JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
YPRES, Dimanche.
PRtilTlÈRE AMIÉE, Ko 3.
10 mai 18,65.
YPftES, tO mal S84»3.
Réforme électorale.
En 1861, dans son adresse au Roi, la Chambre
des représentants déclara solennellement que l'hon-
neur du pays eommande, non-seulement de répri-
mer, mais de prévenir les abus qui se sont révélés
dans l'exercice des droits électoraux. On devait
croire, après une pareille declaration, que le minis
tère présenterait immédiatement aux Chambres un
projet de réforme radicale. Mais aussitót surgirent
dans la presse mille projets divers qui démontrè-
rent la difficulté qu'il y aurait, non-seulement de
faire ccncourir les catholiques la confection de la
loi, mais de s'assurer l'appui de la majorité parle
mentaire. D'un cöté, on pouvait être sur d'avance
qu'on entendrait réclamer le vote la commune ou
au chef-lieu de canton; de l'autre on réclama le vote
par ordre alphabétique, afin d'empêcher les agents
cléricaux de ^assembler les électeurs par commune,
de leur remettre leur billet de vote, de les conduire
au scrutin comme des moutons et de ne les perdre
de vue qu'au moment de se mettre a table. Une autre
fraction du parti libéral alia plus loin, et ce fut
YEtoile beige, un des journaux les plus modérés de
cette opinion, qui exposa ses vues. II ne suffit pas,
dit ce journal, de décréter le vote par ordre alpha
bétique il n'y a qu'un moyen de soustraire le vote
toute influence extérieure, e'est d'exiger que tout
électeur sache lire et écrire. Aussitöt la presse ca-
tholique de soutenir qu'on ne pourrait, sans porter
atteinte h la Constitution, priver une catégorie de
citoyens beiges de leurs droits politiques pour
cause d'ignorance. Cependant, répliqua YEtoile, si
l'électeur ne peut pas écrire, que devient le secret
prescrit par l'article 25 de la loi communale, et s'il
ne sait pas lire a quoi peuvent servir les affiches
preserites par l'article 22? Comment l'électeur illet-
tré peut-il savoir pour qui il vote; comment peut-il
vérifier si Ton n'a pas changé son bulletin; com
ment peut-il choisir, devant 1 urne, entre deux pa-
piers qu'il a dans sa poche, et dont l'un est un bul
letin d election, l'autre un bon pour diner?
Tant de propositions surgirent a la fois,et toutes
si inconciliables, que le ministère reconnüt l'impos-
sibilité desatisfaire sa propre majorité, et qu'il se
vit dans l'obligation de présenter, dans l'espoir de
contenter tout le monde, un projet incolore sur le-
quel la section centrale ne parvient pas même faire
un rapport.
Cela ne veut pas dire pourtant que la Chambre ne
parviendra pas un jour a doter le pays d'une bonne
loi électorale nous espérons, au contraire, que si
de la lutte qui doit s'engager au mois de juin l'opi-
nion libérale sort triomphante, la loi sera votée dans
le courant de la prochaine session.
La lutte.
Déjh un grand tiömbre dissociations se sontréu-
liies et ont désigné leurs candidats pour les prochai-
nes élections les organes des deux partis entrent
en lice et apprêtent partout leurs armes pour le
grand combat. Ici tout est calme et silencieux. A
voir l'indiffërence qui règne, on dirait que l'arron
dissement d'Ypres n'a aucun intérêt engagé dans le
débat qui doit se vider au mois de juin.
Tel n'est pas pourtant le sentiment intime de
l'immerise majorité du cops électoral. Se plagant a
un point de vue général, il comprend que la lutte
une lutte incessante et eontinuelle entretient
dans les partis cette vitalité, cette vigueur, cette
énergie qui au moment suprème décident du suc-
cès. Les discussions quelle amèneaccroissent pour
le plus grand nombre l'intérêt des questions poli
tiques, poussent l'électeur k rechercher la vérité
parmi les différentes doctrines en présence et, en
l'éclairant, lui inculquent des convictions inébranla-
bles sans lesquelles le libéralisme ne saurait avoir
aucune racine profonde ni dans le présent, ni dans
l'avenir.
Avec l'abstention, au contraire, les convictions
deviennent hésitantes et les caractères s'amollis-
sent les forces, unies et compactes d'abord, s'é-
parpillent et se divisent; les indécis passent dans
le camp opposé, les tièdes s'endorment, les amis les
plus fidèles et les plus dévoués se découragent. In
certitude, faiblesse, tergiversations, revirements de
toute espècetelles sont les tristes conséquences
du plus déplorable des systèmes. Bien plus nos ad-
versaires, profitant du repos que nous leur laissons
bénévolement, travaillent dans l'ombre,et lorsqu'un
beau jour, d'autant plus forts que nous aurons été
nous-mêmes plus efféminés et plus mous, ils re-
viendront a la charge, nous serons fort étonnés
d'etre désorganisés et de nous trouver peut-être
deux doigts de notre perte. Voila pourquoi tous les
hommes sérieux se rendent parfqitement compte
des exigences de la situation. Ils comprennent que
la lutte est dans la force des cliosesils l'appellent
de tous leurs voeux.
Ces considérations ne sont pas d'ailleurs pure-
ment théoriques et, si nous voulons passer mainte-
nant a l'examen desfaits connus de tous, noustrou-
verons dans l'expérience acquise des motifs plus
plausibles et, s'il se peut, plus pressants encore en
faveur de Faction. II ne sera pas inutile de mettre le
présent en regard du passé; cette comparaison dé-
montrera suffisamment quel pourrait être l'avenir
du parti libéral.
Si notre mémoire est fidéle, le premier succès li
béral nettement défini, incontestable au moins
dans une élection générale, date de 4848. M. Al-
phonse Vandenpeereboom ne fut pas seulement élu
pour la première fois membre de la Chambre des
représentants, mais a ses cötés triompha un second
candidat patronné par l'Association. Tous deux pas-
sèrent au premier tour du scrutin et des deux cléri
caux qu'on leur avait opposés MM. Malou el Van
Renynghe aucun n'obtint la majorité absolue. Tel
fut le résultat glorieux d'une première lutte. Deux
ans après, des raisons personnelles déterminaient
l'un de nos députés libéraux a se retirer de la vie
parlementaire et depuis lors, par une étrange
tactique ou par une indifférence coupable, on
s'est endormi. Vainement les circonstances les
plus favorables se produisaient-elles, vainement la
loi des couvents couvrait-elle le parti clérical d'im-
popularité, ni Fexemple donné par les arrondisse-
ments les plus arriérés, ni l'enthousiasme pour les
idéés libérales qui éclatait d'un bout a l'autre du
pays ne purent secouer la torpeur. On s'abstint. Et
le parti clérical conserva la part du lion deux re
présentants sur trois.
II serait injuste néanmoins de faire remonter jus-
qu'au Corps électoral la responsabilité de ces résul-
tats. Beaucoup d'hommes des plus paisibles et des
plus modérés exprimaient hautement leur mécon-
tentementenfin, en 4859, le sentiment libéral fit
explosion et la majorité électorale, sans préparation,
sans travail, avec une spontanéité admirable, donna
un second représentant libéral h l'arrondissement.
Mais est-ce une raison pour s'arrêter? Faut-il, au
lieu de courir a une troisième vietoire, facile et cer-
taine, se renfermer dans une désastreuse absten
tion, opérer une honteuse retraite, voire même s'ex-
poser a perdre dans l'apathie le fruit des précédentes
luttes? Bien au contraire, car le parti clérical, lui,
ne s'arrêtera pas. Aujourd'hui il est embarrassé et
désuni, c'est le moment de frapper un grand coup.
Mais, si les libéraux avaient la faiblesse de ne pas
présenter une liste homogène, ils commettraient une
faute peut-être irréparable. Ils laisseraient la porte
toute grande ouverte h l'ennemi et pourraient s'at-
tendre a une de ces surprises dans lesquelles les
cléricaux sont passés maitres.
Prétendra-t-on peut-être que le parti libéral est
moins fort, moins prépondérant ici en 4863 qu'il ne
l'était en 4848? En .4848, l'association était a peine
créée; en 4863, elle est nombreuse et florissante.
En 4848, le parti libéral, grace surtout aux circon
stances extérieures, était encore un sujet d'épou-
vante pour beaucoup de personnes peu instruites
en 4863, il a fait ses preuves et la plupart de nos
administrations communales lui sont entièrement
dévouées. En 4848, M. Vandenpeereboom venait de
naitre la vie politique; en 4863, il est ministre et
ses services lui ont acquis une popularité incontes
table. En 4848 enfin, la lutte était engagée contre
M. Jules Malou, l'un des chefs les plus éminents du
parti clérical et dont l'influence était grande dans
l'arrondissementen 4863, M. Van Renynghe est
isolé et nos adversaires eux-mêmes semblent atta-
cher a sa conservation une médiocre importance.
Et, malgré ces nombreux avantages, le parti libé
ral aurait perdu de ses forces; il serait amoindri
Au tant vaudrait soutenir alors que tout ce qui k été
fait jusqua présent était superfluet qu'au lieu d'être
utile a son arrondissement, notre ministre lui a été
nuisible; l'un serait aussi logiqueque l'autre.
Ou bien, osera-t-on soutenir que nous avons
moins d'obligations, vis-h-vis de laBelgique libérale,
et qu'il n'existe plus aucun lien de solidarité entre
Ypres et les autres localités depuis qu'unde nos re
présentants siége dans les conseils de la Couronne?
II nous semble, au contraire, que notre devoir en
est doublé et que nous devons, autant qu'il dépend
de nous, compenser par nos succès les pertes que
le parti libéral pourrait éventuellement subir ail-
leurs. C'est le seul moyen de conserverala Chambre
une majorité forte et nombreuse, sans laquelle un
ministère libéral ne serait pas possible.
Nonobstant toutes ces raisons, il setrouvera peut-
être encore quelques esprits pusillanimes qui par-
leront de prudence, de modératiön, d'entente cor
diale... Et quoi encore?... Mais en 4857 elle était
parfaite, l'entente cordiale, ou du moins on le
croyait et qu'arriva-t-il? Pendant que des per
sonnes trop confiantes, esclaves de la parole donnée,
inscrivaient sur leur bulletin électoral les noms des
trois candidats, MM. les curésparcouraient les cam
pagnes et, s'adressant it leurs plus fidèles ouailles,
aux hommes sürs, faisaient sournoisement dispa-
raitre au dernièr moment le nom de M. Alphonse
Vandenpeereboom. Le lendemain, quand fut pro-
clamé le résultat du scrutin, FhonorableM. Vanden
peereboom était le dernier sur la liste; il avait obtenu
moins de voix que M. Malou, moins que.... M. Ch.
Van Renynghe!!! Eh bien! nous le demandons fran-
chement a tous les électeurs libéraux, etait-ce lè le
résultat qu'ils attendaient de la transaction? Vou-
draient-ils aujourd'hui encore réserver semblable
accueil a leur ministre?
Et pourtant qu'ils y prennent garde, nos adver
saires n'ont pas changé. Toutes les concessions
qu'on leur a faites et qu on pourrait leur faire encore
n'ont rien produit, et ne produiront rien. Aux élec
tions communales de 4864, ils ont lutté dans line
grande partie de l'arrondissementa Ronsbrugge
ils ont éliminé nos amis, h Wervicq changé la moi-
tié du conseil, puis remplacé le conseiller provin
cial, et ils se vantent hautement qu'avant Fan pro-
chain il n'y aura plus un seul libéral dans l'admi-
L OPINION.
Le Journal parait 1* dimanche de chaque semaine. Lsiatez dire, laissez-voui blimer, mai» publiez rotre pensée.
n c'lhnnnc i, Ynrpq au bureau du Journal chez Felix Limbih, imprimeur-libraire, rue de Dixmude, n°55, et h Bruxelles Chez l'éditeur.—Prix d'abonnementpour la Belgique 8 fr. par an4 fr. 50 c. par semeetrepoer
rat ie nort en sus Un numéro 25 c. Prix des Annonces et des Réclames -10 c. la petite ligne; corps du journal 30 centimes le tout payable d'avance.
On traite h forfait pour les annonces souvent reproduces. Toutes lettres ou envois d'argent doivent être adressés frinco au bureau du journal.