JOURNAL D'YPRES EÏ BE L'ARRONDISSEMENT. YPRES, Dimanche. 15 novembre 1868. Le Journal paratt lo dimanche de chaquc semaine. Laissez dire, laissoz-vous blumer, mais publiez votre pensée. Le Discours du Tröne. La presse libérale tout entière, l'exception de deux ou trois journaux officieusementministériels, constate avec tristesse la profonde insignifiance du discours du Tröne. Après les élections de juin, si désastreuses pour l'opinion libérale, il était permis decroireque le cabinet saisirait avec empressement l'occasion de la réouverture des Chambres pour raffer- mirpar quelques bonnes etflères paroles ceuxde ses amis qui, mesuran t la force denos adversaires a leur au- dace croissante, se laissent gagner de jour en jour par le découragement. On pouvait espérer aussi que le ministère ne voudrait pas laisser sans ré- ponse les insolentes menaces du congrès de Mali nes et qu'il tiendrait h coeur d'affirmer une fois de plus, en face de ses ennemis relevant la tête, son imperturbable volonté de marcher dans la voie de réforme et de progrès qu'il s'est tracée. L'attente générale a été décue. Au lieu du langage digne et ferme que lui commandaient h la fois le soin de sa dignité et les intéréts de son parti, le cabinet a mis dans la bouche du Roi un discours tellement pale, tellement effacé, que Vindépendance a pu dire avec justice qu'un ministère de Theux-Malou lui-même s'en serait trés bien accoimmodé. II est vrai, et les journaux ministériels prennent soin d'insister sur ce point, que le discours du Tröne maintient a l'or- dre dujour des Chambres la discussion des projets de loi précédemment annoncés. Mais le Journal de Liége, qui énumère ces différents projets avec tant de complaisance, n'a oublié qu'une chose, e'est que si le cabinet avait eu la faiblesse de les retirer, l'o pinion libérale se serait dressée contre lui comme un seul homme etl'aurait renversé du pouvoir.Nous en appelons au Journal de Liége lui-même et nous lui demandons si, dans l'hypothèse oh le ministère aurait déclaré, dans le discours du Tröne, qu'il re- tirait les projets de loi sur les bourses d'étude, sur les fabriques d'église et sur Ia réforme électo- rale, lui, un des plus vieux champions du libéra lisme, ne se serait pas joint a nous pour chasser du pouvoir les hommes qui auraient aussi lachement abandonné les intéréts de la cause libérale. Certes, nous sommes loin depenser quele minis tère aït eu, un seul instant, cette^ intention, mais nous nous refusons complètement a lui faire un mé rite de n'avoir pas trahi son parti et le Journal de Liége fera bien d'imaginer autre chose s'il veut ral lier la presse libérale a sa manière de voir. Quant a nous, nous passerions volontiers condamnation sur l'insigniflance du discours du Tröne, s'il n'était qu'insigniflant. Mais il y a, dans ce discours, une phrase, une seule, qui nous a vivement ému, c'est celle dans laquelle ie ministère constate que Ten et seignement public a tous les degrés répond aux voeux des populations Ou le ministère a-t-il puisé les éléments de cette conviction, en ce qui concerne spécialement l'instruction primaire Sans doute dans Tenquête que les journaux ont annoncée il y a quelque temps. Le ministère de l'intérieur, on s'eil souvient, a ouvert alors une enquête sur les ré- sultats de la loi de 1842; il s'est adressé pour cela k tous les instituteurs du royaume, et comme ceux-ci sont placés, de par la loi de 1842, sous la féuile du clero'é, ils ont naturellement répondu que ces résultats sont les plus satjsfaisants du monde. Iln'y avait pas a se faire illusion sur la valeur d une pa rodie enquête. C'est pourtant cette enquête, etcette enquête seule, qui a permis au ministère d affirmer cette chose incroyable, monstrueuse, que 1 ensei- gnément publich tous les degrés, satisfait aux veeux des .populations. Nos ministres ont done oublié que le congrès libéral a inscrit dans son pro gramme la revision de la loi de 1842? Or, il laut choisir ou bien le congrès libéral, qui réclamait cette revision, ne répondait pas aux vceux des po pulations, ou bien, il n'est pas vrai de dire, comme le dit le discours du Tröne, que Tenseignement pri maire est conforme au sentiment du pays. Nous le répétons sauf l'incroyable assertionque nous venons de relever, Ie discours du tröne 11e nous a nullement surpris. Le ministère, il fallait s'y attendre, persévère dans la politique qu'il a inau- gurée dès son arrivée au pouvoirni les enseigne- ments cruels du passé, ni les menaces dont l'avenir est chargé ne le feront dévier de la ligne de con duite qu'il s'est tracée. Nous le regrettons sincère- ment. Dans l'état actuel des partis, une politique ferme et résolue, marchant hardiment dans la voie des réformes, donnant a l'opinion libérale les satis factions qu'elle réclame pouvait seule, d'après nous et beaucoup de nos amis, conjurer les périls d'une situation trop tendue pour être durable. Le ministère en juge différemment; il accepte done et il consent porter a lui seul la responsabilité de l'avenir. Puisse-t-il donner tort a nos tristes prévi- sions Les elections de Bruges. De quoi s'agit-il et pourquoi le parti clérical se montre-t-il si ému? Des élections ont lieu, en juin dernier, k Bruges deux libéraux, MM. deYrière et de Ridder, un ca- tholique, M. Soenens, sont nommés membres de la Chambre des représentants. De vagues rumeurs ne tardent pas a circulcron dit tout haut, en public, que l'élection de M. Soenens est due a la corruption par Targent et h une indigne pression du clergé sur les électeurs. Ces rumeurs arrivent jusqu'au parquet, qui s'em- presse d'ordonner une enquête. Les inculpés sont interrogés, de nombreux témoins sont entendus. Bref, après une longue et minutieuse instruction, la chambre du conseil du tribunal de Bruges, saisie du rapport du juge d'instruction, décide qu'il n'y a pas lieu a suivre contre les prévenus. Arrive Touverture de la session législative. Trente-deux électeurs de l'arrondissementde Bruges adressent a la Chambre line protestation contre les élections brugeoises. Ils affirment, dans cette pro testation, que si les faits révélés par Tenquête judi- ciaire ne réunissent pas les caraetères voulus pour être légalement punissables, ils n'en sont pas moins tels qu'ils doivent nécessairement entraïner l'annulation du scrutin. Ils supplient la Chambre d'ordonner que cette enquête lui soit communiquée, persuadés, disent-ils, qu'après en avoir pris con- naissance, ellc sera complètement de leur avis. Cette pétition est renvoyée par la Chambre h la commission cnargée de lui faire rapport sur la va- lidité des élections de Bruges. Cette commission va sans doute demander communication immédiate de l'instruction judiciaire et vérifler sur cette instruc tion la véracité des pétitionnaires? II semble qu'elle n'ait pas d'autre marche a suivre, si elle veut té- moigner quelque souci de ses devoirs. Eli bien, pas du tout. La commission, composée de tous repré sentants cléricaux, sauf 1111 seul, décide qu'il ne sera donné aucune suite aux réclamations des pétition naires et conclut purement et simplement a la vali dation des élections. N'est-ce pas tout a fait édi- fiant Mais la Chambre n'entend pas les choses de cette fagon. Elle demande, avant de se prononcer, qu'il lui soit donné connaissance du fameux dossier qu'on cherche h lui escamoter. Lisons d'abord ce dossier, dit-elle, nous jugerons après. Aussitöt de tous les bancs de la droite s'élèvent de terribles cla mours. C'en est fait du régime parlementaire, s'écrie l'un; c'est de l'ostracisme,hurle l'autre.Un capitaine de grenadiers penétrant dans la Chambre pour faire main basse sur les principaux chefs de la minorité ne causerait pas plus d'émoi et de consternation. Pourquoi eet émoi, cette consternation? Si lélec- tion de M. Soenens est pure de tout reproche, le parti clérical, loin de s'opposer a la production de Tenquête, devrait être le premier a la réclamer, car elle lui offre un sur moyen de se disculper des soup- gons facheux qui pèsent sur lui. Mais en voyant la résistance désespérée qu'il a opposée au désir de la majorité on ne peut s'empêcher de supposer que la lumière lui fait peur et que toutes ces belles indi gnations ne sont qu'une vaine fanfaronnade destinée a égarer le sentiment public. Nous craignons beau coup pour lui qu'il n'y parvienne pas. C'est que, voyez-vous, Messieurs, nous vivons sous un prince ennemi de la fraude, un prince dont les yeux se font jour dans les cceurs, et que ne peut tromper tout Tart des imposteurs. Ce prince, c'est l'opinion pu blique, qui vous connaït trop bien que vous ayez encore quelque chance de Tégarer désormais. Nous le confessons en toute humiliténous nous sommes rendus coupables d'un grand crime. Nous avions pris le Progrès pour un journal facé- tieux; il est au contraire grave, sérieux comme un casque... remain et, pour nous en convaincre, il nous consacre deux colonnes de sa prose. Devant une démonstration aussi écrasante, force nous est de courber la tête. Dans un de nos précédents nos, après avoir com- paré les chififres et nous être rendu un compte exact des différentes péripéties de la lutte, nous avons donné notre appreciation sur la physionomie géné rale des élections communales dans Tarrondisse- ment d'Ypres. Nous trouvions dans les résultats offieiels la preuve que le parti libéral avait malheu- reusement subi des défaites; nous en recherchions les causesnous signalions les abus avec notre franchise habituelle. Mais ces reflexions et cette franchise ne sont pas du goüt du Progrès. A aucun prix il ne veut paraï- tre vaincu; a défaut d'une victoire réelle, il se con- tentera même des apparencespourvu qu'on ne le trouble pas dans sa somnolente quiétude. En vérité, on ne saurait être. de meilleure composition. A l'énumération que nous avons faite des différen tes localités, malheureusement trop nombreuses, oü notre parti a eu le dessous le 27 octobre, le Pro grès oppose le curieux raisonnement que voici II y avait a élire 461 conseillers; or, sur ce nom- bre 119 membres sortants ont été réélus, neuf li et béraux ont été remplacés par des cléricaux, dix cléricaux Tont été par des libéraux et enfin il y avait vingt-trois vacatures auxquelles il a été pourvu par la nomination de onze candidats clér ricaux et douze libéraux. Les calculs de notre confrère ne nous satisfont qua demi et nous aimons bien a aller au fond des choses. Aussi serions-nous fort tentés de lui demander combien, parmi cesll9 membres sortants, sont des cléricaux, quels sont ceux d'entre eux que Ton a vainement essayé d'éliminer, quels sont les antécé- dents politiques de quelques-uns des nouveaux élus libéraux et les gages qu'ils ont donnés au parti, quel appoint ils nous apporteraient en cas de lutte, et bien d'autres choses encore, si une déclaration so- lennelle du Progrès ne mettait un frein a notre au- dace. L'intérêt du parti (sic) exige, dit-il, que nous ne discutions pas le degré de libéralisme de chaque administration communale; cette discus- sion ne pourrait avoir lieu sans jeter des noms propres en pature a la curiosité publique, ni sans même désigner des amis dévoués k la vindiete de nos adversaires. Nous avions cru jusqu'ici que la curiosité publique avait tont intérêt k s'ingérer dans cette discussion, que le corps électoral avait le droit de connattre les principes de PREMIÈRE AMÉE. Wo 30. 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L’Opinion (1863-1873) | 1863 | | pagina 1