L'OPINIQN, Journal d'Ypres.
d'Aix, s'adressant au clergé de son diocèse k propos
d'élections
On ne tardera pas k avoir des élections géné-
rales J'ai cru devoir en prévenir d'avance l'esti-
mable clergé du diocèse d'Aix, pour que partout
la conduite de messieurs les ecclésiastiques soit
la même, et qu'aucun d'eux ne demeure dans I'in-
certitude de ce qu'il aura a faire dans cettc cir-
constance
La règle a donner la dessus est ainsi facile a
pratiquer.
Nous nous bornerons, monsieur le curé,tous,tant
que nous sommes de minis tres de Ja religion, a de-
mander par d'instantes prières d Dieu qu'il inspire
partout aux électeurs de bons choix. Notre róle
s'arrête ld en matière d'élections. Ce sont les li-
mites que nous trace notre ministère Nous ne
pourrions en sortir sans manquer a nos devours
Vous éviterez done avec grand soin, M. le curé,
cc de vous mêler le moins du monde dans les partis
cc qui pourraient se former pour amener tel ou tel
cc choix je ne dois pas me lasser de le répéter,
cc quoique vous me l'ayez déjk entendu dire plus
cc nous nous tiendrons en dehors des affaires tem-
cc porelles, plus nous gagnerons en respect et en
cc confiance dans l'esprit des peuples, et plus notre
cc ministère portera des fftiits.
Nous abandonnons ces paroles vraiment évangé-
liques, a la méditation de tous les vrais catho-
liques.
Non content d'avoir fait lire en ehaire cette incroyable dia
tribe que chacun sait, M8r l'évêque de Bruges a voulu procurer
h toutes ses ouailles le plaisir de joüter sa prose et il a fait col-
porterde porteen porte son manifeste electoral. Bon courage,
MM. les cléricaux; quand on se rnêle de faire du scandale, on
n'en sauraittrop faire. L'opinion libérale ne peut que gagnerè
ces excès.
Nous trouvons dans 1 'Impartial de Bruges, la
lettre suivante qui lui a été adressée par un de ses
abonnés d'Ypres
Monsieur le rédacteur de 1 'Impartial,
Depuis quelques jours, un courtier électoral du parti ca-
tholique parcourt la commune et les environs, visitant tous
les électeurs sauf ceux qui sont notoiremoht dévoués au li-
béralisme et dont on ne peut espérer d'ébranler les convic-
tions. Ce quidam voyage avec une certaine pompe, suivi
d'une douzaine d'acolistes qui affectent de le traiter fivee
beaucoup de respect, et lui donnent du monseigneur en
veux-tu, en voilh?
Ce qu'il y a de plus curieux, c'estque ee monsieur se qua-
lifie d'évêque de Gand et que ses satéllistes se font passer
pour grands-vicaires, chanoines, etc.
C'estévidemmcnt une imposture.Un'est pas possible qu'un
évêque fasse le métier auquel' se livre l'individu dont je vous
cc parle. Je nq puis croire qu'un prince de l'Eglise s'expose
aux avanies' dont les courtiers cléricaux sont si fréquemment
victimes dans leurs tournées. Et quant a celui dont je vous
parle, je sais posilivement qu'en dépit du titre pompeux
cc dont il se pare, il a été mis sans faijon a la porte par plus
cc d'un des électeurs chez lesquels il s'est introduit.
cc Du reste que viendrait faire l'évêque de Gand dans le dio-
cc cèse de Bruges,et de quel droit próteudrait-il y exercer quel-
cc que influence?
cc Je croi's devoir signaler cette supercherie évidente au pu-
cc blic et aux autorités. II doit y avoir des lois qui défendent
cc au premier vcnude s'attribuer un titre vénéré et del'exposer
cc ainsi au ridicule.
cc Agréez, etc.
Nous reproduisons cettelettre sansyrieny chan
ger et nous voudrions bien pouvoir partager les il
lusions de son auteur. Maisbien loin de la, nousde-
vons les dissiper.
II parait certain que le courtier électoral dont il
nous parle, a parfaitement droit au titre qu'il prend
et que c'est bien Monsieur l'évêque de Gand qui fait,
aux campagnards de l'arrondissement d'Ypres,l'hon-
neur de les visiter un a un et de chercher a les ga-
gner en faveur des candidatsqueles cléricauxcomp-
tent opposer aux députës sortants de l'arrondisse
ment: MM. Alph.Vandenpeereboom et deFlorisone.
Nous le reconnaissons, du reste, avec le cor-
respondant, c'est une honte pourlepiscopat et pour
la religion chrétienne que l'abus que fait en cette
circonstance Mgr de Gand de son influence au pro-
fit de la politique cléricale. Mais il n'y a aucune loi
qui le défende. Et, pour notre part, nous en sommes
charmés. Sincères amis de la liberténous la vou-
lons même pour nos adversaires, persuadés que
nous sommes, d'ailleurs, qu'en exploitant d'une
fagon aussi scandaleuse l'influence, le nom et jus-
qu a la personne même de chefs suprêmes de l'E
glise, ils font bien plus de tort leur propre cause
qu'fi la notre.
La transaction a Bni\e!les.
On peut ne pas être d'accörd sur la viabilité de
la transaction qui vient de mettre un terme auxlut-
tes intestines qui n'ont que trop longtemps divisé
l'opinion libérale a Bruxelles. L'avenir nous dira qui
a raison, de ceux qui voient dans cette transaction
lc gage d'une reconciliation sincère et durable, ou
de ceux qui la considèrent plutöt comme une sorte
d'armistice, aecepté pour un moment dans un but
de preservation commune. Mais quelque opinion
que l'on se fasse sur ce point, on ne peut mettre en
doutc que ce rapprochement, durable ou éphemère,
ne soit destiné a exercer une influence considérable
sur le résultat des élections prochaines. La presse
catholique ne s'y est pas trompée. Aussi longtemps
quelle a pu croire a la possibility d'une lutte entre
ses adversaires, clle s'est étudiée, par d'adroites
flatteries adressées au parti avancé, a creuser cha-
que jour plus profonde la ligne qui séparait les jeu-
nes de la majority parlementaire. Mais la reconci
liation est a peine opérée, quelle jette lü son mas
que, devenuinutile,pour outrager,avec une violence
inouïe, ces mêmes hommes qui, la veille, étaient
1'obj.et de ses plus insinuantes caresses. II y a, dans
cette double attitude du parti catholique, avant et
après la reconciliation, un enseignement utile a re-
cueillir. Les habiles qui dirigent ce parti ont-ils
songé a engager la lutte k Bruxelles? Ont-ils fait ce
calcul, qu'en divisant les forces libérales, ils par-
viendraient peut-être a faire triompher leurs pro-
pres candidats dans la capitale? Si la pensée apu
en venir a l'esprit de quelques-uns, nous ne croyons
pas qu'elle s'y soit fixée un seul instant a l'état de
projet. Les hommes.de la droite sont en général de
fins politiques k part quelques téméraires qui ne
doutentderien,ils ne se font pas illusion sur ledegré
de popularité dont ils jouissent a Bruxelles; les
événements de 1857 leurönt donné sur ce point une
legon qu'ils n'oublierontpas desitót.Ils savent d'ail
leurs fort bien que le jour ou ils auraient l'audace
de produire ouvertement une liste de candidats,
jeunes et vieux, doctrinaires et démocrates oublie-
raient a l'instant leurs querelles pour les écraser.
Les élections de ia capitale les intéressent done
médiocrement; maisils avaient compris,les habiles
qu'ils sont, que la réconciliation opérée k Bruxelles
serait le signal d'une réconciliation générale dans
tous les arrondissements oü règnent des divisions
analogues, et pour empêcher ce résultat funeste, ils
se sont mis a soullier, de tous leurs poumons,le feu
de la discorde parmi leurs adversaires. Ceux-ci,
malheureusement, ne sont pas non plus sans être
doués de quelque sens politique, car il faut être
juste, même envers ses amis.La réconciliation dont
ils n'auraient peut-être pas voulu pour eux-mêmes,
leur est apparue comme une nécessité de parti de-
vant laquelle toute considération personnelle devait
fléehir et, moitié de gré, moitié de force, on s'est
tendu la main, au grand scandale du Journal de
Bruxelles, furieux de s'être enfariné pour aboutir a
un aussi pitoyable fiasco.
II est des transactions qui dèshonorent les partis,
eg sont celles qui portent surles principes.L'homme
qui, dans un intérêt,n'importe lequel, accepteet su-
bit volontairement une atteinte aux principes fon-
damentaux de sa foi politique, n'est a nos yeux
qu'un malheureux, indigne du nom de citoyen et fa-
gonné d'avance pour l'apostasie. Les partis qui
transigent sur de semblables principes, qui en aban-
donnent quelque chose leurs adversaires pour ob-
tenir, en retour, quelque concession égale, ces par
tis sont laf plaie des pays fibres; nous n'en sommes
pas, nous n'en serons jamais. Mais, inflexibles sur
les principes, nous admettons sans peine que, sur
des questions accessoires, les partis sont tenus fré
quemment a des concessions mutuelles. Le gouver
nement représentatif lui-möme deviendrait imprati-
cable si, sur chaque objet en discussion, chacun
des partis en presence avait la prétention de faire
prévaloir ses volontés tout entières sans tenir
compte des résistances que ces volontés rencon-
trent dans les camps opposés. C'est assez dire que
nous applaudissons de tout coeur a la transaction
signée, il y a quelques jours, entre l'Assaciation li
bérale de Bruxelles et les membres scissionnaires
de 1859. Le philosophe Proudhon, qui ne passe pas
généralöment pour un grand partisan des compro
mis, a écrit quelque part k propos du mouvement
de la révolution. Le plus ou moins de vivacité
qu'on donne au mouvement ne fait rien k sa na-
ture. Que vous partiez de Paris pour Dunkerque
par le chemin de for ou par le roulage, vous n'en
tournez pas moins le dos k Bayonne. Notre
Bayonne, a nous, auquel nous tournons tous le dos
avec une égale horreur, c'est le gouvernement de la
société laïque par le clergé seulement, voici ce
qui arrive Les jeunes, familiarisés de bonne heure
avec les inventions modernes, demandent qu'on
prenne le chemin de fer, les vieux, moins aventu-
reux ou plus timorés, penchent, pour le roulage,
prenez garde aux explosions crient-ilsauxy'eMwesjvóus
verserez en route, répliquent ceux-ci. De gros mots
sont échangés, les amours-propres se mettent de
la partie et s'aigrissent, et l'on est tout surpris, au
bout de quelque temps, de se trouver, pour une
question toute secondaire, aussi profondément di-
visés que s'il s'agissait du fondement même de la
foi commune. Maïs ces égarements ne sont et ne
peuvent être que passagers, les échéances électora-
les, en lesant sentir la nécessité de l'union et de la
concorde, poussent les uns vers les autres les amis
brouillés de la veille,et l'amour de la patrie rassem-
ble ainsi ceux que l'amour-propre avait égarés.
Des conditions même de la transaction^ nous ne
dirons que peu de chose. L'Associatfon libérale a-t-
elle sumsamment sauvegardé sa dignité? Pouvait-
elle, sans abdiquer une partie de cette dignité, dis
penser de l'élection préparatoire les représentants
scissionnaires? Pour nous, qui n'avons k apprécier
la transaction qu'au point de vue des intéréts géné-
reux du libéralisme, ces questions, oil se mêle un
reste d'aigreur, ne nous touchent guère. Disons ce-
pendant que si en cette circonstance, l'Association
libérale de Bruxelles a souffert une atteinte it la
rigueur de son règlement, le sacrifice ne peut lui
mériter que plus de respect et de reconnaissance
de la part de tous les hommes sincèrement dévoués
k l'opinion libérale. Organisée comme elle l'est,
l'Association pouvait entreprendre la lutte avec de
grandes chances de succès et, en tous cas, la réélec-
tion de ses candidats sortants était certaineelle
avait done tout a gagner et rien a perdre it la lutte.
Elle y a renoncé li brement, volontairement, dans
l'intérêt de la cause libérale, compromise dans les
provinces par des tiraillements de même nature. Le
pays lui tiendra compte de cette modération et si,
comme nous en avons la ferme confiance, le parti
libéral remporte aux élections prochaines, une nou
velle et éclatante victoire, ee ne sera que justice
deproclamer que, cette fois encore, l'Association de
Bruxelles a bien mérité du libéralisme beige.
Au bon vieux temps la noblesse, maïtresse du
monde, régnait en despote et, grace au privilége,
elle seule pouvait oceuper les positions sociales im-
portantes'.
Aujourd'hui, le peuple domirie depuis qu'il a ba-
layé la féodalité, il fait la loi et se gouverne lui-
même. Aussi quand on cherche k se placer, a se
pousser,en un mot, a devenir quelque chose, il faut
être du peuple et aimer le peuple. Si quelqu'un, na
souci, comme dit Philippe de Confines, deriensinon
d'offices ft états, cette curée autrefois réservée k
nobles limiers, il doit s'appuyer sur les descendants
d'anciens manants, roturiers et vilains, il faut qu'il
fraie avec eux, qu'il prenne leurs idéés et obtienne
leurs sympathies.
Pour parvenir k quelque dignité, il ne suffit plus
d'être soutenu par les deux privilégiés dp moyen
age le clergé et la noblesse; il faut et surtout être
1 élu du tiers-Etat, c'est-a-dire des fermiers, arti-
sants industriels et commergants qui forment la
partie puissante de lasociétémoderne, et quin'ayant
que' du mépris pour les idéés du moyen age procla-
ment hautement la liberté et 1 'égalité.
Nous croyons bien, nous sommes même persua
dés. que dès maintenant M. Duparc, le candidat ca
tholique pour l'arrondissement d'Ypres, lui qui se
flatte d appartenir a 1 ancienne noblesse et qui fier
d'être vicomte breton est tout imbud'idées féodales,
tache de se rapprocher des roturiers, manants et
vilains dont jusqu'ici son aristocratique arrogance
1 a tenu éloigné.Mais iln'ya plusni badauds niniais;
on ne se fiera pas ses promesses intéressées et
lelecteur auquel il ira mendier Ia voix se remémo-
rera du dédain que jusqu'alorsce seigneur a montré
pour les gens de la.bourgeoisie. Aussi le 9 juin, il
dira que M. Duparc n'est pas son candidat, qu'il n'a
ni ses 'idéés,ni ses aspiratious, qu'il est l'homme de
la noblesse et du passé et qu'il ne peut dignement
le représenter a l'Assemblée législative.'
SJei nouveau Welehaj'f.
On nous écrit de Dixraude, let2 mai
Je vous ócris sous l'empire d'une indignation profonde et
que vos lecteurs partageront, je n'en doute pas.
Vous savez que le parti clerical combat it outrancc la réélec-
tion de notre excellent représentant et bourgmestre M. de
Breyne, candidat de Association libérale.
Le bruit était répandu que cette opposition était secrètement
encouragée par le sénateur de notre arrondissement M. Ch. Van
V... 12 mai.
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