Mercredi 20 Avril 1898.
10 centimes le IV0.
33s Année. N° 3333.
REVUE POLITIQUE.
Ëspagne et États-Unis
Au Sénat américain.
Le flamand au Sénat.
N0W Mil
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Le con flit Mispano-Américain
Vindépendance de Cuba,
Washington, 17 Avril. La dis
cussion des projets de resolution pi£-
sentés par la majorité et la minorité
de Ia Commission des affaires étran-
gères terminée, le Sénat. a passé au
vote. Un amendement du sénateur
Turpie, démocrate, ajouté au projet
de resolution de la majorité de la
Commission, a été d'abord mis aux
voix et adopté par 51 voix contre 37.
Cet amendement dit que le gouverne
ment des Etats-Unis reeonnait la Ré-
publique de Cuba comme le gouver
nement légal de l'ile.
Puis le Sénat a voté l'ensemble de
la resolution, avec ramendement
Turpie,, par 67 voix contre 21. Voici
le texte de cette resolution, qui sera
maintenant soumis a la Chambre. Si
celle-ci lie l'accepte pas en r emplace
ment du sien, il fera l'objet d'une
conférence interparlementaire entre
les deux Assemblees, afin d arriver a
la resolution conjointe qui devra être
votéepar ellcs.
La resolution du Sénat est ainsi
conQue
Aitendu que le peuple cubain est de droit,
et doit être de fait, libre et indépendant
attendu que la guerre que l'Espagne fait k
Cuba est si nuisible aux intéréts commer
ciaux et fonciers des Etats, quelle est d'une
nature si cruelle, si barbare, si inhuaiaine,
qu'elle impose aux Etats-Unis le devoir
d'exiger que l'Espagne retire immédiatement
de Cuba et des eaux cubaines ses forces de
terre et de mer ce que, par ces présentes,
le gouvernement des Etats-Unis exige d'eile
le Président doit avoir, par les présentes,
l'autorisation, le pouvoir et l'ordre d'em-
ployer, si c'est nécessaire, toutes les forces
de terre et de mer des Etats-Unis pour at-
teindre ce but.
Suit ramendement Turpie, recon-
naissant la République cubaine.
La Chambre des représenlants se
réunira demaiu matin.
Washington, 17 Avril. Le Sénat,
adoptant la resolution de la majorité
de la Commission, a voté aussi ramen
dement Davis, por tan t que les Etats-
Unis désavouent I intention d'exercer
une souveraineté, juridiction ou con
dole sur lile de Cuba, sauf pour la
pacification, et qn'ils sont décidés a
laisser ensaite le gouvernement et le
contróle de l'ile a sa population.
Un conflit est propable entre les
deux Chambres, et Ton découvre déja
les indices d'une vive lutte contre Ia
reconnaissance, au moyen d une me
sure legislative, de l'indépendance du
gouvernement insurrectionnel.
L'opinion d Madrid.
Madrid, 17 Avril. Dans les cer-
cles gouvernementaux, on considère
le vote de la résolution du Sénat inter-
venant le jour même oü les délégués
de La Havaue se proposaient d'aller
conférer avec les insurgés, comme un
nouvel obstacle a une entente entre
les anfagonistes et les insurgés a Cuba.
New-York, 17 Avril. M. Polo
de Reruabé, embassadeur d'Espagne,
restera a Washington jusqu a ce que
les resolutions du Congrès, quelle que
soit leur forme définitive, aient été
signées par le Président.
Les nouvelles au Vatican.
Rome, 17 Avril. Les nouvelles
de Cuba, recues au Vatican aujour-
d hui, sout peut-être moins mauvaises
que celles des jours derniers. Elles
diseut, en efïet, que les insurgés cu-
bains se montrent moins rebelles a
l'idée de s'entendre avec l'Espagne.
L'évêque de La Havane et son cler-
gé ont été invités a faire tout, leur pos
sible pour calmer les esprits.
On dit, d'autre part, au Vatican,
que i'Ëspagne a adressé une note aux
puissances pour protester contre les
allégations contenues dans le Message
du président Mac-Kinley, au sujet de
l'explosiou du Maine.
La première motion décisive, au point
de vue da la guerre, qui a été adoptée,
avanthier, parle Sénat américain, n'a réu-
ni que quatorze voix de majorité. Ginquante
et ua sénateurs, en effet, ont voté l'amende-
raentde M. Turpie, reconnaissant la Répu-
biiquu cubaine, tandis que treute-sept refu-
saient de la sanctionner.
L'opposition pacifique est done beaucoup
plus forte dans le Sénat américain que l'on
ne pouvaitie supposer. Da plus, un grand
nombre da sénateurs, de ceux précisémeni
qui se tiennent le plus k l'écurt des spéculu-
tions politique» ou autres et quiappartienneut
k la vieille classe possédante et agricole qui
a fondé l'Union, ont tenu les discours les plus
sensés. Dans une atmosphère surchauffée
par les passions belliqueuses, plusieurs
d'entre eux oni élevé courageusement la voix
en faveur de la justice et de la raison, et ont
réprouvé hautement les procédés dont on
usait k i'égard de l'Espagne. II en est même
qui ont fait l'éloge du gouvernement et du
peuple espagnols.
Le premier acte d'hostilité officielle du
Sénat des Etats Unis k I'égard de l'Espagne
aura douc été la reconnaissance du gouverne
ment insurrectionnel de Cuba. Aux termes
du droit international, ce gouvernement a
désormais la faculté d'après les Amérieains,
d'eniretenir des relations directes et régulié-
res avec les autres Etats, de s'engager en
engageant le peuple cubain, de signer des
traités, d'émettre des emprunts, de jouir, en
un mot, de toutes les prérogatives souve-
raines.
Or, c'est, si nous pouvons ainsi parler,
un gouvernement sans domicile. II n'occupe
non seulement aucune ville importante, mais
on pourrait presque dire aucun point fixe
sur les territoires dont il revendique la su
prème disposition. C'est la première fois,
croyons-nous.que le fait se présente et qu'un
aussi monstrueux abus des fictions révolu-
tionnaires pénètre dans le Code du droit des
gens.
Ces simples remarques suffisent k carac-
tériser la portée morale du vote du Sénat
américain.
Après que cette première manifestation
des volontés du Sénat a été acquise k
quatorze voix de majorité seulement, nous
le répétons la résolution donnant mandat
au Président de la République de libérer le
territoire de l'ile, même par la force, a été
aussi votée, et, la bataille primitive étant
gagnée, la majorité a été plus forte. L'oppo-
sition pacifique, pourtant, n'a pas désarmé,
puisque vingt et un sénateurs se sont encore
prononcés contre la guerre. Comme les actes
d'hostilité seront encore précédés de for-
malités iudispensables, les constatations que
nous verioris d'établir montrent que les Amé
rieains sont loin d'être unanimes dans l'ap-
préciation des véritables intéréts de la
République et que, par conséquent, si les
puissances européennes accomplissent la
démarche qu'elles projettent, l'état actuel
des choses peut encore se modifier favora-
blement.
Discours de M. Struye.
M. Struye. L'amendement de MM. Dupont
et consorts stipulait qu'en cas de divergence
entre la portée du texte francais et du texte
llamand, c'était le texte francais, eompris et
adopté par les Flamands comme par les Wal-
lons, qui devait prévaloir sur le texte flamand,
qui n'avait été eompris que par les Flamands
seuls, et auquel ceux-ci n'avaient assurément
pas voulti, abusant de la bonne foi de leurs
collègues wallons, donner une portée diver
gente de celle du texte frangais.
Cet amendement, concu dans les termes les
plus concis, quelque raisonnable qu'il füt en
lui-même, apparut alors k plusieurs comme
une proclamation de la prééminence absolue
de la langue frangaise sur ia langue flamande
dans le domaine législatif.
Au fond, il n'avait nullement ce caractère et
il n'empêchait pas la loi de donner une trés
large et trés légitime satisfaction aux revendi-
cations de nos populations flamandes. II était
de nature a concilier les intéréts des Flamands
avec l'inlérêt et avec les droits de nos popula
tions wallonnes.
Cet amendement n'empêchait nullement que
nos lois fussent dorénavant votées, sanction-
nées, promulguées et publiées en langue fran-
caise et en langue flamande
Avec ramendement, partout oü l'un texte
n'autorisait ou ne défendait rien que n'autorisat
ou défendit l'autre, les deux textes n'en rece-
vaient pas moins la même puissance légale.
On se bornait k garantir que la volonté du
législateur, telle qu'elle se trouvait unanime-
ment déterminée et exprimée par tous les au
teurs de la loi, dans le texte frangais, serait
respectée la oü, par une erreur accidentelle, la
portée littérale du texte flamand serait trouvée
différente de celle du premier.
On permettait ainsi k nos collègues wallons,
aussi bien qu'k nos collègues flamands, de voter
le double texte en toute sécurité. II n'y avait
dés iors plus de grèves parlementaires a prévoir,
ni de paralysie du pouvoir législatif a craindre.
Le respect de la volonté du législateur était
partout assurél'unité de la lol était partout
maintenue, et dans la jurisprudence elle se
trou vait être aussi bien garantie que par le passé.
Cette unité nécessaire, sans laquelle il n'y a
plus de sécurité dans les relations de la vie ci
vile, était sauvé.
Par cet amendement, que le juge connüt le
flamand ou ne le connüt point, la loi demeurait
pour tous la même dans son application.
Du moment qu'en cas de divergence des
textes, c'était le texte frangais qui, sous les
meines conditions qu'antérieurement, ferait foi
pour tous, le régime du double texte ne four-
nissait plus aucune raison décisive ni pour
exiger que, par tout ie pays, les juges connus-
seut la langue flamande, ni pour exiger que tous
les membres denos hautes cours de justice
fussent versés dans la langue flamande comme
dans la langue frangaise.
Dés lors, pour nos compatriotes wallons,
plus de cramte de se voir exclure des fonctions
judiciaires, plus de crainte de voir leurs droits
civiques méconnus et leur situation civile et
politique amoindrie.
Bref, cet amendement écartait le danger de
voir s'exaspérer les querelles de races, qui,
alimentées chaque jour, pourraient nous ame-
ner k la séparation administrative pour aboutir
a la dissolution de notre nationalité, cedont
Dieu nous garde
Mais si, par esprit de conciliation, j'eusse
voté, en 1S97, ie projet aiusi amendé, avec
coiuüien plus de satisfaction je voterai la loi
telle que la Cuamore nous i'a retournee, telle
que sa commission spéciale nous I'a faite 1
lul