L'INCENDIE DU BAZAR DE CHAR1TÉ A PARIS. Saniedi 8 Mai 1897 10 centimes le N 32e Année. N° 3243 Les événements d'orient. On s'abonne rue an Beurre, 36, a Ypres, et k tous les bureaux ue poste du royaurae. Le JOURNAL D'YPHKS parait lo Mercredi et le Samodi. Le prix da l'abonnementpayable par anticipation est de 5 fr. 50 c. par an pour tout la pays; pour l'étranger, le port en sus. Los abonnements sont d'un an et so régularisent fln Décembre. Les articles et communications doivent étre adrossas franc de port l'adresse ci-dessus. Les annonces coütcnt i5 centimes la ligrte. Les reclames dans le corps du journal coütent 30 ccmimeB la ligne. I.es insertions judiciaires1 franc la ligne Las numéros supplé- mentaires coütent 10 francs les cent exemplaires. Pour les annonces da France et de Belgique exceptó les 2 Flandres) s'adresser YAgence Havus Bruxelles, rue de la Madeleine n° 32 et a Paris, 8, Place de la Bourse. Nous publierons, dans notre prochain numéro, le compte-rendu de la seance du Conseil Communal de Sainedi dernier. Les préoccupalions politiques s'évanouis- sent, en France, devant l'affreuse catastrophe qui vientde pioneer dans le deuil Félite de l'aristocratie parisienne. La mort, qui est toujours solennelle et dramatique, est particulièrement terriFiante, lorsqu'elle enlève en masse, d'un coup sou- dain, sans lui laisser une minute pour se reconnaitre et se préparer, une foule heu- reuse de vivre. Instinctivemsnt, les plus frivoles, témoins d'un pareil spectacle, joignent lés mains et prient Dieu de prendre en pitié ces êtres brusquemerit supprimés qui paraissent de vant son tribunal, dépouillés de tous les oripeaux terrestres, avec leurs seules actions et leurs pensées, qui doivent êlre jugées. Dieu, qui est toute miséricorde, voudra tenir compte ces victimes, du sentiment de charité qui les avait réunies dans cette fête, et qui devait alimenter des ceuvres créées pour sa gloire. II aura permis qu'un désir de suprème contrition lavat les fautes dont les ames d'un grand notnbre, peut-être, étaient souillées. Chrétiens, nous pouvons secourir ces ümes, abréger le temps de leur expiation, et forcer par nos prières les portes qui leur ouvriront le séjour do la paix... Récit d'un térnoin. Voici le récit qu'a fait M. Gangnard, ré gisseur des écuries Rothschild. II était environ quatre heures vingl mi nutes lorsque je vis une dame, qu'on m'a dit être la comtess? de Rochefort, sortir du Bazar et courir dans la rue en cri int Au eu Je regardai et je ne vis rien qu'un petit filet de furnée, une sorte de vapeur qui s'échappait de la toiture, vers le milieu de la construction. Je ne m'expliquai pas du tout l'affolement de cette personne quand, tout it coup, j'entendis une sourde clameur, des cris confus, puis non moins brusque- ment, je vis la toiture flamber comme un paquet d'allumettes. En même temps, ce fut comme un Hot humain qui roula dans la rue. La terreur était peinte sur tous les visages des dames avaient les cheveux brulés les vêtemenls d autres étaient roussis. De l'intérieur, la poussée était tellement forte qua dix dames tombèrent sur le trottoir, et toutes les autres leur passèrent sur le corps, leur écrasant la poitrine ou leur broyant les membres. Et les pauvres femmes criaientC'était navrant. Je me précipitai pour en relever quelques-unes maisje dus fuir moi-même. En effet, au moment oü je m'avanfais, des femmes complètement environnées de Ham mes se jetaient dehors en poussant de véri- tables hurlements et se roulaient sur la chaussée pour éteindre le leu qui les dévorait vivantes. Line dame dont je ne connais pas le nom eut le sublime courage, en s'apercevant que son enfant ne l'avait point suivie dans sa fuite, de remonter le courant bumain en mordant et en égratignant pour se frayer un passage et de rentrer dans la fournaise, d'oü elle n'est plus sortie sans doute. Puis des hommes parurent, les cheveux et la barbe roussis l'uu d'eux, le général Munier, avait ses \êtements qui flambaient sur son corps. Dans son afïolement, il entra dans la cour qui précède les écuries de M. le baron et, apeicevant une auge de pierre remplie d'eau, il s'y précipita. line quaran taine de personncs plus ou moins grièvement biCilées ou blessées vinrent se réfugier chez nous. Des dames dont les robes brülaient poussaient des cris ou se roulaient sur le pavé de la cour. 11 vim it l'idée d'un pale- frenier de les inonder avec une lance d'arro- sage, et c'esi ii cela que plusieurs victimes durent de ne point étre griilées toutes vives. E t présenee de eet épouvantabie mal heur, je me dis ce qu'il y avait de mieux faire pour le moment, c'était de donner des soins ii toutes ces pauvres femmes quel ques-unes étaient presques nues qui gé- missaient autant pour elles-mêmes que pour les êtres cheis restés dans le brasier. Je téléphonai l'höpital Beaujon pour deman- der des secuurs médicaux puis je prévins le poste de pompiers le plus proche et j'avisai enfin de la catastrophe M. Schneider, intendant de M. le baron Alphonse de Roth schild, qui vint peu après et se dévoua pour soigner les blessés. Tout cela m'avait de- aandé cinq minutes it peine... Quand je retournai dans la rue, le Bazar de la charité n'existait déjü plus la toiture venait de s'écrouler, et p:ès de cent cinquante cada- vres achevaient de se carboniser dans la fournaise. Un autre récit. Voici un autre récit trés émouvant de M. Armand Dayot, rédacteur du Figaro Je descendais les Champs-Elysées, ve- nant de chez moi, vers les quatre heures, el me rendant au Salon, quand je vis une gran de furnée du cöté de la rue Jean-Goujon. Je me dirigeai de ce cö'.é. Le Bazar de la Cha rité brülait. Tout autour, la foule commen- Qait ii s'amusser. Des femmes affolées, la plupart jeunes, vêtues de toilettes claires, s'échappaient de la fournaise, en poussant des cris aftreux. Plusieurs avaient le visage tuméfié et ensanglanté. Toutes criaient et appelaient au secours. Jen vis une qui se tordail les bras en appelant sa mère, pendant que des femmes du peuple, au risque de se brüler, arracbaient par lambeaux la robe en flammes. Le Bazar, devenu eri quelques minutes un véritable brasier, bordait la rue comme une barrière de teu. Je pus cependant pénétrer dans le terrain vague qui se développe entre le Bazar et le couvent de la rue Bayard, et c'est de lit que j'assistai, avec deux sergents de ville et trois ou quatre ouvriers, au ter rible drame. Quand j'arrivai, ces braves gens cher- chaient, ii L'aide d'une échellc trop petite, ii faire passer par dessus les murs d'une mai- son voisine un pauvte vieille femme qui avail réussi se sauver par uue des ouver tures donnant sur l'espace vide. Sans cha- peau, moitié nue, le crane sanglant, elle disait des paroles inintelligibles et semblait inconsciente. Et, détail navrant, pendant qua nous hissions hois de l'alteinte des flam mes cette triste masse inerte, les habitants de la maison voisine nous inondaient de fl ts d'eau distinés rafraichir les murs de plus en plus brülants. II y avait de tous cótés un afïolement général,que juslifiait l'horrtur du drame, car on entendait au milieu du sifflament des flammes les cris des victimes qui s'éteignirent bien vite. G'est en ce moment qu'uu cri déchirant nous fit retourner la tête du cöté de la four naise. Deux corps venaient de s'en échapper et se tordaient sur l'herbe, tout au bord des flimmes dont la chaleur devenait intolérable. Je m'élancri de ce cöté avec un de ouvriers, Mais bien qua nous nous fussions couvert la tèteet la figure d'herbe arrachée au sol, nous-ne pümes parvenir jusqu'aux malheu- reuses victimes, qui flambaient comme des torches et qui ne bougeaient plus. Elle disparurent dans l'incendie. Nous n'avions plus qu'ü contempler avec des yeux pleins de larmes, car tout Ie monde pleurait, l'horrible spectacle. Bientötarrivèrent les pompiers qui, ri'ayant désormais qu'ii faire la part du feu, dirigè- rent leurs efforts du cöté du couvent, sur la facade duquel on voyait déjü courir des flammes. La violence de l'incendie était si grande, que quelques minutes it peine après la mise en batterie des pompes, la charpente du Bazar s'écroulait avec un bruit épouvantabie, nous envelopparit de furnée, et d'odeurs hor ribles, odeurs de chairs brülées. Nous piimesalors nous approcher des restes fumants de ce qui fut le Bazar de la Charité, et ou se pressait, ii y a auelques instants, une foule élégante et joyeuse. Au premier plan, les cadavres des deux pauvres femmes que nous avions été impuissants secourir. L'uri est complètement calciné et demeurc sur le dos, les jambes raides, les brasttndus comme pour appeler au secours. De i'aulre, la partie antérieure seule a élé atteinte par ies flammes et brüle encore en crépitant. Nous versons sur ces tristes déhris desseaux d'eau afin d'arrêter l'oeuvre du feu et de per- mettre aux infortunés qui vont les rechercher de les reconnaitre. Peu peu, l'espace oü nousnots trouvons est envahi par une foule désespérèe de pa rents et d'amis. C'est un lamenlable concert de cris décbiranis, de sanglots. 11 en est qu'on est obligé de retenir pour les empêcher de ce jeter dansle brasieroül'on commence a apercevoir des membres crispés, des corps tordus, des têtes de mort, blanches et grima- gantes. I! est un endroit surtout qui ressem- ble un véritable ossuaire. G'est un atnon- cellernent de cranes. Qui pourra reconnaitre l'être aimé dans ces affreux tas d'ossements et de chairs brülées, amalgamés dans une uniformité macabre Oh l'affreuse, l'inoubliable vision Prés de moi un homme du peuple, secoué de sanglots, gratte la boue sanglante sous un des deux cadavres et en retire des bijoux qu'tl remet un agent da ville... Les Grecs et les Turcs en Créte. Le colonel Yassos est rappelé Je Crète. On se demande s'il s'agit sim- plement d'utiliser en Grèce ses ser vices ou si son rappel n'est que le commencement de la retraite des troupes d'occupation. Dans le second cas, la Grèce, donnant satisfaction aux puissances, chercherait, sans doute, le moyen de rendre une mediation possible. On assure raalheureusement que les dispositions de la Porte ne sont plus aussi moderoos surtout relative- men t a la question crétoise. Le sultan n'accepterait même plus maintenant le principe de l'autonomie. On ajoute qua Constantinople, il y a un parti de la guerre qui propose de repousser les offres de la Grece si elle se résigue a demander la paix on voudrait même écarter la mediation des puis- V

HISTORISCHE KRANTEN

Journal d’Ypres (1874-1913) | 1897 | | pagina 1