaté qu'k la date du vingt-einq
Novernbre mil huit cent nonante-cinq, vers
neuf beures et demie du matin, un coup de
revolver a été tiré dans une fenêtre d'une
dépendance du magasia de Monsieur Jules
BAUS, rue de Lille, numéro vingt-huit k
Ypres, que ce dernier se trouvait dans la
place avec son tailleur, Monsieur Jules
Spinnewyn, au moment ok le coup fut tiré,
que le coup est parti et ne peut être parti
que de la rnaison voisine occupée par le
sieur D
Attendu que le demandeur est ciairement
désigné dans l'article cornme devant ou
pouvant être l'auteur du prétendu méf'ait donl
Monsieur Jules Baus aurait pu être victime
Attendu que cette désignation se trouve
renforeée par la phrase Est-ce un com
mencement d'exécution des menaces qui
ont été adressées k plusieurs catholiques
avant et même depuis 1 election, Monsieur
Emile Dewéerdt étant notoiremént connu
comme libéral
Attendu qu'il est manifeste qu'en désig-
at-Dt It demandtut cc mme l'auteur picbable
ou tout au moins en faisant planer sur lui
des souppons de culpabilité, l'auteur de
1 article a agi méchamment et dans fintention
de nuire su demandeur en l'exposant au
mépris et k la haine de ses concitoyens
Attendu qu'il résultede l'enquête Judiciaire,
k laquelle il a été procédé, que rien ne peut
être reproché au dernandeur, puisqae l'en
quête a abouti k une ordonnance de non lieu;
qu'en consequence i'accusation dirigée con
tre lui est calomnieuse et difïamatoire
Attendu qu'il n'est point douteux que
l'article incriminé est dommageable pour le
demandeur, qu'il l'est d'autant plus qu'k
raison du commerce exercé par sa femme
et de la nécessité dans laquelle il se trouve
de eagner sa vie et celle de sa noinbreuse
familie, il lui importe de conserver intacts
sou hontieur et sa reputation
Attendu au surplus qu'en faisant passer
le demandeur comme capable d'exëcuter les
prétendues menaces qui auraient été adres
sées k plusieurs catholiques avant et même
depuis 1 élection, l'article incriminé a tendu
k le rendre odieux k ses concitoyens en
général et plus spécialement aux catholiques;
qui! a eu et aura puur conséquence certaine
de léser le dernandeur dans le commerce
exercé par sa femme en détournant de chez
elle une partie de la clientèle quelle avait
et pourrait acquérir
Entendre dire que l'article incriminé est
difïamatoire et dommageable,en conséquence
s entendre le défendsur condamner k payer
au demandeur la somme de deux mille francs
a titre de dommages-intérêls ou toute autre
k arbitrer par le Tribunals'entendre en
outre condamner k voir insérer le Jugement
k intervenir dans son journal Le Journal
d Ypres k deux reprises diftérentes sous
la rubrique Réparation Judiciaire et k ses
frais
Entendre autoriser le demandeur k faire
insérer le dit jugement dans tels aulres
journaux qu'il lui plaira et aux frais du
défendeur, frais récupérables sur simples
quittances des éditeurs d s journaux, ces
dernières insertions jusqu'k concurrence de
mille francs s'entendre condamner le dé
fendeur aux intéréts judiciaires et dépens,
le tout par jugement exécutoire par provision
nonobstant opposition ou appel et sans
caution Le iout recou/rable par voie de
coritrainte par corps. Action évaluée pour
la competence k trois mille francs.
Maitre Golaert, dans un écrit de conclu
sions signifié, en date du deux Avril mil
huit cent nonauie-six, et dont les motifs
sont tenus pour ici énoncés, conciut k ce
qu'il piüt au Tribunal débouter le demandeur
de ses fins avec dépens se réservant ie
défendeur d'établir par témoins que le
demandeur iui-raême a reconnu que le coup
ne pouvait être paru que de la fenêtre de
son grenier.
Maitre Laheyne, dans son écrit signifié
en date du vingt un Avril mil huit cent
nonante-six, dont les motifs sont tenus peur
ici reproduits, déclara persister dans ses
précédentes conclusions et dénier formelle-
ment que le demandeur eut jamais reconnu
que le coup de feu ne pouvait être parti que
de chez lui.
Maitre Laheyne setant retire comme avoué,
Maitre Ernest Nolf par acte d'avoué k avoué,
enregistré en date du huit Octobre mil huit
cent nonante-six et signifié k Maitre Colaert,
en date du six Octobre mil huit cent nonante-
six, se constitua avoué pour le demandeur.
Dans un nouvel écrit de conclusions dont
les motifs sont tenus pour ici reproduits et
qui fut signifié k Maitre Ernest Nolf, en date
du neuf Décembre mil huit cent nonante-six,
Maitre Colaert conciut k ce qu'il plüt au
Tribunal débouter le demandeur de ses fins
avec dépens et pour autant que de besoin
autoriser le défendeur k établir par témoins
que Ie demandeur lui-même a reconnu que
le coup ne pouvait être parti que'de chez lui.
Enfin dans un acte de répliques, signifié
en date du huit Décembre mil huit cent
nonante-six, Maitre Ernest Nolf conciut pour
les motifs ici tenus pour reproduits k ce qu'il
plut au Tribunal rejeter les conclusions tant
principals qu'incidentelles de la partie dé-
fenderesse et lui allouer hie et nunc k lui
demandeur les fins de son exploit introduc-
tif d'instance.
Ces conclusions et répliques lues a I'au
dience ont éié de part et d'autre régulière
ment signifiées.
Aux audiences des vingt-trois Octobre et
onze Décembre mil huit cent nonante-six,
parties ont développé leurs moyens et le
Tribunal, tenant la cause en délibéré, a
remis le prononcé au quinze Janvier mil huit
cent nonante -sept.
En droit le demandeur a-t-il été suffisam
ment désigné et a-t-il été diffamé par l'article
incriminé Y a-t-il lieu d'accueiilir ses con
clusions et dans quelle mesure Quid des
dépens? Sur quoi délibérant, le Tribunal,
après avoir entendu le ministère public en
son avis, rendit, k l'audicnce du quinze
Janvier mil huit cent nonante-sept, le Juge
ment ruivar.it
Attendu que Taction tend k ce que le
défendeur soit condamrié, même par corps,
primo k payer au demandeur, une somme
de deux mille francs k litre de dommages-
intérêts secundok publier dans le
Journal d'Ypres édilé par lui, le Juge
ment k intervenir et tertio aux frais, jus
qu'k concurrence de mille francs de l'inser-
tion de cette decision dans teis autres jour
naux qu'il plaira au demandeur
Attendu que cette demande est fondée sur
Ie prejudice que lui aurait causé Tarticie
insëré sous la rubrique tentative crimi-
nelle dans ie numéro du vingt-sept No
vernbre mil huit cent nonante-cinq, enre
gistré, du Journal d'Ypres
Attendu que le passage incriminé de eet
article est ainsi conpu Tentative crimi-
nelle Lundi matin, vers neuf heures et
demie, un coup de revolver a été tiré dans
une fenêtre d une dépendance du roagasin
de Monsieur Jules Bans, rue de Lille,numéro
vingt-huit. Monsieur Baus se trouvait dans
la place avec son tailleur, Monsieur Jules
Spinnewyn, au moment oü le coup fut tiré.
La balie du calibre douze, a traversé un
carreau de vitre, le rideau de la fenêtre et
est tombee prés de la cheminee. Le coup est
parti etne peut être parti que de la maison
voisine occupée par le sieur D.
Est-ce un commencement d'exécution des
menaces qui ont été adressées k plusieurs
catholiques avant et même depuis l'élection
Espérons que la lumière se fera et que le
coupable sera découvert
Attendu que le défendeur méconnait que
le, demandeur soit directemeut visé dans
Tarticie qu'il prétend que la maison du de
mandeur est seulement designee comme
devant être celle ö'oü le coup de feu est
parti, mais que ce coup peut avoir été tiré
par des ouvriers, des enfants, le pension-
naire du demandeur ou même par un intrus;
Attendu que si le demandeur n'est point
désigné nominativement dans Tarticie, on y
trouve des éconciations qui suppléent au
défaut du nom et que la généralité des lec-
teurs du journal n'a pu se méprendre sur
l'identité du demandeur qu'au surplus, l'al-
lusionest manifeste et les termes de Tarticie,
mis en rapport avec l'intitulé tentative cri-
minelle ne peuvunt laisser aucun doute
quant k Tintention de son auteur
Attendu que Tarticie incriminé contient
1 imputation d un fait précis de nature k por
ter atteinte k 1 honneur du demander et k
Texposer au mépris public
Attendu, en efïet, que le journal a repré
senté le fait de la balie qui élait venue s'abat-
tre, le vingt-cinq Novernbre mil huit cent
nonante cinq, dans la maison de Monsieur
Baus, non comme un accident, mais comme
tin attentat criminel perpétré par le deman
deur dans un moment d'exaltation politique;
Attendu que Tarticie incriminé représente,
done, le demandeur comme coupable d'un
fait odieux
Attendu que le défendeur excipe vainement
de sa bonne foi pour échappsr k la respon-
sabiiité de 1 insinuation difïamatoire qu'il a
publiée quen efïet, si ie Journaliste ale
droit incontestable de raconterkses lecteurs,
les accidents, méfaits et sinistres, il faut,
cependant, qu il n'accueille qu'avec une pru
dente réserve les bruits attentoires k l'hon-
neur d'uutrui
Attendu que, dans Tespèce, le défendeur a
négligé de prendre les precautions les plus