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Samedi 14 Décembre (901
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au Journal d'Ypre.s pour 1902
recevro it le journal graluitement
jusqu'èt Nouvel an.
M. Mergiv lyuck. secrétaire de ia légation
belpe k Péitin, ps'. rentré Mardi dernier k
Ypres. 11 était p .rti pour la Cnitie au com-
menceiuent de l'amiée dernière, et il subit le
siège des légalions par les Boxers pendant
51 jours au cóté de M. Joosiens, notre mi
nistre k Péltin.
Les autorités et la population d'Ypres lui
ont fait une récepiiou enthousiaste.
Dès le commencement de faprès-midi, la
foule se porte aux abords de la gare. L'hótel
de ville, le befiroi, toutes les maisons parti-
culières, non s ulement sur le parcours du
coriège, maïs par toute la ville, ont ai boré
le drapeau national.
A la gare le service d'ordre est assuré par
le chef de gare, M. Vandaele, et par le com-
missaire de police.
Notons parmi les personnes présentes, M.
Merghelyuck, père, M"" Merghelynck. M
Merghelynck, fiis, frère du diplomate, M. et
Mm9 Vander Biuggen Merghelynck, M. le
Sénateur Iweins d'Eeckhoutte, M. Bergti-
man, échevin, M. le maiquis d'Enueuères,
des membres de la familie et des amis.
11 est 2. h. 28 quand le train entre en
gare. M. Léopold Merghelynck en descend
précipitamraent et va se jeter au cou de son
père et de sa mère. Le moment est impres-
sionnanl et persoune ne peut retenir ses
larmes. Des rivals retentissent de toute part.
Le vaillaut diplomate serre les mains qui de
partout se tendent vers lui.
Le moment des premières effusions passé,
onserend k la salie d'attente de première
classe, oü M. l'échevin Fraeijs adresse k M.
Merghelynck l'allocution suivante
Monsieur,
Je suis trés honoré du privilège qui
m'écboit de me trouver k la tête de cette
dépulation de l'autorité communale pour vous
souhaitei' au nom de la population toute
entière la bienvenue dans votre cité
Cet üeureux retour dans votre ville natale
est accueilli par les habitants avec une joie
égale aux aifreuses angoisses que nons avons
partagées avec votre sympathique familie,
laqueile a pu se rendre compte du religieux
intérêt avec lequel nous suivions les phases
impressiouiiantes 1es atroces massacres de
Chtue.
Je me fais ici l'inl,erprête de la population
d'Ypres pour vous feiiciler btea cüaleureuse-
ment d'avoir échappé k la mort qui pendant
50 jours et plus vous a guetté. Mais, la Pro
vidence veillait sur notre jeune diplomate.
L'Adminisiration Communale félicite non
seulement le courageux fonctionnaire du
Gouvernement Beige, mais encore le soldat
d'élite qui n'a pis craint d'exposer sa vie en
combattant comme volontaire au premier
rangdel'armée Fran^aise.
Li s Gouvci uements Beige et Franpais ont
reoounu les services multiples que vous
avez rendus pendant cet iuoubliable siège k
Fésin t-t, c'est avec bonheur que nous voyons
briller sur cette juvénile poitrine, les croix
si bieii méritées.
Que votre carrière diplomatique oü vous
débuiez si heureusement, M. Merghelynck,
soit longue el brillante. G'est le voeu dont je
me fais l'inteipiête au nom de toute ia po
pulauon Yproise.
M. Merghelynck, profo.idément ému, re-
mercie M. l'échevin Fraeijs de ses paroles
élogieuses el la population Yproise des mar
ques de sympathie qu'on lui témoigne en ce
jour.
ll s'exprime dans les termes suivants
Messieurs,
Je suis extrémement louché des paroles
aimables que Mr i'Echevin Fraeijs vient de
m'adresser. Aussi permeuez-mui d'y répon-
ure en traduisaiii devant vous les sentiments
de juie et de gratitude qui m'amment en
Cette iuoubliable journée.
Je ne cruis pas que la tragédie antique, oü
l'on a pourtani l'nabitude d'ailer chercher
loutes les sources d'émotion el d'üorreur,
oüre neu de comparable k la situation cri-
tique et troublée que nous connümes, mes
compagnons d'inforlune et moi, lorsque nous
vécümes ïsolés du restant du monde, pres-
que saus munitions, et entourés de toutes
pai ls par desenuemis, dont les vociferations
siuisires faisaieut présager un triomphe
prochaiu. Et dans cette guerre de barricades
et de tranchées, en voyant des camarades
tomber k mes cótés et la masse envabissante
des réguliers nous obiiger k céder pied k
pied le terrain que nous défendiuns avec
acharncmeut, que de lois il m'est arrivé de
désespérerQue de fois dans ces heures de
prolond découragemem, ma pensée, fran-
chissant l'espace immense qui me séparait de
la patrie absente, sembiait apporter un der
nier adieu k ce beau pays de Flandre, ber
ceau de ma familie et de rnon enfance et k
la maison paternelie oü lègnaieut saus doute
le deuil et la douleur Puis j'eutrevoyais
déjk les supplices horribles que la cruauté
des Cüiuuis, experts en tortures, devaient
nous ïnfliger avain de lan e disparaltre k tout
jamais, dans l'oubli, nos dépouilles muti-
lées.
Maïs sur cette poiguée de malheureux
qu'on croyait perdus et qu'on disait déjk
massacrés, veillait la Providence divine qui
n'a point voulu donner k l'histoire du monde
la triste obligation d'enregistrer des crimes
aussi abominables
Voilk pourquoi les canons des alliés gron-
dèientaux portes de Pékin dans la mémora-
ble riuit du 13 au 14 aoüt 1900, et que nos
troupes, si lotigtemps attendues, enirèrent
enfin dans cette capitate mysiérieuse, qui
aujoui d'uui n'a plus de secrets pour noire
civilisation triomphante.
A quelque chose, malheur est bon dit
un proverbe, et le bonheur est toujours bon
heur, mêuie quaud il est édifié au prixd'uu
souvenir péniole, acheté au prix d'une sout-
trauceDans ces tristes évèuemems, dont
ma mémoire gardera k tout jamais la terri-
fiante image, j'ai trouvé aujourd'hui une
éuorme compensation ils mout en efiel
tou"-ti uue nouvelle preuve, uu nouveau lé-
moiguage, de l'estime et de l'iniéiél que me
ponem mes chers concitojena et auxqueis
je n'ai jamais cessé d'etre extrémement sen
sible.
Aussi, c'est du fond de mon coeur que je
vous prie d'agréer, au nom de la ville
d'Ypres mes plus vils remerciments et l'ex-
pression de ma sincère reconnaissance
On sort de la gare. La place de la station
et la rue de la gare sont noires de monde.
L'Harmonie Communale salue d'une vibraute
Biaöanpoiine 1 apparition du courageux diplo
mate. Les vivais et les ovations éclatent de
toute part, et se continuent sur tout le par
cours du coriège jusqu'k l'Hólei de ville.
Lk c'est M. l'échevin Berghtnan qui salue
et félicite M. Mergüelynck au nom de ia ville.
Ii rappelle les services retidus k Ypres par
les ancêtres de celui-ci. 11 rappelle aussi le
passage des rapports de Al. Pichou.ministre de
France, oü on lit que M. Merghelynck, qui
servit coiume simple soldat dans la btigade
trappaise, accomplit des actes de héros et
fut admirable d'énergie et d'aünégaiioii.
Nous sommes üeureux de pouvoir donner
le ueau discours de Al. l'échevin Berghmau
Monsieur le Secrétaire ie legation,
Je liens avaut tout k vous p.ésemer les
excuses de Alonsieur le Bourgmestre, qui se
trouve daus l'impossibilité d'assister k voire
réception. Retenu k Bruxelles par ses devoirs
de représentant, il regrette vivemeut de se
voir priver l'hoiineur de vous recevoir. J eu
éprouve autaut de déplaisü pour vous que
pour mot-méme. Quieouque couuali sa verve
et sou éloquence, regrettera que les souhails
de bienvenue doiveut être présentés par le
faisaut fouciioris de bourgmestre pluiót que
par Monsieur Golaert lut-même.
Quand vous avez toulé le sol de la patrie,
vous étes vous demaiidé, eu sougeant k vos
parents, k vos proches et k vos amis, qui
vous ailendaieni avec aaxiété, si voire ville
natale apprécierait l'étendue des sacrifices
que vous vous étiez imposés
La ville d'Ypres a suivi avec un soin ja-
loux les péripéiies de la guerre chinoise.
Elle a attendu avec impatience votre retour
en Belgique elle a guetté votre arrtvée dans
des régions plus uospitalières elle a tenu k
être la première k vous faire subir le poids
de sas lélicitations.
La carrière diplomatique n'est pas topjours
parsemée de roses.
Mieux que tout autre, vous avez pu en
faire la triste expérience.
Aider k la résistance d'un siège de 51
jours s'enroler librement, comme simple
combattant dans la légion franpaise; «faire»,
comme disait monsieur Pichon, ministre de
France k Pékin, acte d'héroïsme, être un
modèle de courage, de sang-frotd et d'ab-
cégation c'est lk ie faire d'une ame
magnanime, d'un coeur qui ne connait que le
dévouement, d'un homme qui préfère mou-
rir sur la brêche plutót que de ne pas servir
une cause noble et juste.
Les sentiments d'attachement at Prince
et k la patrie sont traditionnels, parait-il,
dans votre familie. Ah ce n'est pas froisser
vos sentiments de modestie que de vous rap-
peler, en cette circoustance solennelle, ce
que vos ancêtres ont fait pour la chose pu-
blique, pour la prospérité de la ville, pour le
bien-étre du peuple et de la nation. Descen
dant de tels aieux, vous pouvez vous estimer
heureux d'avoir su marcher sur leurs traces.
A la vie facile que vous assuraient les avan-
tages de la fortune, vous avez préféré....
quoi?,... le travail!! Méprisant une exis
tence passée dans l'oisiveté, vous avez tenu
k posséder le plus bel apanage auquel un
homme bien né puisse aspirer... la science!!
Et aujourd'hui que vous 1'avez acquise, vous
vous plaisez k ia mettre au profit de votre
nation.
Des distinctions ne pouvaient manquer de
vous être ociroyées, ni par le Roi des Bei
ges, voire auguste Maltre, ni par le Prési
dent de la Répubhque franpaise. Nomrné
chevalier de l'ordre de Léopold, vous vous
êtes vu conférer un insigne bonneur qui
n était dü ni k l'kge, ni au nombre d'années
de services jeune encore, vous n'avez eu
droit k cette distinction que grkce k la con
duite distinguée, hors ligne dont vous avez
fait preuve lors du siège k Pékin. Et quand
le Président de ia République franpaise vous
a créé chevalier de la légion d'nonneur, il a
voulu récompenser votre bravoure plutót que
de vous conférer un vain litre d'honneur.Ghe-
valeresque de race et de condition, vous avez
prouvé en Chine que vous n'aviez pas dégé
néré de vos pères.
La ville reconnaissante, appréciant ia
part la plus brillaute que vous avez prise
k la défense de la légalion de France,