la so.maim:.
l'isolement des malades, et nous sommes convaincus
que c'est ceile qui est le plus chauderaent et le plus
universellement recommandée par tous nos médecins,
sans exception.
C'est dans les basses classes, dans les quartiers
populeux, que les épidémies en général se déclarent
tout d'abord; c'est lit aussi qu'elles font le plus de
victimes, précisément paree que la densité de la po
pulation, jointe k l'exiguïté des habitations, en rendant
l'aération piesque impossible, répand plus aisémen
et plus rapidement les miasmes délétères, qui engen-
drent et propagent la maladie. Notre kme se navre de
douleur quaud nous reportons nos seurenirs au déso-
lant spectacle dont nous avons été témoins, ilyaquel-
ques jours.
Dans in taudis infect, oü l'on trouve k peine l'es-
pace nécessaire pour se remuer, cinq personnes étaient
couchées; le père etlamèreserelevaient de la maladie,
ils étaient k peine convalescents. Les trois enfants, se
vautrant pêle-mêle sur un même grabat, en étuient
atteints au plus haut degré. L'air nauséabond qu'ex-
halait cette triste demeure, en défecdait presque l'en-
trée et nous no croyons pas que la personne la plas
courageuse et la plus dévouée edt réussi k y rester
plus de cinq minutes. Pourtant, chose déplorable
dire, nous avons la conviction que nous n'avons pas
tout vu et qu'il y a vingt, trente, quarante ménages,
darantage peut-être, dans des conditions plus mau-
vaises encore, si c'est possible.
Est-il tonnant après cela que la contagion se ré-
pande rapidement! Et qu'a-t-on fait pour remédier k
eet état de choses Rien ou presque rien. Nous som
mes, sous de certains rapports, une ville particulière-
ment favorisée. Nous possédons de vastes locaux qui,
pour la plupart, entourésde murailleset éloignés des
centres habités, offrent toutes les facilités désirables
pour isoler les malades. Nos établissements de bien-
faisance sont riches, ils ne doivent pas regarder k
quelques frais d'iustallation, quand la nécessité, l'ur-
gence s'en fait sentir. Et oserait-on soutenir que cette
urgence n'existe pas aujourd'hui?
On répoudra sans nul donte, nous neus y attendons
bien, que le premier germe de la variole s'est mani
festé chez les enfants et qu'un article du règlement
d'ordre défend de recevoir k l'höpital des enfante kgés
de moins de 9ans. C'est vraiil existe une disposi
tion semblable dans le règlement qui fut confectionné
lors de la création de l'hópital, et ce règlement, qui
avaitalors probablement sa raison d'être, fonctionne
encore de nos jours, comme si les temps n'avaient pas
changé et que les circonstances fussent restées inva-
riablement les mêmes. Mais, si l'on tient absolument k
conserver cette vieille défroque du passé, ne peut-on
pas du moins y faire exception en ce moment et l'état
sanitaire de toute une ville ne vaut-il pas le sacrifice
momentané é'un article de règlement
11 faut penser que non, puisqu'aucune mesure indi-
quée par la prudence n'a été prise. Aujourd'hui, de
progrès en progrès, Ia maladie est entrée dans les mé
nages bourgeois et jusque dans les salons luxueux du
riche. Son butin n'était plus assez grand chez le pau-
vre, clle est venue faire des victimes indistinctement
dans toutes les classes de la société.
Mais ce n'est pas tout encore; elle n'est plus circons-
crite dans la ville d'Ypres seulement. Les transactions
commerciales du samedi et les rapports de nos cam-
pagaards avec la ville en ont infecté les communes en-
vironnanteset dans plusieurs d'entre elles, elle se ré
pand avec une effroyable tenacité.
Ouvrira-t-oti enfin les yens? Nous voodrions pou-
voir l'espórer. Le médecm qui prodigue sa science et
son dévouement, le prêtre nou pas celui qui se
transforme en courtier électoral, Ia menace k la bouche
et la haine au c<eur,—mais levrai prêtre qui, compre-
nant et aimant les obligations que sa mission lui im
pose, va s'asseoir au chevet du malade pour le récon-
forter, le soutenir deses paroles de paix et d'am our,—
le médecin et le prêtre exposent leur existence. C'est
leur devoir, dit-on, et 1 on ne s'en préoccupe pas au-
trement. Et l'autorité n'a-t-eile done aucun devoir?
Après cinq mois d'inaction, il est temps d'y songer.
La voix publique exprime hautement sa désapproba-
i ion.
Pour nous, nous voudrions croire encore qu'on
•saura enfin se mettre k la hauteur des circonstances
et prendre des mesures énergiques pour arrêter la
propagation du mal. Mieux vaut tard que jamais! Puis-
seut ils comprendre, ceuxque la chose concerne, que
s'endormir plus longtcmps dans une coupable indif
ference, c'est accroïtre chaque jour une responsabi-
lité.déjk bi«n lourde.
CONFÉRENCE DE. M, BANCEL
Depuis plusieurs annóes déjk des conférences
sont organisées dans les principales villes du pays;
parioul elles ont obtenu un grand et legitime suc
ces et elles se sont élevées, pour ainsi dire, a la hau
teur d'uue institution communale.
C'est qu'en efifet rien n'est plus propre k entre-
tenir la vie intellectuelle dans une cité que ces reu
nions oü Ton vient écouter les entretiens familiers
de ces hommes distingués, les uns, auteurs char
mants, orateurs éminents, les autres, savants éru-
dits, penseurs profonds, tous amis du progrès, qui
se sont donué la noble mission d'instruire en amu
sant.
Nous avions eu le bonheur d'assister a quelques-
unes de ces soirees de l'intelligence. Elles nous
avaient si vivement intéressé et nous en avions res-
senti des emotions si douces que nous aspirions au
jour oti notre ville entendrait a son tour ces voix
éloquentes. Les temps étaient venus. Les nièmes
aspirations existaient ches nos concitoyens. Aujsi
s'est on rendu avec empressement la conférence
de M. Bancel, comme une véritable féte. Nous
ne parions pas de ces amis de l'ombre et du silence
qui s'eiïorcent d'étouffer la pensée humaineetd'era-
pècher la lumière de luire. Qu'ils dorment en paix
dans les colonnes du Prepagateur!
Nous remercions de nouveau de tout cceur l'ad-
ministration communale d'avoir mis un salon de
J'Hótel de Ville la disposition des souscripteurs et
d'avoir fait M. Bancel un accueil cordial.
M. Bancel avait choisi La Fontaine pour sujet de
son entretien.
En le choisissant, ce bonhomme qui est l'ami de
lout le monde, méme des petits enfants, lorsqu'ils ne
craignent pas d'être punis pour ne pas savoir leur
fable, il nous disait Je viens vers vous en ami et,
si vous le voulez, nous nous réunirons iei chaque
hiver pour causer ensemble littérature, comme ce
bon La Fontaine allait a Paris rue du Vieux Co-
lombier causer avec ses cbers amis Racine, Molière
et Roileau
Nous acceptons, Monsieur, et tous vos auditeurs
acceptcront avec empressement ce charmant ren
dezvous.
La notice sur la vie de l'auteur dont on a i ap-
préeier les ceuvres est la partie aritle d'une confé
rence. Ces détails, surtout lorsqu'il s'agit d'un
éerivain aussi connu que Lafontaine, n'ont rien de
nouveau pour personne. Cependant, M. Cancel a
su rendre trés-intéressants le récit de la jeunesse
du fabuliste et le portrait de son caractère. C'eit,
qu'en effet, il n'est pas seulement orateur, mais
•ussi causeur spirituel et caustique. Avec quelle
verve et quelle finesse il nous montrail Lafontaine
entrant au séminaire et s'imaginant un certain
temps étre né pour la carrière ecclésiastique, puis,
ayant reconnu son erreur, menant pendant quel
ques années une vie de désceuvrement et de rêve
rie, se iaissant enfin marier a vingt-six ans par son
père, qui voyait dans le mariage un moyen héroï-
que de réformer sa conduite et dont il recut en
méme temps l'investiture de la charge de maitre
des eaux et forêts 1
Mais, esprit rèveur et distrait, toujours plongé
dans Ia méditation ou dans la contemplation de la
mère-nature,le poëie n'txerca ces imporiantes fonc-
tions que par de longues promenades dans les bois
et au bord des ruisseaux. II ne s'occupa point da-
vantage de sa femme et on le vit plus tard, lorsqu'il
habitait Paris, partir.pour aller la rejoindre k Cha
teau-Thierry, s'arrèter en route chez un ami et
revenir sur ses pas. II est vrai que Mm° de La Fon
taine aimait beaucoup les romans, et k ce sujet
M. Bancel nous a lu une letlre fort curieuse de
l'auteur des fables. Mais, comme il i'a dit ce
n'est point Ik une cause de divorce.
Ce qui distingue peut-être le plus Ie génie de La
Fontaine de tous les grands écrivains du siècle de
Louis XIV, c'est i'amour de ia nature. La Fontaine
et M""de Sévigné sont les seuls auteurs de cette
époque qui aient le gout des champs.
Ami et disciple de Victor Hugo, M. Bancel ap-
partient en littérature comme én politique k l'école
du grand poëte. Aussi s'est-il attaché surtout a ce
trait du caractère du fabuliste. II nous a lu ces
vers si pleins de charme de l'épilogue du Songe d'un
habitant du Hogol
Les poésies de Victor Hugo se pressent sur les
lèvres quand on vante les beautés de la nature!
Comment résister k l'attrait de ces vers souples
comme les lianes des bois, embaumés de tous les
parfums des fleurs, et surtout de ceite oeuvre ra
vissante Ce qui se passait aux Feuillautines vers
1813? La Fontaine, ce tendre ami des vallons et
des prés, ne se plaindra pas si on l'oublie un in-
slant pour lire le discours si plein d'harmonie et
de tendresse, en méme temps si profond, que les
jeunes roses et toutes les douces choses du beau
jardin adressèrent a la mère d'Hugo.
Tout cela élait charmant; cette causerie aux al
lures vives et piquantes, aux accents doux et péné-
trants, plaisait infiniment, surtout aux dames qui
n'avaient pas craint de venir écouter la parole d'un
professeur de l'Université de Bruxelles, accuse de
rien de moins que d'immoralité. Honneur k elles!
Cet homme immoral, dont toute l'immoralité
eonsiste k ne pas étre un dévot, a reproché it La
Fontaine l'oubli de ses devoirs conjugaux, sinou de
cette voix tonnante et grosse d'invectives qu'il laisse
avec soin k certains prédicateurs fameux, du moins
avec esprit.
II a déclaré, en outre, qu'il ne s'occuperait pas
des Contes, dont il ne voudrait pas donner lecture,
ear jamais sa parole ne fera rougir la pudeur.
La Fontaine se distingue par un grand amour
d'indépendance Jamais ii ne fut ni courtisan ni
flatteur, et il ne regut pas, comme Ia plupart des
écrivains de son temps, les faveurs du grand roi.
Ses fables abondent en satires contrc la cour.
Ami du surintendant Fouquet, il fut fidéle k l'ami-
tié; il suivit dans l'exil celui qui l'avait présenté k
ce protccteur, son oncle Jannart, condamné comme
ami de Fouquet et comme soa subsiitut dans sa
charge de procureur général au Parlement. Dans
l'espoir d'adoucir les juges et d'apaiser le Roi, il
écrivit alors cette belle élégie adresséeaux nymphes
de Vaux, morceau le plus touchant et le plus par
fait en ee genre que possède la littérature fran-
Caise. C'est la seule oeuvre qu'il publia tant qu'il
craignit pour Ia vie du surintendant.
Homme de conviction, martyr de ses opinions,
M. Bancel devait louer avec chaleur cette noble
conduite du poëte. 11 a saisi l'occasion de flétrir
ces ames basses qui n'ont d'autre souci que l'inté-
rèt de leur ambition et qui se prosternent devaiit
let puissants, quels qu'ils soient, qui s'agonouillent
devant les idoles du jour, statues d'or aux pieds
d'argfle. On a un peu critique ectte digression.
Nons ne pouvons adhérer k cette critique ce qui
constitue l'originalité de M. Bancel, c'est qu'il n'est
pas teulement un causeur agréable et un conteur
spirituel, mais surtout un coeur aux aspirations gé-
néreuses, aux convictions solide».
Son but dans ses entretiens littéraire» n'est pas
de faire connaftre les détails plus ou moins intéres
sants de la vie des écrivains qu'il apprécie, et de
montrer ensuite, k la manière d'un pedagogue, les
beautés du style, la valeur du plan. II étudie sur
tout la pensée; il recherche an point de vue de la
morale, de la philosophic et de la politique, leg
manifestations de l'esprit humain.
Cette étude est féconde elle nous montre l'hti-
manité aspirant sans cesse k une morale éternelle
basée sur la bonté et la eharité, k une philosophic
basée sur Dieu et Ia Raison, k un état politique et
social basé sur le droit et la justice fécondés par Ia
liberté.
Or, cette étude est impossible sans ces rappro
chements qui appeilent le présent en témoignage
de la justesse et de la vérité des pensees du passé.
Lk est i'enseignement de ces conférences littéraire®
qui sans cela s'abaisseraieot k n'ètre plus qu'un
agréable passe-temps.
Proserit au 2 décembre, aujourd'hui exilé volon
taire par amour de la liberté et par conscience
comme La Fontaine, par fidélité l'amitié, il ap'
parienait k M. Bancel de fiageller les hommes pour
qui la dignité du caractère, l'indépendance et la li
berté ne sont pas les plus précieux des biens et qui
sont loin de tenir comme Le bonhomme les trésors
chose peu nécessaire.
Nous ne nous plaindrons pas de cette manière
élevée d'étudier la littérature qui nous a valu a pro
pos de la fable du Paysan du Danube cette vigou-
reuse protestation en faveur de l'indépendance dei
peuples et conlre les annexions impossibles, qui a
été si chaleureusement applatidie. M. Bancel a eu
SUR
Solitude oü je trouve une douceur se^rètc,
J.ieux que j'aimai toujours, ne pourrai-je jamais.
I.oin du rnontlc ct du bruit goülor l'ombre et le frais
Oh.' qui m'arrêtera sous vos sombres asiles!