ORGANfi CATHOLIQUE N DE L'ARRONDISSEMEM TELEPHONE 52 Samedi $5 Juillet 1906 10 centimes le L'affaire Dreyfus Jean-Baptiste et Jules Malou Neutralité Athéisme Persécution i n s'abonne rue au Bcurre, 36, a Ypres, et k tous les bureaux de poste du royaurne. HARMONIE COMMUNALE Le JOURNAL D'YPRES parait le Mercredi et le Samedi. Le prix de l'abonnement, payable par anticipation, est de 5 fr. 50 c. par an pour tout le pays pour l'étranger le port en sus. I.es abonnements sont d'un an et se régularlsent fin Déoembre. Les articles et communications doivent étre adressés franco de port a l'adresse ci-dessus. Les annonces ;coütent IS' centimes la ligre. Les réclames dans le corps du journa coütent30 centimes la ligne. Les motions judiciaires, t franc 'a ligne. Les numéros supplémentaires content 10 franss les cent exemplaires. Pour les annonces de France -d de Belgique (excepté les deux Flandres) s'adresser a 1 'Agence Havas Bruxelles. rue d'Argent, n° 34 et a Paris,8. Place de la Bourse. On nous prie d'annoncer que le CONCERT de l'harmonie Communale, qui n'a pas eu lieu le 2i Juilleta cause dn mauvais temps, sera donué Jeudi 26 Juillet a 8 1/2 du soir. PROGRAMME 1. La Vivandière, Allegro militaire O. COQUELET 2. Matin, Midi, Soir, a Vienne ouverture de SUPPÉ 3. Die Fledermaus, fantaisie J. STRAUSS 4. Sérénade a Colombine, NEUFCOUR 5. Werther, fantaisie de Massenet arr. par MAECK 6. Marche Grecque, GANNE Lorsqu'il arrive a nos amis de jeter un regard sur les événements de France pour en conclure que les beiges doivent veiller au bon grain,le Progrès s'indigne. I) trouve que la politique francaise n'est pas la politique beige. 11 trouve inconvenant de blamer certains actes d'un gouvernement qui laisse sa fronctière ouverte aux ouvriers beiges et aux produits beiges soit dit entre paren- thèsepour l'utilité commune des patrons francais et des ouvriers beiges, des produc- teurs beiges et des consommateurs francais. Aujourd'hui tout est cbangé. Le Progrès lui même chercbe une moralité dans Xaffaire francaise et ne ménage pas ses injures a certaines autorités Irancaises. II croit avoir trouvé une bonne occasion de satisfaire sa passion sectaireil se gardera bien de la laisser passer. Voici la phrase lapidaire du journal drey- fusard Ypreis Dreyfus sort avec honneur de l'atroce injustice et de la vile persécution de ceux qui se disent les seuls représentants du Dieu de Vérité 1 L'atroce injustice et la vile persécution c'est en definitive le procés provoqué par des chefs militaires tels que le general Mercier, ancien ministre de la guerre, et les sentences légalement prononcées par deux conseils de guerre. Le général Mercier n'a pas hésité a prendre sur lui la responsabilité de la con- damnation de Dreyfus. En plein conseil de guerre, a Rennes, il disaitSi Dreyfus est innocentc'est moi qui suis coupable. Alors même que ces condamnations con stitueraient une erreur judiciaire, cela justi- fierait-il les qualificatifs d'un journal qui n'admet pas qu'on apprécie les violentes iniquités des sectaires francais Au demeurant est il bien vrai que la campagne contre Dreylus ait éte' menée par ceux qui se disent les seuls représentants du Dieu de Vérité La réponse nous sera donnée par un de ces grands coeurs qui ont combattu pour l'éternelle justice par l'ineffable général André. Ecoutez le général André, dans ses mé moires, rappelant sa nomination au comman- dement de I'école polytechnique. Le général Mercier, ministre, me fit appeler dans son cabinet, et, prenant le premier la parole André, je vous nomme au comman- dement de I'école polytechniquej'ai assez d'un clérical a la tête de la polytecb- nique. J'ai confiance en vous, En fait pendant la durée de mon com- n mandement de I'école polytechnique, Mer- cier m a cessé de m'appuycr dans mes mesures en vue de résister a l'envahisse- ment de la gangrène cléricale.... On le voit c est André lui même qui se porte garant de l'anticléricalisme bon teint du général Mercier. A moins de faire du général Mercier le jouet des cléricaux que devient dans tont. cela la passion l'Affaire. religieuse qui aurait fait Autre question est il bien vrai que les catholiques ont pris a coeur la lutte contre Dreyfus La plupart de nos coreligionaires frangais envisagent le procés Dreyfus comme une affaire d'ordre exclusivement judiciaire, a laquelle la politique a été déplorablement mêlee et a laquelle ils regrettent d'avantage encore voii mêler la religion. Leur attitude dans eet ordre d'idées est parfaitement conforme a celle des hautes autorités ecclésiastiques a qui revient, en France comme ailleurs, la naturelle et supérieure protection des intéréts religieux. De plus beaucoup de francais sont persuades que le dernier mot de eet obse'dant procés doit être cherché non pas a Paris mais a Berlin dans le dossier diplomatique plutot que dans le dossier jndiciaire. S'il en était ainsi, malgré le procés judiciairement clos, l'affaire demeurerait pendante jusqu'a ce que se produise une révélation decisive ou jus qu'a ce que lhistoire, düment éclairée, prononce a son tour un jugement sans renvoi. 11 n'a pas fallu une laborieuse révision pour attester la parfaite innocence de Louis XVI, de Marie-Antoinette et de tant d'autres yictimes de la justice du premier Bloc révolutionnaire. Si Dreyfus peut un jour, bénéficier d'une sentence pareille, elle lui vaudra mieux que l'arrêt solennel du ia Juillet. Afin de bien faire voir que nous ne parti- cipons pas a ce que le Progrès appelle une vile perse'cution contre Dreyfus nous n'hésitons pas a publier une double corres- pondance. D'abord un hommage rendu par M. Nolf et ses collègues de la gauche a Alfred Dreyfus et puis une appreciation du jugement de la Cour de cassation par l'avocat Brogniart de Nantes. Voici, d'après les journaux, le texte du télégramme adressé au commandant Dreylus par la gauche libérale Mariemont, 16 juillet. Au chef d'escadron Alfred Dreyfus, a Paris. MM. Claes, Nolf, Lemonnier, Vander- velde, Buisset, Asou, Peten, Lorand, Ton- nelier, Rens, Liefmans, Verheyen, Buyl, Augustyns, Mullendorft, Monville, Dewan- dre, Delvaux, Capelle, Fe'ron, Cambier, Jourez, Franck, Hambursin, Braun, Ouver- laux, Deschamps, Masson, Boel, Devigne, Vandamme, Roger, Vande Walle, Termotte, Janson, Francois, Neujean, Van Marcke, Mechelynck, Giroul, Hymans, FTéchet,mem bres de la gauche libérale de la Chambre des représentants de Belgique, me prient de vous transmettre leurs plus sincères felicitations a l'occasion de l'heureuse issue de la lutte en- gagée au nom de la vérité et de la justice. J'ai le plaisir de joindre l'expression de mes sentiments d'estime au témoignage de sympathie qu'ils vous envoient. Raoul WAROCQUÉ, questeur de la Chambre des représentants. L'Eclair a recu la lettre suivante Nantes, 16 juillet 1906. Monsieur le directeur. Fils d'un des juges de Dreyfus de 1890, je crois de mon devoir de protester contre l'arrêt de la Cour de cassation rendu le 12 juillet par des magistrats absolument incompétents sur les questions militaires et dont beaucoup ont été nommés a la haute situation spécialement en vue de'cette affaire. Cet arret a été rendu après des débats qui n'ont même pas été contradictoir es, pendant lesquels les témoins dont les dépositions de'plaisaient étaient insultés par le ministère public. Dans ces conditions, c'est en vain que le dreyfusisme triomphant sur Ie terrain légal organisera ses apotheoses et poursuivra de sa haine ceux qui, sans passion, sachant qu'ils brisaient leur avenir, ont démontré la culpabilité de Dreyfus. Une seule chose est a retenirde cet arrêt de cassation sans renvoi qui ne changera l'opinion de personne un hommage involontaire rendu aux Conseils de guerre, dont on a redouté l'indépendance et dont on desire la suppression, parce qu'ils ont toujours rendu des jugements et jamais des services. Veuillez croire, Monsieur le directeur, a ma parfaite consideration. Henry Brongniart docteur en droit, avocat au barreau de Nantes. P. S. Je vous autorise a publier cette lettre dont je prends toute la responsabilité. (SUITE ET FIN) III Chose étrange, les jours troubles de la Revolution comptèrent parmi les rares ou la familie Malou vécut rassemblée. Dans les conversationsentre les deux frères le problème de leur destinée dut se poser souvent. Jules se montrait indécis. Epris des spéculations abstraites, doué aussi d'un sens pratique trés délié, il possédait des dons naturels que Ia formation juridique devait développer. Poussé par son père vers 1 étude du droit, Jules se soumit a cette impulsion et trouva sa voie. De son cöté, Jean-Baptiste avait obtenu la faveur, ardemment désirée, d'éprouver sa vocation au centre même de la catholicité. Ce fut la douleur d'une longue sépara- tion. A Rome, Jean-Baptiste retrouva Theodore de Montpellier, attiré par les mêmes affinités vers la Ville Eternelle. Ils suivirent les cours de l'Academie noble ecclésiastique ou étu- diait, en même temps qu'eux,Joachim Pecci. Jean-Baptiste Malon passa ensuite par le college germanique. II futordonne' prêtre le 20 octobre i834.Promu docteur en théologie en 1835il rentra en Belgique. II préluda par un acte d'humilité i une carrière qui, en quelques annnées, le mena aux plus hautes charges etaux plus éminentes dignités. Obéissant au conseil de Mgr. Roussen, évêque de Bruges, le jeune et distingué ecclésiastique vécut quelques mois au séminaire épiscopal.afin de se familiariser avec le clergé du diocese. II fut aussi quelque temps professeur de théologie au couvent des Capucins de Bruges. C'est la, qu'en j836, le chanoine de Rana vint le chercher, pour lui confier peu après la chaire de théologie dogmatique a l'Uni- versité de Louvain. L'abbé, devenu bientot le chanoine Malou, se consacra de toute son ardeur a ce haut enseignement, ainsi qu'a de nombreuses et remarquables publications. II ne s'arracha a ces travaux qu'en 1848, pour répondre a l'appel de son évêque. Accablé d'ans et d'infirmités, Mgr. Boussen avait dü se de'charger d'une part du fardeau, devenu trop lourd, de son episcopal. II le confia au chanoine Malou,qu'il eüt voulu voir designer comme coadjuteur avec droit de succession. La mort prévint la realisation de cet ultime désir. Mais quelques semaines après le décès de Mgr. Boussen, le pape Pie IX nomina le chanoine Malou au siègeepiscopal de Bruges, qu'il occupa avec éclat durant quinze ans. On a écrit bieu des pages et prononcé bien des discours sur la neutralité et l'Etat laïque, a propos de I'école, a propos de la bienfaisance, h propos de la législation pénale, propos du serment, a propos enco re de beaucoup d'autres choses, on a dit que l'Etat laïc est la plus grande couquéte de l'état moderne. L'Etat ne professe pas de culte, il n'a pas de religion, il ne va pas a confesse, déclarait Guizot, réputé un des hommes politiques les plus remarquables du dix-neuvième siècle. La séparation de l'Eglise et de l'Etat, votée en France, est une étape dans le laïcisme, elle ne sera pas la dernière. II serait bon que l'on s'entendtt sur la chose et Bur les mots qui )a déBt- gnent. La'icisme de l'autorité publique et neutra lité politique sont deux expressions servant a qualiüer la même chose.Cotte même chose, c'est 1 Etat sans Dieu. Dieu existe ou n'existe pas, il n'importe, pour l'Etat sans Dieu qui s'organise, comme si Dieu n'existait pas. II estsouverain, se suffit a lui-même. Cette erreur, la plus radicale probablement qui ait paru, remonte loin, mais elle a trouvé son évangile, óvangile a rebours bien entendu, dans le Contrat social de Jean- Jacques Rousseau. Cette erreur est l'essence même de la doctrine naturaliste, niant la Providence et l'ordre surnalurel, aboutissant fatalement au matérialisme qui règne dans tant d'Université3 officielles et qui voudrait s'emparor de toutes les écoles. Nous ne nous attarderons pas k montrer le caractère Batanique de cette doctrine. Elle est la négation de Dieu, elle est la guerre a Dieu. Négation d abord, guerre ensuite. Dieu a créé l'liomme, ou Dieu n'existe pas; Dieu a créé l'homme être sociable, destiné a vivre en société, milieu nécessaire a sa nature et ses facultés Dieu a créé l'autorité sans laquelle nulle société ne peut n'y s'établir, ni durer. Si l'homme doit re- connaitre la Toute Puissance divine par l'adoration le culte met en pratique ce grand devoir et le rend facile a tous la société le doit son tour. Créée par Dieu, voulue par Dieu, l'autorité qui soutient la société doit reconnaitre Dieu. L'Etat moder ne veut se dérobar a ce devoir et ce manque- ment le précipite h la ruine. Nous avons ici a constater qu'en pratique, la Constitution beige, qui n'est pas uné philosophic mais un Code politique de lois positives, nest pas athée. Elle salarie le culte, elle prescrit le serment, elle connait les Te Deum puisque les Constituants ont assisté a plusieurs.

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Journal d’Ypres (1874-1913) | 1906 | | pagina 1