10 centimes Ie N°.
83® Année. N° 3402
Mercredi 21 Decernbre 1898,
FRANCE
ESPAGNE
Autourde M. Daens
On s'abonne rue au Beurre, 36, a
a \pres, et a tous les bureaux de poste du royaurae
Paris, 20 Décembre
L'afFaire Dreyfus k la Chambre
A la séance d'hier, M. Lazieean-
tisémite et rallié, a interpellé le gou
vernement sur les rnesures qu'ii
compte prendre pour prptéger contre
les indiscrétious possibles, les secrets
qui intéressent la sécurité de l'Etat.
Les secrets d Etat out été divulgués
par le cabinet Brisson. La revision du
procés Dreyfus a été eogagée illégale-
ment el contre l'esprit de la Constitu
tion. C'est un véritable coup d'Etat.
II est temps que le gouvernement
se préoccupo d'assurer la défense des
secrets qui intéressent la sürefé de
lEtat. La trahison est parfout.
II faut que le ministre de la guerre
vienne dire ici si ses cinq prédéces-
Seurs out dit la vérité ou s'ils ont
menti, en affirmant la culpabilité de
Dreyfus. Qu'il n'oublie pas qu'il a la
charge de l'honneur de larrnée.
M. de Freycinet. Que penserait Ia
Chambre, dit-il, si pendant que la
cour de cassation poursuit son oeu e
judiciaire, un ministre du gouverne
ment cherchait du bant de la tribune
ainfluencer ses décisions.
La justice est saisie et dés lors le
ministre de la guerre ne se croit pas
le droit d'exposer son opinion.
M. Millevoye. Dans quelle mesure
communiquorez-vous les documents a
la Cour de cassation
M. de Freycinet. Je répète cc que
j'aidéjadit dans une précédente in
terpellation. Je ferai cette communi
cation dans la limite de la défense
nationale. Je ne communiquerai pas
de documents dont la publicité pour-
rait intéresser lasüreté de l'Etat.
Si la Chambre en jugeait différem-
mentje laisserais a mon successeur le
s°in d'exécuter les décisions de la
Chambre (Mouvement).
Les pièces officielies et le dossier
judiciaire sont depuis longtemps ent re
les mains de la Cour de cassation. Je
ne les connais pas.
Ces documents étaient déja a la
pour de cassation avant le moment oü
Je suis arrivé au pouvoir. Les seules
P'eces qui soieut en ma possession,
s°ut celles contenues dans le dossier
Secret. II y a dans ce dossier des piè-
Cesj qui peuveut intéresser la süreté
de 1 Etat. Je ne m'en dessaisirai que si
je suis sur qu'elles ne seront pas li-
vrées a la publicité.
M. Lazies remonte a ia tribune. Je
constate, dit-il, qu'il résulte des dé-
clarations du ministre de la guerre,
qu'il existe un dossier secret et que
ce dossier ne sera communiqué qu'a
bon escient. Dans ces conditions, la
revision du procés Dreyfus n'est en
core qu'une comédie.
M. Lazies se déclarant satisfait des
déclarations du ministre de la guerre
retire son iiiterpellatiou quepersonne
ne reprend.
Daus les couloirs de Ia Chambre, les
déclarations de M. de Freycinet ont
produit une émotion indescriptible.
Les socialistes ont décidé d'interpel-
ler immédiatement le ministre de la
justice au sujet de la situation faite a
la Cour de cassation par les déclara
tions du ministre de la guerre.
En conséquence, M. Millerand,
socialiste, interpelle le gouvernement
sur les conditions dans lesquelles le
dossier secret sera communiqué a la
Cour de cassation.
M. Dupuy déclare qu'il a dü de-
niander a ia Cour de cassation des
garanties sur la communication du
dossier secret. Si ces garanties lui'
sont données, le dossier secret sera
communiqué, sinon il ne le sera
pas.
Plusieurs membres de la gauche
protesten! et disent que la Cour de
cassation doit qtre libre de fixer elle-
même les conditions de cette commu
nication.
M. Brisson prend h parole au mi
lieu des applaudissements de la gau
che. L'ancien président du Conscil
revendique également tons les droits
pour la Cour de cassation.
M. Cavaignac, ancièn ministre de
la guerre, vicnt declarer qu'en dehors
du dossier secret, il y a encore des
pièces prouvant la culpabilité de
Dreyfus.
Finalement, un ordre du jour de
confiauce dans le gouvernement est
mis aux voix et adopté par 370 voix
contre 80.
Madrid, 19 Décembre
Macias, commandant
vient de faire afficher
dans toute l'étendue des provinces
de Navarre, d'Alava, de Guipuzcoa,
de Biscaye, de Logrono et de Burgos
une proclamation ordorinant aux
autorités militaires de faire fermer
dans le délai de quarante-huit heures
tous les cercles, casinos et sociétés
quelconques s'intitulant carlistes. La
proclamation est concue en term es
énergiques et rappelle aux autorités
l'obligation de faire exécuter les cir
culaires précédentes des 9 Mai et 16
Juillet derniers, qui avaient pour ob-
jet de faire cesser la propagande car-
liste.
le
Le
6e
général
corps,
',a Lutte-De Strijd plaint le mal-
heureux sort de M. Daeus. Ii est vrai
que riotre consoeur parle d'après le
Peuple et le Recht.
Or nous savons de source autorisée
que la situation matérielle de l'ancien
député est assurée. II peut vivre et vit
trés convenablement, grace a ses chefs
spirituels.
Quant a la position publique que
M. Daens veut prendre, voici cequ'é-
crit le Bien Public a ce sujet
Plusieurs journaux ont parlé en sens di
vers, ces jours derniers, de la situation ac-
tuelle de M l'abbé Daens visA-vis de l'auto-
rité ecclésiastique. Les uns niaient que cette
situation fut changée d'autres soutenaient
qu'elle s'éiait récemment aggravée et aita-
quaient avec violence l'arbitraire épisco-
pal
Voici k eet égard des renseignements
puisés k bonne source et que nous sommes
aulorisés k publier.
On se rappelle encore dans quelles cir-
conshnces et pour quels motifs, Mgr l'évêque
de Gand fut amené, iors des dernières élec-
tions, k défendre k M. l'abbé Daens de solli-
citer un nouveau mandat parlementaire.
Cette défense, inspirée par l'intérêt majeur
de la discipline ecclésiastique et par une
pensée de concorde et de pacification, fut
respectée par celui qui en était i'objet et at-
teignit ainsi, dans une large mesure, le but
qui l'avait dictée.
Ge résultat se trouvant acquis, une en
tente s'é'ait établie entre Mgr l'évêque de
Gand et Mgr l'archevêque de Malines pour
assurer k M. l'abbé Daens un poste conve-
nable, paisible et abrité contre les agitations
de la politique.
Les démarches faites en ce sens, un in
stant contrariées, mais non point abandon
ees, furent interrompues par une malheu-
reuse incartade du principal intéressé.
Le 21 Novembre 1898, l'abbé Daens écri-
vait k son évêque une lettre, sèche et brève,
dans laquelle il lui n'otifiait qu'il rie dirait
plus la messe Januis clausis (k huis clos), et
que n'obtenant pas a .sa réhabilitation de
prêtre, il ne lui restait qu'k reprendre
son droit de citoyen et sa liberlé politique.»
Est il nécessaire de remarquer que, com-
me prêtre, l'abbé Daens n'avait pas de réha
bilitation k attendee, puisque la mesure con
tre laquelle il proteste n'a pas été prise k
titre de peine, mais k titre de mesure pré-
ventive, destinée k sauvegarder la dignité
du Saint Sacrifice de la Messe etk empêcher
le retour de scènes regrettables comme il
s'en était produit k Alost
M. l'abbé Daens n'ignorait pas non plus
ce qu'il avail k faire pour voir cette mesure
levée. C'est ce que Mgr l'Evêque de Gand
lui rappelait en lui répondant, dès le 23 No
vembre Ainsi qu'il vous a éié dit récem-
ment, Monsieur i'abbé, vous serez autorisé
k dire la messe dans une église, publique
dès que vous renoncerez k la politique oil
vous vous égarez si tristement, et que vous
cesserez d'abuser et de laisser abuser de
votre caractèie sacerdotal pour égarer le
public comme vous ne l'avez fait que trop
longtemps tnalgré tant divertissements.
Mgr Stillemans demande k l'abbé Daens
un engagement écrit dans ce sens.
Puis Sa Grandeur se voit obligée d'ajou-
ter
Si au mépris de la discipline eceiésias-
tique, vous deviez en venir k répandre ou
k laisser répandre dans le public, que vous
ne voulez plus dire la Sainte Messe si on
ne vous autonse k la dire dans une église
publique, nous vous prévenons que, pour
arrêter un nouveau scandale, nous serions
obligé de prononcer contre vous la peine
de la suspense.
La lettre épiscopale se terraine par eet
émouvant appel
Laissez-moi vous répéier encore que si,
ce que Dieu veuille, vous vous conduisez
en vrai prêtre et que vous vous disiez sin-
cèrement, non notre humble serviteur,
comme vous le faites,mais notre fils obéis-
sant, vous ne trouverez jamais notre coeur
paternel en défaut k votre égard.
Ah pourquoi le prêtre, qui a entendu
ces avertissements et cette adjuration, n'a-
t il pas voulu s'y rendre
Non content d'écrire en ces termes, Mgr
Stillemans manifeste le désir de le revoir k
l'évêchémais cette invitation est déelinée
par une lettre qui n'a que des rapports trés
éloignés avec le respect dü au caractère
épiscopal.
II devient bientót évident par les réponses
évasives et dilatoires qui sont faites k de
nouvelles invitations que l'abbé Daens ren-
versant les róles, prétend lui-même imposer
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