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Mercredi 20 A out 1902
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Ren aniement Minislériel
Les Fêtes Mstoriques
de Courtrai
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On s'abonne rue au Rouwe, 38, k Ypro
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Le JfOüRNAi D TPH8S paralt le Mercrecli et le jgame'di.
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l.t corps du journal coüto t
st»e. Lasim oéroa supp' -
i iros) s'adresser l'Agencr
Par des arrêtés royaux en date
du 19 aoüt, eontresignés par M. le
Ministre des Finances et des tra-
vaux publics
a demission offerte par le
Baron Surmont de Yolsberglte de
ses l'onciiotis de Ministre de l'ln-
dustrie et du Travail est accepté
M. Gustave Francotte, membre
de la Chambre des Represent ants,
est n<mme inistre de Plndustrie
et du Travail.
Nos lecteurs sont au courant des fê'.rs qui
out lieu k Courtrai, 'occasion de I; com-
mérooratica de la bataille des Eperons d'or.
Neus n'entrerons done pas dans les détails
de ces fêtes historiques, dont la prir cipale,
le superbe coitège, coupu et exécuié d'après
les indications de M le chanoins Dudos, n'a
pu avoir lieu lundi, i cause du c uvais
temps.
Nous apprenons tie sourc r utorisée q ie
le coriège fes a sa sot tif Dimanche 2 1/2 h.
No? lecieuts nous saus out gré de repro
duin: dans nos colonnes le magistral discours
proncïicê par M Reynaêrt, Bourgmese et
Représentant de Courtrai, ;-;u mom; at de
l'insu^uratio du monument de Groenicgbe.
Nos ancê'res Yprois aymt été grande ment
mêlés k la jouroée du 11 Juillet 1802. dis
cours. de l'bonorable BourglÜestre de Cour
trai les iutéressera u plus haut poirt. Le
voiei
Messieurs les Ministres,
Messeigneurs,
Messieurs,
II y a des solennilés qui fascinent l'esprlt et
le déconeertent au point de rendre impuis ante
la parole hurnaine et de sembler ne laisser dace
qu'k une muette admiration.
lei, oü tout se réunit et se fond dans une
indicible harmonie, passé' et présent, lie: x et
souvenirs, patrie et religion; quelle scène e'une
imposante grandeur, et comment traduir. les
émotions qui envahissent mon ame
Cetle foule immense qui couvre la plain oü
nous sommes ces een tain es de sociétés t de
glides patriotiques, accourues, baunière dé-
ployée, de tous les coins du royaume, du pays
flamandetdu pays wallon, des villes des
campagnes cette jeunesse universitaire', fré-
missante d'enthousiasme, cette pléïade d'hom-
mes distinguéS de tout rang et de toute profes
sion, et, au milieu de ce concours saus égsl,
les ministres de la nation, le présentant du Hoi
dans la province et des princes de 1'Eglisc!
Cette terre de Flandre, privilégiéc entre
toutes par la vigueur de sa race et la fertilité dti
son sol, berceau jadis de cités populeuses, fio-
rissantes par le commerce et l'Industrieau sein
desquelles, des édifices somptueux, des monu
ments superbes, des cathédrales, des beffrois,
des halles, des monastères oü le génie artistique
a prodigué ses trésors
Cette antique ville de Courtrai, féconde en
traditions touchantes et en souvenirs illustres
Saint,-Amand et Saint-Eloi, les premiers apötres
de la civilisation chrétienne, demeurés popu
lates parmi nous en dépit des siècles; plus tard,
lorsque la chrétienté se précipite vers le tom-
b au du Sauveur, Baudouin de Constantinople,
qui, dans un chevaleresque élan de foi reli-
gieuse, quitta nos murs et ce vieux chateau, sa
résidence de prédilection, sous les bastions
duquel se joueront, un siècle après, les desii-
nées de la Flandre, pour aller guerroyer
contre les infidèles et se couvrir d'une gloire
immortelle Jeanne et Marguerite de Constan
tinople, princesses éclairées, magnanimes
comme leur père, qui consolident et élargisrent
nos franchises communales, dont la première
a érigé, a quelque cent mètres d'ici, de véné-
rables asiies, oü, aujourd'hui encore s'abr.itent
la piété et l'infortunepuis,ia ravissante figure
de Beatrice, fondatrice de l'abbaye de Groenin-
ghe surnommée la Dame de Courtrai, esprit
d'une grkce charmante et d'une rare culture,
douce et pieuse, sage et prudente, protectrice
des arts et des lettres, conseillère des rois et des
princes
Et, enfin, dans ce cadre magnifique, ce coin
de terre béni, ce champ sacré de Groeninghe,
oü coulèrent des flots de sang, il y a six cents
ans, et, oü se dresse maintenant le monument
qui est lk, au haut duquel, captivant tous les
regards, faisant palpiter tous les coeurs, resplen-
dit la Flandre symbolisée k l'heure la plus glo-
rieuse de sou bistoire, victorieuse, triooiphante,
dans cette célèbre bataille des Eperons d'or, qui
ent pour effet d'affranchir la patrie du joug de
I'étranger et dont l'annonce fut ressentie en
Europe comme un soulagement de la cons
cience publique
Philippe-Auguste avail déjk tenté, mais vaine-
ment, d'annexer Ie comté de Flandre a la cou-
ronne de France.
Philippe leBel recommence l'entreprise t la
poursuit. avec une étonnanle ténacité.
Sans scrupule comme sans ménagement, tour.
k tour violent et astucieux, il foule aux pieds la
foi publique, déchire les traités, chaque fois que
sou dessein l'exige, et abreuve d'humiliations
Gui de Dampierre, son puissant vassal.
II invent.e un prétexte pour l'attirer k Paris
avec sa fllle Philippine, fiancée a l'héritier du
li öne d'Angleterre il l'accuse insidieusement,
en s'appuyant de faux documents, d'avoir pac-
tisé avec ses ennemis et fait emprisonner l'infor-
luné prince en même temps que sa fille.
Gui de Dampierre rendu a la liberté, Philippe-
ie bel ne lui laisse ni trêve ni repos. 11 aitise les
dissensions intestines au sein des communes
flamandes, expioite les factions k tour-de rple,
les excite perfidement contre le comte, lui ravit
touie liberté, paralyse entre ses mains toute ini
tiative et le livre, jouet de ses caprices, fantöme
de souverain, aux liravade.s et, aux moqueries
d'une partie de ses sujets. Pour achever sa
ruine, il le cite, contrairem'ent au droit des
traités, devant le Parlement et fait décréter la
confiscation de son fief.
Exaspéré, affolé, le vieux prince se jette entre
les bras de l'Angleterre et déclare la guerre a
son suzerain. Délaissé aussiiöt parses allies,
baltu, écrasé, il est ohligé de se rendre a merci.
Et le voila de nouveau en captivité avec deux de
ses fils dans les donjons de Philippe-le-bel et
avec eux un grand nombre de nobles, qui, vou-
lant partager son sort, avaient suivi le malheu-
reux comte a Paris.
Le rêve des rois de France s'est réalisé enfin.
La Flandre est envahie et traitée en pays con-
quis. La fleur de Lys est substituée au Lion noir-
Accompagné de sa femme, la reine de Navarre,
entouré d'une escorte im po saaie, Philippe-ie-bei
fait dans sou nouveau domaine un voyage
triomphal.
Mais la Providence veillait. Elle ne laissa pas
l'attentat se consommer. Eile suscita des hom
mes puissants par le courage el la foi. Pierre De
Coninck et Jean Breydel apparurenf. et a cöté
d'eux Gui de Namur, fils de Gui de Dampierre
et son pelit-fils, Guillaume de Juliers.
Après que leroi de France eut visité en grande
pompe les villes de Bruges et de Gand, les évè-
nements s'étaient précipitós vers leur fin.
Bruges, l'héroïque Bruges, n'avait plus connu
le repos. Sous I'arrogante domination de du
Chatillori, l'agitation, la discords,l'insurrection
y avaient été en permanence jusqu'k cetle
tragique matinée du 18 Mai, lorsque ie soleil
levant éclaira de ses premiers rayons un spec
tacle lugubreles rues de la ville noyées daris
le sang et jonchées de cadavres.
Quand Philippe-lc-bel apprit les matines
brugeoises,son courroux éclata violent et brutal,
li jura de se venger.
Entre la Flandre et lui, il existait désormais
un abime infrnnchissablc.
La situation ne pouvait se dénouer que dans
une rencontre suprème.
Aussibien, Philippe-le-bel met sur pied une
armée formidable, lie .omptaut pas moins de
cinquante mille hommes 11 comprenant, a cöté
des milices bourgeoises, des troupes mercenai-
res et l'élite de la chevalerie fraugaise.
De leur cöté, Pierre De Coninck, Gui de
Narnur et Guillaume de Juliers donnent le
signal d'un soulèvement général; ilsparcourent
le pays en triomphateurs et rassemblqntk la
bate une armée de patriotes.
A l'appel deleurs chefs, les flamands, imposant
un instant silence k leurs querelles pour faire
front k l'oppresseur commun, accourent en
masse, armés de piques, de haches, d'arbalètes,
de goedendags iis arrivent de partout, de
partout oü il y a du sang flamand dans les
veinespas une region, pas une ville, pas un
bourg, pas un liameau qui n'envoie un contin
gent de combattants ils vieunent de Bruges et
du Franc de Bruges, d'Ypres, de Gand, des
pays d'Audenarde, de Courtrai, d'Alost et de
Furnes, roême de Ia Flandre Fraugaise, de
Liile, de Roubaix, de Douai et, de la Zélande,
ainsi que du Brabant et du Limbourg, du Na-
murois et du Hainaut.
Venus de partout, ils sont aussi de tous les
états et de tous les rangs sociaux des grands
et des petits, des riches et des pauvres, des j
ouvriers de toutes les gildes et de tous les j
métiers, des tisserands, des boucheis, des Ion- i
deurs, des magons, des foulons, des teinturiers
et parmi eux, les maitres et les patrons; et non
seulecaent les travailleurs et les bourgeois dis
viiles, mais aussi les gens du plat pays et de la
cöle maritime, des paysans et des pêcheurs; et
au milieu de tous ceux-lk des centaines de
nobles, des chevaliers et des écuyers, et encore
un certain nombre de prêtres et de moines.
El il yen a ainsi vingl mille environ,non
seulement confondus et compacts dans les
mêmes rangs, mais unis dans une solidarité
étroite, unis dans la haiue de i'étranger, unis
dans l'amour de l'indépendance et des liberies
communales, et tous pleius d'enthousiasme
pour les princes dont la présence, k cette heure
désespérée, leur inspire une invincible con-
fiance.
Le choc entre les deux armées eut beu le tl
Juillet sous les murs de Courtrai.
A l'aube de ce jour, les chefs des con muniers
flamands, Gui de Namur, Guillaume de Juliers
et Jean de Renesse, capitaine expérimenté et
habile, courrurent une dernière fois d vant le
front des troupes, enflammèrent les courages
et donnèrent le mot de ralliement Flandre
au Lion Etalors, ici même, sur cel e plaine
de Groeninghe, t ut lieu un spectacle a la fois
émouvantet sublime Tous ces braves, nobles,
bourgeois, ouvriers, ecclésiasliques, moines,
s'associantau prêtre qui célébrait le sacrifice
des autels, plièrent le genou et baisèrent de
leurs lèvres une parcelle de cette ten.' natale
pour laquelle ils allaient combattre et mourir.
Le combat fut long et opiniatre.
Des deux cótés, la même intrépidité, le même
acharnement, le même mépris de la m irt.
Bataille gigantesque, combat homérique oü
nos ancêlres luttèrent un contre Irois.
On en connait t'issue.
A la suite de plusieurs raêlées féroces, l'infan-
terie fiancaise avait été décimée etdisprrsée, la
cavalerie culbutée dans les ruisseaux et massa-
crée. Humilié, fou de désespoir, le gé :éralis-
sime francais, Robert d'Artois, résolut dene
point survivre a la bonte d'une pareille défaite;
ii se rua en avant k la tête de sa troupe, bondit
par dessus des monceaux de cadavres, e;., après
des prodiges d'une téméraire audace, t ut son
coursier tué sous iui et fut lui-même assomé
sans pitié.
C'étail la fin du combat. Mise en une 'léroute
compléte, l'armée fraugaise chercha le salut
dans la fuite.
Alors reten fit sur cette plaine une formidable
clamcur, un immense cri de triomphe Flan
dre au Lion! Flandre au Lion!
Un riche bulin étsit tombé au pouvoir des
vainqueurs.
Le lendemain, de leurs mains encore crispées
et tremblantes, ils allèrentsuspendre aux voütes
de Notre-Dame plus de cinq cents éperons d'or
ramassés sur le cbamp de bataille.
Glorieux trophée Ineffable action de grkces
a Celui qui remplit de sa Majesté les cieux et la
terre, au Üieu des armées et au Maitre des em
pires
Le souvenir de cette inénarrable victoire est
demeuré vivace au sein de la race flamande.
Eile se l'est transmis avec le sang, de gónéra-
tion eb génération comme un titre d'orgueil,
comme le plus noble de ses héritages.
Et, dura111 ces longs siècles, l'épopée héroïque
du Lion de Flandre et le récit merveilleux de
ses exploits ont charmé les veillées de notre
peuple, échauflé son cceur, enchanté son es
prit, dans les chateaux comme dans les chau-
mières, dans les cités comme dans les bourgs,
par dela les terres el les mers, oui, partout oü
sur une lèvre hurnaine résonne une parole fla
mande, jusque sur ces coteaux brülants de l'A-
frique, dont les échos retentissent encore du
bruit des batailles et dont le sol est encore trem-
pé d'un sang généreux.
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