L'fEUVRE DE LA GOUTTE DE LAIT
Téléphone §g
Téléphone 52
le N° 10 centimes
IWm-m
Samedi 2 Novembre 1912
47e Année N° 4758
Le Mois de Novembre
On s'abonne rue au Beurre, 36, a Ypres, et
Le Journal d'Ypres parait une fois par semaine.
Le prix de Tabonnement, payable par anticipation, est de 3 fr. 50 C. par an pour tout le pays
pour l'étranger le port en sus.
Les abonnements sont d'un an et se régularisent fin Décembre.
Toutes les communications doivent être adressées franco de port a l'adresse ci-dessus.
u tous les bureaux de poste du royaume.
Les annonces coütent 15 centimes la ligne. Les réclames dans le corps du Journal 3o centimes
la ligne. Les insertions judicaires, 1 franc la ligne. Les numéros supplémentaires coüteilt
10 francs les cent exemplaires.
Pour les annonces de France et de Belgique (exceptè les deux Flandres) s'adresser a l'AgtttSt
Havas, Bruxellës, rue d'Argent, 34, et a Paris, 8, Place de la Bourse.
Le voici qui revient, le mois de novembre,
inspirateur de graves pensees et de méiita-
tions profondes sur la vie éphémère et sur
la mort inévitable.
Adieu, la belle saison, que l'on se plaisait
a croire interminable, tant on craignait de
voir trop tot s'évanouir l'admirable spectacle
qu'elle offrait a nos regards contemplateurs.
Un peu de soleil, un peu de verdure, un peu
de lumière, quelques fleurs bientöt fane'es,
quelques épis d'or cueillis sous un rayon
d'astre couchant, et c'est tout, la fête est ter-
minée, la fête dont on disait merveille et qui
semblait ne devoir jamais finir.
L'automne est arrivé, a l'improviste tel
un intrus que l'on n'attendait pas, que l'on
ne désirait pas surtout, mais qui s'impose
par droit de conquête. Ah certes, pour l'ad-
miraleur de la belle nature,elle est d'une poé-
sie poignante la saison des feuilles mortes et
des grands arbres dépouillés dont les ramu-
res se tordent comme des bras qui implorent.
Pour le penseur, elle est un vieux livre jauni,
mais précieux. plein d'enseignements et de
symboles.
A travers son voile de brumes, l'automne
nous montre la vérité, nous arrachant au
songe trompeur dont se bercait peut-être in-
consciemment, notre vie enguirlandée par
les illusions estivales. Les parterres se sont
flétris, les boutons qui devaient s'ouvrir se
sont inclines sur leurs tiges. telles des têtes
d'enlants malades dont un tre'pas premature
a marqué le front candide.Et les pluies troi-
des de l'automne, les ondées et les vents
bourrus, coalisés pour accomplir l'oeuvre dé-
vastatrice, semblables a des hordes sauvages.
ont, dans les nuits de désastres, accumulé
les ruines
Ainsi done, rien ne dure, lout disparait
promptement et s'efface sous Taction d'une
main invisible dont toute Ia puissance s'im
pose avec une force irresistible. Seul, le sou
venir reste, en immatérialisant les choses et
en les élevant au-dessus de ce monde.
Et n'est-ce pas le souvenir qui donne aux
premiers jours de novembre un caractère si
religieux, si chrétien et si poétique N'est ce
pas le souvenir qui, nous tirant de notre
égoïsme, nous arrachant a nos plaisirs, a nos
affaires, a nos bonheurs, nous remet en pre
sence des défunts dont la pensée hante notre
imagination subitement affranchie de ses re
pugnances et de ses craintes
On les oubliait un peu, les pauvres dis
parus, que Ton avait pleurés, pourtant, avec
des larmes si brülantes. Absorbé par les affec
tions des survivants chers et par le souci de
leur être agréable on perdait de vue les aimés
qui dorment dans leurs tombes. Mais le
touchant anniversaire de ceux qui ne sont
plus, la fête des morts que Ton célèbre le 2
novembre, a réveille dans les coeurs, les affec
tions anciennes et le besoin de les exprimer
par des manifestations pieuses.
Au son des cloches dont les notes plaintives
remplissent l'air d'une tristesse indéfinissa-
ble, on s'achemine vers les temples tendus
denoir et mystérieusement éclairés par la
flamme vacillante des cierges funèbres, pour
assister au religieux office si émouvant en sa
simplicité sublime. Puis, on va s'agenouiller
dans les cimetières d'habitude déserts et si-
lencieux,et Ton adresse au Ciellesmêmespriè.
res ferventes pour ceux qui reposent humble-
ment sous l herbe humide et pour ceux qu'ha-
brite inutilement le marbre de nombreux
mausolées.
L'Eglise a le culle des morts, elle les con-
fond dans une même pensée, elle leur donne
Tégalité posthume, en ce jour de solennelle
commémoration, paree qu'elle ne voit plus
que des ames a sauver, des ames égales de
vant Dieu, juge suprème, d'une équité infi-
nie, qui ne tient compte que des mérites et
des oeuvres et non des vaines distinctions
d'ici-bas.
Ah certes, elle est d'une grandeur souve-
raine et d'une mélancolie pénétrante, cette
ete de deuil general que Ton célèbre sur la
lerre, dans le suggestif décor de l'automne,
et la-haut oü, sans doute, bien des times, dé-
livrées par les supplications de leurs interces-
seurs, sont admises a contempler les mer-
veilles du royaume des cieux.
Qu'importe que nos chagrins se ravivent
aux rappels des aimés dont nous sentons plus
douloureusement la définitive absence
Qu'impone que les pleurs se remettent a
couler Jenosyeux, sous Tétreinte d'une tris
tesse nouvelle causée par les regrets qu'avi-
vent ces heures de souvenance
Nous oubliant nous mêmes, et devenant
insensibles a nos propres souffrances, dans
un grand élan de générosité et de compas
sion chrétiennes, nous sommes heureux en
lintimité de nos ames, d'avoir pu contribuer
au bonheur des ames en faveur desquelles
nous avons imploré la clémence de Dieu. Au
surplus,bénéficiant d'une charité que l'amour
nous inspire, en priaat pour nos prcches,
nos amis, nos frères disparus, nous acqué-
rons des titres a la miséricorde divine et a la
fëlicité imperdable de Téternelle vie.
Ces pensées, austères et douces cependant,
apportent aux croyants sincères la consola
tion et le réconfort, en leur ouvrant, sur
l'avenir,des perspectives radieuses qu'illumi-
nent Tespérance et la foi. Au contraire, a
ceux qui ont cessé de croire,elles apparaissent
comme des menaces effrayantes, qui les pion
gent dans le trouble du double et Teffroi du
néant.
Mais pour tous, elles sont des avertisse-
ments salutaires a Tapproche du péril redou-
table.Novembre est le mois des tempêtes, des
naufrages et des catastrophes, sur les mers et
sur les océans.C'est aussi l'époque meurtrière
oil la mort frappe de préférence et multiplie
les victimes sur la terre qui semble impitoya-
blement livrées a sa fureur de dévastation.
Tournons done les yeux vers ce phare
étincelant, allumé dans la nuit sombre par
une main divine levons notre regard vers
la croix, signe de re'demption et de salut, qui
nous soutient et nous rassure lorsqne nous
nous p'osternous devant l'autel ou lorsque
nous nous agenouillons devant la tombe,
double symbole de notre double destinée.
te if* f»"* P* P*. P* P*.
Le Jubilé de V. CÖLAEHT
Bourgmestre u'Ypres
Le 25" anniversaire de Télection de M.
Colaert au Conseil communal avait été an
noncé a la date mêtne, Mercredi 23 Octobre
par les sons joyeux du Carillon. Ce n était
la que le prélude de la manifestation de
sympathie qui devait avoir lieu Samedi
dernier en Thonneur du jubilaire.
Par suite du mauvais temps, la réception
qui devait se faire en bhotel de M. Colaert,
a eu lieu, sur la proposition de ses amis,
a THotel de Ville.Le jubilaire lit son entrée,
salué d'une vibranteBrabanqonne jouée par
l'Harmonie communale, et il s'empressa
aussitot d'aller 89rrer la main a tous ses
amis présents.
M. TEchevin et Sénateur Fraeijs de Veu-
beke, président de TAssociation conserva
trice, dans une excellente improvisation,
s'excusa d'abord d'avoir fait venir le jubi
laire jusqu'a ceux qui désiraient le compli-
menter au lieu d'aller eux mêmes jusqu'a
lui. Je me fais Tinterprête, dit-il, de tous
les membres du Conseil communal et de ceux 1
du Cercle catholique, pour féliciter l'homme
qui, pendant vingt-cinq ans, n'a cessé de
lutter et de travailler pour le bien-être
moral et matériel de ses concitoyens.
M. Fraeijs rappela que, dès Tannée 1878,
il combattit aux cotés de M. Colaert. C'est a
partir de ce moment qae les cathohques
yprois commencèrent a s'organiser avec la
conviction d'arriver. La mort de M. Carton
accentua cette marche en avant. A la suite
des élections du 16 Octobre 1887, M. Colaert
entraen ballottage avec M.L.Parsy, colonel
retraité et, le 23 Octobre suivant, fut élu.
Ce résultat fut accueilli avec un enthou
siasme inénarrable. M. Colaert fut porté en
triomphe de Thötel-de-ville, oü la proclama-
L'oeuvre de la Goutte de
lait, fondée en avril 1910,
a déja, malgré le peu de du-
rée de son existence, rendu
des services tréssalutaires
et trés apprëciables a la
population Yproise.
Les résultats' magnifi-
quesobtenus,récompensent
le dévouernent des Dames
Patronesses qui, sous la sa
ge et habile direction de
Madame Iweiris d'Èe'khontte,
aidée de l'infatiguable se
crétaire qu'est Mile Berthe
Boonefont tous leurs ef
forts pour faire connaitre et
développer cette oeuvre si
bienfaisante pour l'humani-
té. La mortalité infantile
atteint hélas, surtout parmi
la classe ouvrière, un chiffre fort élevé en Belgique. Beaucoup de jeunes enfants, faute d'alimentation saine, faute
de méthode dans la manière de les nourrir, faute de soins continus et intelligents, meurent bien peu de temps
après leur naissancC ou vivotent quelques années, succombant dans la suite au ma! dont ils ont été atteints dès
leur tendre enfance.
L'oeuvre de la Goutte de lait a précisément pour but de di-
minuer la mortalité infantile, en entourant les jeunes bébés qu'on
lui confie des soins nécessaires a assurer leur existence, en leur
assurant un lait sain et pur, en aidant les mères a les élever se-
lon les régies de l'hygiène et de la propreté.
Afin d'atteindre ce but hautement humanitaire, l'oeuvre s'ef-
force de persuader les mères de nourrir eux-même leurs en
fants; au cas, ou celles-ci sont empêchées, elle procure aux nou-
rissons le lait dont ils ont besoin. La cheville ouvrière de la
Goutte de lait est Mr le Docteur Alphonse Donck qui consacre
le meilleur de son temps et toute sa science a assurer l'existen-
ce délicate des bébés qui sont l'objet de ses soins assidus et in
telligents. C'est avec une ardeur admirable qu'il sedépense sans
compter, qu'il se dévoue journellement pour arracher a la mort)
ceux qui, a peine nés, sont guettés par la Grande Faucheuse.
Nous sommes heureux de pouvoir aujourd'hui publique-
ment présenter nos félicitations et nos remerciements a M. le
Docteur DONCK et nous nous excusons si le cliché que nous
reproduisons avec grand plaisir a pu quelque peu blesser sa
modestie.
Nous ne voulons pas non plus oublier les bonnes Soeurs qui
aident d'une faqon si désintéressée, et avec un dévouernent in-
lassable celles et celui qui ont voulu doter notre population Yproise d'une génération robuste et bien constituée.
II *Y
tion des résultats avait été faite, jusqu'a la
maison de M. Spillebout a la Grand'Place.
C'est la qu'il parut au balcon, entouré de ses
amis, le Président de l'AS;Ociation,le Baron
Surmont de Volsberghe, H. Iweius d'Eeck-
houtte, Struye, Louis Biebuyck, Boone et
votre humble serviteur, pour remereier la
foule. A cette occasion, le digne Président
de TAssociation conservatrice, le vénérable
M. Spillebout, dit a ses intimes J'ai rem-
pli mon devoir jusqu au bout; mainfenant
je puis naourir.» Ce nunc dimittis fut exaucé:
trois mois après, M. Spillebout rendait Ie
dernier soupir.
La brêcbe était faite, et pendant trois ans,
M. Colaert se trouva, seul de son parti,dans
Tancienne forteresse libérale. La victoire
catholique devait se compléter a la suite des
élections du 1<' Février 1891 une date
inoubliable qui suivirent l'annulation des
élections de 1890. Nous avions mis dix ans
pour arriver au pouvoirc'était pour y
rester. En 1895, la dernière redoute du libé
ralisme devait tomber entre les mains des
conservateurs. Nous avons le droit de con-
server ce qui nous a été donné. Les der-
nières élections prouvent que nous avons
administré sagement.
Après avoir eu soin de relever l'état des
finances comnaunales, gravement compro
mises, vous vous êtes occupé aussitot des
grands, travaux d'bygiène ei desgigantes-
1 ques restaurations de tous nos monuments,
que vous n'avez pas craint de mener de front.
La population entière doit être a cuté de moi
pour vous remereier.
Si, en haut lieu, on vous destinait un
fauteuil que bien d'autres convoiteraient,
vous direz Je suis le père de ma cité, et
les enfants d'Ypres me retiennent auprès
d'eux. Nous espérons tous vous voir vivre
longtemps encore parmi nous et plaise a Dieu
qu'il vous garde votre brillante santé.
Les sentiments de gratitude quej'espère
voir toujours se perpétuer envers notre ho
norable Böurgmostre rappellent la recon
naissance que nous devons également a
Alphonse Yandenpeereboom, dont Tannée
1912 est précisément celle du centième
anniversaire de la naissance. Ce serait peut-
être le moment de placer en un endroit
mieux approprié la statue de ce libéral
chrétien, Yprois de coeur et d'ame, et de la
compléter, en même temps, par une cloture
artistique.
Je termine, dit M. Fraeijs, en remerciant
M. Colaert, au nom du parti catholique,
d'avoir accepté ce lourd fardeau alors que
son désir et son intérêt lui commandaient
plutöt de ne pas renoncer a une situation
des plus enviables. C'est un sacrifice que
nous ne saurons jamais suffisamment appré-
cier et pour lequel nous lui garderons tou
jours toute notre gratitude.
De chaleureuses acclamations soulignenj
ces paroles, tandis que M. Fraeijs remet au
jubilaire une gerbe flèurie et que l'Harmonie
communale entonne l'air d'Ypres.
M. Colaert, visiblement ému, remercie
cordialement M. Fraeijs dë ses bonnes pa
roles et vous tous, mes amis, d'avoir bien
voulu m'acclamer aussi chaleureusement.
II poursuit a peu prés en ces termes
M. Fraeijs a dit qu'a cause du mauvais
temps on a voulu ménager un peu ma do-
mesticité mais je crois bien qué vous avez
eu une arrière-pensée. Vóus avez désiré voir
se dérouler cette manifestation A l'endroit
même oü M. Vanheule proclatna le résultat
de mon election, il y a vingt-cinq ans.
Que les temps sont changés Óa considé-
rait alors a peu pres comme une chose im
possible de voir arriver au pouvoir un étran-
ger. Quoique Poperinghois, j'étais déja tout
dévoué aux Yprois, et c'est alors que j'ai
ditMon Ame a Dieu, et mon coeur aux
Yprois.
Animé de cette pensée Ypres en avant
je crois qu'a vee le concours du Collége
échevinal et de tout le parti catholique,nous
avons rcalisé de trés grandes choses. Ce ne
sont pas seulement nos amis politiques qui
JOURNAL
©rgane Catholique
YPRES
de Pftrrondissement
i V J