JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. YPRES, Dimanche. PREXÏIÈRE AMÉE. \o >1 4 octobre 4863. Le Journal paratt le dimanche de chaque semaine. Laissez dire, laissez-vous blamer, mais publiez votre pensée. YPRES, 4 octohrc f SC3. Elections communalcs d'Ypres. Candidature de M. Vandenpeerebooin, nilnisti-c de l'Intérieur. La candidature de M. A. Vandenpeereboom, cliau- dement appuyée par un certain nombre de nos amis politiques, soulève une question de droit constitu- tionnel fort délicate,sur laquelle nous nous permet- tons d'attirer 1'attention de nos lecteurs. Cette question est celle-ci Les fonctions de mi- nistre, de ministre de l'intérieur surtout, ne sont- elles pas incompatibles avec le mandat de conseiller communal? La loi est muette sur ce point; elle exclut des conseils communaux les gouverneurs de province, les membres de la deputation permanente, les com- missaires d'arrondissement. Elle se tait sur les mi- nistres. Et comme les incompatibilités sont de strict droit, qu'elles ne peuvent être étendues par voie d'analogie,on doit admettre que, dans la rigueur du droit et a ne voir que la lettre de la loi, celle-ci n'é- tablit aucune incompatibilité entre les fonctions de ministre et le mandat de conseiller communal. Mais, en dehors des incompatibilités légales, il y a des incompatibilités de fait, que le bon sens et la saine intelligence des principes constitutionnels in- diquent, qui sont dans la nature des choses et que Ton ne peut méconnaitre sans jeter la perturbation dans le lonctionnèment régulier des institutions re presentatives. Pour n'en donner qu'un exemple, et cet exemple est frappant dans le sujet qui nous oc- cupe, nulle part la loi ne prononce l'incompatibilité des fonctions de ministre et de bourgmestreelle admet done qu'on puisse cumuler l'une et l'autre. Et cepondant, cette incompatibilité est tellement ma nifeste qu'on n'a pas d'exemple d'un bourgmestre qui, devenant ministre, ne se soit empressé de se démettre dc ses fonctions communales. La solution de la question n'est done pas dans le textö de la loi communale il faut la chercher dans l'esprit de nos institutions representatives, envisa- o-ées dans leur ensemble,et, pour cela, se placer au point de vue de rbarmonie qui doit régner entre elles et des nécessités de 1'équilibre des pouvoirs, nui en fórme la base. A ce point de \ue, la ques tion fait naitre dans l'esprit plus d'un doute grave et en cc qui nous concerne, nous n liésitons pas a dire que la solution négatiye nous parait seule con forme a l'esprit de nos institutions. Quelques-uns, habitués a ne considérer les choses are par le petit cöté, trouveront dans la présence d'un ministre du Roi au sein du conseil communal un biste sujet de s'enorgueillir. D'autres, plus po- sitifs V verront pour la commune une source abon- dantè de subsides et d'avantages de toute espèce. Mais, pour peu qu'ils veuillènt y réfléchir, ils ne tar- deront pas a s'aperceyoir que la médaille a son re vers et que plus d'un danger sérqeux se cache derrière le mirage trompeur qui avait, pouP PP instant, se- duitla vanité des uns et les appétits des autpes, La liberté communale, cette liberte qui nous est chère entre toutes, repose sur deux bases essen- tielles la liberté de lelecteur, celle de lélu, La liberté de l'élu,c'est 1 indépendance compléte, abso.lue.du conseiller communal dans l exarnen des questions soumises ft sou apprcciation. Peu -on aü- mettre cette indépendance compléte, absolu®' le représentant du pöuyoir exécutdbappelc, cornm conseiller communal, a éïöettre un v.Q|S Wg délibération dont il aura piü'S tarcl Com)<qt?_e comme ministre? Les mêmes motils u mcornpanui- lité qui exclnent des conseils communaux ïfiS gou verneurs, les eommissaires d arrondissement, ne s'appliquent-ils pas, avec une torce d autorité plus grande encore, au ministre lui-même, leur cliet a tous? N'est-il pas a craindre qu'il ne se préoccupe avant toutes choses, lui aussi et plus que ses subor- donnés, des intéréts du pouvoir, chaque fois qu'ils seront en opposition avec ceux de la commune? Peut-on attendre de lui cette pleine liberté d'esprit et d'opinion qui doit présider aux délibérations dela commune et sans laquelle la liberté communale elle- même n'est qu'un vain mot? Le juge qui prendrait part a un acte qui devrait être plus tard soumis a sa juridiction ferait récrier tout le monde. Et nous admettrions comme une chose toute simple qu'un ministre participat a une délibération, sur laquelle il sera appelé a statuer ensuite commé membre du gouvernement Et ce n'est pas seulement l'indépendance du con- seiller-ministre qui peut être sérieusement contes- tée. Nous allons plus loin et nous disonsquesa pré sence dans le conseil communal est un vrai danger pour cello de ses collègucs; que ce danger, 11e fut-il pas réel, le soupgon du danger serait déja de trop. Prenons les hommes tels qu'ils sont, avec leurs passions et leurs faiblesses, et demandons-nous si i'inlluence d'un personnatre considérable par sa po sition tel qu'un ministre, disposan t des places et des honneurs, n'a rien qui fasse ombrage a la liberté; si elle n'est pas destinée a acquérir, un jour ou l'au tre, une force de prépondérance telle que toute li berté sera bannie des délibérations? Nous vivons, hélasdans un siècle oü les présents d'Artaxerxès sont rarement refuses et, sans médirc de nos com- patriotes, nous pouvons croire qu'ils ne sont pas plus insensibles que d'autresaux seductions dupou- voir. En fut-il autrement, le danger serait le mömc a un autre point de vue le soiipcon enlèverait au conseil le prestige dont ses délibérations doivent être entourées. Cette influence prépondérante du conseiller-mi- nistre,oü s'arrêtera-t-elle? Le bourgmestre,débordé, ne tardera pas a devenir un instrument dans les mains du ministre et la commune aura perdu son autonomie le gouvernement l'administrera pat' personnes interposées, pour son plus grand bien. Nous disions, au début de cet article, que l'in compatibilité des fonctions ministérielles avec le mandat de conseiller communal était dans l'esprit denos institutions constitutionnelles.L'ordrecon- stitutionncl repose,en elfet, sur l'indépendance res pective des différents pouvoirs. La séparation des pouvoirs, leur libre évolution dans la sphère d'ac- tion qui leur est tfacée par la loi, telle est la base même du gouvernement représentatif.Les consi derations rapides auxquelles nous venons de nous livrer suffiront,pensons-nous, pour établir quel'im- mixtion du gouvernement dans les délibérations communales constitue une atteinte grave a ces principes généraux et un danger non moins grave pour le sort de nos précieuses libertés commu nales. Nous tenons a le dire bicn liaut, en terminant Si nous n'avions eu a consulter que nos sympathies' personnelles pour le caractère et le mérite de M. A. Vandenpeereboom, nous missions étédes pre miers a acclamer sa candidature; mais il est des questions oü les sympathies personnelles doivent céder le pas a des intéréts supérieurs et qui n'ad- mettent aucune composition. Celle-ci est de ce nombre et nous connaissons trop notre honorable concitoyen pour oraindre que M. Vandenpeereboom se trouve offensé des objections quo nous formu- lons ici contre la candidature de M. le ministre de l'intérieur. Nous recevons d'un de nos abonnés la lettre sui- yanfe, que nous publions sous réserve de notre opi- pion personnelie sur la question qui en fait l'objet Monsieur le rédacteur, Vous vous êtes appliqué, dans un des derniers numéros de votre estimable journal, k faire ressortir le caractère éminem- ment politique des élections générales. Je partage entièrement votre avis sur ce point. Dans un pays comme le nötre, oü la lutte des partis est engagée sur le terrain de l'indépendance du pouvoir civil, le choix des administrateurs chargés de faire respecter cette indépendance ne saurait être une affaire pure- ment administrative. Les réflexions auxquelles vous vous li- vrez ii ce sujet empruntent aux circonstances actuelles un caractère particulier de gravité. Toutes les communes du royaume sont appelées k élire très-prochainement de nou- veaux mandataires et le parti catholique s'apprête k un immense effort pour faire tourner k son profit le résultat de ces élec tions, dsnt il altend la chute du ministère libéral. Béjk, nous avons appris que MsrMalou avait ordonnéatousses curés d'enga- ger la lutte partout oü il y aurait quelque chance de succès.Nul doute que les autres évóques en auront fait autant en ce qui les concerne. Le parti libéral peut done s'attendre a un combat k outrance, d'autant plus dangereux que l'étroit terrain choisi par ses adversaires ne lui permet que difficilement de déployer toutes ses forces. A Ypres, comme ailleurs, la lutte promet d'etre des plus vives et beaucoup de très-bons libéraux se de- mandent si l'association libérale, réduite k ses seules forces, est eu mesure de résister victorieusement aux efforts du parti clérical. Plusieurs en doutent très-sérieusement. Bien que je n'aie pas l'honneur de faire partie de l'Associa- tion libérale d'Ypres, ni d'aucune autre, je suis loin d'être op- posé, en principe, aux associations politiques permanentes. Au contraire, je suis convaincu que, de tous les moyens de résister aux envahissements du clergé, e'est encore un des plus sürs, des plus effieaces. Mals, tont en reconnaissant l'utilité la nécessité mêmede ces associationsje n'admets pas qu'elles puissent légitimement élever laprétention de resumeren elles toutes les forces vives du libéralisme. Peut- être, monsieur, ne serez-vous pas de mon avis sur ce point, mais je pense qu'il y a de ces moments critiques oü, dans l'intérêt de la cause qu'elles défendent, les associations politiques ont le devoir de s'effacer un peu pour faire place k la libre mani festation des opinions individuelles. Si j'avais un reproche k leur adresser, ce serait de se montrer généralem ent trop ja- louses de l'empire qu'elles exercent sur l'opinion et de ne pas tenir suffisamment compte dos voeux, des aspirations, des sentiments qui se produisent en dehors de leur sein. Jetoucha lil, je le sais, a une question bien délicate, mais ma conviction profonde est quo, dans les circonstances oü nous sommes, ayant en face de nous un ennemi puissant et implacable, armé au nom du ciel et de la sainte Eglise, l'opinion libéral© court k Ypres un grand danger si l'Association veut maintenir intacte et entière sa prétention de désigner, k elle seulo, les candida tures denos futurs conseillers communaux. L'Association ce n'est un mystóre pour personne, ost composée en très- grande partie de fonetionnaires et employés de l'administration communale, professeurs du collége, etc., tous gens parfaite- ment honorables, sans doute, mais qui, vous me Facoorderez, 11e présentent, sous lo rapport de l'indépendance de leurs' votes, que des garanties fort médiocres. Et l'on voudrait que ces fonetionnaires, employés, profes seurs, etc., tous dépendant de l'Hótel-de-Ville, fussent char gés de désigner aux électeurs libéraux de Ia ville les candidats pour qui ils auront k voter Et quiconque se permettra do ne pas se ranger sous leur loi sera suspect et frappé d'cxcommu- nication Convenez, monsieur, que cela n'est pas possible. S'il en fievait être ainsi, l'éleetion ne serait plus qu'une dupe- rie, k laquelle tous les hommes ayant quelque sentiment' da leur dignité refuseraient de s'kssocièr. Ce que je vous dis Ik, monsieur, beaucoup d'ólecteurs libé raux le pensent comme moi et n'osent le dire. Moi, je ie dis tout haut et j'ai la conviction qu'en parlant ainsi je suis utile kla cause du libéralisme yprois,que nous servonstous les deux. Mes amis et moi, nous n'entendons pas, je le répète, eon- tester 1 utilité dos associations libérulesnous sommes les pre miers k reconnaitre que toutes, et notamment celle de notre villc, ont rendu de grands services k la cause libérale seule ment, nóus croyaps qu'eu égard aux circonstances et en te nant compte des éléments dont se compose l'association d'Ypres, il y a lieu pour celle-ci do s'en rapporter aux élec teurs libéraux eux-mêmes.du spin de désigner leurs candidats ou tout au moins do souipettre k leur approbation, dans des élections préparaioires, oeux dont elle aura fait choix. L'asso ciation, cn agissant ainsi, n'aura pas abdiqué son röleelfe aura témoigné, au contraire, qu'elle en a la suprème intelli gence. Et qu'on ne me dise pas que ce moyen n'est pas praticabïe. Ce moyen a été pratiqué ailleurs et a toujours fourni jes meilleurs résultats. Quoi de plus simple? ou bien l'asso- ciation convoque en assemblée préparatoire tous les éle,cteurs libéraux de la ville et leur demands de désigner les oaiiffjdats qui leur conviennent.ou bien elle se charge elle-même de'dresser en noipbre double ou triple, une liste de oand'.dats et elle la soqmet k l'assemblée préparatoire, qui choisit s'ur cette liste les candidats qu'elle juge les plus dignes de sa confiance. Y a-t-illk, jovous le demande, monsieur, quelque chose d'im- praticable Je comprends que le moyen que j'indique, appliqué aux élec tions générales,pourrait soulever de graves objections; mais it L'OPIMIOY On s'abonne a Ypres au bureau du Journal ehez Félix Limbin, imprimenr-libraire, rue de Bixmude, n« SS, et a Bruxelles cliez l'éditeur.Prix d'abonnementpour la Bclgique 8 fr. par an; 4 fr. 50 c. par semestre; pour l'dtrahger le port en sus. Un numéro 25 c. Prix des Annonces et des Réclames-10 c. la petite ligne; corps du journal 30 centimesIe tout payable d'avance. On traite a forfait pour les annonces souvent reproduites. Toutes lettres ou envois d'argent doivent ötre adressés fiunco au bureau du journal. Ypres, der octpbre

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