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Mercredi 29 Aoüt *900
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La cloche
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Nouvelles de notre légation
Le ministre des affaires étrangères
a recti lundi après midi le télégramrae
ci-dessous, daté de Pékiu le 13 aoüt
et déposé a Ché-Fou le 26
Nous avons été délivrés hier après
56 jours de siège tous nos compa-
triotes sout sauvés. La plupart sont
trèséprouvés par les privations. Tout
Pékin est occupé par les troupes étran
gères qui assurent l'ordre.
Sans nou velles de 1'extérieur depuis
deux mois, j'attends vos instructions
pour repreudre ma tache avec un
nouveau zèle.
J'ai télégraphié par l'entremise du
Tsang-li-Yamen, les 2, 5 et 9 aoüt
(Signé) Joostens,
Paris, 28 aoüt.
Le Siècle de ce matin publie la
dépêche suivante que nous reprodui-
sons a titre de curiosité et en tui lais-
sant toute la responsabilité
St Pétersbourg.
Je vous transmets sous toutes ré
serves la nouvelle suivante qui court
avec persistance ici
Le gouvernement aurait regu une
dépêche l'informant qu'après des ba-
tailles acbarnées en dedaDS des murs
de Pékin, les alliés se seraient repiiés
perdant 1800 hommes, la plupart
Russes.
Les Ghinois occupèrent des posi
tions fortifiées d'oü its bombardèrent
les forts des alliés d'une facon extrê-
mement meurtrière.
Londres, 28 aoüt.
Le Morning Post publie un télé-
gramme de Washington annomjant
que le gouvernement a reQu une in
formation directe que la Russie n'a
pas déclaré la guerre a la Chine. Le
Czar a l'intention d'annexer la Mand-
chourieon prévoit une opposition
active de la part du Japon
Capture du general Ollivier
Une nouvelle dépêche de Belfast,
expédiée par ie maréchal Roberts bier
matin, annonce un désastre imprévu
pour les Boers.
La colonne Ollivier, qui avait réus-
si il y a un mois a s eclipser du sud-
est de 1'Orange, au moment de la red-
dilion de Prinsloo et a remonter vers
le nord bien au dela de Bethléem, est
prisonnière des Anglais. On la croyait
dans le nord-est. Elle avait eu l'auda-
ce de redescendre vers le sud et d'aller
attaquer de trois cötés Wynburg, en-
tre Bloemfontein et Kroonstadt, di-
manche, après avoir attaqué la colon
ne Ridley, prés de Ventersburg. Elle
s'est heurtée a des forces accablantes
et, après nn combat de prés d'un
jour, elle a été battue hier matin lun
di. Ayant jonché le terrain de ses
morts, elte a fini par tomber en gran
de partie aux mains de la colonne
Bruce Hamilton. Ollivier et ses trois
fits sont parmi les prisonniers. Le
vaiilant général est lui-même blessé.
On ignore encore le nombre des pri
sonniers boers, et si leurs canons sont
également aux mains des Anglais.
Quoi qu'il en soit, ie maréchal Ro
berts insiste sur l'importance de celte
victoire augiaise, paree que Ollivier
était Tame de la résistence dans le
sud-est de i'Orange II est exact que
c'est un véritable maibeur pour es
Boers. Mais il ne les abaltra pas, s'il
doitrendreleur situation plus difficile,
en iibérant des forces angiaises pour
la lutte dans le Transvaal.
Gi, une nouvelle signée Jules Lemaitre,On
aurait bien quelques réserves b faire concer-
nant les mensonges du bon vieux curé qui en
est te héros, mais ies intentions de l'auteur
sont si bonnes et son his.loriette si gentiment
contée
La petite paroisse de Lande-Fleurie avait
i une vieille cloche et un vieux curé.
La cloche était si fêlée qee sa sonuerie
i ressemblait b une loux de vieille femme, qui
faisait mal k entendre et qui attristait les
i laboureurs et les bergers répandus dans les
champs.
Le curé, l'abbé Corentin, était solide j
encore, rnalgré ses soixante-quinze ans. II j
avait une figure d'enfant, ridéc, mais rose,
encadrée de cneveux blancs pareils aux
écheveaux que filaient les bonnes femmes de
Lande Fleurie. Et il était adoré de ses ouail-
les cause de sa bonhomie et de sa grande
charité
Comme l'époque approchait oü i'abbé
Corentin devait accomplir la cinquaniième
année de son sacerdoce, ses paroissiens
résolurent de lui offrir un cadeau d'impor-
tance pour fêter eet ariniversaire.
Les trois marguilliers firent secrèlement
la quête dans toutes les maisons, et, quand
ils eurent réuni cent écus, ils les portérent
i au curé, en le priant d'aller b la ville et d'y
choisir lui-même une cloche neuve.
Mes enfants, dit l'abbé Corentin, mes
j chers enfants... c'est évidemment le bon
I Dieu qui... pour ainsi dire... en quelque
i manière...
Et il n'en put dire plus long, tant il était
I ému. II ne sut que murmurer
Nunc dimittis servum tuum, Domine,
secundum verbum tuum in pace.
Dès le Iendemain, l'abbé Corentin se mi1
en route pour acheter la cloche. II devai1
faire b pied deux lieues de pays, jusqu'au
bourg de Rosy-les Roses, oil oassait la dili
gence qui menait b la bonne ville de Pont-
l'Arohevêque, chef-lieu de la province.
II faisait beau. La vie des arbres, des
oiseaux et des plantes utiles ou agréables
bruissait sous le soleil des deux cótés du che-
min.
Et le vieux curé, la tête déjb pleine des
carillons futurs, marchait allègrement en
louant Dieu, comme saint Francois, de la
gaielé de la création.
Comme il approchait de Rosy-les-Roses,
il vit, sur le bord de la route, une voiture de
saltimbanque dételée. Non loin de cette voi
ture, un vieux cheval était couché sur le
flanc, le quatre jambes allongées et raidies,
les cerceaux des cótes et les os pointus de la
croupe crevant ia peau usée, du sang au na-
seaux, la tête éi orme et les yeux blancs.
Un vieii homme et une vieille femme, vê-
tus de haillons bizarres et de maillots de co-
ton rosatre étoilés de reprises étaient assis
au bord du fossé et pleuraient sur le vieux
cheval mort.
Une fille de quinze ans surgit du fond du
fossé et courut vers l'abbé en disant
La charité, monsieur le curé la cha
rité, s'il vous plait 1
La voix était rauque et douce b la fois et
modulait sa prière comme une chanson de
zingara. L'enfant, dont la peau avait la cou
leur du cuir fraichement tanné, n'était vêtue
que d'une chemisette sale et d'un jupon
rouge mais elle avait de trés larges pru
nelies noires e', veloutées et les lèvres com
me des bigarreaux mürs ses bras jaunes
étaient tatoués de fleurs bleues et un cercle
de cuivre retenait ses cheveux noirs, étalés
en éventail de chaque cólé de son visage
maigre,comme cela se voit aux figures égyp-
tiaques.
L'abbé, ralentissant sa marche, avait tiré
de son porte monnaie une pièce de deux
sous. Mais, ayant rencontré les yeux de
l'enfant, il s'arrêta et se mit b l'interroger.
Mon frère, expliqua-t-elle, est en pri
son, paree qu'ona dit qu'il avait volé une
poule. C'est lui qui nous faisait vivre et
nous n'avons pas mangé depuis deux jours.
L'abbé remit les deux sous dans sa bourse
et en tira une pièce blanche.
Moi, continua t-elle, je sais glonger et
ma mère dit la bonne aventure. Mais on ne
nous permet plus de faire notre métier
dans les villes et dans les villages, paree que
nous sommes trop misérables. Et maiute-
nant.voilb que notre cheval est mort.Qu'est-
ce que nous allons devenir?
Mais, demanda l'abbé,ne pourriez-vous
point chercher de l'ouvrage dansle pays
Les gens ont peur de nous et nous jet
tent des pierres. Puis, nous n'avons pas ap-
pris b travaiHernous ne savons faire que
des tours. Si nous avions un cheval et un peu
d'argent pour nous habiller, encore nous
pourrions vivre de notre état... Mais il ne
nous reste plus qu'b mourir.
L abbé remit la pièce blanche dans sou
porte-monnaie.
Aimes-tule bon Dieu? demanda til.
Je i'aimerai s'il nous vient en aide, dit
l'enfant.
Labbé sentait b sa ceiniure le poidsdu sac
ou étaient ies cent écus de ses paroissiens.
La mendiante ne quittait point le sairit
prêtre des yeux, de ses yeux de tzigane que
les prunelies emplissaient tout entiers. Il
questionna
Es-tu sage
Sage fit la tzigane avec étonnement,
car elle ne comprenait pas.
Dis Mon Dieu, je vous aime
L enfant se taisait, des larmes pleins les
yeux. L'abbé avait défait les boutons de sa
soutane et ramenait le gros sac plein d'argent.
La tzigane attrapa le sac d'un geslede
singe et dit
Monsieur le curé, je vous aime.
Et elle senfuit vers les deux vieux qui,
sans bouger, pleuraient sur le cheval mort.
T