\1ercredi 2! Sept mbre 1898.
ID centimes le i\°.
33e An- N° 3376
A
Autour de 1'affaire Dreyfus
Le due d'Orléans
et la revision
AUTRICHE-HONGRIE
PAYS-BAS
Le Zuiderzee
On s'abou.ne rue au Beurre, 36, k Ypres, et to us les bureaux de poste du royaurae.
Paris, Manli.
Les miuistres doivent se réunir en
Conseil ce matin, sous la présidence
de M. Felix Faure.
Ce sera la presentation officielie au
Président de la Républiqne des deux
nouveaux ministres de la guerre et
des travaux publics qui, tous deux,
d'ailleurs, out déja fait a M. Félix
Faure la visile d'usage.
M. Godin, ministre des travaux pu
blics, sest, en effet, rendu Dimanchea
cinq heur.es a Rambouillet, oü M. le
générai Ghanoine, ministre de la
geurre, avait élé recti la veille.
Ii est peu probable quele Conseil de
ce mal in soit aussi mouvementé que
le dernier, et s'il y est encore question
de 1'affaire Dreyfus, ce ne sera qu'a
titre accessoire et pour tenir le Con
seil au courant de l'élat des divers
incidents en cours qui se sont greftes
sur 1'affaire elie-même.
Le p rincipal et, en tout cas, le plus
imminent de ces incidents est 1'affaire
Picquart Leblois, qui est tixee pour
demain a la 8e Chambre. On disait
aujourd'hui que 1'affaire serait peut-
être reuvoyée, par suite de l'élat de
santé "d'un des principaux témoins,
M. Scheu rer Kestner, encore trés souf-
frant d'une douioureuse operation
qu'il a subie a la gorge.
Monseigneur le due d'Orléans fait afficher
ce matin sur les murs de Paris la déclara-
tion suivanie
Francais
Les meneurs de l'odieux complot
contre Fhonneur et la sécurité de la
patrie ont aujourd'hui jeté le masque.
lntimidés par eux, des ministres se
sont abaissés jusqu'a se faire leurs
complices.
Rien n a pil les faire reculer, pas
même les affirmations répélées avec
tin significatif e'clat par tous ceux,
miiitaires ou civds, qui se sont suc-
cédé au ministère de la guerre.
Aujourd'hui, tout en reconnaissant
qu'aucun doute sur la culpabilité du
condamné ne s'est élevé dans leur es
prit,
Sous ie prétexte mensonger de cal
mer 1'opiriiou publique, dont ils se
refusent a consulter les rep.résèn.tants
autorisés,
Au mépris du suffrage universel
saris lequel ils ne sont rien,
Its viennent trancher une question
qui,leurs délibérationsmêmes le prou-
ven!, est une question nationale...
lis cherchent a travestir a leur pro-
lit une pensee de vérité exprimée a la
tribune frauQaise et qui a fait vibrer
mon cceur iNous sommes les mai-
tres chez nous
Pour être maitre chez soi, il faut
commander et non obéir. Or, les ser-
viteurs soumis d'un pouvoir occulte
et nefaste prétendent vous imposer la
volonté qu'ils subissent.
La subirez-vous
La Constitution est déchirée par
ceux-la mêmes dont elle était le seul
titre et qui se réclamaient d'elle.
Elle n'existe plus.
Vos droits le plus sacrés sout ou-
trageusemeut violés.
Le souffrirez-vous
Francais.
Sous prétexte d'innocenter l'homme
que les Tribunaux miiitaires ont con
damné comme traitre, c'est l'armée
qu'ou veut détruireet la France qu'on
vent perdre.
Nous ne le permettrons pas.
Philippe.
Due d'Orléans.
Un des moments les plus éinouvanls des
journées lugubres qui viennent de s'écouler,
a été assuiément celui oü l'empereur, se
trouve en présence des restes de l'infortunée
impératrice l'arrivéedu convoi funèbre k la
Hofburg. Voici la scène telle quelle est ra-
contrée dans la Nouvelle Presse libre, d'uprès
plusieurs des assistants
«L'empereur, venani de Schcenbrunn,
fut regu neuf heures et demie du soir, la
Hofburg, par les membres les plus procbes
de sa familie ses deux filles, la princesse
Giséle de Bavière et l'arcbiduchesse Marie-
Valérie ses deux beaux-fils, le price Léopold
de Bavière et farchiduc Francois Salvaior,
et par ses petits-fils, les princes Georges et
Conrad de Bavière et farchiduc Joseph Au-
guste.
Aprés ia réception, Franpois-Joseph monta
dans ses appariements pour s'y reposer
quelgue peu, et quand, vers onze heures, le
cornpte Monto Nuovo, second grand maitre
des cérémonies, tut venu lui atmoncer lap -
proche du conège, il se rendit. par l'escalier
des ambassadeurs dans le vestibule condui-
sant k la chapelle, suivi de ses deux lilies et
de ses deux beaux-fils. Le groupe, d"ulou-
reuseraent ému, resta dans fatten te, tandis
que le son des cloches avoisinantes, sonnant
successivement onze heures. se mêlait
trisieraent au bruit des sanglots ininlerrom-
pus des archiduehesses en longs voiles de
deuil. L'empereur,fort ému, parvenait cepen-
dant a se maitriser.
Le corbillard s'arrêta au pied de l'escalier
des ambassadeurs huit laquais emportèrent
le cercueil sur leurs épaules. Ils commen-
tjaient gravir les quelques marches qui les
séparaienl du vestibule, quand,ayant aperpu,
au hautde l'escalier, l'empereur qui les re-
gardait venir avec leur triste fardeau, ils
f'arrêièrem instinctivement, comme pétrifiés
par l'expression douioureuse de son regard.
On comprend facilement quelles éinotions
l'empereur dut étre en proie, quand il se
trouva face face avec ce cercueil, contenant
les restes de la malheureuse impératrice. II
éiendait avec désespoir les bras,puis il laissa
tomber sa téte sur le cercueil en pieurant.
A ses sanglots se mélèrent crux d -s archi-
ducs, des archiduehesses, des prêtres et de
tous les assistants. Franpois-Joseph, après
quelques moments, donna l'ordre aux laquais
de continuer leur marebe jusque dans la
chapelle. Lui même suivit d'un pas ferme,
accoaipagné de la prinóesse Gisèle, de
l'arcbiduchesse Valérie, et des quelques
personnages qui avaient ramené le corps de
fimpéiatrice. En signe de reconnaissance, il
alia serrer la main i chacun. Puis il écouta
debout, et ses filles agenouillées sur des
prie-Dieu, la bénédiction donuée par le curé
de la cour.
Quand le souverain entendit les paroles
solennelles qui avaient déjü frappé ses oreil-
Ies le jour de la mort de son fils Rodolphe et
qui, maintenant, de nouveau, étaient pro-
noncées pour le repos de l'impératrice, il ne
fut plus maitre de lui. Sa têie s'inclina sous
le poids de la douleur son visage, jusqu'a-
lors d'une pèleur d'ivoire, se colora sous
emotion. 11 se couvrit les yeux de la main et
sanglota. Ce ne fut pourtant qu'una faiblesse
passag.ère. II reprit presque aussitót son at
titude première, triste mais cependam ferme,
qu'il conserva jusqu'ü la fin de la cérémonie.
Avanl de quitter la chapelle, il embrassa
deux reprises le cercueil k la place de la
tête de l'impératrice, puis il remonta en voi-
ture et repartit pour Schcenbrunn, nccom-
pagné de ses filles et de ses beau fils, o
Le desséchera-t-on, oui ou non?
C'est la question que se pose le cor-
respondant du Temps, qui est allé
assister aux fêtes du couronnement de
la Reine. II en parle en ces lermes:
Le Zuiderzee sera-t-il, comme on l'an-
norice, desséché et livré l'exploitation en
moins d'un demi siècle Rien ne le prouve.
La résolution définitive n'est pas prise, et
les avis sont encore partagés. L'entreprise
esi soutenue, patronnée par une bonne moi-
tié de la Hollande, et, de fait, elle n'a rien
d'impossible. L'immense baie a été sondée
tout entière ses profondeurs n'oot rien d'ir-
réductible, sauf en une cuvette centrale dont
l'existence serait indispensable, d'ailleurs,
pour assurer tous les cours d'eau qui se
jettent aciuellement dans le golfe l'écoulement
dont ils ont besoin et pour conserver a la
ville d'Amsterdam sa grande situation mari
time. On sail, un sou prés, la dépense, et
les 50 millions que l'opération doit coüter
peuvent aisément se réunir en Hollande. On
les réunira d'aulant mieux que l'argent ne
doit pas sortir du pays et qu'il tombera dans
des poches hollandaises.
Mais le parti de résistance présente des
objections trés sérieuses. II critique dans
le projet son inutilité. Nous n'avons déjit,
fait-il remarquer, que trop de prairies en
Hollande. Nous n'arrivons pas cultiver
toutes les terrès gagnées depuis cinquante
ans sur les flots. Même en admrttant que le
dessèchement marebe k souhait, que la dé
pense soit la dépense prévue, et pas plus,
quel intérêt voyez vous ce que notre pays
se translorme, de pays esseniiellement mari
time, en pays surtout agricole Avec la con
currence américaine, ni l'élevage ni la grande
culiure ne donheront les satisfactions atten-
dues. Pour couvrir lesfrais, d'uutre part, il
faudrait des terres moins ingrstes que celles
qui seront mises au jour. Or, ie quart k peine
de ces terres sera, dans qnarante ans, suffi-
samment productif pour être vendu bon
prix. Dix ans de plus ne suffiront pas pour
faire des autres de bonnes terres.
A ces raisons s'en joignent d autres, dic-
tées par le souci de la salubrité et de l'hy-
giène publiques. «Amsterdam aétéjusqu'ici
au dire des statistiques, la grande ville la
plus saine du monde. Du jour oü on lui fera
une ceinture de polders, on lui retirera le
vent de mer dont les souffles, en balayant
son atmosphèie, la nettoient et rendent fair
quelle respire vivifiant. On lui donnera du
même coup des brouillards, des miasmes et
des fièvres. Elle ne peut pas gagner au
changement, elle a toutes les chances pos
sibles d'y perdre. Nous refusous, jusqu'ü plus
ample informé, notre argent
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