L'OPINION, Journal d'Ypres. A en croire leurs circulaires, que nous avons sous les yeux, ces écoles construites avec Vargent des catlioliques deviendront des instruments de la franc-maconneriefaisant une concurrence rui- neuse aux écoles libres elles amèneront avec la division entre les habitants rabatardissement des croyances et des moeurs du peuple, les communes n'y trouveront qu'une cause nouvelle de Yaug- mentalion des impots. Depuis l'école communale, la nomination de l'in- stituteur, et le choix des livres, jusqu'aux univer- sités de l'Etat et la composition du programme d'études, en un mot tout ce qui se rattaclic l'en- seignement public a tous les degrés, fut constam- ment en butte aux attaques du ciergé. II s'épuisa en mandements, en lettres épiscopales, en sermons pour prouver aux parents l'orthoaloxie exclusive de l'école du curé, du collége de l'évêque et de l'uni- versité de Louvain il cria a la persecution de l'E- glise chaque fois qüe le gouvernement, obéissant au premier de ses devoirs suivant l'expression de M. de Gerlache prit des mesures pour favoriser a son tour l'instruction des masses., conformément aux lois existantes. Ce qu'il faut au clergé c'est le monopole de fenseignement public a tous les degrés, afin de fagonner a son profit les générations naissantes. Pour défendre ce monopole le choix des moyens est comme toujours une chose accessoire. Cela est prouvé par les griefs perfidement accumulés contre fenseignement public, et contre les mesures admi nistraties employées a son développement. Le clergé dénoncc les écoles communales comme devant faire une concurrence ruineuse aux écoles libres Écoles libres, le mot ,est séduisant, car l'Etat au- rait vraiment tort s'il faisait la concurrence a la liberie mais qui ne sait pas que dans la bouclie du clergé liberté veut dire privilège, monopole, ab sorption? Au lieu (l'école libre c'est Yécole du curé qu'il faut lire. La chaire serait libre, si le curé pouvait y prêcher non-seulement la croisade contre le gouvernement du pays, mais encore d'écrier les personnes et les families, sans que la loi eüt rien a y voir, II prêclie aujourd'hui sans que l'on ait le droit de le contre- dire, la loi le protégé même dans ses extravagances et nous en avons eu des échantillonstout cela est insuffisant, la chaire n'est püs libre, paree que le droit commun n'est pas entièrement aboli pour nos gentils petits vicaires. Cependant qu'un pasteur protestant vienne prêcher sa l'oi dans un de nos vil lages! Aussitöt le curé montera dans sa chaire, dé- noncera l'hérétique a la fureur des fidèles, et si le pasteur veut échapper aux outrages et aux mauvais traitements de la populace, excitée par le curé, il n'aura qua déloger le plus vite possible. Liberté de la chaire a la facon du clergé. II en est exactement de même pour la liberté de fenseignement. Nous l'avons déja prouvé dans no tre précédent numéro. Les écoles libres, cela veut dire les écoles du clergé. En dehors du clergé, point de liberté. Qu'un professeur laïc vienne a ses frais, sans le patronage du curé, fonder une école dans un village de la Flandre! Combien de temps le malheu- reux mettra-t-il a mourir de faim lui et sa familie Le curé, sans avoir égard au talent du maitre, le dénoncera dans chaque familie, cn chaire s'il le faut, comme un homme irréligieüx, un intrus, un franc- macon. Les exemples ne manquent pas. Et la rai- son? C'est que, dans chaque village, le curé a son école a lui, Or, la liberté, la liberté vraie en matière d'enseignement exige que personne ne puisse faire concurrence a l'école du curé. Toujours le même système de priviléges, de monopole, d'absorption. Le gouvernement qui cherche autant qu'il est en sou pouvoir it décrétiniser nos populations rurales en les arrachant, par l'instruction, a la tutelle du clergé, devait tout naturellement rencontrer sur son chemin les mêmes hommes et les mêrrtes obs tacles. Mais loin de se laisser ébranlerpar l'opposi- tion des éternels ennemis de la liberté en toutes ehoses, il saura remplir son devoir jusqu'a la fin. (A continüer.) ie programme de nos Fètes. Aujourd'hui même /commencent les fêtes de la Tuyndag dont le programme a été public depuis quèlques jours. Nous disons fêtes pour employer le mot consacré, c'est plutöt enterrement que nous de- vrions écrire. Impossible de voir affiche plus écla tante et plus bariolée annoncer des réjouissances plus mesquines et plus dépourvues de tout ce qui répand dans une ville l'aetjyité et la vie. Ces bigar- rures, qui siéent si bien aux tréteaux forains, ne réussissent pas même a masquer Ie dénüment et la misère, et l'on peut dire qu'ici le pavilion couvre mul la marchandise. De nos jours, les administrations locales pensent avec raison que les réjouissances publiques doivent, en attirant le plus grand nombre possible d'étran- gers, avoir pour principal but de mul tiplier les res sources du commerce, de le faire prospérer et d'ac- croitre ainsi l'aisance et le bien-être du détaillant. Dans ces circonstances, elles ne reculent pas de vant les frais; elles saventque fargent dépensé est d'un cmploi. utile et double la richesse publique. Pourquoi notre Conseil communal, oubliant ces préceptes si vrais et si sages, a-t-il cru devoir com poser un programme d'une désespérante nullité? Disons-le hardiment, notre ville n'est pas dans un état si brillant, ni son commerce si florissant, qu'il faille négliger les occasions d'activer les affaires. Nous ne sommes pas plus que d'autres partisans de folies dépenses, mais nous croyons que la ville d'Ypres ne doit pas se laisser distancer dans ia route du progrès'lorsque les plus modestes com munes font de louables efforts pour introduire chez elles les améliorations compatibles avec leur situa tion, il ne faut pas que le conseil communal du chef-lieu de 1'arrondissement se renfermé dans une facheuse inactivité et dans une parcimonieuse éco nomie. Une ville qui possède un revenu annuel de 250,000 fr. peut et doitcn consacrer plus de 2,000 francs a sa fête communale. Pourtant les moyens ne manquent pas les fètes peuvent être de différentes natures et variées;le choix est embarrassant, Ce qui manque, ct il n'y a que cela c'est un peu plus d'énergie. Yeut-on des fêtes musicales? II y a les concours et les festivals pour harmonie ou pour sociétés de choeurs. Pour les amateurs-de jeux hippiques, il y a les carrousels. Les carrousels militaires surtout se pratiquent beaucoup maintenant dans les villes de garnison et Ypres, qui possède, dans ses murs l'éjite des cavaliers de l'armée beige, est sans con- tred.it dans cjes conditions exceptionnellement favo- rables pour ces sortes de fêtes'. II eüt suffi au collége échevinal de., s'entenare avec les chefs militaires, nous sommes persuadés que leur concours n'aurait pas fait défaut. En don- nant la fête au profit déspauvres, le plaisir devenait une bonne oeuvre; c'était bénéfice pour tout le monde. II est encore beaucoup d'autres réjouissances in telligente? et morales dont l'énumération serait trop longue ici. Nous en citerons pourtant encore une le tir a la cible, eet exercice si éminemment utile, que ces dernières années ont vu élever en quelque sorte a la hauteur d'une institution nationale. La plupart des villes du royaume, imitant en cela l'exemple de la capitale, s'empressent de faire aux tireurs du pays un appel qu'elles regardent a bon droit comme un devoir de patriotisme. Pourquoi la ville d'Ypres doit-elle rester en arrière? Déja, il y a bien des années, elle a fait une experience dans ce sens et sa tentative a eu un assez beau succès pour l'engager a recommepcer. On voit, comme nous le disions plus haut, qu'il n'v a que l'embarras du choix et dans ce choix même se trouve, pour plusieurs années, une série de fêtes productives; il ne s'agit que de vouloir. Espérons que ces courtes observations réussiront a gravir les marches de 1'Hótel-de-Ville et qu'a la première occasion les vceux de toute une ville seront enfin exaucés. Beaucoup d'honorables conseillers, nous le savons, sont animés des meilleures inten tions; il leur suffit d'user de leur droit d'initiative ct de ne pas se laisser intimider par les amour-propres faux et excessifs qui tenteraient de se faire jour. Alors du moins les habitants de la ville d'Ypres ne seront pas réduits a se réjouir, sous prétexte de kermesse, de fêtes qui commencent par un concours de chant pour... les pinsons et qui finissent par le jeu des ciseaux (scliaertje knip.). Nous recfivons de différents cótés des plaintes contre le mode de repartition des fonds portés au budget de la ville pour les fêtes de la kermesse. On nous signale, entfc autres, une société composée de 46 membres, tous bons et honnêtes bour geois, qui a vainement soliicité un subside de 250 fr. Malgré les conditions généreuses du concours qu'elle se proposait d'organiser, elle a vu repousser sa demande et l'on en donne pour principale cause Facharnement inexplicable avec lequel un honorable conseiller a attaqué la pétition. Nous sommes loin de porter envie aux sociétés favorisées, nous leur souhai- tons même de tout coour de plus gros subsides pour l'année prochaine, mais il nous semble que, devant la caisse commu- n lie, il ne devrait y avoir ni privilégiés, ni exclus; et, puisqu'on laissait aux sociétés particulières le soin exclusifde remplir le programme communal, il ne fallait du moins se priver d'aucune ressource, ni mépriser aucune intervention, si modeste qu'elle füt. Correspoudance particuliere de L'OPIiYlON. Bruxelles, 31 juillet. A l'heure oü je commence cette lettre M. le gouverneur du Brabantse lève. A-t-il dormi? J'en doute, mais il déjeunera amplement.ear on assure que les tracas creusent l'estomac,et, s'il manque quelque chose k M. le gouverneur du Brabant, ce ne sont pas, k coup sfir, les tracas. Vastes solitudes, sereine atmosphère du Luxembourg, qu'êtes-vous devenues On n'en- tendait lh-bas, k l'ouverture des séances du conseil, que le poétique écho du ranz des vaches dans la bruyèreici tout est bruit et menace, la presse tonne, le public ému ricane, et le Conseil provincial, pour clore dignement sa session, va pro- noncer sur le sort de M. le gouverneur. Pauvre SI. Dubois Dans la section qui a examiné la proposition signée par trento-trois membres tendant k émettre auprès de la Legisla ture le voeu de voir réformer la loi de 1842 sur Fenseignement primaire, deux opinions se sont naturellement trouvées en pré- sence celle de la minorité qui a combattu l'émission de ce vceu, et celle de la majorité qui, au contraire, s'est ralliée aux auteurs de la proposition. Les raisons qui ont déterminé la majorité k émettre un vocu favorable, c'est que notre constitution proclame, dans son ar ticle 6, l'égalité de tous les Beiges devant la loi, et, dans ses articles 14 et 13, la liberté des cultes. II est impossible, a dit cette majorité, deconcilier ces grands principes avec les arti cles 6 et 26 de la loi de 1842. En effet, par l'article 6 le prêtre est admis dans l'école k titre d'autorité et le dogme y est en- seigné par les ministres d'un culte privilégié, et par l'article 26 Fécole n'est légale qu'avec l'intervention du ministre du culte, de sorte que le clergé a le droit de vie et de mort sur Fécole. Que deviennent.dès lors,l'égalité devant la loi et la liberté des cultes, lorsque les dissidents sont mis dans la nécessité, ou de quitter Fécole, ou d'entendre professer des doctrines qui peu vent. qui doivent froisser leurs croyances, ces douces lepons repues dans le premier age de l'enfance sur les genoux de la mère, au foyer de la familie? Que devient l'obligation de l'Etat, qui doit l'instruction k tous et qui, par la force des choses,' exclut de l'école une catégorie decitoyens; que fait-onde enfin l'article 17 de la Constitution qui proclame la liberté de Fensei gnement L'instituteur doit être l'homme de la commune qui le nomme et le paie avec le concours de la province et de l'Etat, et cepen dant les art. 6 et 26 de la loi de 1842 mettent l'institutenr sous la domination la plus absolue du clergé et lui ótent toute in- dépendance Voilk pour la question politique. La majorité de la section du conseil signale en outre, dans son rapport sur la proposition des 33, un véritable danger qui résulte pour les communes rurales de l'interprétation donnóe par M. le gouverneur du Brabant aux art. 20 et 23 dela loi de 1842. M. J.-B. Nothomb. le père de cette loi, a interprété liii- même ces articles dans ce sens qu'une commune est libérée lorsqu'elle a porté dans son budget 2 centimes additionnels pour le service de Fenseignement. Que fait, lui, M. le gouver neur du Brabant? II prétend que ces articles ne peuvent être interprétés en ce sens que pour les communes pauvres, et en. conséquence, il se permet d'écrire aux communes riches que, si elles ne portent pas k leur budget telle ou telle somme pour Fenseignement, il les y inscrira d'office. Si encore M. le gou verneur, en agissant. ainsi, 'était d'accord avec la deputation permanente, mais il bouleverse au contraire la jurisprudence qu'elle a constamment suivie, et les membres du conseil, pour sauvegarder les intéréts des communes qu'ils représenteni, sont obligés d'en référer k MM. les ministres de l'intérieuret des finances pour avoir raison, avec la députation permanente, contre M. le gouverneur. Mais ce n'est Ik que le petit cöté de la question, c'est une affaire de pure administration facile k régler.même sans le con cours du pouvoir lógislatifil suffirait, en effet, puisque MM. les ministres de l'intérieur et des finances sont d'accord avec M. J.-B. Nothomb, d'une circulaire pour rappeler M. le gouverneur k l'ordre. La question politique est plus grave, elle touche peut-être a l'existence du cabinet, a l'avenir de l'opinion libérale. La lot de 1842, a dit la minorité de la section, est une loi de transac tion qui a été votée k l'unanimité par le Sénat et a l'unanimité moins trois voix par la Chambre des représentants. Depuis cette époque,des ministères libéraux ont occupéle pouvoir du- rant de longues années, en disposant de majorités considéra- bles; de plus, il s'est présenté des époques oü le courant de l'opinion publique semblait contraire aux idéés catlioliques. Or, le ministère, aujourd'hui, n'est plus soutenu qne par une majorité de quelques voix, et ce n'est pas en ce moment que l'on peut espérer de voir entreprendre le grand oeuvre devant lequel on a reculé en des temps plus propices. Si M. le gouverneur du Brabant, dans son discours d'ouver- ture, avait dit cela, je le comprendrais; mais loin de Ik ce haut fonctionnaire libéral, placé par un ministère libéral k la tête de l'administration d'une province dont le libéralisme n'esü certes pas sujet k caution, s'en vient nous faire l'apologie de l'intervention du prêtre dans l'école a titre d'autorité, et de plus, soutenir qu'en Belgique, sous le régime de la Constitu tion de 1831, la séparation de FEtat et de l'Eglise n'est pas absolue Et, pour comble d'ironie, il prétend qu'il se trouve en communauté de sentiment avec les Robert Peel, lesGuizot les Cousin, les ViUemain et bien d'autres encore dont les noms* font autorité dans la politique ou dans la science.— En vérité cela ressemble k de la démenoe. J La vérité, que nous ne pouvons pas nous dissimuler, c'esbque le ministère aurait pu séculariser Fenseignement k la suite des éleotions de 1839 et de 1861 en posant la question de cabi net sur cette affaire capitale dans laquelle est engagé l'avenir de l'opinion libérale, et qu'aujourd'hui, avec la majorité qu'il lui rests, il ne le pourrait plus sans mettre son existence en périL Mais cela n'empêche pas que, du moment que la question de l'intervention du prêtre k titre d'autorité dans Fécole est posée, elle doit être rósolue comme elle l'a êté au conseil pros vincial de Liége et comme elle le sera au conseil provincial du Brabant.La constitution en main, il est impossible qu'il en puisse être autrement. fout ce qu'on peut faire pour le ministère qui s'entoufp cfassez mauvais fonctioniiaires pour voir sa poli- .1 ■■wggagj^Mnm-.r.r

HISTORISCHE KRANTEN

L’Opinion (1863-1873) | 1863 | | pagina 2