CONGEB
Samedi 7 Mai 1898. 10 centimes le N°. 330 Année. N° 3338.
La guerre
Hispano-Américaine.
La fïèvrejaune.
Italië.
Les blés.
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Dimanche 8 Mai
A MIDI,
sur le kiosque de la Grand'Place,
LA GRANDE FANFARE
Programme:
1. Marche Parisienne, pas-
redoublé. L. Ganne.
2. Les Palmes de la Victoire,
gr4e marche triomphale. Hubans.
3. Brise Embaumée, mazurka
de concert. Laynau.
4. Gr* Fantaisie Hengroise. Steenebrugen.
5. Vie d'Artiste, valse. J. Strauss.
Un changement dans le plan
de campagne américain.
New-York, 5 Mai.
Dans nos centres maritimes, on
pretend avoir recu confirmation du
bruit suivant lequel l'escadre espa-
gnole du Cap Vert au lieu d'avoir tra
versé l'Atlantique pour se rendre
Porto-Rico, oü l'attendaient les Amé-
ricains pour lui livrer bataille, aurait
rebrousse chemin vers Cadix pour
opérer avant tout sa jonction avec la
nouvelle escadre en formation dont
faitpartie le puissant cuirassé moderne
Pelayo qui prendra la tête des deux
escadres combinées pour se diriger
enfin vers la cöte américaine et. enga
ger la lotte contre Ia flotte yankee
dans des conditions bien plus avanta-
geuses qua Man idle.
Si le fait est exact, il va en trainer
un brusque changement dans le plan
de campagne des Américaios.
L'escadre volante, chargée d'arrêter
lesvaisseaux espagnols sur la route
"de Porto-Rico, va prendre les devants
et s'emparer de Porto-Rico dès a pré
sent. D autre part, l'escadre de l'amiral
Sampson, faisant le blocus de Cuba,
se contenterait pour le moment de
tenter le débarquement de quelques
milliers d'hommes sur lacóte cubaine,
aux environs de Matanzas ou de
Sangua-la-Grande, commeje vous le
mandais'antérieurement. Et elle dif-
férera une tentative d'invasion com
pléte de la Perle des Antilles, jusqu'a
l'arrivée de la double escadre espa-
gnole de Cap Vert-Cadix, quelle
s'efforcera d anéantir avant de procé
der aux operations de terre.
Encore une fois, il nest pas certain
encore que l'escadre espagnole du Cap
Vert ait viré de bord vers Cadix
mais cette volte-face commandée par
la prudence, parait d'autant plus pro
bable, que l'escadre aurait déja eu le
temps d'arriver depuis un jour on
deux aux environs de Porto-Rico, si
elle avait poursuivi sa course dans
l'Atlantique. Or, son apparition n est
encore signalée nulle part.
Madrid, 5 Mai.
On est inquiet pour leport de Saint
Jean de Porto-Rico, vers lequel on a
lien de croire que l'escadre américaine
s'est dirigée pour saisir les dépots de
charbons destinés a l'escadre espa
gnole et pour s'emparer de la petite
Anti lie.
Le discours de lord Salisbury dans
la réunion de la Primrose League, en
raison de ses allusions aux nations
décadentes et mal gouvernées vouées
a disparaitre devaut les forts, a vive-
ment indigné la presse madrilène.
L'Impartial dit qu'on proclarae solen-
nellementa Londres et a Washington
comme licites le brigandage interna
tional et la théorie que la force con-
stilue le droit.
On est toujours sans nouvelles de
Manille et de Cuba.
Madrid, 5 Mai.
La fièvre jaune commence a faire
des victimes a Cuba si les Américains
débarquent des troupes en cette saison
el les seront, décimées.
Les dépêches de la Havane démen-
tent que les obus de la flotte améri-
caiue aient tué des Espagnols.
Rome, 5 Mai.
L'abolition du droit d'entréesur les
blés semble avoir produit une bonne
impression. On calcule que 1 Italië
doit encore importer cent mille tonnes
de blé avant la fin Juin. Ce matin, les
nouvelles des provinces sont plus ras-
surantes dans toutes les villes oü out
éclaté des désordres, la direction de la
süreté publique a été prise sans difïi-
cuité par l'autorité militaire.
L'Esercito italiano annonce que les
blessures recues par les soldats dans
les bagarres seront considérées comme
celles en temps de guerre.
Une manifestation motivée par
l'iuigmentation du prix du pain aeu
lii u a L:bourne. Quelques boulange-
ries ontétéassaillies. Les manifestants
on t été dispersés et l'ordre a. étérétabli.
A Urbino, une manifestation s'est
produitepour le même molii.
A L'Ascoli Piceno il y a eu rassem-
blement des paysans des environs,
qui ont demandé aux négociants la
diminution du prix du maïs. Ce ras
se: nblement a été dissous. Quelques
personnes ont été blessées legèrement
dans un conflitavec la force publique.
Grave question Nous constatons qu'k la
suite des évènemems a'Amérique les blés
haussent partout de prix.
La France et l'Italie ont suspendu provi-
soirementla perception du droit d'entréesur
les blés.
La Belgique n'a pas besoin de recourir k
ce moyen, puis qu'il n'existe chez nous aucu-
ne barrière h l'entrée des blés. Le droit de
deux francs sur les farines étrangères sem
ble ne devoir exercer aucune influence sur
le marché.
L'Alleroagne ne suspend pas le droit d'en-
irée. C'est que sans doute son marché est
suffisamment fourni puur pouvoir attendre
la nouvelle récolte.
Laguère nest cependant pas la seule cau
se du renchérissement du prix des blés. 11
résulte en effet du rapport présenté par M.
Méline au Président de la République fran-
Caise au sujet de la suspension des droits
d'entrée, que la récolte de fan dernier a été
généralement mauvaise dans tous les pays.
Nous avons pu mettre la main sur ce do
cument, et nous le reproduisons. II est in-
siructit h plus d'un titre non seulement pour
la France, mais aussi pour notre pays.
Monsieur le Président,
Depuis quelques semaines, le gouvernement
porte son attention la plus sérieuse sur la situa
tion du marché des blés en France et k l'étran
ger. Gettesituation, que notre récolte déficitaire
de l'année dernière avait déjh rendue si pré
caire, s'est subitemenl aggravée sous le coup
de la panique provoquée par la guerre hispano-
américaine.
Comme c'est aux Etats-Unis que se trouvent
les principaux stocks de blés disponibles, on a
pu craindre un instant que leur circulation fut
rendue impossible par les belligérants qui
n'avaient adhéré ni l'un ni l'autre a la conven
tion de Paris réglant le droit des neutres.
Celte crainte est aujourd'hui dissipée et le blé
peut continuera venirdes Etats- Unis sous pa
vilion neutre comme par le passé, avec la diffé-
rence d'un relèvement inévitable sur le fret et
l'assurance.
On pouvait croire qu'après les déclarations
rassurantes des gouvernement américain et
espagnol, qui enlevaient toute raison d'etre k la
panique de la première heure, le marché allait
retrouver son calme et revenir k des prix nor-
maux. On pouvait espérer aussi que la culture
apporterait sur le marché une quantité sufli-
sante de blé pour enrayer la hausse.
11 n'en a rien été,et en quelques jours on a
vu au contraire le p-ix du blé monter de 30 k 33
et même 34- fr. Gette hausse a été singulièrement
encouragée etfovorisée par la couipagne systé-
matique et violente entreprise coritre le gouver
nement dans un but électoral et oü i'on faisait
enirevoir tous les jours l'imminence de prix de
famine. Ilen est résulté que ia böulangerie, qui
jusque-Ik, il faut la reconnaitre, avait fait pr'euve
de beaucoup de sang-froid et de mesure, a pris
peur k son tour et s'est décidée k relever le prix
du pain a Paris d'abord et ensuite dans les
principaux centres des départements. Ces relè-
vements étaient excessifs si i'on considère les
approvisionnements en blés étrangers existant
dans nos magasins ou en cours de route pour
la France, et les réserves considérables des blés
francais qui ne peuvcnt tarder a se présenter
sur les marchés.
Aussi, depuis quelques jours, la hausse est
enrayée et la tendance a la baisse commence a
s'accentuer.
Malheureusement, cette baisse légère n'a pas
suffi pour ramener le prix du pain a des cours
raisonnables, et le gouvernement, qui a, au plus
haut degré, le souci de l'alimentation publique,
a dil se préoccuper des moyens d'y arriver.
Tant qu'il a pu croire que les hauts cours du
blé étaient factices et éphémères, il n'avait pas
a intervenir mais la persistance de la hausse
ne pouvait le laisser indifférent et, dès les pre
miers jours de la crise, il a ouvert une enquête
dans tous les départements pour se renseigner
sur le mouvement des marchés, sur les appro
visionnements de la culture et sur l'opinion des
populations agricoles elles-mêmes.
II est résulté de cette enquête que dans un
grand nombrede départements la situation n'a
pas sensiblement changé et que l'état de l'opi
nion y est resté la même tout le monde y a
compris que la hausse du blé était due a des fa-
talités dont on ne saurait rendre personne res-
ponsable, telles que la mauvaise recolle de l'an
née dernière et la guerre imprévue des Etats-
Unis et de l'Espagne.
Dans d'autres départements, au contraire, oü
les prix du blé et du pain se sont relevés plus
vite et plus haut, les souffrances ont été vives
et on a aemandé instamment au gouvernement
d'y mettre un terme en suspendant temporaire-
ment, en tout ou en partie, l'application des
droits de douane.
En ce qui concerne les stocks intérieurs exis
tant encore, l'enquête a établi que dans le-
grands départements producteurs de blé, ils
étaient relativement considérablesmais es
même temps elle nous faisait savoir qu'unn
grande partie de ces stocks n'était plus la proe
priété des agriculteurs, qu'ils avaient été ven
dus par eux au commerce.
Ces constatations étaient de nature a frapper
le gouvernement, puisque l'agriculture se trou-
vait ainsi en grande partie désintéressée dans
la question ce qui ne l'a pas moins frappé et
ce qui contirme ces renseignements, c'est que
dans de nombreux départements, et surtout
dans de grands déparlements producteurs de
blé, ce sont les agriculteurs eux-'mêmes qui,
par l'organe de leurs sociétés ou de leurs repré-
sentants les plus autorisés, ont réclamé la sus
pension ou la diminution temporaire des droits
de douane.
Dans de pareilles conditions, le devoir du
gouvernement était tout tracé; il n'avait qu'a
rester sur le terrain oü il s'est toujours placé
en matière économique. II n'a pas cessé de dé-
fendre de toute l'énergie de sa conviction, l'in-
térêt des producteurs de blé et les droits qui
les protègent. En le faisant, il a rendu le plus
grand des services au consommateur car sans
les droits de douane qui, en soutenant le cou
rage de nos agriculteurs, ont provoqué depuis
dix ans dans toute la France l'augmentation des
ensemencements en blé et l'élévation des ren-
dements, on aurait eu dans une année calatni-
teuse comme celle que nous venons de traverser
une récolte presque nulle et on aurait vu de
véritables prix de famine.
II ne faut done toucher aux droits de douane
qu'k la dernière extrémité. Aussi le gouverne
ment n'a pas hésité a résister avec énergie a la
pression qu'on a voulu exercer sur lui au mois
d'Octobre dernier pour l'amener a diminuer le
droit sur les blés. II a pensé, k ce moment oü
toute la récolte était encore aux mains de nos
agriculteurs, qu'il serait d'une crainte injustice
de leur retirerla protection de nostarifs doua
niers au moment oü ils en avaient le plus be
soin. II est a remarquer d'ailleurs que sides
prix du blé et du pain étaient déjk élevés a cette
époque, ils ne dépassaient pas les cours nor-
maux qui ont été souvent et pendant longtemps
pratiqués en France.
Aujourd'hui, il faut bien le reconnaitre, la
situation est toute différente et elle a empiré.
Les prix du blé et du pain dans ces derniers
PAR