JOURNAL D'YPRES ET 1>E ^ARRONDISSEMENT YPRES, Dimanche- Première année. N° 36 27 Déc^mbre 1863 paraissant le Dimanche de chaque semaine. UNE CATASTROPHE. PRIX Q'ABONNEB!ENT POUR LA BE LGIOUE 8 francs par an 5 4 fr. 30 par semestrc. Pour l'Etrangcr, le port en sus. UN NUMÉRO 23 CENTIMES. PRIX DES ANNONCES ET DES RÉCLAMES 10 centimes la petite ligne. Corps du journal, 30 centimes. Laissez dire, laissez-vous bl&mer, mais publiez voire pcnsée. On s'abonne a Ypres, au bureau du journal, chez Félix Lambin, imp.-libr., rue de Dixmude, 53. On traite a forfait pour les annonces souvent reproduites. Toutes lettres ou envois d'argent doivent être adressés franco au bureau du journal. ïPRES, 27 déccmbrc. ÏÜE PARTI ©OWSERITATRITR Le grand parti catholique, ie parti beige eommedisait sijustement M. de Gerlacheau congres de Malines, vient de donner une nou- veiie preuve de son attachemenfc aux idéés d'ordreet de conservation dont il s'est cons- titué le défenseur devant le pays. Dans la séance de la Chambre des Heprésentants du 24 de ce mois, toute la gauche parlementaire, M. De Theüx en tête, s'est associée a l'agita- tion anversoise en repoussant l'ordre du jour qui déclarait définiLives et irrévocables les mesures prises par la legislature dans l'inté- rêt de la defense nationale. Nous n'avons pas a juger ici les réclama- lions élevées par la ville d'Anvers. Qu'en pourrions-nous dire après la réprobation uni- verselle qu'elles ont rènconlrée dans le pays lout entier? Mais ce que nous devons dire, c'est que Ie mouvement d'ou elles sont sorties est, au point de vue de l'unilé nationale, un mouvement sou vera inenient mauvais et con- damnable, et qu'en faisant cause commune avee lui, clans un vil intérèt de rancune ou d'ambilion, le parti catholique s'est désho- noré aux veux de tous les hommes qui ont encore quelque souci de la dignité du pouvoir el de notre nationalité. Ce qu'il faut que le pays saclte et comprenne, c'est que, pour gagncr quelques misérables voix, pour con- server a Anvérs Ia majórilé avee laquelle il espèrereconquérir bientót le pouvoir, legrand parti de l'ordre n'a pas rougi de tenclre Ia main a ces scandaleux meetings oü la per sonae de notre Hoi vénéré, noire chère natio nalité, tous les sentiments les plus purs, les plus palriotiques ont été lour a tour bafoués et livrés en pature a la risée publique.Ce qu'iï faut que ie pays sache et comprenne, c'est que ces hommes du Congres de Ma lines', qui se posent endêfenseursdésintéressés des prin cipes d'ordre et de stabilité, qui ne veulent pas du pouvoir, qui ne demandent qu'une chose, la liberie pour ieurs croyances reli- gieuses, que ces hommes, disons-nous, sont prêts a accepter tous les marches, a subir loutes les hontes, a pacliser avee toutes les rancunes pour resaisir le pouvoir et en chasser ceux qui résistent ii Ieurs exigences. Ce qu'il faut, c'est que le masque soit arraché a ces doueereux hypocrites et que le pays les voyant enfin tels qu'ils sont, s'en détourne avee dégout. On oublie vite en Belgique. Nous avions presque oublié l'altitude du parti catholique au lendemain du coup d'Etat du 2 décembre. Nous ne nous rappelions plus que très-confu- sément l'odieux langage de la presse cléricale de cetteépoque, si peu éloignée de nous cepen- dant, de cetie presse qui exploitait avee tant de bonheur les insolences de i'étrajiger. Tout au plus ce souvenait-on des articles pleins de menaces de M. Granier de Gassagnac repro- duits et commenlées par 1'Emancipation. L'oubli avait également couvert de son ombre et la triste coalition des ca- tholiques avee l'agitalion gantoise lors de la discussion du traité de commerce avee l'Angleterre et Ieurs sympathies baule- ment manifestées en faveur de l'incroyabie pélition des fabricants de sucre dans la dis cussion de la loi relative a l'abolilion des octrois. Tout cela était oublié, perdu dans le vague des souvenirs. Mais voici que de nou- veaux attentats nous forcent a nous rappeler le passéet le passé se dresse devant la con science du pays, aecusaleur et vengeur. üui, vengeur! car, après le paetelionteux qui vient d'etre conclu entre le parti libéral et L'OPINION LE TOUT PAYABLE I)'AVANCE. FKBH/MSTOW OK OK 8 3 OÉCKMKBÏSE. Suite.(Voir notre n° du 20 décembre). Ces allées est venues avaient demandé beaucoup de temps. Le cerveau se prenait de minute en minute. Tons les serviteurs étaient en larmes. Mademoiselle de Flamarens, a demi-évanouie, gurdait un rnorne silence entrecoupé de loin en loin de sanglots. On faisait respirer an malade des seis, des eaux de senteur le inal empirait visiblement. Les deux mcdecins arrivèrent enfin h pGu prés en même temps. lis se concertèrcnt leur réponse fut celle-ciII est bien tard. Une première saignée ne pro- duisit qu'un faible résultat. lis en firent une seconde presque arec le méme insuccès. II est perdu Ce mot retentit comme un glas.funèbre a Poreille de made moiselle de Flamarens. Outre-qu'elle aimait tendrement sou i'rère, toutes ses cspérances d'avenir s'évano'uissaient avee Ia vie du cardinal. De grace, messieurs, tcntez encore quelqucs remèdes. 11 fut répondn que tout ie. res te était des paliiatifs impuis- saiits. Hasardons une autre saignée; mais le maladc peut expirer entre nos mains. De grace basardez. Vous le sauverez peut-étre. La troisième saignée produisit un effet iriespcré. Le malade j.evint a lui-mèrae. II put parlor a sa soeur a ses médecins. Merci, messieurs, je me reconnais. Dieu sesert de vous poqr me donner 1e dernier des biens qu'un chrétieu puisse dc- inander a sa bonte, le temps de se preparer a pa rait re devant son'juge. Et s'adressant h son valet de chambre I réparez tout pour que je recoive les derniers saerements. Faitesuppeler un prêtre...M. Fabbc Julió.entendez-vous.ajoula, -il d'une voix plus ferme. Ma soeur, et vous mes amis, relirez- vous tous vous reviendrez quand on me mctlra en extreme, onctiou. Je sens que les moments sont courts. J'ai besion de pen- ser .i ma conscience. Julio mpntait a sou appartement situé dans une des ailes du palais episcopal, quand il fut abordé par le valet de chambre qui lui appril le triste événement, et lui fit connaïtre l'intcation du card in'al. Julio orriva en tremblant auprès du maladc. Cher eiifrut, lui dit ie vieillard, c'est vous qui me rccon- ciliexez avee Dien et qui reccvroz 111011 dernier soupir. Mes mi nutes sont comptées. Panvre Julio, voilé bien petite, xlcvant vous, une de ces grandeurs de la terra.. Asseyez vous pres de mon clievct, bénissez-moi et entendez ma confession. Des larmes mouillèrènt les yeux du jeune prêtre. Un cardinal, un archevéque.-élait le premier penitent sur la tête duquel'il allait prononcer, au nom duBieu qui pardonne, uueseuteueede rêconcilialion- Le cardinal d'une voix ferme, distincte, s'accusa avee une profonde douleur de tous les pccliés graves do sa vie «itière, puis courba sa tête blatichie sous la main du jeune prêtre, mi- nistre du sacremcnt. Maintenant, embrassons-nous, Julio, dit le cardinal. Je voudrais vous léguer un souvenir de moi, vous donner une preuve de ma vive affection. Préscntcz-mui votre main,cett main qui, pour la dernière fois, s'est levêe sur ma tête en signe du pardon que l)ieu, je l'espère, aura accordéa un pcclieur. Vous voici mon anneau pastoral. Promcttez-moi que, quelle que soit votre destinée sur la terre, cardinal de l'Église roinaine, ou pau- vre cuté oublié dans quelque village, vous ne quitterez jamais ce souvenir. Éminence, je vous le promets. Et baisant la main du vieillard, il recut l'anneau et le placa a son doigt. Ne m'annelez »'"s Éminence, mon ami maintenant, cel» me fait mal. A-t-on jamais appelé Éminence le fits du charpen- tier? Par moil age, je suis un père pour vous par mon cumr, qui vous aime, je suis un ami. Je suis heureux de la pensee que mon dernic?r soufile s'écbappera en presence de vos bons regards et que votre main si noble et si pure me fermera les paupières. Eeoutcz-moi a cett heure vous allez recevoir le testament spirituel d'un mourant. Jemeurs dansleseinde l'Église eatliolique apostolique et romaine, dont j'ai été prêtre, évêque et cardinal. Prêt a paraitre devant celui qui est la vérilé imtnuable, je declare que c'est a contre-coeur et avee une evtrèine repugnance que, pendant plus de quarante ans de ma vie sacerdotale et' episcopale, j'ai suivi la voie dangereuse dans laquelle s'est jeté le clergé catholique. 11 m'a fallu comprimer les plus nobles ins tincts de mon 4me, dévorer les remoi'ds de ina conscience, me faire une violence pour ne rien laisser perccr, dans nos entre-' tiens, de mes convictions iutiines, des saintes lumières que Dien m'üvait donnêcs sur la direction qu'il importerait de prendre dans la conduite de l'église. J'ai dü a cette force de compression sur moi-même, d'avancer rapidement dans les honneurs. Je le savais, il fallait choisir entre ces dignités qui fl-attaient mon ambition, et une vie agitée, per- sécutée même. J'ai été faible j'ai reculé devant la gloire et les souffrances de l'apostolat nouveau j'ai pvéféré cette vaine gran deur de la pourprc. Pour arriver la, j'ai tü la vérilé, je l'ai Irahie. Cher Julio, je vous charge de mes retractations a la face du monde chrétieu. Ma conscience me l'imposê et la hardiéssede votre langage en ma préscnce, lorsque vous nesavicz pas encore a quel point vos idees étaient celles de loule ma vie, eft une garantie du courage que vous aurez a rendre publiques mes dernières vqlontés. Je me reproehe vivement l'hypocrisie appa- reute dans laquelle j'ai vécu. Elle n'était pas dans mon cumr car j'ai toujours abhorré i'hypocrisic. (.1 to ntinuer).

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L’Opinion (1863-1873) | 1863 | | pagina 1