Mercredi 25 Janvier 1905
Année 40 N° 3915
10 centimes le
FRANCE
RUSSIE
LA G
lüEURK
Aggression des Grecs
dans la Grotte de Bethléem
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du journ.a
ligne. Les
La crise ministérielle francaise est dénouée
par Paccentuation de la combinaisorx a
gauche et par la retraite des éléments que
Pon considérait comme modérés, MM.
Poincarré et, Jean Dupuy.
M. Maruéjonls, auquel on avait offert
de garder son portefeuille, l'a refuse. Le
nouveau ministère garde du précédent
cabinet quatre ministres et un sous-secré
taire d'Etat MM. Bouvier, Chaumié,
Delcassé, Berteaux et Bérard. Le Cabinet
compte trois sénateurs.
Comme opinions, il se réparlit ainsi
Deux membres de 1'Union républicaine
du Sénat, MM. Bouvier et Chaumié deux
membres de 1'Union démocratique de la
ChambreMM. Etienne et Thomson.
Ces deux groupes représentant la même
orientation politique.
La Gauche démocratique dn Sénat compte
un membre M. Gauthier le groupe radical
de la Chambre compte trois membres, M.
Ituau, Clémente! ct Delcassé.
Les radicaux sqcialistes ont trois repré-
sentants MM. Dubief, Berteaux et Bien-
venu-Martin.
Les trois sous-secrétaires d'Etat appar-
tiennent au groupe radical.
La décision de MM. Poincarré et Jean
Dupuy aurait été inspirée par celle que le
cabinet a prise, assure-t-on, au sujet de la
délation. Le commandant Bégnicourt serait
seulement suspendu de son grade dans
la légion d'lionneur et non rayé le géné
ral Peigné se verrait simplement privé
de son titre de commandant de corps
d'armée et mis en congé.
De plus, pour gatisfaire l'extrême-gaucbe,
on frapperait certains officiers, comme Te
général d'Aubois de Larbout, ayant pro-
testé trop ouvertement ou qui auraient
écrit dans les journaux. Cette modification
dans {'orientation du cabinet serait due a
la pression exercée par les groupes radi
caux socialistes.
Paris, 24 janvier.
Yoici la constitution définitive du ministè
re
Présidenceetfinances, M.Bouvier. Justice,
Chaumié. Affaires étrangères, Delcassé.
Intérieur, Etienne. Guerre, Berteaux.
Marine, Thomson. Colonies, Clementel. Tra-
vaux publics, Gautliier de l'Audè. Instruc
tion publique, Bienvenu Martin. Agricultu
re, Buau. Commerce, Dubief. Sous secretaire
d'Etat aux beaux-arts, Dujardin Beau-
met-z. Id aux finances, Herlou.Id aux postes
et télégraphes, Berard.
MM. Poincaré et Jean Dupuy se sont
retires afin d'accéder au désir de la gauche
démocratique du Sénat d être représentée
dans la combinaison. Le cabinet arrêtera
aujourd'hui les termes de sa déclaration.
Le correspondant romain du Temps
telegraphic au sujet de la revocation des
vicaires généraux de Dijon
i
Rome, 22 janvier.
Le fait que M. Le Nordez a retire aux
vicaires généraux du diocese de Dijon les
pouvoir épiscopaux, a produit une vive et
défavorable impression au Vatican. On
declare que 1 evêque démissionnaire a ac
compli un acte entacké de nullité au point
de vue canonique et qu'il s'est mis par la
sous le coup des censures pontificales. Au
point de vue écclésiastique. M. Le Nordez
ayant donné sa démission d'évèque au Pape,
n'avait plus rien a voir dans Tadministra-
tion du diocèse de Dijon. Mais au point de
vue civil, ce siège épiscopal n'étant pas
considéré commc vacant par le gouverne
ment francais, qui n'avait pas acceptó la
démission de M. Le Nordez, la situation est
trés embarrassante pour les deux parties.
En destituant les deux vicaires généraux,M.
Le Nordez a créé un cas nouveau des plus
singuliers,et voici comment: néeessnirement
M. Le Nordez, toujours évêque de Dijon,
devra, aux yeux du gouvernement frangais,
nommer d'autres grands vicaires avee pou-
voirs extraordinaires et les faire accepter
par le gouvernement or ceux ciau point
de vue ecclésiastique, ne pourront exercer
leur charge sans encourir a leur tour les
pénalités canoniques Ainsi se présente
maintenant ce problême sans précédent et
qui présage de uouveaux conflits entre le
Saint-Siège et l'Etat francais.
S' Peters-
1' opinion
Les événements sanglants de
bourg ne cessent de préoccuper
publique. Partout ou estime que la épres-
sion est dune violence impossible ajustifier,
explicable seulement par l'affolement des
exécuteurs et rimpróvoyanco des chefs. Le
mal, aujourd'hui, est consommé. Après
avoir hésité vingt ans devant des réiormes
nécessaires, l'Empire russe s'est laissé ac-
culer a des brutalités inutiles, La démon»
stration ouvrière était, hier, considerable.
L'irritation, aujourd'hui, doit être pro-
fonae. Ou eüt pa l'éviter peut-être par une
décision plus prompte, une allure plus
tranche, voire par 1 un de ces actes d'audace
et de confiance qui sont pour les chefs d'Etat
une ressource parfois décisive. II s'agit
maintenant de panser les plaies. Ou est le
médecin
On est persuadé que le général Kouropat-
kine va être contraint a une offensive immé-
diate. pour faire diversion a 1 ctat d'anarchie
qui règne a Pétersbourg et qui pourrait
ébranler la fidélitdes troupes russes de
Mandchourie, si on leur laissait le temps d'y
réfléchir a loisir.
D'autre part, les dernières nouvelles de
Tokio font pressentir la reprise immine nte
de Paction japonaise sur mer. 11 semble
résulter de notes officieuses que ljescadre de
Togo va partir pour aller attaquer celle de
l'amiral Rodjestvensky, tanclis que cello de
Kamimura va essayer d'aller détruire les
batiments russes de Vladivostock.
En attendant, les communications offi
cielies russes sur la guerre deviennent de
plus en plus rares et brèves. Toute l'atten-
tion est a la gueire civile.
Tokio, 23 Janvier.
Un amiral russe qui vient d'arriver parmi
les prisonniers, a fait les declarations suivan-
tes relatives a la reddition de Port Arthur et
sa defense II qualifie de honteuse la capitu
lation. 11 critique vivement le général
Stoessel et déclare que le général Kondra-
lenko a été le véritable héros de la défense.
On a imposé k la flotte russe l'inactivité
paree que son infériorité l'empêchait d'atta-
quer l'amiral Togo.
On n'aurait pas agi avec perspicacité en
enlevant a la défense de Port Arthur une
partie des vaisseaux pour les envoyer a
Vladivostock ou dans des ports neutres. Une
antipathie tres vive règnait entre marins et
l'arraée. La capitulation de Port Arthur
devrait être jugée ultérieurement par un
conseil de guerre. Les russes ont mis les
navires de guerre a Port-Arthur dans un tel
état qu'il est tout en fait impossible aux
Japonais de les renflouer.
A Vlaci ivostok.
Les habitants de Vladivostock ont été priés
de signer, avant le s3 du courant, une décla
ration par laquelle ils expriment le désir de
rester dans la forteresse en cas d investisse-
ment, afin de participer a sa défense. Les
hommes prendont les armes, en qualité de
gardiens, veilleront a l'ordre intérieur de la
place; les femmes rempliront le role de sceurs
de charité.
Les personnes qui n'auront pas donné leur
signature devront quitter la forteresse a la
première sommation.
Deux f'raneiscains blessés
Jérusalem, 7 Janvier igo5.
Une fois encore le sang franciscain vient
d'etre versé par les schismutiques. C était a
Bethléem, dans la grotte même ou naquit
Je'sus. Les Grecs célébraient la fête de la
Nativité, laquelle, selon le calendrier Julien
coincide avec notre fête de l'Epiphanie. Le
patriarche et plusieurs évêques assistaient a
la cérémonie. Au cours de 1 office liturgi-
que, des moines hellènes se sont rués sur
les deux franciscains de garde dans le sanc-
tuaire et les ont assaillis de coups.
Pourquoi cette barbare agression Les
Grecs s'eflorcent d'augmenter tous les jours
par de nouveaux empiètements leur soi-di-
sant droit sur la grotte de Bethléem, et en
particulier sur l'escalier, qui y donne accès
par le nord et permet aux Latins, d'y péné-
trer pour la celebration des offices. Sans
doute, ils ont a leur disposition l'escalier du
sud mais s'ils parviennent a acquérir par
des usurpations répétées le droit de passage
sur l'escalier du nord, ils ont du coup exclu
les Latins du sanctuaire, ou ils ne peuvent
plus pénetrer.
La combinaison est bien grecque n'est-ce
pas et cette rouerie est faite pour dérouter
nos conceptions occidentales mais enfin il
faut prendre l'Orient comme il est.
La nuit dernière a raison de leut solennité,
les Grecs avaient le droit d'ensencer deux
fois dans le sanctuaire. Or voila qu a une
heure et demie du matin, après avoir accom
pli la double thurification réglementaire,
deux diacres se représentent une troisième
fois. Pre'cédés des Janissaires et suivis d'une
troupe de moines, qui évoque la pensee des
démons noirs dont parle Francois Cop-
pée, ils veulent le passage.
Naturellemént les deux sacristains sy op-
posent et les rappellent a leur devoir. Peine
inutile Les farouches aggresseurs se ruent
sur les deux franciscains désarmés, les fou-
lent aux pieds et les couvrent de blessures.
L'autorité turque se trouvait a Bethléem
avec un fort contingent de troupes. Elle
accourt aussitöt et parvient a sauver Ia vie
aux victimes du devoir. Entretemps l'un des
deux diacres a profité de Ia bagarre pour
traverser l'escalier, l'autre en est empêché
par les soldats, qui ferment la porte du sanc
tuaire, mais il refuse de renoncer a son des-
sein et attend patiemment la fin de l'affaire.
Le Re'vérendissime P, Frédien Géannini,
custode de Terre Sainte se trouvait lui aussi
a Bethléem. Au milieu de la nuit on l'aver-
tit de ce qui se passe. Et voila que sa chambre
est envahie par les représentants de l'autorité
civile et militaire, voire même par une dépu-
talion du clergé grec, qui lui demande de
consentir au passage en question.
Que pouvait répondre le custode en pre
sence d'une prétention aussi effrontée
Calme et résolu Jamais dit-il, je ne
consentirai a votre demande; elle. est con-
traire aux droits de l'église catholique, que
ii je suis chargé de défendre jamais je ne
consentirai a vous favoriser, vous, qui mas-
sacrez mes religieux
Mais la fête sera troublée «reprennent les
bons apotres Soitmais,a qui la faute?
Les représentants de l'autorité civile hasar-
dèrent alors de parler des violences auxquel-
les peut-être les disciples de Photius se
porteraient, si on ne cédait pas a leurs
caprices.
A vous, insista le custode, de maintenir
l'ordre
Vers les six heures du matin arrivèrent a
Bethléem le gérant du consulat francais M.
Ferdinand Wiet, et peu après le gouverneur
général de la Palestine, Rechid Bey. Prétex-
tant des motifs d'ordre public, ces deux fonc-
tionnaires, permirent au diacre grec, qui at-
tendait toujours, de traverser l'escalier en
litige: l'usurpation était consommée
Vraiment, elle semblait une cruelle ironie
en ce moment, la parole de M. Wiet, cédant
aux prétent ions grecques tout en disant avec
emphase Au nom de toute la chrétienté, je
proteste I
Le pacha, lui, mis au fait de certaines pie
ces officielles, qui réglaient la chose en fa
veur des Latins, promet au même instant de
veiller a l'avenir a ce que leurs droits ne
fussent plus lésés
Quant aux deux blessés, l'un italien, l'au
tre allemand, leurs consuls respectifs, du
consentement du consul Irancais, se sont
chargés de leur cause.
Celui-ci cependant n'entend pas se désinté-
resser de leur sort. Mais lAllemagne et l'Ita-
reconnaitront-elles les pretentions de la
protectrice officielle des Lieux-Saints
Les franciscains sont depuis bientót sept
siècles habitués a verser leur sang pour la
défense et la gardedes sahetuaires. Mais leur
héroïsme ne sera-t-il pas en pure perte
N'y aurait-il pas un moyen aussi d'empè-
cher qua l'avenir pareilles scènes de perfide
sauvagerie ne viennent souiller les plus
augustes endroits du monde et jusqu'a la
grotte même oil le Dieu de paix est descendu
parmi nous
li
■-*