Téléphone §2
Téléphone 52
Samedi 22 Février 1908
10 centimes Ie N°
43 Annee 1N° 44^70
Hommage a Struye
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1 Vrv*
Pour chanter dignement le héros de la fête
II faudrait échanger la lyre du poète
Contre le luth sacré des habitants du ciel
Car nul ne s'y méprend c'est Ie ciel qui rayonne
Dans toutes ces vertus dont l'éclat nous étonne
Et qui le rendront immortel.
II me faudrait surtout cette délicatesse
Dont il sait couronner sa profonde sagesse,
Pour le complimenter sans paraitre indiscret.
L'art de Daguerre seul lui semble assez sincere
Pour ne point échouer dans l'oeuvre téméraire
De faire agréer son portrait.
Mais pourquoi buriner cette noble figure
Elle vit dans les coeurs plus fidéle et plus pure
Que l'ceuvre d'un burin jaloux de vé'rité.
Elley vivra toujours, et la reconnaissance
Voudra, en la gravant dans le coeur de l'enfance,
Assurer sa pérennité...
Mais j'impose silence a ma lyre indiscrete
Devant ses charités il faut qu'elle s'arrête.
Le seul chant qui convienne a la festivité
S'adresse au citoyen qui, jusqu'en sa vieillesse,
Consacra, chaque jour, son zèle et sa sagesse
Au bien de la société.
A lui dont les pensers, en leur noble hantise,
Fixés sur le labeur, n'aimaient d'autre devise
Quecellequi soutient tous les grands travailleurs;
Celle qui fait aimer fatigues et souffrances
Et, nous montrant le ciel oü vont nos espérances,
Redit toujours Repos ailleurs
A lui qui, poursuivant le progrès véritable,
Ne le concevait point sans ce fondement stable
Qu'il ne saurait trouver qu'en la Religion
Et qui, pour démontrer la valeur du système,
Sesoucia surtout de parvenir lui même
Au but de la perfection.
Le succes couronna pleiuement sa tactique
Nul ne monta plus haut dans l'estime publique
En offrant du chrétien le rnodèle parfait.
De la Religion vivante apologie,
Sur ses mille travnux il laissait l'effigie
Du Dieu qui les vivifiait.
A la source divine empruntant sa sagesse,
II sut, au Parlement, se souvenir sans cesse
Que le Christ doit régner dans l'esprit de nos lois:
Car tout peuple est soumis a son sceptre adorable
Car II est la raison et la base immuable
De nos devoirs et de nos droits
Dans nos cornices même, au cours des apres luttes,
Sa charité savait tempérer les disputes
Sans rien abandonner des principes sacrés
Sans cesser d'élever sa voix male et vibrante
Pour faire anéantir, dans une lutte ardente,
L'effort d ennemis coniurés.
II sait trouver encor, lorsque le péril presse,
Desardeurs de combat qu'envirait la jeunesse
Car il entend garder a jamais triomphant
Le drapeau glorieux de la foi de nos pères,
Le drapeau qu'il portait aux croisades scolaires
Pour S'auver l'ame de I'enfant.
Si nous ne voulons point qu'il porte davantage
Le fardeau scabinal, écrasant a son age,
C'est afin de le voir guider longtemps encor
Le destin glorieux du parti catholique
Et rendre, parses mains toujours plus magnifique
Et plus bienfaisant son essor.
Aussi, lorsque viendra cette heure qu'il espère
Oü, de Saint Siméon répétant la prière,
II pourra contempler l'Idéal de son coeur,
II tombera serrant dans ses mains défaillantes
Le drapeau qu'il montrait a ses troupes vaillantes
Et qu'il savait rendre vainqueur.
Vive STRUYE
La Manifestation Struye
La manifestation de dimaoche dernier fut
digne a la fois du grand citoyen qu'elle
voulait honorer et du grand parti qui lui
offrait ses hommages.
Nous avocs eu parfois des lêtes plus fas-
tueuses.plus bruyantes,plus mouvementées
mais celle-ci détient certainement le record
de l'unanimité et de la sincérité dans l'ex-
pression cordiale, enthousiaste et digne
des sentiments.
C'est qu'ils sont rares les hommes de la
trempe d'un Struye, réunissant en leur
personae les plus belles qualités de l'homme
privé et de l'homme public, jointes aux plus
éminentes vertus du chrétien.
Telle est pourfant la condition nécessaire
pour qu'uD bomme public, un chef de parti
surtout, ne soulève autour de lui, jusque
dans le cercle même cle ses amis politiques,
des hostilités nombreuses, justifiées ou non.
La fête ayant un caractère politique, ne
pouvait évidemment réunir que des amis
politiques du Président du comité électoral
yprois mais quel admirable élan de parti
cipation dans tous les rangs de la société 1
Tenant compte et du grand hge de M.
Struye et de son extréme modestie,il a fallu
renoncer a toute glorification publique et
s'en tenir a une fête intime et plus discrète
de la familie cat :olique.
Elle u'en a été que plus significative par
les proportions qu'elle a prises dans ces
conditions de stricte limitation.
C est pourquoi, si revêche aux honneurs
que soit M. Struye, le général de l'armée
catholique a forcément dü jouir avec fierté
du coup d oeil de ces troupes compactes si
étroiternent unies a leur chef,qui n'ont cessé
del'acclamer et de lui prodiguer des marques
d'estimp et de reconnaissance.
Au Volkshuis
A midi, aux sons joyeux du carillon, Ié"
comité orgaoisateur de la fête se rend chez
M. Struye et, après lui avoir présenté ses
félicitations, le conduit... nous allions
écrireau supplice a cette salie du
Volkshuis oh il a été si souvent a la peine,
oü d doit être maintenant a l'honneur au
Volkshuis transformé eu un volcan dont la
lave débordante menace de faire éclater les
1 parois; un volcan aux grondements puissants
ij mais nullement sinistres, ne langant d'ail-
v leurs, en fait de projectiles que des fleurs,
f des compliments, des notes triomphales et
j des acclamations.
Aux sons de la Ihabangonne, exécutée par
la Fanfare Royale, le Comité conduit M.
Struye sur l'estrade brillamment décorée
pour la circonstance.
La, autour du héros de la fête,sp rangent:
MM. Colaert, bourgmestre, M. le chanoine
De Brouwer, curé-doyen de St Martin, MM.
les échevins Fraeijs, Vandenbogaerde et
quantité de notabilités ainsi que M. Félix
Struye avec sa familie.
M. Colaert, vice-président du comité élec
toral, prend alors la parole, et dans un
discours maintes f'ois interrompu par les
acclamations, il retrace l'admirable carrière
politique du jubilaire dont on fête le demi-
siècle de labeur infatigable. II rappelle
l'activité inépuisable du député et du
séüateur qui fut toujours un orateur écouté
et estimé. II rappel'e les services rendus a
la cause publique, dans sa ville natale et au
nom des électeurs de harrondissement repré-
sentés par un millier de personnes qui
l'acclament, M. Colaert remet, a M. Struye,
en témoignage de reconnaissance, un magni
fique portrait, don de prés de cinq cents
souscripteurs.
Puis tour a tour défilent devant M.Struye,
les délégués de toutes les sociétés et de
toutes les écoles catholiques d'Ypres qui
répètent de mille fagons toujours les mêmes
éloges mérités.
Des bouquets et des gerbes de fleurs sont
offerts a Monsieur Struye, par MM. Fraeijs,
au nom de l'Association Catholique et Con
servatrice Charles Baus, au nom du Cercle
Catholique Baron de Vinck, au nom des
Fanfares Royales Philippe Vandenberghe,
au nom de la conférence de Saint Vincent de
PaulSobry, au nom de la Jeune Garde
Catholique Jules Baus, Katholieke Zieken
troostJulien Antony, Gilde Notre-Dame
de Thuyne Albert Biebuyck, Cercle Excel
sior par une délégation de la Gilde Saint
Michel du Collége Saint Vincent de Paul
éco'es libres, écoles Notre Dame de Thuyne,
Saint-Joseph. Saint-Marie. Remarquable
surtout l'adresse bieu écrite et fort bien
présentée par M. Maurice De Jaeghere,
élève de Rhétoriqueau collége St-Vincent.
Touché de tant de preuves de symphatie,
de tant d'hommagesde gratitude,le héros de
ja fête se léve et remercie tous ceux qüi
l'acclament et leur dit
Mes amis, que dois-je dire devant ces
multiples fémoigoages de gratitude que vous
me donnez,siaon qu'ils sont excessifs et que
d'autres, plus que moi, en sont dignes.
Cependant, je suis bien heureux de me trou
ver avec vous, car ici sont réunis tous ceux
qui ont au coeur une même foi, un même
idéal, un même souoi l'avenir du parti
catholique de la Belgique. C'est par l'union
de toutes nos forces que nous devons nous
rnaintenir et continuer a lutter pour la bonne
cause. Plus que jamais il faut que nous
travaillions de concert, afin d'achever et
de rnaintenir l'ceuvre commencée. Je suis
heureux de voir parmi vous représentées
toutes les classes sociales, car c'est par leur
étroite union que nous pourrons pouisuivre
la lutte en faveur de la liberté. Et de même
que nous voulons être respectueux de tous
les droits, nous voulons aussi que nos droits
soient saufs. Nous voulons avoir le droit
d'aimer Dieu, l'Eglise et notre Patrie et
continuer a mériter le titre jadis décerné a
la Belgique de pays le plus catholique du
monde, titre qu'on ne peut plus nous
enlever.
Une ovation interminable,salue ces paroles
et l'assemblée se sépare pour se rendre de la
a la salle Iweins oh est servi le banquet.
Le Banquet
Toute blanche, avec au fond le décor des
drapeaux de soie des diverses sociétés et au
milieu le portrait du jubilaire, la salle offre
le plus coquet aspect. Toute une partie est
réservée a la table d'honneur oh prennent
place piés de 50 convives. Au milieu est
un décor de plantes omementales entouré
des bouquets dont les fleurs embaument et
dont l'arrangement esc du plus gracieux
effet.
M. Colaert, bourgmestre préside a sa
droite M. Eugene Struye, MM. de Vinck,
sénateur, Van Merris, député, Verhaeghe,
Bruneel de Moutpellier, Thevelin, Iweins
d'Eeckhoutte, conseiller provinciaux, E. de:
Thibaut de Boesinghe, Valere Gyselen,
Boone, Vander. Ghote a'si gauche MM.
le chanoine de Brouwer, curé-doyen de
St Martin le sénateur P. Vanden Peere-
boom le président du tribunal E. Fraeijs,
échevin, M. Félix Struye et quantité de
bourgmestres et de conseillers communaux
et d'autres notabilités. Dés le commencement
du diner règne le plus vif entrain eta l'heure
des toasts M. Colaert prend la parole.
Cher Monsieur Struye,
Lorsque, au lendemain du hO octobre,
nous enregistrhmes, dans nos anDales yproi-
ses, une nouvelle victoire catholique, due
avant tout, comme toujours, a vos efforts,
l'idée nous viut de célébrer notre succès par
une manifestation en votre honueur.
Nous étionsloin depenser alors qu'une fête,
que nous voulions proportionner non a vos
mérites mais a votre modestie, deviendi ait
presque un événement. Pour vous obliger,
nous pensions la limiter a la ville d'Ypres,
dont vous étiez encore le premier échevin,
etvous donner, a l'occasion de votre retraite,
une marque durable de notre reconnaissance
et de notre affection.
Ne pouvant échapper a la manifestation
de nos sentiments saosvous montrer revêche
a notre amitié.vous avez enfin accepté d'être
le héros d'une fête qui se passerait en
familie, et presque a, huis-clos. Mais voici
que, justement jaloux, un grand nombre de
nos amis de l'arrondissement et de la pro
vince ont réclamé l'honneur de se joindre
a nous pour fêter l'ancien membre de la
Chambre des représentants et l'ancien séna
teur provincial.
Comment le leur refuser lis n'ont pas
eu l'occasion de célébrer votre jubilé, soit
paree que vous vous soustrayiez a des
manifestations de ce genre, soit paree que
votre carrière parlementaire, qui commenga
en 1876, finissaiten 1900 et qu'il manquait
f done une .année au quart de siècle régle
mentaire.
Permettez leur done qu'ils viennent aussi
vous dire combien ils sont heureux de pou-
voir célébrer un homme qui, pendant de
longues années, a bien mérité de la cause
catholique qui est la leur, de leurs intéréts
qu'il avait tant a cseur, et du pays dont il
est toujours un des plus dignes citoyens. Ils
me permettront, a leur tour, de rappeler
que si vous nous avez représentés daus les
premières assemblées délibérantes du pays,
vous avez pris aussi une large part a
l'administration communale de notre ville,
et qu'il n'y a pas, a Ypres, une oeuvre
politique, religieuse ou sociale qui 11e vous
compte parmi ses membres les plus géné-
reux et les plus dévoués.
Lhonneur m'écbqit de vous parler au
nom de tous nos amis, moins sans doute en
ma qualité de vice président de l'association
catholique locale que cotrime ancien colla
borateur et compagnon d'armes, témoin,
depuis plus de trente ans, des services que
vous avez reudus a votre parti.
Nous étions collègues a la Chambre des
représentants dès février 1884 mais dója
vous y siégiez depuis prés de huit ans,
jouissant de reflection de vos amis et de
l'estime de vos adversaires. Ceux qui vous
connaissaient de pres vantaient votre
courtoisie et votre amabilité ils vous ren-
daient déja ce témoignage que, parmi vos
collègues, vous étiez, a l'endroit de vos
commettants, !'un des plus serviables et des
plus dévoués. Chez vos adversaires, je ne
constatais aucune inimitie, malgré l'ardeur
et la sincérité de vos convictions. C'est que
tous vos collègues avaient appiis a vous
apprécier. lis n'avaient pas rencontré en
vous le personnage farouche et fanatique
que quelques politiciens locauxleur avaient
annoncé, mais l'homme de bien, érudit,
réfiéchi, tolérant, modéré, que vos amis et
vos électeurs avaient depuis longtemps
découvert.
A ces qualités iis en voyaient. jointe une
autre, moins nécessaire peut être a l'homme
politique, mais qui impose la sympathie. Je
veux parler dé la modestie, cette vertu
chrétienne que vous avez toujours possédée
a une degré éminent.
Mais ici, Messieurs, la vérité m'oblige a
exprimer un regret que vous partagerez avec
moi. Limprovisateur éloquent, le tribun
claironnant de nos réunions électorales et
de nos meetings contre la loi de malheur,
n'a pas donné a la Chambre la mesure de son
talent. La modestie allait de pair avec une
timidité et une défiance de soi qui éner-
vaient l'orateur et le forgaient a lire ce qu'il
aurait dit bien mieux.
Je ne cheicherai pas, mon cher ancien
collègue, la cause de ce phénomène qui me
faisait, pour ainsi dire, voir en vous deux
hommes. Aussi bien si vous aviez connu
vous-même cette cause, vous eussiez eu
vite fait de l'enlever. Mais je me héte de le
dire, ce défaut, qui n'était que le défaut
d'une qualité, ne vous empêcha pas de dé-
lendre avec énergie les causes qui vous
étaient chères. Qui ne rappelle les paroles
élevées prononcées dans la discussion mé-
morable qui surgit a la Chambre, a propos
de Ia loi scolaire de 1879 d'odieuse mémoire
et du congé signifié par un gouvernement
sectaire au représentant du St Siège en
Belgique? Votre discours fut jugé l'un des
meilleurs par vos amis et par la presse
catholique, qui en firent le plus grand éloge.
Mais il n'y avait pas que la cause de
l'Eglise qui vous intéressat. L'extension du
droit de suffrage, Padoption de la represen
tation proportionnelle, l'emploi de la langue
flamande en matière repressive et législative,
questions délicates et brülantes, fixèrent
votre attention et vous amenèrent a émettre
des considérations ou a présenter des for
mules qui eurent les honneurs de la discus
sion a la Chambre et au Sénat, et qui se
distinguèrent par leur esprit de modération
et de juste milieu, caractéristique de la
nation beige.
C'étaient 'cependant les questions d'intérêt
local qui vous préoccupèrent plus spéciale-
ment, entre autres la reprise du canal de
la Lysa l'Yperlée et la réduction des droits
d'accises sur les tabacs. La première fut
résolue par le gouvernement catholique,
grace surtout a vos efforts énergiques la
seconde le fut par étapes, jusqu'a ce que la
loi de 1893 vint donner une satisfaction
presque compléte a nos planteurs de tabac.
Vous pouvez vous rendre ce témoignage que
vous avez eu une large part dans tous les
résultats obtenus.
Mais quittons le terrain parlementaire
pour vous suivre sur le domaine communal,
qui a occupé plus récemment votre activité.
lei j'ai été mieux a même encore qu'ailleurs
d'apprécier votre dévoument. Conseiller
depuis 1891, doyen d'hge, vous occupez,
parmi nous, une place considérable, acquise
par votre bonté accueillante, par votre esprit
d'équité et d'impartialité, et pat' le souvenir
des services éminents que vous avez rendus
a vos concitoyens.
Ce modeste mandat, renouvelé deux fois.
vous le remplissiez avec uue assiduité, un
zèle et une intelligence digne de notre admi
ration, lorsque, en 1903, les circonstances
exigèrent de vous un sacrifice nouveau.
Votre age vous donnait droit au repos.
Nous le savions, et, quoique convaincus que
JOURNAL D'YPRES
©rgane Satholique
de ['Arrondissement