ORGANE CATHÜLIQUE
DE L'ARRONDISSEMENT
«t
TÊLÊPHONE B!
Samedi 58 Julllet 1906
AUX PARENTS
Chez M. Beernaert
10 centimes le N°
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Le Vooruit célèbre acluellement a
Gand le 25* anniversaire de sa (onda-
lion. Cesont, bien entendu, des fêtes,
des bals, des corlèges, des illumina
tions.
On peut se demauder si ces éclats
de joie sont bien sincères étant donné
le recul du parti socialiste en Belgi-
que, recul constate une fois encore
aux dernières elections legislatives.
Parmi les felicitations qui parvièn-
nent a l'oeuvre sainte pai excellence
du socialisme beige, il faut noter celles
du Journal de Gand, l'organe pro-
gressiste oü sévit dans le temps
M. Laurent, le grand manitou du
libéralisme beige.
Le Journal de Gand déclare, avec
raison d'ailleurs, que feu le profess- ur
Laurent et après lui ^administration
communale out été les précurseuts et
les initiateurs de l'organisation mili
tante et économique du socialisme
ganlois. Ce sont eux qui ont peu a
peu préparé le terrain oü le bon
grain devait gernser
L'école soi-disant neulre a done été,
en réaliié, la couveuse pédagogique
du socialisme. On s'est évertué a faire
des enfants de l'ouvrier des libres
penseurs et par la force même des
choses, on est arrivé a en faire des
socialistes.
C'est ce qu'on appelle, en style
progressiste, semer le bon grain
et remplir le grenier de Marianne.
Souvent, nous avons signalé cette
influence délétère et d'ailleurs facile k
discerner de l'euseignernent commu
nal gantois, dirigé et sfimulé par M.
le professenr Laurent.
On voit maintenaut par les hom
mages reconnaissants et peu équivo-
ques, des socialistes en général et du
Journal de Gand en particulier,
combien nos previsions étaient fon-
dées et a quel point nous avions raison
de dire que la neutralité scolaire
n etait qu'une manoeuvre, un verita
ble piège, destiné a dérouter et a
tromper la crédulité publique. Avis
qui de droit et aux parents en paiti-
culier
Voici d'ailleurs, k titre de document
historique, le compliment de fete que
le Journal de Gand, naguère encore
l'organe du radicalisme gantois,
adresse a ses compères, frères et amis
du Voor uil
Pour nous, progressistes gantoi?,
qui depuis de longues années avons
lié notre cause a cclle du parti ouvrier
de notre ville, c'est de tout coeur que
naus participons a sa joie. Nous avons
vu trop souvent ses vaillants au tra
vail, nous avons trop souvent marehé
leurs cólés, pour ne pas leur porter
des sentiments d'une sympathie toute
fraternelle.
En cesjournées jubilaires, tout en
fê'ant le triompbant Vooruit actuel,
nous reporterons notre pensee sur
l'humble Voor uit d'il y a 25 aus, nous
consacrerons un souvenir ému a ceux
de ses fondateurs morts a la fache et
nou*' adresserous aux survivants avec
nos felicitations pour la victoire la
plus éclatante et la plus méritée qui
se vit jamais, nos voeux ardeuts et
sincères, pour la prospérité toujours
croissante de l'ceuvfe admirable qu'ils
out appelée a la vie.
Sous ses formes discrètemeut alté-
nuées, cétte déclaraliou implique, eu
réalité, 1'abdicatioa du progressisme
au profit du socialisme. Depuis long-
temps, la fusion s'alfirmait dans les
laits, elle e tt officie!lemenl consacrée
par uu acte de soumission, adroite-
ment dissimulé dans un bouquet jubi-
laire.
Presque tous les policiens de mar
que du socialisme ont passé par ces
étapes pourarriver a uue situation un
peu en vise d'autres suivront, et
l'on peut prévoir le tres prochain mo
ment oü l'on pourra discerner dans
l'état major du parti rouge feeaucoup
moins de socialistes de naissance et de
conviction que d'anciens libéraux,
passés pour psrvenir, et pour pereër
d'une fa^on quelconque, au service du
socialisme.
La chose est déjè. faite d'ailleurs.
Quoi qu'il en soit, reteuons de ces fairs
cette conclusion-ci L'école neutre
est une pépinière de socialistes
Ceux qui la prónenl et la défendent
travaillent pour la revolution. Les pa
rents qui y envoient leurs enfants,
préparent pour la patrie et pour eux-
mêmes, une génération de révoltés.
Une enquête sur Faction sociale des catho-
liques beiges a amene' un redacteur de la
Croix chez M. Beernaert. Dans les lignes qui
suivent le reporter francais nous rend compte
de ses impressions et des souvenirs de M.
Beernaert souvenirs qui se rapportent a
1886 alors que Fillustre homme d'Etat tra^a
le programme des réformes réalisées depuis
avec autant de hardiesse que de méthode.
Quelle belle et noble figure que celle de
ce vieillard dont on a pu dire qu'il était la
plus haute autorité morale parmi les hommes
d'Etat de l'Europe.
Ministre des Travaux publics dans le pre
mier Cabinet Malou de 1873 k 1878, puis
ministre de l'Agriculture, de l'Industrie et
des Travaux publics sous le second
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Cabinet Malou du 16 juin au 26 octobre 1884,
il fut enfin k cette dernière date appelé k
diriger la politique de la Belgique en qualité
de chel du Cabinet et de ministre des
Finances. II conserva le pouvoir jusqu'au 26
mars 1894.
M. Beernaert a done été ministre pendant
quinze années. Grande txvi spatium, a dit
Tacile.
L'exercice de la puissance publique crée
toujours des ennemis, et cependant M. Beer
naert, s'il a des adversaires, n'a pas d'enne-
mis.
II a la confiance du roi, la vénération des
catholiques, l'estime de tous.
On sait qu'après avoir joué un role pré-
pondérant a la conférence de La Haye, il
fait partie de la Cour permanente d'arbitrage
pour le reglement pacifique des conflits
internationaux.
Ajouterai-je qu'il est membre de l'Aca-
démie royale, d'une multitude de Sociétés
savantes et de Commissions, et l'un des
hommes les plus décorés de l'univers
M. Beernaert supporte allègrement ses
77 hivërs. Ses cheveux sont blancs comme
la neige, mais l'oeil est vif, le visage colore'
le jarret encore solide.
Dans sa modeste demeurede larue d'Arlon,
lout prés de la gare du Luxembourg, il ac-
cueille l'envoyé de la Croix avec une bien-
veillance paterneile et un sourire doucement
ironique.
Mon ami, si vous vènez chercher des
conseils ou des renseignements, je suis
prêt a vous en donner. C'est le role des vieil-
lards, mais pas d'interview, n'est-ce pas Je
suis rebelle a l'interview.
J'explique le but de ma mission et j'ajoute:
Je voudrai, Monsieur le ministre, vous
entendre évoquer les souvenirs d'il y a vingt
ans. Une interview aussi retrospective n'est
pas bien dangereuse.
M. Beernaert sourit.
11 y a vingt ans, une longue crise in-
dustrielle, succédant a une prospérité inouïe,
avait mis l'amertume et la haine au coeur
des ouvriers de la grande industrie. Un
sourd mécontement agitait les masses, sur-
tout dans les centres industriels des pro-
vinces wallonnes. C'étaient des grèves, des
promenades silencieuses de travailleurs
irrités. Puis des usines furent «accagées, des
chateaux incendiés.
La répression fut prompte et énergique
mais dans ces ruines fumantes s'était effon-
drée la citadelle du laissez faire de l'école
libérale.
Qu'avons nous fait? Nous avons commencé
par essayer de dégager les aspirations légiti-
mes de la classe ouvrière des déclamations
socialistes.C'est dans ce but que fut instituée,
le i5 avril 1886, une Commission de 35
membres, chargée de s'enquérir de la situa
tion du travail industriel dans le royaume et
d'étudier les mesures qui pourraient i'amé-
liorer
Comment était composée cette Com
mission
De membres du Parlement, d'écono-
mistes et de publicistes.
L'opposition y était elle representee?
Mais trés largement, suivant d'ailleurs
notre habitude constante. II y avait
VoyonsMM. Picard, Sainctelette, Bali-
saux, Hansens, Pirmez, Dansaert, Jules
Guillery,d'Andrimont, de Leveleye,Sabatier,
Montefiore-Levi. J'en passé certainement.
Quels furent les résultats de cette
enquête, monsieur le ministre
Deux gros volumes dans lesquels il ne
faut pas chercher un tableau fidéle et com"
plet de la situation dé la Belgique en 1886.
La Commission n'avait pas le droit d'user
decontrainte pourobtenir des renseignements.
Aussi malgré ses invitations aussi courtoises
que pressanles et ses formulaires répandus a
fusion dans le pays, dut-elle se résigner a
faire oeuvre incomplète et peu précise.
Les délibérations, au contraire, permirent
aux enquêteurs d'éclairer d'une vive lumière
toutes les parties du problème "social.
II y a un homme a Bruxelles qui pourrait
vous dire des choses trés intéressantes sur
cette enquête et vous montrer comment les
sages conclusions votées daris les séances
plénières sont devenues la base de notre
législation sociale. C'est M. Morisseaux,
actuellement directeur général au ministère
du Travail, qui fut l'un des secrétaires de la
Commission.
Ces conclusions ont été fidèlement résu-
mées dans le discours du tróne de 1886.
Tenez, voici le passage
Peut étre a-t on trop compté sur le seul
effet des principes, d'ailleurs si féconds de
liberté. II est juste que la loi entoure d'une
protection spéciale les faibles et les mal-
heureuxEclairé par les travaux de la
Commission d'enqüête, mon gouvernement
aura a vous saisir de projets de réformes
importantes.
II convient notamment de favbriser la
formation des groupes professionnëls
d'établir entre les chefs d'industrie et les
ouvriers des liens nouveaux sous la forme de
Conseils d'arbitrage et de conciliation de
réglementer le travail des femmes ét des
enfants de réprimer les abus qui sé pro-
duisent dans le payement des salaires
de faciliter la construction d'habitations
ouvrières convenables d'aider au develop-
pement' des institutions de prévoyance, de
secours, d'assurances et de pensions, et de
chercher a combattre les ravages de
l'ivrognerie et de l'immoralité.
Ce programme a été realise point par
point Sans doute, il est trés imparfait. Je
crois cependant pouvoir dire que l'ensemble
de nos lois ouvrières supporte fort bien: la
comparaison avec ce qui s'est fait ailleurs
dans eet ordre d'idées. L'oeuvre de la mo
narchie beige l'emporte sur l'oeuvre de plus
d'une république.
Nos institutions politiques et sociales ont
donné a la Belgique une prospérité sans
exemple dans le monde.
Nous ne sommes pas un pays de milliar-
daires. Mais nous avons beaucoup de moyen
nes et de petites fortunes dues pour la
plupart a l'économie.
Pour ne parler que de la Caisse d'épargne
et de retraite, voici quelques chiffres sugges-
tifs. Fonde'e en 1865 par Frère Orban, celui-
ci comptait que les dépots pourraient bien
un jour atteindre le chiffre de 100 millions.
Or, aujourd'hui, la Caisse est dépositaire de
764 millions, répartis en 2.265.000 livrets,
indépendamment des 324 millions de rente
inscrite.
Et c'est bien de l'épargne populaire qu'il
s'agit lk, puisque 83 de ces livrets sont
d'un import inférieur a 5oo francs ainsi
aujourd'hui il y a en Belgique un livret
JOURNAL