ORGAN
L'ARROND
FÊTE GYMNAST1QUE
TELEPHONE 52
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1
Mercredi 4 Juillet 1906
10 centimes le !VC
Le Peuple
Un nouveau radium
Le suffrage universel
L'Endroit
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VILLE D'YPRES
Le Dimanche 8 Juillet
a, 5 heures
au jardin du Cercle Calholique
Grande
avec le concours de l'harmonie et la
Gilde Saint Michel.
Ie plus Commer^ant du Monde
Si Ton demandait a bon nombre de nos
compatriotes quel est le peuple le plus
co nmercant du monde, peut-être se trouve-
laient ils assez embarassés. A cette question
la réponse est cependant bien simple le
peuple le plus commerijant du monde c'est
le lelge lui-même.
Nous sommes un petit peuple, mais sait on
que nous venons en 5* place sur la liste des
nations les plus commercantes du monde.
I..e mouvement général de nos affaires par
cxemple pour 1904, importations et exporta
tion comprises,sechiffraitpar4.065 480.000.
Kn consequence notre commerce équivaut
a i 4/19 du commerce anglais il est sensi
blement supérieur au i/3 du commerce
«Demand il équivaut au 5/i3 du commerce
des ?Etats-Unis il est plus de la moitié de
celui de la France et dépasse le commerce de
tcus les autres pays du monde.
Ces chiffres sont éloquents et font déja
ptévoir que le Beige est le peuple le plus
ci mimergant du monde. Une petite remarque
nous le fera comprendre mieux encore.
Si, pour la même année 1904, nous
dr. isons le cbiffre total d'affaires de chaque
pays par le nombre d'habitants, et si nous
lomparons les chiffres moyens d affaires par
habitant ainsi obtenus pour chaque nation,
nous voyons que les résultats se classent
ami que suit le Beige, 714 francs l'An-
plais, 555 francs l'Allemand, 244 francs
le Francais, 23o francs l'Ame'ricain, 147
francs.
Arrêtons-nous, car les chiffres, s'ils sont
éloquents, fatiguent vite. Ce qui frappe,
ptemière vue, c'est que la raison suffisante
de cette grande extension commerciale ne
lénde pas dans des circonstances climaté-
nologiques ou autres, exceptionnellement
favorables pour la Belgique.
Sans doute nous avons un sous-sol
piodigieusement riche, mais nous n'avons
par exemple que quelques kilomètres de
cbtes nous vivons sous un climat tempéré,
et notre agriculture est assez généralement a I
l'abri des cataclysmes de la nature, mais
notre terre est vieille, elle a besoin d'etre
constammtnt amendée, et elle est infiniment
inférieure au sol de la France par exemple.
La Belgique est done dans des circonstances
naturelles si pas moyennes, insuffisantes tout
au moins a expliquer le grand essor de son
commerce.
Mais ce qui fait comprendre cette grande
p.ospérité, c'est l'excellencede notre outillage
économique la situation de nos routes de
nos cours d'eau, de nos chemins de fer, de
tons nos moyens de transport en un mot
C cst le merveilleux rouage de nos lois justes,
tole'rantes, accordant protection au travail,
encourageant l'effort, laissant vaquer chaque
citoyen a ses affaires, sans l'inquiéter en
rien, dès qu'il ne compromet pas la Lsécurité
de son voisin.
Voila la vraie raison pour laquelle le beige
est le premier peuple commer$ant du monde
et c'est a vingt-deux ans d'un gouvernement
pacifique, d'un gouvernement d'affaires,
comme on l'a appelé, que nous devons, en
grande partie, cette prospérité.
II est question, depuis quelque temps,
d'une matière radio-active plus puissant que
le radium, qu'aurait découverte un professeur
de l Université de Pise, M. Batelli.
On possède maintenant, dit 1 'Eclair, des
détails sur cette découverte, qui avait beau-
coup ému les milieux scientifiques. M. Bat-
telli s'était appliqué, depuis un an, a l'étude
des phénomènes lumineux que présentaient
les eaux de San Guiliano a la suite de
nombreuses experiences, il put établir que
ces eaux étaient radio actives Ji un haut
degré il pensa en consendenser les
émanations.
Pour procéder a cette condensation des
produits des corps radio actifs, il suffit de
les traiter comme le gaz, de les renfermer
dans des tubes spéciaux, en les comprimant
fortement. L'opération est trés coöteuse et
c'est la plus grande difficuIté de ces nouvelles
expériences de radio activité.
Mais M. Battelli a pu parvenir son but.
Des pompes a vapeur ont été mises en
mouvement a San Guiliano pour extraire le
gaz des eaux du sous sol en le poussant dans
de larges gazometres.
Le gaz ainsi extrait, après avoir été épuré,
a été introduit dans de petits tubes, piongés
dans Fair liquide et revêtus de sulfure de
zinc. Ici les émanations, définitivement
condensées, devenaient visibles elles colo-
raient d'un vert éelatant le sulfure qui y était
déposé.
On ne peut pas encore dire quel est le
corps d ou résultent ces émanations mais le
fait d'avoir établi qu elles existent en quan-
tité considerable dans le fond des eaux, est
une découverte dont on ne pourrait pas nier
la portee.
d'après Emile Zola
Le facheux est que la théorie du suffrage
universel se détracque dès que Von passe a
1'application. Un peuple n'est pas uue addi
tion dont tous les chiffres se valeut. Dès lors,
en donnaut la même vaieur a chaque ci
toyen, on introduit dans le total des causes
d'erreurs énormes qui vicient l'opération
tout entière. Ea un mot, du moment que les
hommes interviennent avec leurs folies et
leurs iufirmités, la logique mathématique du
souffrage universel est détruite il ne reste
qu'un gachis abominable. Ce n'est plus de la
science, c'est de l'empirisme, et du plus
trouble, du plus dangereux.
Voilü pourquoi tous les esprits scientifi
ques de ce siècle se sont montrés pleins d he
sitation et de défiance dovant le suffrage
universe!. Je parie de nos philosophes, de
nos savants, de ceux qui procèdent par l'ob-
servatiou et 1 expérimentatiou. Ils trouvent
que l'égalité physiologique nexiste pas,
qu'un homme n'en vaut pas un autre, qu'il
y a une élimiuation continue et nécessaire
de presque toute une moitié de l'humanité.
Si bien que le suffrage universel n'est plus
une réalité basée sur le vrai, mais quil
devient une idéalité s'appuyant sur la con
ception religieuse d'une égalité des ames.
Voyez Littré, voyez M. Taine et M. Re-
nan, voyez tous ceux qui ont tenté d'appli-
quer la formule moderne de nos sciences a
la politique ils refusent de se lancer dans
un empirisme qui va droit au christianis-
me(?) des médiocres et des ambitieux. Volla
ce qu'il faut nettement établir le suffrage
universel n'a rien encore de scientifique, il
est tout empirique.
Avec la masse considérable de nos élec-
teurs illettrés, avec les honteux trahes sur
la céquinerie des uns et la bêtise des autres,
il est toujours impossible de savoir ce qui
sortira du scrutin. Le total de l'opération
est quand même falsfié, jamais le vrai ne
sera obtenu, paree qu'il est le vrai. Les
candidats qui méritent d'etre élus en sont
réduits a descendre aux mêmes manoeuvres
louches que les caudidats qui n'ont aucune
bonne raison pour l'être. En un mot, le
principe superbe de la souveraineté du peu
ple disparait il ne reste que la cuisine
malpropre d'un tas de gaillards qui se ser-
vent du suffrage universel pour se partager
le pays, comme on se sert d'un couteau
pour déeouper un poulet.
EMILE ZOLA
(Lettre au Journal la Nation).
C'était a l'époque oü le besoin s'était fait
sentir de doDner aux fonctions de sacristain
une physionomie plus élevée.
L'école normale qui n'avait été jusque la
qu'une fiction d'école normale, annexe du
petit seminaire de Roulers venait d'etre
transferee Thourout, et Pamphile Darion
que je veux vous présenter aujourd'hui
avait été l'un des premiere élèves de l'insti-
tution transformée.
Ces élèves de la première heure, presque
tous morts aujourd'hui conservaient, une
fois sortis de l'établissement oü ils avaient
été formés, quelque chose du renouveau qui
s'était opéré en eux. On les reconnaissait,
mème quand ils étaient mêlés a la grande
foule, soit a la coupe de leurs habits, soit a
leur attitude que je n'ose pas dire suffisante,
soit a leur fagon d'ètre et d'agir, soit a leur
port uniformément impertinent de lunettes
a grands carreaux de vitres ronds.
Us avaient tous la figure rasée comme
s'ils s étaient soudainemeut santi préposés
la garde de l'antichambre du aacerdoce
auquel leurs modestes et fort honorables
fonctions les attachaient.
Leurs moindres écarts auraient été remar-
qués, tant leur type était frappant.
Qui ne l'a remarqué d'ailleurs
Etait ce bien, était-ae mal Je ne tranche
pas, car je manque de compétence et je me
contente de constater que les temps out
marché et que les sacristains, aujourd'hai
modernisés, portent moustache et n'en font
pas moius bien leur service pour cela.
Mais il s'agit ici de Pamphile Darion, un
type de la vieille école, type que je voudrais
bien vous depeindre.
Entré done parmi les premiers dans
l'ordre nouveau, il s'était donné le mérite
de la clairvoyance, et ma foi, j'aurais mau-
vaise grace a dire qu'il était béte.
C'était un type, et puis voiÜ tout.
Et quand il s'était trouvé porteur de l'un
des premiers diplöines déliviés par l'école
nouvelle, il s'était senti trés tier, un peu
supérieur et pour Ie bien faire voir, il avait
majestueusement nettoyé les verres de ses
lunettes aux pans de sa veste neuve, le Jour
oü Monseigneur de Bruges, par l'organe du
directeur de la normale lui renseigna
l'endroitoü il aurait a exercer désormais
ses fonctions qu'il disait importante» sans
en rien croire au fond.
II fut désigné pour Schooreborne, pstit
village perdu dans les plaines arides du
Nord, mais le bon rendement cependant,
pareeque petit peut être, car Dien sait
relever et relève souvent tout ce qui sait se
résoudre a rester petit.
Son arrivée a Schooreborne fit sensation
on admira la rondeur de ses verres de
lunettes sous lesquelles petillaient deux
petits yeux trés noir», malicieux.
Pamphile Darion avait une belle voix de
baryton, et, quoique le clavier des orguss
de Schooreborne, ressemblat plutöt a la
denture massacrée d'une mégère qui aurait
perdu ses ivoires a casser du sucre sur le
dos du prochain, il en tira des sons qui,
s'harmonisaut avec sa voix puissante, fais-
aient se retourner bien des têtes, mème en
tourner quelques unes pour le bon motif.
C'est ainsi qu'il tourna la tète de Marietta
Dardenne, la fille du bourgmestre, et qu'il
la maria malgré una opposition obstinie des
parents.
Ilélas, au début ce mariage ne fut pas
heureux.Marietta était temme de chiffres
et elle treuvait, un peu tard, que son mari,
malgré ses lunettes rondes et sa belle voix,
ne gagnalt pas assez dargent.
Darion pourtant était un brave homme.
II aimait sa femme sincèrement,robustement.
Cette question de gros sous, toujours
soulevée, jamais résolue, le hantait jour et
nuit, une véritable obcessien.
Lui, qui se serait contenté d'une tartine
de pain noir et d'un eornichon cult a l'eau,
i! devint ambitieux il aurait voulu être
millionnaire, ah comben
S'il avait connu Rotschild, il l'aurait
jalousé.
Il en rêva.
Or un jour, son rève le mit devant un
service funèbre dont on n'avait pas souvenir
depuis bien longtemps.
Beaucoup dargent a gagner
II rêva tout haut, et sa femme, la sour-
noise, l'écouta.
Yoici sou rêve
L'homme le plus cossu de l'endroit,
toujours l'endroit,tait mort et l'enterrement
aurait lieu avec un service de pvemière
classe.
Darion, dans son rêve se frotta les mains,
tout en plagant des cierges d'une livre et
deinie devant les statues des douze apolres
qui tournaient le dos aux piliers de l'église
et devant celles de tous les saints particulier»
que l'on véuérait daus le petit sanctuaire
campagnard.
Cette besogne teminée, son rêve la porta
vers la sortie de l'église, oü de nouveau il ie
frotta les mains, quoique pourtant ce füt
la qu'il eüt a compter avec la plus cruelle
perplexité de sa vie.
*'j£gP