Quant k l'esthétique générale, nous croyons
pouvoir faire observer que ce n'est pas la
une question absolue, mais au contraire trés
relative. Une foule de circonstances peuvent
modifier la nature des mesures a prendre.
Sans doute bien de belles choses ont disparu
il en a été ainsi dans tous les temps les
constructions nouvelles ont remplacé les
constructions ancienneselles étaient d'un
style différent, selon que les moeurs et les
habitudes avaient changé. Les meubles neufs,
différents des anciens, ont pris la place de
ceux qui étaient usés. L'expérience a indiqué
des systèmes nouveaux. S'il fallait conserver
tout ce qui est ancien paree qu'ancien, on
arrêterait net tout progrès. Les gothiques
ne connaissaient pas le téléphone, ni le
télégraphe; ils n'ont done pas eu a placer
les fils de communication et n'ont pu créer,
dans la forme gothique, des supports pour
les porter. Mais pour cela faut-il s'abstenir
de placer les chevalets sur d'anciens bati-
ments, lorsque ceux-ci offrent plus de con
venances pour les recevoir C'est aller un
peu loin, nous semble-t-il.
Chose bien étrange, il existe aCtuellement
un véritable engoument pour tout ce qui est
vieuxcomme si notre siècle n'offrait rien
de bon, ni de beau. On retourne a l'ancien.
C'est souvent une véritable rage. Les mots
esthètes et esthétique exercent une fascina
tion irrésistible et certains esthètes sont
comme affolés pour les choses les plus in-
différentes et les plus insignifiantes.
Nous n'avons, en effet, qu'une seule fagade
de bois qui nous reste. Si son propriétaire
veut la conserver et la restaurer, il a toute
liberté et toute latitude pour le faire. Cela
dépend de lui.
L'esthète, auteur du rapport auquel nous
répondons, ne connaissant pas tous les faits
passés, se trompe en affirmant que le règle
ment portant défense de réparer les construc
tions en bois est toujours en vigueur.
En séance du 2 Juin 1877» Conseil
Communal a décidé que toutes les disposi
tions règlementaires, autres que celles
contenues dans le Code de police commu
nale, sont abrogées.
Or ce règlement n'est pas compris dans
dit Code il est done abrogé.
Nous ne voulons pas en faire un re-
Proche a l'esthète et nous reconnaissons
volontiers que i'homme le plus savant ignore
Uen des choses.
Ce que le bon esthète ignore aussi peut-
êtrec'est que ce règlement sur les
constructions en bois est de date tort
ancienne. Nous avons fait quelques recher
ches dans nos archives, dont nous consi
gnons ici les résultats trés curieux et trés
intéressants
On se préoccupait done autrefois des con
structions en bois et on ne les conservait pas
par ce qu'elles étaient anciennes ou belles.
On songeait au danger d'incendie auquel elles
fournissaient un élément facile.
Peut-on oublier ce danger aujourd'hui
Nous ne le croyons pas malgré le perfeélion-
nement donné a nos engins, les incendies
détruisent nos batiments construits en briques
ou en fer, a peu prés complètement, et tous
les engins ne servent généralement qu'a pré
server les maisons voisines.
L'esthète a perdu de vue également que
l'administration a placé, dans une des salles
des Halles, un spécimen de fagade en bois.
C'était une des dernières.
Ce bon esthète oublie encore que l'ad
ministration communale a fait reproduire
en dessins au crayon, par feu Aug. Böhm,
toutes les fagades intéressantes de la ville.
Cette collection existe au musée. Elle porte
les dates de 1842 a 1849. On peut regret-
ter que l'administration n'ait pas fait des-
J siner les détails de construction, qu'il aurait
été trés utile de connaitre.
Ypres n'étant pas un centre intelligent ne
ressent guère d'enthousiasme pour l'art en
particulier ou en gênéral et toujours au
dire de l'esthète, il n'est tob jet d'un en
couragement apparentmais non réel, de la
part de ceux que la chose concerne.
Nouvelle erreur: ceux que la chose con
cerne c'est a dire, le collége échevinal,
avec l'assentiment du conseil ont décidé,
en principe, d'encourager, par des subsides,
la restauration des anciennes fagades. Un
subside a été accordé au propriétaire de
la maison dite des bateliers. (Marché au
Bétail). La restauration n'a pas été exécu-
tée d'une manière compléte, il est vrai,
mais rien n'est gaté.
La restauration d'une fagade rue de Lille
a été également subsidiée et nous espérons,
sous peu, voir s'effeétuer la restauration d'une
autre maison, marché aux bétail, appartenant
a un esthète.
Nous nous permettons d'ajouter que lors-
qu'on traite avec des particuliers, il n'est pas
aussi facile qu'on le croit d'arriver a une solu
tion convenable. Le propriétaire est libre de
faire de son immeuble ce qu'il veut. Sous ce
rapport, la situation de notre ville ne permet
pas d'imposer des plans, ainsi. que cela peut
se faire dans les cités importantes.
en vigueur portant defense de réparer les construc
tions en bois, elle ne tardera pas a suivre le sort
de toutes les autres.
Le mouvement qui existe aujourd'hui dans tous
jes centres intelligents tendant a la refection et a
la conservation des anciennes facades a caractère,
et de tout ce qui concerne l'art en géne'ral, nè
soulève guère d'enthousiasme a Ypres, et il nest
1'objet d'un encouragement apparent, mais non reel,
de la part de ceux que la chose concerne.
Dans notre vieille cité, on démolit fort facilement
et aussi inutilement des édifices, lesquels dans main.
tes villes on serait heureux de conserver, ne fut ce
qu'a titre de specimen ou de souvenir.
Par délibérations du Groot Ghemeene de la ville
d'Ypres des 1 Octobre, 1597 (1), 26 Avril 1602 (2),
26 Mars 1608 (3), 23 Mars 1609 (4) et i3 Juin
1612 (5) la Ghambre des Echevins fut autorisée suc-
cessivement a recbercher les moyens d'avantager
degene die zouden willen timmeren merckelick in
steene de fixer la quote part d'intervention de la
ville dans les frais de construction de faqades vooren
ter straete ofte oock ter zyden daer gheen ghevele
van steene van te vooren en was d'édicter une
ordonnance van voortan binder stede niet te moghen
timmeren dan ten minsten twee stagien hooghe
en de dat in steene ofte bryeken d'intervenir dès
lors dans les trais de semblables constructions pour
un tiers au lieu de pour un quart comme il l'avait
fait depuis 1602, puis pour la moitié au lieu du
tiers comme la ville avait contribué depuis 1609.
Ces diverses ordonnances produisirent leur effet-
Un grand nombre de facades en bois disparurent
pour faire place a des constructions en pierre et les
subsides accordés par la ville a eet effet furent si
nombreux qu'a parlir de 1629 jusqu'en 1649 on dut
leur consacrer un chapitre spécial dans les comptes
de la ville (6). A partir de cette époque on ne trouve
plus trace de pareils subsides. Mais, en 1699 (7) le
collége des Avoue's, Échevins, Conseillers et Chefs
hommes statua que dès lors ceux qui feraient
élever des constructions en pierre conformément a
des plans a de'poser, seraient exemptés du payement
de deux taxations ordinaires sur la dite construction
et dans la suite soumis a une taxation uniforme
pour tout le temps, que la maison resterait leur
propriété et serait habitée par eux. Cette ordonnance
resta en vigueur jusqua la révolution francaise (8).
En outre, a partir de 1772, le magistrat avanca
de l'argent pour un terme déterminé et sans intérêt
a ceux qui rebatissaient leurs maisons en pierre (9).
A ces mesures d'encouragement pour la disparition
des facades en bois vinrent s'ajouter des mesures
prohibitives.
Les nouvelles constructions en bois avaient été
défendues par ordonnance autorisée le 26 Mars 1608
et 1 on empêcha la restauration des anciennes par
ordonnance politique sur la batisse, édictée le 9
Aoüt 1710 (10), tot het ghemeene welvaren ende
miste soo voor de particuliere als voor het public
et voor de decoratie ende embellissement vande
stadt n le tout naer het exempel van de ordon-
nancie ende reglementen op dierghelyck subject uyt-
ghegheven ende ghedecreteert door de magistraten vande
steden van Ryssel ende Doornyck n. Voici l'article
relatif aux facades en bois
Art. i3 Verbiedende voorts aen alle particuliere tsy
proprietarissen, vrye meesters timmerlieden, ofte
metsers, mitsgaders aen alle de gonne van beede dese
ambachten ende stylen hun te vervoorderen ofte te
begheven tot het maecken van nieuws ofte vermaken
ende repareeren eenighe voor- ofte achterghevelen
sytghevelen ofte weeghen ter straete van houtwerek
op de boete van 40 tt (pond) parisis dies de meesters
ghehouden werden te verantwoorden voor hemlieden
cnechten.
11 faut croire que la pénalité, établie pour les
contrevenants a eet article, n'était pas assez forte
pour les arrêter, puisque par délibération du 12 Mai
1722 (11) le collége y ajouta ende dat het ghere-
pareerde sal afgetrocken worden ten coste van den
proprietaris de reparatie geordonneerd hebbende ende
herstelt inden voorighen staet doenelyck synde soo
niet sal den selven proprietaris gehouden wesen den
ghevel ofte weegh van nieuws in steen te stellen
ten waere nochtans in cas van eene absoluyte noodt-
saeckelyckheyt waer af den proprietaris verobligiert
wert inkennen te doen aen het collegie van myn-
(1) Arch, communales Ypres Comptoir Secret Reg. Groot
Ghemeene 1594-1709 f. 10 v°
(2) Ibidem f. 23 v°
(3) f- 44
(4) f. 48 v°
(5) f- 58 v°
(6) Arch. Comm. Ypres. Comptes de la ville 1602-1628.
Rubrique, dépenses diverses; et 1629-1649 rubrique intitulée
Tweeden Steen van de ghemetste ghevelen
(7) Arch. Comm. Ypres. Reg. aux délibérations des Éche
vins 1695-1708 fs 98 v° et suivants.
(8) Arch. Comm. Ypres Reg. Délibérations Échevins 1695-
1793 passim.
(9) Arch. Comm. Ypres Reg. Délibérations Éch. 1772-1793
fs 20 v° suivts.
(10) Arch. Comm. Ypres Reg. Délibérations Éch. 1708-1716
f» 59-61.
(11) Arch. Comm. Ypres Reg. Délib. Collége Échev. 1717-
1724 fo 131 v°
heeren den hooghbailliu, vooght ende schepenen met
raeden ende hoofmannen ten eynde van daer toe
preallable permissie te becommen op de boete ende
herstellynghe ofte herbauwynghe in steen als voo
ren
Cette ordonnance resta en vigueur jusqu'a la ré
volution Francaise, comme le prouvent les nom-
breuses de'eisions prises conformément a celle-ci par
le collége du magistrat et enregistrées dans les registres
aux délibérations (1).
Tel a été le sort, en 1895, de la porte du temple,
construite par le maréchal de Vauban et dont le
dessin se trouve a la planche XXII de l'atlas com
plémentaire a l'histoire militaire de la ville d'Ypres
par Vereecke. C'était une construction caractéristique
faite de beaux matériaux, d'une jolie ordonnance,
et de nature a embellir comme point de vue la
promenade dite des reroparts extérieurs.
(1) Arch. Comm. Ypres Reg. Délib. College Échev. 1717-
1793 passim.